Texte intégral
Editorial de Mme Arlette Laguiller
Paru dans Lutte ouvrière
Le 12/06/2001
QUI VOTERA LA LOI GUIGOU, DIRA OUI AUX LICENCIEMENTS
La participation du Parti Communiste Français à la manifestation du 9 juin a été relativement modérée par rapport à la manifestation du 16 octobre 1999, et la question que l'on peut aujourd'hui se poser est de savoir si les députés du PCF voteront ou pas contre la loi Guigou.
Cette loi n'empêchera pourtant pas un seul licenciement "boursier", ou plus généralement économique, de la part des entreprises qui font des profits énormes, ou de celles qui affichent de moins bons résultats, mais dont les actionnaires sont déjà immensément riches par ailleurs (quand ces actionnaires ne sont pas tout simplement d'autres sociétés, qui elles font des profits).
La seule obligation que prévoit la loi Guigou pour une direction qui veut licencier, c'est de permettre au comité d'entreprise de discuter ce qu'on appelle hypocritement un "plan social" (en fait un "plan anti-social"). Mais est-ce que le Comité d'entreprise pourra s'opposer à ce plan ? Bien sûr que non. Il pourra juste en discuter les modalités. Car en cas de désaccord, comme d'habitude, c'est la position patronale qui prévaudra.
Robert Hue a déclaré que les discussions avec le gouvernement continuent, mais qu'en l'état, le PCF ne votera pas cette loi. Est-ce que cela veut dire que les députés du PCF se contenteront de s'abstenir, ou qu'ils voteront contre pour obliger le gouvernement à la remettre en chantier.
Il est pourtant scandaleux que des actionnaires immensément riches, que des grandes sociétés, pour faire encore plus de bénéfices, et faire monter leurs actions en Bourse, licencient des centaines, voire des milliers de salariés. Des salariés qui ont parfois 10 ans, 20 ans ou 30 ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui se retrouvent sans rien, alors qu'ils ont contribué pendant des années à enrichir des actionnaires qui les jettent comme on se débarrasse d'un kleenex usagé.
Le monde du travail ne peut pas accepter cette menace permanente.
Ce n'est pas du gouvernement socialiste qu'on peut attendre l'interdiction de telles pratiques, de tels licenciements. Guigou et ses collègues prétendent qu'il est impossible d'interdire les licenciements, que ce serait paralyser les entreprises. Mais ce n'est qu'un mensonge et une hypocrisie de plus.
Diminuer les profits des actionnaires, ce n'est pas paralyser les entreprises. Par contre, ceux qui ferment des entreprises et jettent des travailleurs à la rue, ne les paralysent pas, ils les assassinent.
Mais l'interdiction des licenciements, ce n'est pas le gouvernement, qu'il soit socialiste ou de droite, qui l'imposera.
Interdire les licenciements, c'est possible. Mais ce sont les travailleurs eux-mêmes qui devront le faire. Tous les travailleurs.
Les travailleurs peuvent contrôler les comptes des entreprises, vérifier la manière dont elles fonctionnent, réquisitionner les bâtiments, les machines et les usines et les faire fonctionner à prix coûtant. Car ce que veulent les travailleurs, c'est un salaire. Ils n'ont pas besoin de faire des bénéfices en plus.
Bien sûr, si cela ne se faisait que dans une seule entreprise, ce ne serait pas possible. Mais si cela se passe dans des milliers d'entreprises du pays, et met en branle deux ou trois millions de travailleurs, tout cela deviendra possible.
C'est pourquoi, lors de l'élection présidentielle de 1995, j'ai dit durant toute la campagne que pour éviter de voir les travailleurs de plus en plus soumis aux diktats des marchés financiers, il fallait un plan d'urgence qui, entre autres, interdise les licenciements dans toutes les grandes entreprises, en particulier dans celles qui osent vouloir le faire alors qu'elles affichent des profits, et cela sous peine de réquisition par les travailleurs.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 14 juin 2001)
Editorial de Mme Arlette Laguiller
Paru dans Lutte ouvrière
Le 19/06/2001
LOI GUIGOU, CAUTERE SUR UNE JAMBE DE BOIS. IL FAUT INTERDIRE LES LICENCIEMENTS !
Quelle que soit la décision du tribunal de commerce, 2000 travailleurs des compagnies AOM et Air Liberté, des ouvriers d'entretien aux pilotes en passant par les employés, seront licenciés. On affirme qu'il n'y a pas le choix car l'entreprise est en déficit. Mais le principal actionnaire de l'entreprise, le groupe Marine-Wendel dont le baron Seillière est le président, lui n'est pas en déficit. Seillière considère qu'après avoir suffisamment encaissé leur part de profit dans le passé, les actionnaires de son groupe ont intérêt à retirer maintenant leurs capitaux pour les placer ailleurs. Quitte à faire 2000 chômeurs de plus ! Son choix est identique pour Valéo, avec 600 licenciements à la clé. Même comportement de la part de Bata, multinationale de la chaussure qui, pour enrichir encore plus ses propriétaires, ferme son usine de Moussey, et tant pis pour les travailleurs comme pour la région.
Certains ministres "désapprouvent" l'attitude de Seillière, d'autres parlent de scandale. Mais le gouvernement ne fait rien. Il est au service de cette organisation économique où les possesseurs de capitaux disposent à leur guise de la vie des travailleurs qui les ont enrichis.
Une trentaine de grandes entreprises ont des plans de licenciements en cours. La plupart rapportent de gros profits et sont riches à milliards, et même quand ce n'est pas le cas, leurs actionnaires le sont. Et combien d'autres plans se préparent dans le secret des conseils d'administration ?
Tous les travailleurs, quels qu'ils soient, sont en fait sous la menace de licenciements collectifs. Ce n'est pas la nouvelle loi Guigou qui les en protégera. Après avoir joué les matamores pour la galerie, le PCF a voté cette loi et ses dirigeants ont même le cynisme de crier victoire. Mais la loi Guigou, même avec les amendements du PCF, n'empêchera pas un seul licenciement. La seule innovation est l'invention d'un médiateur que le CE pourra saisir. Mais si le CE et le médiateur peuvent donner un avis, c'est toujours le patron qui décide. Cela revient au mieux à prolonger le préavis de licenciement d'un mois ou deux. Mais qu'est-ce que cela changera pour les travailleurs jetés à la rue après 20, 30 ans ou plus dans l'entreprise et dont beaucoup n'ont plus d'espoir de retrouver du travail, si ce n'est un travail précaire, mal payé, avec ce que cela implique comme perte pour la retraite ?
En votant la loi Guigou, la direction du PCF a choisi le camp des licencieurs. Elle gardera peut-être ses ministres mais elle ne l'emportera pas au paradis. Malheureusement, ce sont les travailleurs en général et les militants du PCF en particulier qui en paieront le prix.
Pour protéger les travailleurs, il faut interdire les licenciements sous peine de réquisition. Les profits des entreprises doivent servir à financer le maintien des emplois. Que ces profits soient accumulés dans l'entreprise même ou qu'ils aient déjà été répartis parmi les actionnaires, l'argent existe, même si son utilisation est cachée par le secret des affaires.
Lâchés par leurs semblables, Roland Dumas, ex-ministre et ex-président du Conseil constitutionnel, et Le Floch-Prigent, ex-PDG d'Elf, commencent à se mettre à table et à lâcher des faits et des noms, comme des petits voyous pris en faute. Ce n'est qu'un petit rayon de lumière sur la réalité. Et cette réalité, c'est que les milliards accumulés par la sueur des travailleurs, par l'aggravation de leurs conditions d'existence et, le cas échéant, par les licenciements, alimentent des circuits de corruption au vu et au su des sommets de l'Etat et, surtout, sont gaspillés par un système économique dément.
Voilà pourquoi les travailleurs doivent modifier le rapport de forces pour contrôler la comptabilité des entreprises et la fortune de leurs actionnaires. Ce contrôle démontrerait non seulement que les licenciements collectifs ne sont jamais justifiés, mais qu'il y a largement assez d'argent pour donner du travail à tous avec un salaire correct. Il faut frapper les licencieurs à ce qui remplace leur coeur, c'est-à-dire à la caisse.
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 20 juin 2001)
Paru dans Lutte ouvrière
Le 12/06/2001
QUI VOTERA LA LOI GUIGOU, DIRA OUI AUX LICENCIEMENTS
La participation du Parti Communiste Français à la manifestation du 9 juin a été relativement modérée par rapport à la manifestation du 16 octobre 1999, et la question que l'on peut aujourd'hui se poser est de savoir si les députés du PCF voteront ou pas contre la loi Guigou.
Cette loi n'empêchera pourtant pas un seul licenciement "boursier", ou plus généralement économique, de la part des entreprises qui font des profits énormes, ou de celles qui affichent de moins bons résultats, mais dont les actionnaires sont déjà immensément riches par ailleurs (quand ces actionnaires ne sont pas tout simplement d'autres sociétés, qui elles font des profits).
La seule obligation que prévoit la loi Guigou pour une direction qui veut licencier, c'est de permettre au comité d'entreprise de discuter ce qu'on appelle hypocritement un "plan social" (en fait un "plan anti-social"). Mais est-ce que le Comité d'entreprise pourra s'opposer à ce plan ? Bien sûr que non. Il pourra juste en discuter les modalités. Car en cas de désaccord, comme d'habitude, c'est la position patronale qui prévaudra.
Robert Hue a déclaré que les discussions avec le gouvernement continuent, mais qu'en l'état, le PCF ne votera pas cette loi. Est-ce que cela veut dire que les députés du PCF se contenteront de s'abstenir, ou qu'ils voteront contre pour obliger le gouvernement à la remettre en chantier.
Il est pourtant scandaleux que des actionnaires immensément riches, que des grandes sociétés, pour faire encore plus de bénéfices, et faire monter leurs actions en Bourse, licencient des centaines, voire des milliers de salariés. Des salariés qui ont parfois 10 ans, 20 ans ou 30 ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui se retrouvent sans rien, alors qu'ils ont contribué pendant des années à enrichir des actionnaires qui les jettent comme on se débarrasse d'un kleenex usagé.
Le monde du travail ne peut pas accepter cette menace permanente.
Ce n'est pas du gouvernement socialiste qu'on peut attendre l'interdiction de telles pratiques, de tels licenciements. Guigou et ses collègues prétendent qu'il est impossible d'interdire les licenciements, que ce serait paralyser les entreprises. Mais ce n'est qu'un mensonge et une hypocrisie de plus.
Diminuer les profits des actionnaires, ce n'est pas paralyser les entreprises. Par contre, ceux qui ferment des entreprises et jettent des travailleurs à la rue, ne les paralysent pas, ils les assassinent.
Mais l'interdiction des licenciements, ce n'est pas le gouvernement, qu'il soit socialiste ou de droite, qui l'imposera.
Interdire les licenciements, c'est possible. Mais ce sont les travailleurs eux-mêmes qui devront le faire. Tous les travailleurs.
Les travailleurs peuvent contrôler les comptes des entreprises, vérifier la manière dont elles fonctionnent, réquisitionner les bâtiments, les machines et les usines et les faire fonctionner à prix coûtant. Car ce que veulent les travailleurs, c'est un salaire. Ils n'ont pas besoin de faire des bénéfices en plus.
Bien sûr, si cela ne se faisait que dans une seule entreprise, ce ne serait pas possible. Mais si cela se passe dans des milliers d'entreprises du pays, et met en branle deux ou trois millions de travailleurs, tout cela deviendra possible.
C'est pourquoi, lors de l'élection présidentielle de 1995, j'ai dit durant toute la campagne que pour éviter de voir les travailleurs de plus en plus soumis aux diktats des marchés financiers, il fallait un plan d'urgence qui, entre autres, interdise les licenciements dans toutes les grandes entreprises, en particulier dans celles qui osent vouloir le faire alors qu'elles affichent des profits, et cela sous peine de réquisition par les travailleurs.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 14 juin 2001)
Editorial de Mme Arlette Laguiller
Paru dans Lutte ouvrière
Le 19/06/2001
LOI GUIGOU, CAUTERE SUR UNE JAMBE DE BOIS. IL FAUT INTERDIRE LES LICENCIEMENTS !
Quelle que soit la décision du tribunal de commerce, 2000 travailleurs des compagnies AOM et Air Liberté, des ouvriers d'entretien aux pilotes en passant par les employés, seront licenciés. On affirme qu'il n'y a pas le choix car l'entreprise est en déficit. Mais le principal actionnaire de l'entreprise, le groupe Marine-Wendel dont le baron Seillière est le président, lui n'est pas en déficit. Seillière considère qu'après avoir suffisamment encaissé leur part de profit dans le passé, les actionnaires de son groupe ont intérêt à retirer maintenant leurs capitaux pour les placer ailleurs. Quitte à faire 2000 chômeurs de plus ! Son choix est identique pour Valéo, avec 600 licenciements à la clé. Même comportement de la part de Bata, multinationale de la chaussure qui, pour enrichir encore plus ses propriétaires, ferme son usine de Moussey, et tant pis pour les travailleurs comme pour la région.
Certains ministres "désapprouvent" l'attitude de Seillière, d'autres parlent de scandale. Mais le gouvernement ne fait rien. Il est au service de cette organisation économique où les possesseurs de capitaux disposent à leur guise de la vie des travailleurs qui les ont enrichis.
Une trentaine de grandes entreprises ont des plans de licenciements en cours. La plupart rapportent de gros profits et sont riches à milliards, et même quand ce n'est pas le cas, leurs actionnaires le sont. Et combien d'autres plans se préparent dans le secret des conseils d'administration ?
Tous les travailleurs, quels qu'ils soient, sont en fait sous la menace de licenciements collectifs. Ce n'est pas la nouvelle loi Guigou qui les en protégera. Après avoir joué les matamores pour la galerie, le PCF a voté cette loi et ses dirigeants ont même le cynisme de crier victoire. Mais la loi Guigou, même avec les amendements du PCF, n'empêchera pas un seul licenciement. La seule innovation est l'invention d'un médiateur que le CE pourra saisir. Mais si le CE et le médiateur peuvent donner un avis, c'est toujours le patron qui décide. Cela revient au mieux à prolonger le préavis de licenciement d'un mois ou deux. Mais qu'est-ce que cela changera pour les travailleurs jetés à la rue après 20, 30 ans ou plus dans l'entreprise et dont beaucoup n'ont plus d'espoir de retrouver du travail, si ce n'est un travail précaire, mal payé, avec ce que cela implique comme perte pour la retraite ?
En votant la loi Guigou, la direction du PCF a choisi le camp des licencieurs. Elle gardera peut-être ses ministres mais elle ne l'emportera pas au paradis. Malheureusement, ce sont les travailleurs en général et les militants du PCF en particulier qui en paieront le prix.
Pour protéger les travailleurs, il faut interdire les licenciements sous peine de réquisition. Les profits des entreprises doivent servir à financer le maintien des emplois. Que ces profits soient accumulés dans l'entreprise même ou qu'ils aient déjà été répartis parmi les actionnaires, l'argent existe, même si son utilisation est cachée par le secret des affaires.
Lâchés par leurs semblables, Roland Dumas, ex-ministre et ex-président du Conseil constitutionnel, et Le Floch-Prigent, ex-PDG d'Elf, commencent à se mettre à table et à lâcher des faits et des noms, comme des petits voyous pris en faute. Ce n'est qu'un petit rayon de lumière sur la réalité. Et cette réalité, c'est que les milliards accumulés par la sueur des travailleurs, par l'aggravation de leurs conditions d'existence et, le cas échéant, par les licenciements, alimentent des circuits de corruption au vu et au su des sommets de l'Etat et, surtout, sont gaspillés par un système économique dément.
Voilà pourquoi les travailleurs doivent modifier le rapport de forces pour contrôler la comptabilité des entreprises et la fortune de leurs actionnaires. Ce contrôle démontrerait non seulement que les licenciements collectifs ne sont jamais justifiés, mais qu'il y a largement assez d'argent pour donner du travail à tous avec un salaire correct. Il faut frapper les licencieurs à ce qui remplace leur coeur, c'est-à-dire à la caisse.
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 20 juin 2001)