Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi sur l'audiovisuel, à l'Assemblée nationale, Paris, le 21 avril 1999.

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Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Les débats ont été longs et complexes, mais le résultat est à la mesure des efforts consentis, et de lenjeu pour notre société.
La télévision, la radio, les nouveaux services audiovisuels sont aujourdhui, je le rappelle, le premier mode dinformation des citoyens, leur source principale de savoir, de culture et de divertissement.
Avec le second volet de mesures que le gouvernement a adopté aujourdhui et qui vient sajouter au projet de loi déjà déposé, cest une réforme démocratique, moderne et équilibrée qui viendra en débat au Parlement le 18 mai prochain.
Démocratique, elle assure le renforcement dun service public essentiel dans la vie quotidienne des français, celui de laudiovisuel, qui voit ses moyens très considérablement augmentés et ses missions précisées.
Moderne, elle organise le développement pluraliste de loffre de services de radio et de télévision, à lère du numérique et des bouquets, sans sacrifier lexception culturelle.
Equilibrée, elle trace une perspective davenir à laudiovisuel public tout en garantissant le bon développement des services privés.
La réforme réaffirme donc trois principes essentiels :
la nécessité dun service public fort, élément vital déquilibre et de développement pour lensemble de laudiovisuel.
la primauté des contenus sur les supports : la nécessaire évolution technologique doit rester soumise à laffirmation culturelle et à lexigence démocratique, pour rester moteur de diversité et de création.
la modernisation de notre système de régulation, qui permettra de concilier le droit de la concurrence et lexigence constitutionnelle du pluralisme.
1.Je commencerai par laudiovisuel public
Nous ne nous contentons pas de le sortir de la léthargie, nous lui donnons une nouvelle ambition, et bien sûr, les moyens de cette ambition.
Pour la première fois dans lhistoire de laudiovisuel français, le projet de loi précise les objectifs et principes généraux qui fondent lexistence dun service public de laudiovisuel ainsi que les missions propres à chacune des sociétés nationales de programmes.
Refonder les missions du service public, lui assurer les moyens financiers de son indépendance et de son développement, cest faire un choix davenir.
Cest aussi rendre aux téléspectateurs le droit daccéder à des services diversifiés qui ne soient pas uniquement soumis aux impératifs de la rentabilité commerciale.
Depuis de nombreuses années, on entend dire quil y a trop de publicité sur les chaînes publiques, quelles y ont perdu leur âme.
Jai voulu la leur rendre.
Cest donc une baisse très forte, de 12 à 8 minutes par heure que jai finalement proposée au gouvernement. Un tiers de temps de publicité en moins, cest beaucoup. Et cette baisse sera dautant plus visible à lantenne quelle saccompagnera de mesures réglementaires de limitation des bandes-annonces, cest à dire de lauto-promotion des chaînes, et de limitation de la durée maximale des écrans. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais je vous garantis le résultat : la fin des tunnels.
Bien sûr, lobjectif principal, cest lamélioration des programmes : cela, je ne peux pas vous le garantir, puisque cest de la responsabilité directe des chaînes et non du gouvernement. Mais si la direction de France Télévision sait se doter des équipes compétentes, sachant prendre des risques à bon escient, cest à dire nayant pas peur de loriginalité inhérente à toute création artistique, je vous garantis quelle aura, grâce à la réforme qui lui indique les grandes orientations à suivre, les moyens de mener une politique de programmes de grande qualité.
Ce sera dailleurs pour le groupe non seulement une possibilité mais aussi un devoir. Et je sais que lensemble du personnel des sociétés audiovisuelles publiques aura à cur de relever le défi, à la mesure de leffort financier décidé par le gouvernement.
La réforme, cest en effet 2,4 milliards de francs de crédits budgétaires en plus pour laudiovisuel public. Dans ces 2,4 milliards, il y a environ 1,4 milliard de compensation de la perte de recettes publicitaires et du coût des programmes de substitution. Mais il y aussi 1 milliard de francs de ressources supplémentaires pour les programmes et le développement des nouveaux services, et notamment de la télévision numérique de terre.
Jinsiste sur ce point, cest réellement un effort sans précédent que le gouvernement consent pour le service public de laudiovisuel.
Et cet effort sera pérenne, grâce à linscription dans la loi du principe de remboursement intégral des exonérations de redevance, et du versement du montant correspondant au compte de la redevance.
Bien entendu, cette décision de rembourser les exonérations de redevance, qui correspond à la volonté de donner à laudiovisuel public les moyens de lambition que le gouvernement lui assigne, nest nullement incompatible avec une réflexion sur lamélioration du mode de perception de la redevance, que nous organiserons en parallèle à lélaboration des premiers contrats dobjectifs et de moyens.
Un mot sur ces contrats dobjectifs et de moyens : ils correspondent à la volonté de modifier profondément les relations entre lEtat et les chaînes, et par conséquent, la perception quont les chaînes delles-mêmes.
Cest un véritable groupe industriel que nous créons, formé de chaînes aux programmes complémentaires, menant une stratégie cohérente de développement industriel et technologique, outil puissant de diffusion internationale dinformation et de programmes.
Bien sûr, en renforçant la coordination des programmes, la constitution dun tel groupe confirme pleinement lidentité éditoriale de chacune des chaînes, leur autonomie de décision à légard des producteurs, leur contribution spécifique à un développement diversifié des industries de programmes. Je connais lattachement de tous à ce point essentiel pour la diversité de la création.
Mais cest bien la direction du groupe France Télévision qui négociera avec lEtat le contrat dobjectifs et de moyens décliné chaîne par chaîne ; cest au groupe que reviendra la charge de répartir le budget global entre chaque chaîne, assurant ainsi au Président une maîtrise effective.
Je ne reviendrai pas sur le mode de désignation du président qui reste désigné par le Conseil supérieur de laudiovisuel, et dont le mandat sera porté à 5 ans, comme pour les autres dirigeants dentreprises audiovisuelles publiques.
Enfin, avant den venir au secteur privé, je voudrais dire un mot du rôle des téléspectateurs : cest pour eux que cette réforme est faite. Ils doivent y être associés.
Ils le seront dabord grâce à la mise en place et au suivi dindicateurs quantitatifs et qualitatifs de résultats permettant dévaluer la satisfaction des publics et la qualité des programmes.
Mais je souhaite aussi que nous trouvions un moyen de les associer plus activement à lévaluation des programmes au sein de chaque chaîne publique. Les idées ne manquent pas, et nous travaillons actuellement avec les parlementaires sur un dispositif.
Des objectifs clairs, des missions précises, un financement accru et garanti, une structure resserrée : le groupe des télévisions publiques aura tous les atouts en main.
2.Je souhaite quil les utilise pour remplir au mieux
sa mission culturelle. Et jen viens au second point essentiel de la réforme, le développement de la création et de la production.
Si nous voulons que continuent à exister des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises, si nous voulons résister à laméricanisation totale, nous devons renforcer notre industrie des programmes.
A lheure dInternet et des nouveaux services, cest une condition plus que jamais indispensable du maintien de notre souveraineté culturelle.
En accroissant le chiffre daffaires du secteur, la réforme accroît mécaniquement les sommes disponibles pour lindustrie des programmes par le mécanisme des obligations dinvestissement dans la production et de taxe sur le compte de soutien.
Cette ressource additionnelle pourra être ciblée sur des emplois répondant à des priorités majeures pour le développement culturel de lindustrie des programmes : émissions pour la jeunesse, produits multimédia, soutien spécifique aux cinématographies de laire francophone, aide aux distributeurs cinématographiques indépendants, soutien à lexportation de programmes.
En outre, devant les tendances à lintégration verticale au bénéfice des principaux opérateurs de télévision, la loi actualisera et renforcera les principes qui tendaient à protéger, pour la télévision hertzienne puis pour le câble, lindépendance économique de la production et la fluidité des droits entre les différents supports.
Enfin, nous rendons possible la conclusion des accords professionnels indispensables sur les délais de diffusion des films cinématographiques à la télévision. Un mot sur ce point, sans rapport direct avec le projet de loi. Les négociations entre les professionnels avancent. Jy suis bien évidemment particulièrement attentive, et je veillerai personnellement à ce que lon aboutisse à un accord entre lensemble des parties qui garantisse effectivement le niveau de préfinancement des films français, la diversité de ce préfinancement par types de films, et donc lassurance quun nombre suffisant doeuvres pourront être créées.
3.Il apparaît par ailleurs nécessaire dadapter notre
système de régulation pour accompagner le développement des nouveaux services, et encourager le renforcement de grands groupes français capables de saffirmer au plan international dans des conditions qui respectent la concurrence et le pluralisme.
A cette fin, et plutôt que de recourir à des mesures de réglementation ou dinterdiction, le gouvernement a opté pour un renforcement du rôle des autorités de régulation, le Conseil supérieur de laudiovisuel et le Conseil de la concurrence.
Le projet de loi repose donc sur un choix fort, celui de la régulation.
Il résulte dun double constat :
dune part, nous avons besoin que se constituent des entreprises privées et publiques puissantes, capables de relever le défi de linvestissement dans les nouveaux services et de porter nos programmes sur le marché international. dautre part, nous devons veiller à ce que le développement de ces groupes très intégrés ne se fasse pas aux dépens de lindépendance de linformation et du pluralisme des opérateurs et de la création.
Nous avons donc jugé quil était préférable dadapter les systèmes de régulation déjà en vigueur que de créer des constructions institutionnelles nouvelles.
Cest ce même constat qui nous a amenés à ne pas édicter a priori des prohibitions ou des règles impératives dorganisation des opérateurs pour garantir lindépendance des services dinformation à légard des intérêts économiques. Nous avons donc confié au Conseil supérieur de laudiovisuel la responsabilité de rechercher, en liaison avec les opérateurs, les dispositions les mieux adaptées à chaque cas (médiateur, société de rédacteurs, code de déontologie, ...).
Dans le domaine des radios, la loi invite le Conseil supérieur de laudiovisuel à veiller à ce quune proportion suffisante de fréquences reste allouée aux radios associatives, et à ce que le public ait accès à des stations généralistes contribuant à linformation politique et générale.
Par ailleurs, nous avons considéré que les mouvements récents affectant le secteur de laudiovisuel ne permettaient plus de le maintenir à lécart du contrôle commun des concentrations. Cependant, les spécificités du secteur doivent être prises en compte, ce qui justifie lintervention du Conseil supérieur de laudiovisuel. Le mécanisme proposé est donc simple : retour au droit commun du contrôle des concentrations, mais consultation systématique du Conseil supérieur de laudiovisuel par le Conseil de la concurrence.
En outre, un avis du Conseil supérieur de laudiovisuel sera également systématiquement demandé lorsque le Conseil de la concurrence examinera des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur.
De même, le projet de loi élargit linformation économique dont disposera le Conseil supérieur de laudiovisuel et précise les critères lui permettant de ne pas recourir à la « reconduction automatique « , et améliore la transparence de cette procédure lorsquelle est utilisée.
Enfin, à loccasion de la transposition en droit interne du régime juridique du satellite, la loi crée lobligation pour les opérateurs doffres groupées dassurer une reprise suffisante de chaînes indépendantes.
4.Je terminerais en vous indiquant que le gouvernement
a parallèlement entrepris de traiter deux questions essentielles pour lavenir, les télévisions locales et la télévision numérique de terre.
Le rapport de Messieurs Cottet et Eymery sur ce dernier point sera dès lundi 26 avril 1999 accessible en ligne sur le site du Ministère de la Culture et de la Communication. Sur la base de ce rapport, je vais mener, avec Christian Pierret, Secrétaire dEtat à lIndustrie, une concertation, qui devra permettre au gouvernement darrêter sa stratégie en matière de passage à la télévision numérique de terre. Cest dans ce cadre que les télévisions locales et de proximité, dont nous reconnaissons tous lintérêt pour la démocratie, pourront connaître un développement équilibré.
Avec cet ensemble de mesures, nous disposerons ainsi dun cadre adapté aux nouvelles conditions de développement de laudiovisuel public et privé.
(Source http ://www.culture.gouv.fr, le 27 avril 1999)