Interview de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec BFM TV et RMC le 20 mai 2014, sur les élections européennes et sur les défis et priorités de l'Union européenne.

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Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Europe, on en parle avec Harlem DESIR, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Bonjour.
HARLEM DESIR
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous, Harlem DESIR. Vous vous intéressez, vous, évidemment, à cette élection, vous, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, à cette élection de dimanche. Mais comment se fait-il que vous n'arriviez pas à intéresser les Français à cette élection ?
HARLEM DESIR
Mais d'abord, il faut expliquer peut-être davantage que pour la première fois, au travers de cette élection européenne, les citoyens vont choisir le futur président de la Commission européenne, donc ça, c'est quand même décisif…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qu'est-ce que ça va changer pour eux…
HARLEM DESIR
… En permanence…
JEAN-JACQUES BOURDIN
… Remplacer BARROSO par un autre, et alors ?
HARLEM DESIR
Eh bien, soit, on pense que les dix dernières années, la politique qui a été menée en Europe était la bonne, la politique qui a quand même mené à l'austérité, à la dérégulation sociale, à la concurrence sauvage entre travailleurs, qui avaient des niveaux de revenus différents, etc., soit, on pense qu'il faut une réorientation, qu'il faut d'autres priorités, la croissance, l'emploi, en particulier, l'emploi des jeunes, qu'il faut des règles sociales en Europe, eh bien, à ce moment-là, c'est l'occasion d'un changement, et vous savez que moi, je soutiens Martin SCHULZ, qui est l'actuel président du Parlement européen…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais très bien, très bien, on va changer…
HARLEM DESIR
Qui est un socialiste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, imaginons, on va changer, de toute façon, il va changer, on va changer le président de la Commission, oui, mais enfin, il y a quand même toujours le président du Conseil européen, il y a toujours le Parlement de Strasbourg, enfin, c'est tellement compliqué, il y a tellement de strates, décisions, de décisions, que plus personne ne comprend rien ; est-ce que vous êtes favorable à un président pour l'Europe ?
HARLEM DESIR
Mais le président pour l'Europe, en réalité, c'est le président de la Commission européenne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais bien entendu, vous avez raison, mais…
HARLEM DESIR
On va travailler avec les chefs d'Etat et de gouvernement, qui ont eux-mêmes un président qui coordonne les travaux du Conseil européen. Il doit travailler avec le président du Parlement européen. Mais celui qui a le pouvoir de dire : je propose une directive, par exemple, nous, nous nous sommes battus pour qu'il y ait cette directive sur les travailleurs détachés, ça veut dire qu'on arrête d'avoir une espèce de concurrence sauvage, mais monsieur BARROSO a freiné pendant des mois et même des années, il a fallu que François HOLLANDE mette tout son poids pour qu'on réussisse à rassembler une majorité de pays, et que, effectivement, il y ait cette proposition de révision de directive. Maintenant, elle va venir devant le Parlement européen pour s'assurer que quand un travailleur vient d'un autre pays pour travailler en France, il est bien payé au salaire français. Martin SCHULZ, c'est aussi quelqu'un qui s'est battu dans son pays pour le salaire minimum en Allemagne, c'est très important parce qu'on avait des abattoirs qui concurrençaient ceux de Bretagne, et qui étaient installés dans un certain nombre de régions d'Allemagne qui faisaient travailler des gens à trois ou quatre euros de l'heure, eh bien, lui, voilà son orientation, l'harmonisation sociale vers le haut, la lutte contre les paradis fiscaux, alors que l'autre candidat, parce que vous avez raison de le dire, de toute façon, ce ne sera pas BARROSO, mais à droite, c'est monsieur JUNCKER, c'est l'ancien Premier ministre du Luxembourg, bon, il a fallu quand même beaucoup se battre pour que le secret fiscal soit levé dans ce pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, Harlem DESIR, oui, mais je ne suis pas certain que, en brandissant le vote SCHULZ ou le vote JUNCKER, vous mobilisiez les foules pour dimanche, je vous le dis tout de suite.
HARLEM DESIR
Oui, mais c'est une information civique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais je suis d'accord…
HARLEM DESIR
C'est quand même de dire que c'est un premier enjeu au travers des personnes, c'est un choix d'orientation pour l'Europe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Harlem DESIR, que pense le citoyen aujourd'hui ? Vous allez me dire si je me trompe ou pas, il est là, il regarde le paysage politique français, puisqu'on est quand même en France, même si on vote pour l'Europe, il est Français, il voit quoi ? Il voit le PS et l'UMP avec des propositions assez semblables, il voit quoi ? Des partis qui disent non à l'Europe, le Front national qui est catégorique, et le Front de gauche qui est presque catégorique. Il voit l'UMP qui dit : ah ben non, vous n'allez pas voter pour l'Europe dimanche, vous allez voter oui ou non à François HOLLANDE ! Il voit le PS qui est partagé…
HARLEM DESIR
Oui, ben, donc, déjà ça, ce n'est pas une proposition pour l'Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le PS qui est partagé, entre ceux qui parlent, qui disent : ah oui, le déficit, les 3%, on se moque de ce que pense Bruxelles, et d'autres qui disent : ah si, les 3%, c'est important. Comment voulez-vous que le citoyen français s'y retrouve ?
HARLEM DESIR
Bon, d'abord, il y a un premier choix, c'est : est-ce qu'on veut faire avancer l'Europe ou est-ce qu'on veut bloquer et détruire l'Europe ? Il y a des forces populistes, nationalistes, qui sont en train de s'allier, un petit peu partout en Europe, il y a le Front national en France, il y a Aube Dorée, qui sont des néonazis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le Front de gauche aussi, vous les mettez dans le même sac ?
HARLEM DESIR
Non, non, là, je vous parle des nationalistes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Ah bon…
HARLEM DESIR
D'extrême droite, parce que ça, ça existe, Aube Dorée, ce sont des néonazis en Grèce, il y a un certain nombre de gens qui sont héritiers de ce même courant en Autriche, qui s'appelle le FPO, il y en a aussi au Danemark, bon, voilà, eux, ils veulent rentrer en force au Parlement européen, pourquoi ? Pour essayer de défaire l'Europe, pour le repli sur les nations. Est-ce que, aujourd'hui – on est en train de commémorer le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie, on va commémorer le centenaire du déclenchement de la grande guerre – est-ce que, vraiment, on veut revenir en arrière ? Le premier bien que l'on a grâce à l'Europe, le bien le plus précieux, c'est la paix, quand même, on voit ce qui se passe en Ukraine, on voit ce qui se passe dans les Balkans, il y a encore quinze ans, il y avait la guerre. Donc il y a des gens qui veulent remettre ça en cause. Cet acquis fondamental qui est la construction d'un espace de paix, de coopération. Deuxièmement, parmi les forces européennes, il y a bien deux orientations, il y a des gens pour qui l'Europe, c'est d'abord un grand marché libéralisé, c'est la concurrence, libre et non forcée. Et puis, il y a des gens qui veulent un espace qui soit à la fois économique, parce que c'est une force pour nos entreprises, mais aussi de cohésion, de solidarité sociale, quand le président de la République est arrivé au Conseil européen, après son élection, en juin 2012, il a dit : il faut aussi qu'il y ait une priorité à la croissance, et un pacte de 120 milliards d'euros avec des investissements. Et moi, par exemple, hier, je suis allé en Seine-Saint-Denis, à Aubervilliers, sur un lieu où va être construit un campus universitaire, grâce à l'aide de la Banque européenne d'investissement, ça, c'est une conséquence du pacte de François HOLLANDE. Je suis allé dans une Mission locale où il y a des jeunes qui bénéficient de ce qu'on appelle la garantie jeunesse, c'est un programme que François HOLLANDE a proposé, que Martin SCHULZ a soutenu, oui, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, si je vous écoute, François HOLLANDE a tout fait…
HARLEM DESIR
Non, mais il a fait beaucoup depuis deux ans, parce que quand il est arrivé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne serait pas à 18%, s'il avait tout à fait, dans les sondages, Harlem DESIR…
HARLEM DESIR
L'euro était encore au bord de l'explosion, c'est vrai que ça ne se sait pas beaucoup ce qui se passe parfois au niveau européen, parce que ça se passe à Bruxelles, l'euro, il y avait la Grèce qui était sur le point de sortir, eh bien, aujourd'hui, heureusement, on ne parle plus de ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'euro…
HARLEM DESIR
Oui, la Grèce était sur le point de quitter l'euro, l'Espagne, on ne savait pas si elle allait y rester. On a fait adopter, c'est François HOLLANDE qui a fait ça, l'union bancaire, on a fait adopter un certain nombre de mesures de supervision des banques, un fonds de résolution ; aujourd'hui, on peut s'occuper de la croissance, et c'est bien la priorité. Cette croissance, elle est là, elle a commencé, elle est trop fragile, il faut donc la conforter partout en Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça dépend où en Europe, 0,8 en Allemagne, nous, zéro…
HARLEM DESIR
Voilà…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça, c'est sûr qu'elle est fragile chez nous…
HARLEM DESIR
Donc c'est trop fragile, donc il ne faut pas revenir en arrière, il ne faut pas revenir vers les politiques d'austérité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Harlem DESIR, bon, alors, Harlem DESIR, mais pourquoi est-ce que ça n'intéresse pas les Français ? Bon, maintenant, vous avez développé vos arguments, d'abord, l'organisation, franchement, les professions de foi, vous avez reçu votre profession de foi, vous, chez vous ?
HARLEM DESIR
J'en ai reçu sur les marchés, parce que, d'abord, les militants socialistes en distribuent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais sur les marchés !
HARLEM DESIR
Et donc moi-même, j'en ai…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les Français ne reçoivent rien chez eux, beaucoup n'ont pas reçu, beaucoup ont reçu, mais beaucoup n'ont pas reçu…
HARLEM DESIR
Ils vont les recevoir, ils vont les recevoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est déjà mardi…
HARLEM DESIR
Oui, mais ça, c'est un peu le cas dans toute élection, il y a le travail des médias…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, il y a un problème…
HARLEM DESIR
Tout le monde doit faire un effort, je sais que vous-même, vous avez fait des émissions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui, on fait des efforts…
HARLEM DESIR
Et peut-être qu'il aurait fallu que, aussi, il y ait une attention plus rapide qui soit… c'est vrai qu'il y a eu les élections municipales, donc jusque-là, il y avait d'autres actualités électorales, mais c'est vrai que c'est une… il y a un paradoxe, vous avez raison, jamais le Parlement européen n'a eu autant de pouvoirs, le Parlement européen, il vote sur tout ce qui nous concerne, l'air qu'on respire, l'eau qu'on boit, la protection des agriculteurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi pas le vote obligatoire ? Et pourquoi pas le vote obligatoire pour les Européennes ?
HARLEM DESIR
Ça existe dans certains pays…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais…
HARLEM DESIR
Comme on a dit qu'on ne va pas le rendre obligatoire juste pour les élections européennes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes contre ici ?
HARLEM DESIR
Non, mais l'Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En France…
HARLEM DESIR
Ça ne doit pas être une punition, l'Europe, ça doit être une motivation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais rendre le vote obligatoire, c'est une punition ?
HARLEM DESIR
Non, mais je pense que comme en France, ça n'existe pas pour l'instant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement…
HARLEM DESIR
On ne va pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ? Vous y êtes favorable ou pas ?
HARLEM DESIR
Moi, personnellement, je ne suis pas favorable…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ?
HARLEM DESIR
Je suis favorable à ce qu'on convainque les citoyens d'aller voter en leur expliquant l'importance de ce vote, et en particulier, leur dire que l'abstention, dans cette élection, ne profitera qu'aux extrémistes, aux nationalistes et aux antieuropéens, et que donc ceux qui aiment l'Europe, même s'ils la critiquent dans son fonctionnement, j'ai vu qu'un sondage disait que 84% des Français, je crois que c'est un sondage HARRIS INTERACTIVE, publié par LE PARISIEN, considèrent que l'Europe est une bonne idée, mais 73% environ considèrent qu'elle est mal appliquée. Donc voilà exactement le problème…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisque vous parlez de sondages…
HARLEM DESIR
Il faut sauver l'idée, parce qu'elle est indispensable, l'idée de la coopération entre les nations, l'idée pour faire face aux grands défis de demain, par exemple, il faut bâtir une Europe de l'énergie, pour faire face aux défis du changement climatique, comme à ceux de la sécurité d'approvisionnement face à la crise en Russie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une Europe de l'énergie avec SIEMENS, quoi ?
HARLEM DESIR
Une Europe de l'énergie en coopération…
JEAN-JACQUES BOURDIN
ALSTOM, SIEMENS…
HARLEM DESIR
Entre grands industriels européens, mais aussi pour être pionnier dans les énergies renouvelables, pour faire la transition énergétique et pour économiser de l'énergie, pour isoler les bâtiments, si on fait un plan commun dans toute l'Europe, on peut créer un million d'emplois dans l'efficacité énergétique, l'isolation des bâtiments, c'est des emplois non délocalisables, il faut être pionnier dans le numérique, regardez ce qui se passe, aujourd'hui, ce sont des acteurs américains, GOOGLE et d'autres, qui décident, ils ne paient même pas d'impôts dans les pays où ils font des profits…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais dites-moi, ils ne paient pas d'impôts, mais AMAZON par exemple, c'est vrai, ne paie pas d'impôts en France…
HARLEM DESIR
Donc il faut une harmonisation fiscale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais on lui finance ses installations en France, monsieur MONTEBOURG le premier, Harlem DESIR !
HARLEM DESIR
Et donc il faut qu'il y ait des règles fiscales communes en Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on lui donne de l'argent, on lui donne de l'argent public, et ils ne paient pas d'impôts chez nous !
HARLEM DESIR
Je crois que AMAZON paie quand même des impôts chez nous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très peu. Très peu, Harlem DESIR, très peu…
HARLEM DESIR
Mais vous avez raison de dire que ces multinationales font des montages financiers, où elles s'installent, elles installent, elles rapatrient leurs bénéfices par exemple en Irlande, parce que le taux d'impôts sur les sociétés est d'environ 16%, alors que, en France, en Allemagne, il est aux alentours de 30%. Donc ça veut dire qu'il faut une harmonisation fiscale, ça, ça fait partie des propositions très concrètes de Martin SCHULZ, donc avoir demain un président progressiste de la Commission, avoir une majorité qui soit d'orientation progressiste, ça aidera la France pour mener ses politiques de soutien à l'emploi, à la croissance et d'harmonisation fiscale et sociale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pensez que ce qui s'est passé à votre propos donne envie d'aller voter aux européennes ? Vous avez été débarqué de la tête du Parti socialiste pour être nommé secrétaire d'Etat aux Affaires européennes !
HARLEM DESIR
Non, j'ai été appelé par le président de la République et le Premier ministre à rentrer au gouvernement pour m'occuper des Affaires européennes, qui était pour moi une très ancienne passion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas été débarqué du Parti socialiste ?
HARLEM DESIR
Non, ce n'est absolument pas comme ça que ça s'est passé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
HARLEM DESIR
Ben oui, c'est un fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La défaite aux municipales, c'est également la faute de l'ancienne direction du parti, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Jean-Christophe CAMBADELIS, votre successeur. Donc c'est une sanction.
HARLEM DESIR
Chacun a bien le droit de dire ce qu'il veut, et, par ailleurs, à partir du moment où il y a une défaite électorale, nous l'avons dit, c'est un échec, et donc il fallait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était votre échec aussi.
HARLEM DESIR
Tout le monde était dans cette direction, donc s'il y a eu échec, il était collectif, et s'il y avait des leçons à en tirer, elles étaient collectives, et le président de la République lui-même a considéré qu'il fallait en tirer les leçons puisqu'il a, à ce moment-là, nommé un nouveau Premier ministre, un nouveau gouvernement, décidé d'accélérer l'adoption d'un certain nombre de mesures, on en a vu encore la semaine dernière sur les impôts, par exemple, des ménages modestes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais Harlem DESIR, ce n'est pas votre travail qui est en cause, c'est l'image que ça donne, vous venez d'essuyer un échec…
HARLEM DESIR
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A la tête du PS.
HARLEM DESIR
Et nous avons décidé d'en tenir compte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez décidé d'en tenir compte…
HARLEM DESIR
Oui, tous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous êtes nommé secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, c'est une récompense ou quoi ? C'est quoi, c'est la récompense de l'échec ?
HARLEM DESIR
Je crois qu'on a dû considérer que mon expérience européenne, les contacts que j'avais, le fait que beaucoup de mes interlocuteurs, d'aujourd'hui d'ailleurs, des ministres des Affaires européennes, des ministres des Affaires étrangères, sont des gens avec qui j'ai travaillé, au Parlement européen, dans les formations politiques européennes, ça pouvait être un atout pour défendre nos positions en Europe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, je vois le classement, vous étiez 752ème sur 754 députés…
HARLEM DESIR
Mais vous prenez une année, celle où j'étais premier secrétaire du Parti socialiste, je peux vous assurer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne pouviez pas tout faire.
HARLEM DESIR
Voilà, quand on est dirigeant d'une formation politique nationale, pendant 2 ans je me suis beaucoup consacré, comme vous le savez, vous m'invitiez souvent, à la politique nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous touchiez vos indemnités européennes, mais vous travailliez pour le Parti socialiste français.
HARLEM DESIR
Et j'étais aussi un parlementaire européen qui votait des lois européennes, et pendant des années, au Parlement européen, j'ai défendu des directives sur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Douze rapports, 660ème, je vois, vous avez posé 14 questions, vous êtes 601ème…
HARLEM DESIR
Encore une fois vous prenez les…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je prends des chiffres moi.
HARLEM DESIR
Vous prenez des chiffres qui correspondent à des années où j'avais une responsabilité nationale, donc vous pouvez aussi prendre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui, c'est bien ce que je dis.
HARLEM DESIR
Le président ou le secrétaire général d'un parti qui est par ailleurs député à l'Assemblée nationale, il est évident que ce n'est pas lui qui fait les travaux en commissions, mais il s'exprime pour son parti dans le débat politique, et moi j'ai été un parlementaire qui a fait avancer beaucoup de règles européennes, pour les droits sociaux, la directive sur les travailleurs intérimaires, la directive sur les comités d'entreprises européens, je me suis battu pour la taxe sur les transactions financières, maintenant vous avez vu qu'enfin ça va devenir une réalité, là aussi c'est parce que la France, François HOLLANDE, ont poussé pour cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi Harlem DESIR, est-ce qu'il y a un « bashing-Désir », un « Harlembashing » malsain ?
HARLEM DESIR
Je ne crois pas, il ne faut pas attacher plus d'importance que ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez senti ou pas…
HARLEM DESIR
Je ne me préoccupe pas de ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans tous les commentaires ?
HARLEM DESIR
Je suis dans l'action.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ne me dites pas que ça ne vous touche pas.
HARLEM DESIR
Mais bien sûr, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne peux pas croire ça, Harlem DESIR, ça vous a touché ?
HARLEM DESIR
Quand on est responsable politique il est normal qu'on soit critiqué, je fais la part des choses entre le jeu politicien, qui a mon avis ne passionne pas les Français. Je vais vous dire franchement, ce qui intéresse les Français, vous l'avez vous-même souligné, c'est de comprendre ce que peut faire l'Europe, ce à quoi elle peut servir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va y revenir.
HARLEM DESIR
Ce n'est pas tellement les polémiques de personnes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, mais enfin, les polémiques, les polémiques, qui viennent souvent de votre propre camp, Harlem DESIR, vous le savez bien.
HARLEM DESIR
Non, les critiques elles venaient quand même, pour l'essentiel, de la droite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas du tout, non, non…
HARLEM DESIR
En tout cas j'en ai entendues.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si le Front national gagne c'est que les uns et les autres n'ont pas été à la hauteur de leur tâche, ce n'est pas moi qui le dit, c'est votre successeur à la tête du PS.
HARLEM DESIR
Il a raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Décidément, qui vous en veut.
HARLEM DESIR
Mais ça, ça ne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il vous en veut d'ailleurs, il vous en veut un peu, non ?
HARLEM DESIR
Je ne le crois pas, ce n'est pas mon sentiment en tout cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Je vais vous lire ce que m'a écrit Evelyne ce matin, ce que nous a écrit, à vous, à moi. « J'irai voter, à Lorient, je n'ai pas d'informations sur les candidats qui se présentent. » Le mail a été envoyé ce matin.
HARLEM DESIR
Je peux lui dire que pour le Parti socialiste c'est Isabelle THOMAS, qui est une députée européenne sortante et qui s'est beaucoup battue pour la Bretagne et pour la pêche, par exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« J'ai des difficultés pour choisir, parce que l'absentéisme des élus ne fait pas très sérieux vis-à-vis des autres pays européens. Les députés européens français sont parmi les plus mal classés. »
HARLEM DESIR
Ce n'est pas vrai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
HARLEM DESIR
Je peux vous assurer que les députés européens français, par exemple dans sa région Isabelle THOMAS, qui s'est beaucoup battue pour défendre la pêche, parce qu'il y avait des mesures qui menaçaient les pêcheurs français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Globalement.
HARLEM DESIR
Je peux vous dire que, par exemple Pervenche BERES, qui est tête de liste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle s'est beaucoup battue pour autoriser la pêche en eaux profondes surtout.
HARLEM DESIR
Elle s'est battue pour qu'il y ait des périodes de transition, même s'il y a des zones limitées, mais qui permettent aux pêcheurs français de continuer à travailler. Pervenche BERES qui est – je prends les têtes de liste – qui est tête de liste en Ile-de-France, elle est présidente de la Commission de l'emploi et des affaires sociales au Parlement européen, donc c'est elle, par exemple, qui porte la bataille pour la directive sur le détachement des travailleurs, dont on parlait tout à l'heure, contre le dumping social, et je pourrai multiplier les exemples. Il y en a aussi de l'autre côté, Alain LAMASSOURE, qui est un tête de liste de l'UMP, qui est un parlementaire européen qui est aussi présent à la Commission…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Henri GUAINO ne veut pas voter pour lui…
HARLEM DESIR
Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, quoi ?
HARLEM DESIR
Donc c'est la droite qui aujourd'hui n'est pas claire sur l'Europe, c'est l'UMP, je le regrette, parce qu'il y a de vrais européens, Alain JUPPE c'est un vrai européen, mais quand je vois qu'un certain nombre d'autres responsables de l'UMP remettent en cause la construction européenne, veulent revenir en arrière, revenir à une Europe à six, ou certains, comme Henri GUAINO, mettent en cause, même, finalement, le coeur même de l'intégration européenne, là je dis qu'il y a un parti qui n'est plus tout à fait dans la ligne européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Harlem DESIR, l'absentéisme des élus, passons, le salaire est intéressant, c'est peut-être la seule motivation de certains, passons, mais Evelyne ajoute, ce qui me tracasse, c'est que personne ne parle du traité Transatlantique. Moi je suis contre. Vous êtes pour ou contre ?
HARLEM DESIR
Je remercie Evelyne de nous donner l'occasion d'en parler. Donc, ce traité, il est en cours de négociation, donc ça va dépendra de ce que sera l'issue de cette négociation. Qu'est-ce qu'on peut en attendre, pourquoi est-ce que ça peut être intéressant de négocier ce partenariat commercial avec les Etats-Unis ? Pour permettre à nos entreprises de mieux exporter sur le marché américain. On peut prendre des exemples. Par exemple nos produits laitiers aujourd'hui rencontrent des barrières tarifaires, ou des barrières non-tarifaires, on dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais d'accord.
HARLEM DESIR
Voilà. Les marchés publics, on a des entreprises, aujourd'hui les marchés publics sont très ouverts en Europe, ils sont très fermés aux Etats-Unis, donc on négocie la réciprocité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous allez aussi permettre aux américains de venir plus facilement en Europe, donc chez nous.
HARLEM DESIR
Non, parce que c'est déjà ouvert, donc c'est pour ça, je vous dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
HARLEM DESIR
Les marchés publics.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cette négociation elle ne va pas que dans un sens ?
HARLEM DESIR
Non, bien entendu, les américains demandent des choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'est-ce qu'ils demandent ?
HARLEM DESIR
Il y a des conditions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquelles ?
HARLEM DESIR
Par exemple, nous nous avons refusé que dans la négociation il puisse y avoir la mise en cause de l'exception culturelle, c'est-à-dire que nous avons exclu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
HARLEM DESIR
Oui, mais c'est très important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est important.
HARLEM DESIR
Les services audiovisuels.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord.
HARLEM DESIR
On a exclu d'autres choses d'ailleurs aussi, tout ce qui concerne les industries d'armement, etc. Deuxièmement, nous disons qu'il y a des choses qu'on n'acceptera pas, par exemple de remettre en cause nos normes de protection des consommateurs, nos normes sanitaires, en matière alimentaire, le boeuf aux hormones c'est hors de question. Nous n'accepterons pas non plus le poulet chloré, le fameux poulet nettoyé à l'eau de javel…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si les américains veulent nous imposer ces normes-là…
HARLEM DESIR
On ne l'acceptera pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous quittons la négociation, nous abandonnons cette négociation ?
HARLEM DESIR
Non, nous disons dans la négociation nous n'accepterons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que, dites-moi, ce traité, il sera ratifié ou pas par le Parlement français.
HARLEM DESIR
Il sera ratifié par les Parlements des 28 Etats membres…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais.
HARLEM DESIR
Plus par le Parlement européen, plus, de l'autre côté, par le Congrès des Etats-Unis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
HARLEM DESIR
Donc, de toute façon, personne ne pourra nous imposer de mettre dans cet accord commercial des choses dont nous ne voulons pas. Il en va de même pour, par exemple, pour le règlement des conflits, on dit qu'il pourrait y avoir un système…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, des entreprises multinationales américaines pourront poursuivre les Etats européens qui…
HARLEM DESIR
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
HARLEM DESIR
Nous n'accepterons pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'accepterez pas cela ?
HARLEM DESIR
Nous défendrons le fait que la réglementation européenne, dans tous les domaines, dans les services publics, dans le domaine, je vous parlais de l'agriculture, relève des instances européennes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les américains n'accepteront jamais vos refus, jamais.
HARLEM DESIR
Non, mais tout cela ne veut pas dire qu'il ne reste pas des choses à négocier. Je vous citerai un exemple. On parle des normes, en matière industrielle, si vous voulez exporter, aujourd'hui, une voiture fabriquée en Europe, aux Etats-Unis, comme la façon de faire les ceintures de sécurité ne relève pas des mêmes normes, vous ne pouvez pas exporter la voiture fabriquée aux normes européennes, donc si on peut se mettre d'accord sur un certain nombre d'organisations, réglementaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc nous gagnons tout dans un sens et rien dans l'autre…
HARLEM DESIR
Non, ils n'y gagnent rien…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'est-ce que nous allons accepter des américains, nous européens ? Qu'est-ce que nous allons ouvrir aux américains ?
HARLEM DESIR
Nous pouvons avoir une négociation qui porte, comme dans toute discussion commerciale, sur l'abaissement, de part et d'autre, d'un certain nombre de tarifs douaniers comme on dit, de droits de douanes, à condition que ça ne mette pas en cause nos intérêts fondamentaux, et par ailleurs nous nous allons demander, parce que le marché américain est beaucoup plus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
OGM, non. Toutes les normes alimentaires, non.
HARLEM DESIR
Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La poursuite des Etats par les grandes sociétés, non. Dites-moi, on dit non à tout alors, aux américains…
HARLEM DESIR
Non, on ne dit pas non à tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous croyez qu'ils vont accepter ?
HARLEM DESIR
Mais on ne dit pas non à tout, encore une fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On dit oui à quoi ?
HARLEM DESIR
Mais je vous ai cité un exemple dans le secteur automobile, de normes qui permettraient d'échanger plus facilement, de vendre plus facilement nos produits, de part et d'autre, et il y a des tas d'autres domaines. Par exemple, nous voulons protéger nos indications géographiques, le fait qu'on ne puisse pas appeler champagne un vin qui n'est pas fabriqué en Champagne, le fait que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc là encore nous nous protégeons, encore une fois.
HARLEM DESIR
Nous nous protégeons, mais eux ils peuvent avoir intérêt, aussi, à ce que ces négociations leur permettent d'exporter un certain nombre de leurs produits, à ce que les… après on entre dans des détails, les services financiers, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pour l'instant vous dites oui à cette négociation, vous dites oui mais à cette négociation, quoi ?
HARLEM DESIR
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est bien ça ?
HARLEM DESIR
Oui, parce que c'est un très grand marché, qui est en croissance, le marché américain…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, à quoi ça sert cette négociation ?
HARLEM DESIR
Ça sert parce que nous sommes les deux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va créer combien d'emplois, vous avez chiffré, on dit 0,5 % de croissance…
HARLEM DESIR
Oui, il y a des tas de calculs qui sont faits…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au niveau européen, ça ne sert à rien 0,5.
HARLEM DESIR
Non, ça sert. Pourquoi ? Déjà nous sommes les principaux partenaires commerciaux, c'est-à-dire que ça représente 40 %...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien alors !
HARLEM DESIR
Eh bien oui, mais on peut peut-être aller plus loin. Comme je vous l'ai dit, nous nous avons intérêt à pouvoir mieux exporter un certain nombre de nos produits agricoles, à pouvoir mieux accéder aux marchés publics américains, encore faut-il que ça s'applique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marchés publics américains qui sont protégés d'ailleurs.
HARLEM DESIR
Qui sont hyper protégés, donc c'est un des objets de la négociation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous ne protégeons pas nous en Europe…
HARLEM DESIR
Nous, nous les avons déjà ouverts, donc on demande à ce que eux les ouvrent de façon réciproque. Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Harlem DESIR.
HARLEM DESIR
Merci beaucoup.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci. On aura l'occasion de reparler de cette négociation Transatlantique.
HARLEM DESIR
Oui, elle est importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce qu'elle est très importante. Merci à vous.
HARLEM DESIR
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mai 2014