Texte intégral
Madame la ministre,
Monsieur le ministre,
Mesdames, messieurs,
Le Gouvernement que je dirige a une responsabilité et une méthode. La responsabilité, c'est celle de prendre des décisions pour que notre pays avance. La méthode, c'est celle du dialogue social, de l'écoute. Nous le faisons et nous le ferons avec les partenaires sociaux parce que c'est ainsi que nous pourrons conduire les réformes nécessaires au pays.
Et ce que nous affirmons avec Aurélie FILIPPETTI, avec François REBSAMEN, c'est que notre pays ne peut pas avancer sans la culture ; sans les artistes, les créateurs, les interprètes, les techniciens, qui, chaque jour, mettent l'oeuvre, la création, l'émotion, la sensibilité, au coeur de nos vies.
Chaque année, des milliers de spectacles sont donnés, partout en France, dans le cadre des festivals. Depuis cette intuition fabuleuse de Jean VILAR à Avignon, les festivals sont devenus de vrais succès populaires ! De même, chaque année, un millier de représentations lyriques attirent près d'un million et demi de spectateurs. Les cinémas font 200 millions d'entrées annuelles, dont près de 40% pour voir des films français ; c'est une performance inégalée et enviée en Europe. Enfin, chaque année, près de 40 000 représentations de spectacles de variétés et de musiques actuelles ont lieu.
Cette rencontre entre l'art et le public se fait sur tout le territoire, grâce à nos compagnies théâtrales, nos compagnies chorégraphiques, nos cinémas.
La France, c'est la culture. La France aime la culture. Et ce gouvernement est aux côtés de celles et ceux qui la font vivre.
Depuis plus de 50 ans - c'est l'honneur de notre pays ! - la France a su trouver un consensus pour donner à la culture toute sa place dans nos politiques publiques et dans notre société. Pour qu'elle ne soit pas le privilège de quelques-uns, mais un bien commun, qui puisse être accessible au plus grand nombre.
Sans culture, la vie n'est que sécheresse. La culture, ce n'est pas un supplément d'âme. Non ! C'est l'âme de notre pays. Elle innerve notre société. Elle en assure la cohésion. Elle rassemble. Elle fédère. Elle dit beaucoup de ce que nous sommes. La culture, c'est l'épanouissement, c'est l'émancipation des individus.
Oui, nous avons besoin de nos artistes. Et je le dis plus encore au moment où notre société est traversée par les doutes, par les tentations de repli, de rejet. La culture, c'est une ouverture à l'autre. Une ouverture sur le monde. C'est aussi un patrimoine et notre identité.
Soutenir la culture, c'est aussi investir dans un secteur performant aux retombées économiques et touristiques évidentes. On l'oublie trop souvent, notre culture est l'un de nos grands secteurs d'excellence. C'est plus de 3 % de notre PIB, et de très nombreux emplois. C'est aussi une source de vitalité, de dynamisme, d'attractivité pour nos territoires et nos villes qui, aux côtés de l'Etat, développent des politiques culturelles souvent très ambitieuses.
Face à la mondialisation et à la diffusion massive des produits culturels, plus que jamais, la France doit soutenir la culture, défendre son exception.
Le spectacle vivant, le cinéma, l'audio-visuel, la musique, ce sont des hommes et des femmes, artistes et techniciens. Beaucoup sont ce que l'on appelle des intermittents. C'est-à-dire qu'ils sont, par la nature même de leur activité, dans une certaine précarité, sans la protection qu'apporte - même si elle n'est pas absolue - un CDI.
Pour répondre à cette condition très particulière de l'intermittent du spectacle, les partenaires sociaux ont développé, depuis des décennies, une réponse originale et protectrice : les annexes 8 et 10 de l'assurance-chômage. Elles permettent d'adapter le système de l'assurance-chômage aux professions du spectacle.
Ce régime particulier des annexes 8 et 10 nous le devons, je veux le rappeler - et personne ne doit l'oublier - aux partenaires sociaux qui ont fondé l'UNEDIC et qui, convention après convention, les ont reconduites. Toute la profession doit être reconnaissante de cette solidarité interprofessionnelle qui s'exerce.
Au fil des années, ces annexes ont pris une place de plus en plus importante dans l'économie de la culture, avec c'est vrai - il faut le reconnaitre - des dérives et des abus. Des dérives et des abus qui ont paradoxalement contribué à « précariser » les emplois.
Avec des conséquences évidemment sur l'équilibre de l'assurance chômage dans son ensemble ; même s'il faut récuser l'idée que chaque segment de l'assurance chômage doit être en lui-même équilibré. Ce serait absurde dans un système basé sur la solidarité interprofessionnelle ...
Chaque négociation de la convention d'assurance chômage ouvre donc un débat toujours tendu sur les annexes 8 et 10, créant une forme de menace périodique sur sa pérennité.
Le 22 mars dernier, les partenaires sociaux interprofessionnels ont signé un nouvel accord sur l'assurance-chômage, qui a renouvelé les annexes 8 et 10 et modifié certaines de ses règles, je vais y revenir.
Mais tout d'abord, je veux rappeler que celle-ci ne concerne pas que les intermittents : elle fixe les règles de l'assurance-chômage pour l'ensemble des salariés du secteur privé en France.
C'est là, chacun l'a compris, la traduction de la gestion paritaire de l'assurance-chômage qui est un des piliers de notre modèle social depuis 1958. C'est la responsabilité des partenaires sociaux que de fixer ces règles, ceux qui ont signé l'accord l'ont assumée, et ils l'ont assumée - je veux le dire - courageusement dans une situation difficile.
C'est cette convention qui, par exemple, donne corps aux droits rechargeables pour les chômeurs, accroissant les droits des plus précaires.
La convention doit être agréée :
Je l'ai déjà dit, et je le confirme : cette convention doit être agréée, et elle sera agréée.
Il y va du respect de la signature des partenaires sociaux majoritaires qui l'ont signée. Ceux qui prennent la responsabilité de signer peuvent compter sur le respect par le Gouvernement des accords négociés dans le cadre de la loi.
Je l'ai dit à l'occasion de ma déclaration de politique générale : l'essentiel, c'est la confiance. Et à quelques jours de la Conférence sociale, cela vaut aussi pour les relations du Gouvernement avec les partenaires sociaux. C'est un bien trop précieux pour être rompu au gré des circonstances du moment, fussent-elles difficiles.
Mais respecter les partenaires sociaux et le dialogue social, c'est aussi accepter de regarder les contradictions d'un dispositif - les annexes 8 et 10 -qui montre aujourd'hui ses limites, au travers d'un malaise violent et profond exprimé très largement dans la profession. Les partenaires sociaux sont d'ailleurs les premiers à le dire.
Que nous disent au fond les intermittents, les directeurs de théâtres et de festivals, les grands noms de la culture qui prennent la parole, depuis quelques semaines, au-delà des questionnements sur l'accord du 22 mars. Ils nous disent qu'il n'est pas possible que le régime de l'intermittence soit perpétuellement en sursis. Que si, à l'insécurité des métiers, s'ajoute l'insécurité de la couverture du risque chômage, alors la coupe est pleine.
Ce n'est pas, en effet, la première crise des intermittents. A chaque renégociation de la convention d'assurance chômage, la question se pose et les crispations renaissent. En 1992 déjà. En 2003, la crise était violente : des intermittents étaient exclus du régime. Aujourd'hui, les choses sont bien différentes - pas un intermittent ne voit son accès aux annexes remis en cause par l'accord du 22 mars - mais la tension se porte sur certains paramètres.
Je le dis : nous ne pouvons plus fonctionner comme ça !
Le député Jean-Patrick GILLE - que je remercie d'avoir accepté il y a dix jours une mission de dialogue et de proposition - vient de me remettre ses conclusions dans un rapport « Une nouvelle donne pour l'intermittence ». Et l'une des plus importantes est là : tout le monde reconnait - patronat, syndicats signataires, syndicats non signataires, organisations de la profession, administration - que la façon de traiter la question des intermittents n'est pas satisfaisante.
C'est aussi ce qu'ont dit les signataires de l'accord UNEDIC du 22 mars qui appelaient à une discussion tripartite, avec l'Etat, sur les questions liées à l'intermittence y compris l'indemnisation du chômage.
Il faut un nouveau cadre stabilisé et sécurisé :
Il nous faut rompre avec ce cycle infernal de crises et de tension, et bâtir un cadre enfin stabilisé et sécurisé.
Un cadre enfin stabilisé et sécurisé, cela veut dire un dispositif qui associe la solidarité interprofessionnelle - les partenaires sociaux représentatifs - et la solidarité nationale - l'Etat au titre de sa politique culturelle. Il est temps de sortir de l'hypocrisie et de reconnaître ce que les partenaires sociaux disent d'ailleurs depuis longtemps : ce dispositif original est une forme indirecte de soutien à la création artistique et il ne peut reposer entièrement sur la seule solidarité interprofessionnelle, même si elle en reste le coeur. L'Etat doit aussi assumer sa place autour de la table pour ce sujet-là, bien particulier, y compris pour le financement.
Il va falloir inventer, innover.
Toutes les propositions, toutes les expertises d'où qu'elles viennent - elles sont nombreuses - seront expertisées et discutées pour repenser dans son ensemble le dispositif.
Ce travail était demandé par les signataires de l'accord du 22 mars, il était demandé par le « comité de suivi », il fait partie des recommandations que Jean-Patrick GILLE vient de me remettre : il faut s'y engager maintenant et concrètement.
Pour faciliter le dialogue et faire converger si possible les points de vues, j'ai décidé de confier l'animation de ce travail à une équipe de trois personnalités :
- Une femme de culture, une femme de théâtre, Hortense ARCHAMBAULT qui a été pendant dix ans à la tête du festival d'Avignon. Je la sais très sensible à la création, aux écritures contemporaines, à l'intermittence et à la culture au sens large.
- Deuxième personnalité : un expert du dialogue social, Jean-Denis COMBREXELLE, conseiller d'Etat, ancien Directeur général du travail ;
- Enfin, un parlementaire qui connait très bien ces questions, Jean-Patrick GILLE, que je remercie d'avoir accepté de « rempiler » une troisième fois sur cet épineux - mais passionnant - sujet.
Leurs travaux commenceront sans attendre et devront aboutir à des propositions concrètes d'ici la fin de l'année.
Cette redéfinition prendra nécessairement un peu de temps, jusqu'à la fin de l'année, peut-être un peu au-delà pour la traduction opérationnelle et règlementaire des choses.
Une mesure d'apaisement de portée immédiate : le nouveau différé ne s'appliquera pas.
En attendant les règles des annexes 8 et 10 issues de l'accord du 22 mars doivent s'appliquer.
Mais s'agissant de la question du différé d'indemnisation supplémentaire qui a été introduit et qui a cristallisé l'essentiel de la contestation de ces dernières semaines, nous avons décidé une mesure d'apaisement. Il ne faut pas que le différé focalise l'incompréhension, par l'incertitude qu'il crée dans la gestion des droits à l'indemnisation des intermittents.
C'est pourquoi l'Etat s'engagera dès le 1er juillet, allant ainsi plus loin que les préconisations de Jean-Patrick GILLE. Il prendra donc lui-même en charge ce différé, c'est-à-dire qu'il le financera pour que Pôle emploi n'ait pas à l'appliquer aux intermittents concernés.
En d'autres termes, les intermittents concernés ne verront pas de changement de leur situation par rapport à la situation actuelle, l'effet du différé sera totalement « neutralisé » par cette intervention de l'Etat.
Cette mesure transitoire n'a qu'un objet : apaiser les craintes pour rétablir un dialogue serein et se donner les moyens d'une vraie refondation. Car c'est cela l'essentiel pour l'avenir.
Enfin, s'il est important de veiller à la pérennité de l'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle, il est plus important encore de promouvoir l'emploi dans le champ culturel.
Soutien à la création et au spectacle vivant :
C'est pourquoi, en plein accord avec le Président de la République, nous avons pris une décision importante : les crédits budgétaires consacrés à la création et au spectacle vivant seront maintenus, intégralement, en 2015, 2016 et 2017. C'est un effort très significatif dans cette période de diminution de la dépense publique, et il atteste de l'importance que nous accordons à la création culturelle.
Je remercie les deux ministres, François REBSAMEN et Aurélie FILIPPETTI, qui sont pleinement engagés et oeuvreront, avec l'ensemble des partenaires, à construire cette réforme globale qui s'impose. Je remercie une nouvelle fois Jean-Patrick GILLE qui a permis par son travail d'ouvrir la voie à cette refondation souhaitée par tous désormais.
Mesdames et messieurs,
Vous le voyez, le Gouvernement a pris très au sérieux le malaise qui s'exprime parmi les intermittents du spectacle depuis plusieurs semaines, et les alertes des responsables de structures et de festivals, et des élus.
Les mesures que je viens de vous présenter concilient trois exigences :
* Le respect des partenaires sociaux signataires d'un accord qui sera agréé ;
* La recherche d'une solution durable, structurelle, juste, qui évite à l'avenir la répétition des crises et des menaces ;
* Le signe donné de façon immédiate pour retrouver une sérénité nécessaire, et répondre à une attente.
J'estime que ces décisions apportent des réponses sérieuses et très substantielles.
J'en appelle à la responsabilité de chacun, pour que soient maintenant levées les menaces qui planent sur le bon déroulement des festivals de l'été. Il y va de l'intérêt des intermittents eux-mêmes, de tous les salariés concernés, des structures, des villes et territoires concernés, de toute la collectivité.
Aujourd'hui, nous redisons notre attachement à la création. Nous réaffirmons aussi le respect que nous avons pour les artistes, pour toutes celles et tous ceux qui font vivre la culture ; qui lui donnent une place dans nos vies.
Soutenir les artistes, soutenir la culture, c'est aimer la France. Car la France, patrie des beaux-arts et des belles lettres, n'est jamais plus belle, jamais si grande, que quand sa culture, rayonne, resplendit, attire et rassemble.
Je vous remercie.
Source http://fr.scribd.com, le 26 juin 2014
Monsieur le ministre,
Mesdames, messieurs,
Le Gouvernement que je dirige a une responsabilité et une méthode. La responsabilité, c'est celle de prendre des décisions pour que notre pays avance. La méthode, c'est celle du dialogue social, de l'écoute. Nous le faisons et nous le ferons avec les partenaires sociaux parce que c'est ainsi que nous pourrons conduire les réformes nécessaires au pays.
Et ce que nous affirmons avec Aurélie FILIPPETTI, avec François REBSAMEN, c'est que notre pays ne peut pas avancer sans la culture ; sans les artistes, les créateurs, les interprètes, les techniciens, qui, chaque jour, mettent l'oeuvre, la création, l'émotion, la sensibilité, au coeur de nos vies.
Chaque année, des milliers de spectacles sont donnés, partout en France, dans le cadre des festivals. Depuis cette intuition fabuleuse de Jean VILAR à Avignon, les festivals sont devenus de vrais succès populaires ! De même, chaque année, un millier de représentations lyriques attirent près d'un million et demi de spectateurs. Les cinémas font 200 millions d'entrées annuelles, dont près de 40% pour voir des films français ; c'est une performance inégalée et enviée en Europe. Enfin, chaque année, près de 40 000 représentations de spectacles de variétés et de musiques actuelles ont lieu.
Cette rencontre entre l'art et le public se fait sur tout le territoire, grâce à nos compagnies théâtrales, nos compagnies chorégraphiques, nos cinémas.
La France, c'est la culture. La France aime la culture. Et ce gouvernement est aux côtés de celles et ceux qui la font vivre.
Depuis plus de 50 ans - c'est l'honneur de notre pays ! - la France a su trouver un consensus pour donner à la culture toute sa place dans nos politiques publiques et dans notre société. Pour qu'elle ne soit pas le privilège de quelques-uns, mais un bien commun, qui puisse être accessible au plus grand nombre.
Sans culture, la vie n'est que sécheresse. La culture, ce n'est pas un supplément d'âme. Non ! C'est l'âme de notre pays. Elle innerve notre société. Elle en assure la cohésion. Elle rassemble. Elle fédère. Elle dit beaucoup de ce que nous sommes. La culture, c'est l'épanouissement, c'est l'émancipation des individus.
Oui, nous avons besoin de nos artistes. Et je le dis plus encore au moment où notre société est traversée par les doutes, par les tentations de repli, de rejet. La culture, c'est une ouverture à l'autre. Une ouverture sur le monde. C'est aussi un patrimoine et notre identité.
Soutenir la culture, c'est aussi investir dans un secteur performant aux retombées économiques et touristiques évidentes. On l'oublie trop souvent, notre culture est l'un de nos grands secteurs d'excellence. C'est plus de 3 % de notre PIB, et de très nombreux emplois. C'est aussi une source de vitalité, de dynamisme, d'attractivité pour nos territoires et nos villes qui, aux côtés de l'Etat, développent des politiques culturelles souvent très ambitieuses.
Face à la mondialisation et à la diffusion massive des produits culturels, plus que jamais, la France doit soutenir la culture, défendre son exception.
Le spectacle vivant, le cinéma, l'audio-visuel, la musique, ce sont des hommes et des femmes, artistes et techniciens. Beaucoup sont ce que l'on appelle des intermittents. C'est-à-dire qu'ils sont, par la nature même de leur activité, dans une certaine précarité, sans la protection qu'apporte - même si elle n'est pas absolue - un CDI.
Pour répondre à cette condition très particulière de l'intermittent du spectacle, les partenaires sociaux ont développé, depuis des décennies, une réponse originale et protectrice : les annexes 8 et 10 de l'assurance-chômage. Elles permettent d'adapter le système de l'assurance-chômage aux professions du spectacle.
Ce régime particulier des annexes 8 et 10 nous le devons, je veux le rappeler - et personne ne doit l'oublier - aux partenaires sociaux qui ont fondé l'UNEDIC et qui, convention après convention, les ont reconduites. Toute la profession doit être reconnaissante de cette solidarité interprofessionnelle qui s'exerce.
Au fil des années, ces annexes ont pris une place de plus en plus importante dans l'économie de la culture, avec c'est vrai - il faut le reconnaitre - des dérives et des abus. Des dérives et des abus qui ont paradoxalement contribué à « précariser » les emplois.
Avec des conséquences évidemment sur l'équilibre de l'assurance chômage dans son ensemble ; même s'il faut récuser l'idée que chaque segment de l'assurance chômage doit être en lui-même équilibré. Ce serait absurde dans un système basé sur la solidarité interprofessionnelle ...
Chaque négociation de la convention d'assurance chômage ouvre donc un débat toujours tendu sur les annexes 8 et 10, créant une forme de menace périodique sur sa pérennité.
Le 22 mars dernier, les partenaires sociaux interprofessionnels ont signé un nouvel accord sur l'assurance-chômage, qui a renouvelé les annexes 8 et 10 et modifié certaines de ses règles, je vais y revenir.
Mais tout d'abord, je veux rappeler que celle-ci ne concerne pas que les intermittents : elle fixe les règles de l'assurance-chômage pour l'ensemble des salariés du secteur privé en France.
C'est là, chacun l'a compris, la traduction de la gestion paritaire de l'assurance-chômage qui est un des piliers de notre modèle social depuis 1958. C'est la responsabilité des partenaires sociaux que de fixer ces règles, ceux qui ont signé l'accord l'ont assumée, et ils l'ont assumée - je veux le dire - courageusement dans une situation difficile.
C'est cette convention qui, par exemple, donne corps aux droits rechargeables pour les chômeurs, accroissant les droits des plus précaires.
La convention doit être agréée :
Je l'ai déjà dit, et je le confirme : cette convention doit être agréée, et elle sera agréée.
Il y va du respect de la signature des partenaires sociaux majoritaires qui l'ont signée. Ceux qui prennent la responsabilité de signer peuvent compter sur le respect par le Gouvernement des accords négociés dans le cadre de la loi.
Je l'ai dit à l'occasion de ma déclaration de politique générale : l'essentiel, c'est la confiance. Et à quelques jours de la Conférence sociale, cela vaut aussi pour les relations du Gouvernement avec les partenaires sociaux. C'est un bien trop précieux pour être rompu au gré des circonstances du moment, fussent-elles difficiles.
Mais respecter les partenaires sociaux et le dialogue social, c'est aussi accepter de regarder les contradictions d'un dispositif - les annexes 8 et 10 -qui montre aujourd'hui ses limites, au travers d'un malaise violent et profond exprimé très largement dans la profession. Les partenaires sociaux sont d'ailleurs les premiers à le dire.
Que nous disent au fond les intermittents, les directeurs de théâtres et de festivals, les grands noms de la culture qui prennent la parole, depuis quelques semaines, au-delà des questionnements sur l'accord du 22 mars. Ils nous disent qu'il n'est pas possible que le régime de l'intermittence soit perpétuellement en sursis. Que si, à l'insécurité des métiers, s'ajoute l'insécurité de la couverture du risque chômage, alors la coupe est pleine.
Ce n'est pas, en effet, la première crise des intermittents. A chaque renégociation de la convention d'assurance chômage, la question se pose et les crispations renaissent. En 1992 déjà. En 2003, la crise était violente : des intermittents étaient exclus du régime. Aujourd'hui, les choses sont bien différentes - pas un intermittent ne voit son accès aux annexes remis en cause par l'accord du 22 mars - mais la tension se porte sur certains paramètres.
Je le dis : nous ne pouvons plus fonctionner comme ça !
Le député Jean-Patrick GILLE - que je remercie d'avoir accepté il y a dix jours une mission de dialogue et de proposition - vient de me remettre ses conclusions dans un rapport « Une nouvelle donne pour l'intermittence ». Et l'une des plus importantes est là : tout le monde reconnait - patronat, syndicats signataires, syndicats non signataires, organisations de la profession, administration - que la façon de traiter la question des intermittents n'est pas satisfaisante.
C'est aussi ce qu'ont dit les signataires de l'accord UNEDIC du 22 mars qui appelaient à une discussion tripartite, avec l'Etat, sur les questions liées à l'intermittence y compris l'indemnisation du chômage.
Il faut un nouveau cadre stabilisé et sécurisé :
Il nous faut rompre avec ce cycle infernal de crises et de tension, et bâtir un cadre enfin stabilisé et sécurisé.
Un cadre enfin stabilisé et sécurisé, cela veut dire un dispositif qui associe la solidarité interprofessionnelle - les partenaires sociaux représentatifs - et la solidarité nationale - l'Etat au titre de sa politique culturelle. Il est temps de sortir de l'hypocrisie et de reconnaître ce que les partenaires sociaux disent d'ailleurs depuis longtemps : ce dispositif original est une forme indirecte de soutien à la création artistique et il ne peut reposer entièrement sur la seule solidarité interprofessionnelle, même si elle en reste le coeur. L'Etat doit aussi assumer sa place autour de la table pour ce sujet-là, bien particulier, y compris pour le financement.
Il va falloir inventer, innover.
Toutes les propositions, toutes les expertises d'où qu'elles viennent - elles sont nombreuses - seront expertisées et discutées pour repenser dans son ensemble le dispositif.
Ce travail était demandé par les signataires de l'accord du 22 mars, il était demandé par le « comité de suivi », il fait partie des recommandations que Jean-Patrick GILLE vient de me remettre : il faut s'y engager maintenant et concrètement.
Pour faciliter le dialogue et faire converger si possible les points de vues, j'ai décidé de confier l'animation de ce travail à une équipe de trois personnalités :
- Une femme de culture, une femme de théâtre, Hortense ARCHAMBAULT qui a été pendant dix ans à la tête du festival d'Avignon. Je la sais très sensible à la création, aux écritures contemporaines, à l'intermittence et à la culture au sens large.
- Deuxième personnalité : un expert du dialogue social, Jean-Denis COMBREXELLE, conseiller d'Etat, ancien Directeur général du travail ;
- Enfin, un parlementaire qui connait très bien ces questions, Jean-Patrick GILLE, que je remercie d'avoir accepté de « rempiler » une troisième fois sur cet épineux - mais passionnant - sujet.
Leurs travaux commenceront sans attendre et devront aboutir à des propositions concrètes d'ici la fin de l'année.
Cette redéfinition prendra nécessairement un peu de temps, jusqu'à la fin de l'année, peut-être un peu au-delà pour la traduction opérationnelle et règlementaire des choses.
Une mesure d'apaisement de portée immédiate : le nouveau différé ne s'appliquera pas.
En attendant les règles des annexes 8 et 10 issues de l'accord du 22 mars doivent s'appliquer.
Mais s'agissant de la question du différé d'indemnisation supplémentaire qui a été introduit et qui a cristallisé l'essentiel de la contestation de ces dernières semaines, nous avons décidé une mesure d'apaisement. Il ne faut pas que le différé focalise l'incompréhension, par l'incertitude qu'il crée dans la gestion des droits à l'indemnisation des intermittents.
C'est pourquoi l'Etat s'engagera dès le 1er juillet, allant ainsi plus loin que les préconisations de Jean-Patrick GILLE. Il prendra donc lui-même en charge ce différé, c'est-à-dire qu'il le financera pour que Pôle emploi n'ait pas à l'appliquer aux intermittents concernés.
En d'autres termes, les intermittents concernés ne verront pas de changement de leur situation par rapport à la situation actuelle, l'effet du différé sera totalement « neutralisé » par cette intervention de l'Etat.
Cette mesure transitoire n'a qu'un objet : apaiser les craintes pour rétablir un dialogue serein et se donner les moyens d'une vraie refondation. Car c'est cela l'essentiel pour l'avenir.
Enfin, s'il est important de veiller à la pérennité de l'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle, il est plus important encore de promouvoir l'emploi dans le champ culturel.
Soutien à la création et au spectacle vivant :
C'est pourquoi, en plein accord avec le Président de la République, nous avons pris une décision importante : les crédits budgétaires consacrés à la création et au spectacle vivant seront maintenus, intégralement, en 2015, 2016 et 2017. C'est un effort très significatif dans cette période de diminution de la dépense publique, et il atteste de l'importance que nous accordons à la création culturelle.
Je remercie les deux ministres, François REBSAMEN et Aurélie FILIPPETTI, qui sont pleinement engagés et oeuvreront, avec l'ensemble des partenaires, à construire cette réforme globale qui s'impose. Je remercie une nouvelle fois Jean-Patrick GILLE qui a permis par son travail d'ouvrir la voie à cette refondation souhaitée par tous désormais.
Mesdames et messieurs,
Vous le voyez, le Gouvernement a pris très au sérieux le malaise qui s'exprime parmi les intermittents du spectacle depuis plusieurs semaines, et les alertes des responsables de structures et de festivals, et des élus.
Les mesures que je viens de vous présenter concilient trois exigences :
* Le respect des partenaires sociaux signataires d'un accord qui sera agréé ;
* La recherche d'une solution durable, structurelle, juste, qui évite à l'avenir la répétition des crises et des menaces ;
* Le signe donné de façon immédiate pour retrouver une sérénité nécessaire, et répondre à une attente.
J'estime que ces décisions apportent des réponses sérieuses et très substantielles.
J'en appelle à la responsabilité de chacun, pour que soient maintenant levées les menaces qui planent sur le bon déroulement des festivals de l'été. Il y va de l'intérêt des intermittents eux-mêmes, de tous les salariés concernés, des structures, des villes et territoires concernés, de toute la collectivité.
Aujourd'hui, nous redisons notre attachement à la création. Nous réaffirmons aussi le respect que nous avons pour les artistes, pour toutes celles et tous ceux qui font vivre la culture ; qui lui donnent une place dans nos vies.
Soutenir les artistes, soutenir la culture, c'est aimer la France. Car la France, patrie des beaux-arts et des belles lettres, n'est jamais plus belle, jamais si grande, que quand sa culture, rayonne, resplendit, attire et rassemble.
Je vous remercie.
Source http://fr.scribd.com, le 26 juin 2014