Déclaration de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur les initiatives prises en faveur du développement du tourisme outre-mer, à l'Assemblée nationale le 25 septembre 2014.

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Circonstance : Colloque organisé par la Fédération des industries d'outre-mer (Fedom) sur le thème : "Tourisme Outre-mer : Osons une nouvelle dynamique", à l'Assemblée nationale le 25 septembre 2014

Texte intégral

Madame la Ministre [Brigitte Girardin],
Messieurs les Députés [Daniel Gibbs et Christian Jacob],
Monsieur le Président [de la collectivité de Saint-Barthélemy – Bruno Magras],
Monsieur le Président de la FEDOM [Jean-Pierre Philibert],
Messieurs les présidents et directeurs,
Mesdames et messieurs
Je tiens tout particulièrement à vous remercier de m'avoir conviée à m'exprimer devant vous ce jour dans le cadre du colloque « Tourisme outre-mer : osons une nouvelle dynamique ! »
Vous le savez, j'ai dès ma prise de fonction tenu à associer l'ensemble des acteurs économiques et politiques des outre-mer à l'élaboration d'un agenda ambitieux et partagé en faveur de la croissance outre-mer.
Certains ont pu craindre un temps que mes précédentes fonctions se traduisent par une moindre sensibilité aux sujets économiques et à la vie des entreprises. J'espère, au cours de ces dernières semaines, vous avoir convaincus du contraire.
Mobiliser de manière cohérente et dynamique l'ensemble des leviers disponibles pour relever le défi collectif que constitue la bataille en faveur du développement et de l'emploi outre-mer est en effet un impératif qui s'impose à nous. A nous collectivement car à l'heure où le chômage frappe si durement les outre-mer et en particulier les plus jeunes, c'est bien d'une réponse collective dont nous avons besoin.
Encourager la volonté d'entreprendre, conforter les acteurs de la croissance dans la conduite de leurs projets au cœur des territoires ultramarins, créer les conditions du développement en donnant aux entrepreneurs la visibilité qu'ils attendent, tels étaient les objectifs de ma démarche.
Vous avez été nombreux à y contribuer et je me félicite de l'intensité des échanges qui ont été menés à ce titre.
Cette phase de concertation n'aura pas été vaine. Elle a nourri la feuille de route dont j'ai présenté les termes au Premier Ministre et au Président de la République cet été et qui en ont arbitré favorablement les grandes lignes.
Des annonces ont été faites à ce titre et vous en connaissez les grandes lignes. Elles s'inscrivent dans la démarche voulue par le Gouvernement et dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.
Le Tourisme est bien évidemment au cœur de cette démarche.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer longuement sur ce sujet lors des journées parlementaires sur le tourisme à l'invitation des Députés Daniel Fasquelle et Pascale Got.
Avec plus de 4 millions de visiteurs chaque année - tous territoires confondus, ce secteur est l'un de ceux qui peuvent le plus directement participer à la création de valeur et d'emploi dans les territoires, à affirmer leur contribution à la richesse nationale et leur insertion dans leur environnement régional.
La part qu'occupe le tourisme dans l'économie des outre-mer est essentielle : il représente jusqu'à 10% du PIB en fonction des géographies, et il emploie plus de 24 000 salariés, ce qui constitue environ 4% de la masse salariale totale tous secteurs confondus.
La chute ou la stagnation de la fréquentation touristique depuis 2009 sont inquiétantes alors même que les outre-mer se trouvent au cœur d'un marché mondial en pleine expansion et disposent d'atouts incomparables sur lesquels s'appuyer :
- un patrimoine historique, culturel, naturel, scientifique et sportif de renommée mondiale ;
- des infrastructures aéroportuaires, portuaires, terrestres performantes ;
- des normes sanitaires et de sécurité aux standards français et européens.
Je ne mésestime ni les difficultés du secteur, ni l'ampleur des défis à relever. Nous savons les axes à suivre pour reconquérir la place des outre-mer dans ce domaine et faire de nos territoires des contributeurs décisifs à la grande priorité nationale qu'a souhaité faire le Président de la République du Tourisme :
- renforcer la notoriété des destinations en affirmant leur positionnement commercial et en corrigeant le déficit d'image dont elles pâtissent trop souvent ;
- s'adapter à l'environnement concurrentiel en limitant la dépendance au marché hexagonal pour capter de nouveaux clients et répondre à de nouvelles attentes et notamment celle d'un tourisme plus qualitatif et respectueux de l'environnement ;
- désenclaver l'accès des destinations ultramarines et notamment répondre au déficit de lignes aériennes régionales ;
- Développer des infrastructures d'accueil et notamment hôtelières adaptées à notre ambition, tant sur le plan qualitatif que quantitatif ;
- renforcer la compétitivité des entreprises qui doivent faire face à des coûts élevés d'exploitation et aux effets de la saisonnalité ;
- améliorer la formation des personnels afin qu'ils prennent toute leur part à cet objectif de reconquête et en tirent le bénéfice en termes d'emploi ;
- enfin, est c'est là dire quelque chose d'essentiel à mon sens : agir collectivement au service d'une vision stratégique partagée. La Cour des comptes a pu le dire de manière peu amène en début d'année. Ce que j'en retiens, c'est que la synergie de nos efforts est l'un des leviers sur lesquels il faut mieux nous appuyer.
Hier encore, au cours de ma visite au salon IFTM Top Resa, j'ai pu mesurer les inquiétudes du secteur, mais aussi ses attentes et enfin la formidable envie d'aller de l'avant qui anime ses acteurs.
Déterminé à accompagner cette volonté, le Gouvernement prendra toute sa part pour relever le défi qui nous est posé.
Nous avons d'ores et déjà annoncé un certain nombre d'initiatives fortes que je veux ici rappeler.
Certaines d'entre elles ne concernent pas le seul secteur du Tourisme, mais lui bénéficieront. C'est le sens des annonces faites par le Président de la République visant à ce que le Pacte de responsabilité et de solidarité s'applique pleinement outre-mer.
Le CICE y sera majoré de 50% par rapport à l'hexagone, et son taux porté en deux ans à 9%. Cette mesure simple, lisible de diminution du coût du travail, bénéficiera à un spectre large d'entreprises et de rémunérations. Il s'agit là d'une mesure concrète. Prenons l'exemple d'une entreprise dont les rémunérations versées aux salariés jusqu'à 2,5 SMIC sont de 260.000 € : l'avantage fiscal lié au CICE sera de 15.600€. Outre-mer, il atteindra 23.400€.
C'est un outil significatif qui doit être mobilisé pour mieux affronter la concurrence des destinations avoisinantes.
Certes je n'ignore rien des demandes que le secteur du tourisme a relayé avec force ces dernières semaines, visant à ce que les secteurs exposés à la concurrence bénéficient d'un effort supplémentaire et d'un taux encore majoré. Pas plus d'ailleurs que je n'ignore les débats que cette mesure engendre au sein du patronat ultramarin.
Dans ce débat j'ai pris position. Parce que le tourisme, comme d'autres secteurs « exposés », souffre d'une concurrence régionale face à laquelle il ne lutte pas à armes égales, le principe d'un CICE « super renforcé » est en soi légitime.
Conformément au souhait du Président de la République, le Premier ministre m'a chargé d'étudier la faisabilité d'une telle option. Avant même de parler du taux, ce sont les nombreuses questions de nature juridique et de conformité aux règles communautaires de cette proposition qui doivent trouver des réponses. Mes services y travaillent activement. Leurs conclusions seront très prochainement remises au gouvernement qui décidera des suites à y réserver et des contreparties qu'il sera opportun d'exiger en retour.
Nous avons également voulu créer un environnement favorable donnant aux investisseurs la visibilité nécessaire pour réaliser les projets et contribuer au développement des territoires.
Aux ctés des collectivités, l'Etat contribue de manière déterminante à la structuration de cet environnement par le biais des contrats de projet et de développement dont la prochaine génération bénéficiera d'un niveau d'engagement tout à fait important en faveur des outre-mer. J'aurai prochainement l'occasion de vous en dire plus sur ce sujet.
Il y a de par ailleurs des outils qui n'ont pas fait la démonstration de leur efficacité. C'est le cas de l'aide à la rénovation hôtelière, qui n'a contribué que très marginalement à la reconversion des structures d'accueil.
Il y a à l'inverse des outils très structurants qui se sont révélés constituer de puissants leviers de relance et de modernisation des infrastructures de tourisme.
C'est dans ce contexte qu'il faut resituer l'assurance qu'a voulu donner le Président de la République, concernant la pérennisation des dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer, qui ont contribué à financer près de 48 millions € d'investissements dans le secteur touristique en 2013qui ne seront pas remis en cause au cours de ce quinquennat.
Ni ce qu'on appelle la « défiscalisation », ni la TVA dite « non perçue récupérable », dont bénéficie le secteur du Tourisme ne sont donc supprimées.
Cette stabilité n'exclut toutefois pas la recherche de mécanismes de financement innovant, comme le crédit d'impôt investissement mis en place par la LFI 2014. Vous avez été nombreux à marquer votre attachement à ce que les conditions de son préfinancement soient sécurisées. Nous y avons beaucoup travaillé collectivement. Je vous confirme aujourd'hui qu'un fonds de garantie dédié sera prochainement mis en place et géré par la Banque Publique d'Investissement afin de garantir la réussite d'un dispositif dont tous les paramètres ont été conçus pour le rendre attractif.
Fluidifier le financement de l'économie, c'est bien tout le sens de l'action de la BPI qui, aux côtés des établissements de crédit et des collectivités, se mobilise pour favoriser le développement des territoires et accompagner les entreprises.
Les financements qu'elle déploie actuellement en lien avec les Régions, notamment le prêt participatif de développement, doivent permettre aux entrepreneurs de renforcer leurs fonds propres pour sécuriser leurs stratégies de développement à moyen terme. Ces produits, pour la création desquels nous nous sommes mobilisés, j'en souhaite l'essor car ils répondent à un besoin insuffisamment couvert outre-mer.
Je veux également insister aujourd'hui sur les actions que nous entendons mener spécifiquement en faveur du secteur du tourisme et j'en prends trois exemples.
Tout d'abord, pour favoriser l'attractivité de nos territoires et leur donner les moyens de mieux profiter des opportunités qu'offre leur environnement immédiat, nous avons annoncé l'assouplissement des visas d'entrée de certains ressortissants étrangers dans différentes collectivités ultramarines.
* Il s'agit d'un premier pas. J'ai conscience de votre souhait d'en étendre la portée. Mes services sont à votre disposition pour étudier comment aller plus loin, étant entendu que mon ministère n'est pas le seul à décider sur ce sujet.
C'est également en s'inscrivant dans la démarche des assises que les outre-mer doivent mieux promouvoir les atouts qui sont les leurs au travers notamment des contrats de destination
* je souhaite que dans chaque outre-mer les acteurs de la filière se mettent autour de la table pour définir ensemble dans un contrat, pour plusieurs années, les marqueurs de leur destination : tourisme bleu, tourisme de croisières, tourisme vert … Je veux insister sur ce dernier terme, car l'idée d'un tourisme qualitatif, tourné vers le respect de l'environnement participe de cet objectif, consistant à se réinventer. Le patrimoine naturel des outre-mer est un capital à valoriser. Ne ratons pas ce tournant.
Ensuite il faut répondre de manière constructive au problème que constituent les dettes sociales et fiscales de l'hôtellerie, sans donner de prime aux mauvais payeurs.
* J'ai été informée des démarches engagées dans certains territoires comme la Martinique, visant à ce que les industriels, les financeurs, les collectivités et l'Etat se réunissent pour penser un projet de développement, sous un angle économique, et fassent du préfinancement des dettes sociales non pas le préalable mais le couronnement d'une démarche de relance des établissements. Je le répète : pour moi ces initiatives vont dans le bon sens, elles sont pragmatiques. J'y apporterai mon soutien dès lors que j'en serai saisie.
Enfin, c'est sur ce point que je voudrais conclure aujourd'hui : le tourisme est une matière largement décentralisée à laquelle l'Etat doit apporter son soutien mais qu'il ne peut exercer à la place de ceux qui en ont la compétence.
Ce soutien à la filière, l'Etat continuera à l'apporter de manière résolue, dans le cadre par exemple des conventions qui le lient aux acteurs du secteur.
C'est ainsi qu'une nouvelle convention de partenariat avec ATOUT France, dont le cluster outre-mer est à mes yeux très important, sera signée très prochainement. Au travers de cette convention, l'État contribuera :
- à un meilleur positionnement stratégique des destinations en finançant des audits stratégiques ;
- au renouvellement de l'offre, grâce à une assistance technique pour faire émerger de nouveaux projets touristiques ;
- à la diversification de la clientèle au travers de campagnes de promotion sur les marchés à potentiel et nous rencontrons là l'un des thèmes de votre table ronde ce matin ;
- à la réflexion sur des sujets structurants tels qu'une meilleure prise en compte de la saisonnalité.
Mais au-delà, je suis convaincue que la relance du tourisme outre-mer passe par une dimension partenariale et collective mieux affirmée.
La cohérence de l'action de l'Etat avec celle des collectivités, des financeurs et bien entendu des professionnels eux-mêmes est une condition indispensable à la concrétisation de notre ambition.
Rassembler et faire travailler ensemble les partenaires de cette grande priorité politique du quinquennat, c'est l'un des objectifs poursuivis par le Conseil de promotion du tourisme, mis en place cet été par Laurent Fabius l'été dernier.
Et si nous ambitionnons de faire des outre-mer un contributeur de premier plan à cette grande priorité nationale, je crois essentiel que les outre-mer y soient pleinement représentés et participent activement aux travaux de cette instance.
C'est pourquoi j'ai proposé à Laurent Fabius et obtenu que le ministre en charge des outre-mer siège désormais systématiquement au sein de ce conseil.
Nous avons également convenu, et c'est là une chose importante, que le Conseil de promotion du tourisme dédie l'une de ses prochaines séances plénières aux seuls outre-mer.
Je suis heureuse de vous l'annoncer aujourd'hui, car les acteurs du tourisme outre-mer que vous êtes seront étroitement associés à la préparation de cette séance au cours des prochaines semaines.
Nous avons là collectivement l'opportunité de construire, au cœur des priorités du Gouvernement, la stratégie commune, cohérente, efficace que nous sommes nombreux à souhaiter aujourd'hui.
Mesdames et messieurs, Les destinations outre-mer ont un besoin urgent de se réinventer : c'est à cette nouvelle dynamique que j'invite tous les acteurs du tourisme outre-mer.
Je vous remercie.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 26 septembre 2014