Déclaration de Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les greffiers des tribunaux de commerce, à Dijon le 2 octobre 2014.

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Circonstance : 126e Congrès des Greffiers des Tribunaux de Commerce, à Dijon (Côte-d'Or) le 2 octobre 2014

Texte intégral

Monsieur le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, madame la présidente de la mission d'information parlementaire sur les professions réglementées, madame la députée, monsieur le vice-président du conseil régional, madame la maire adjointe, merci pour votre accueil, madame la secrétaire générale, monsieur le premier président, monsieur le procureur général, madame la procureur, mesdames, messieurs les présidentes et présidents, mesdames et messieurs les greffières et les greffiers, mesdames et messieurs, je dois vous confirmer, monsieur le président du Conseil national, que je suis heureuse d'être parmi vous cet après-midi et que ce n'est pas seulement un plaisir personnel ni la satisfaction de la garde des Sceaux responsable de votre profession, mais une marque d'estime et de respect pour la qualité de nos relations depuis deux ans et demi avec votre prédécesseur, que je veux saluer - M. le président Frédéric Barbin - et la confiance qui s'est établie entre nous.
Je suis heureuse d'être ici parce que je crois que l'occasion est pertinente pour vous dire l'essentiel de mes convictions sur la qualité de votre profession et sur la responsabilité qui vous incombe dans l'exercice de cette profession au nom de la puissance publique.
Ce congrès a une résonance particulière, d'abord parce que c'est un congrès et que c'est un moment privilégié pour une profession de se rassembler, d'échanger, de réaffirmer son unité, d'afficher cette unité, de s'élargir aussi, ce dont témoignent la grande diversité et la grande qualité de vos invités d'autres professions, des milieux universitaires, des milieux juridiques, judiciaires et d'autres milieux professionnels encore.
C'est aussi, bien entendu, l'occasion de tracer quelques perspectives d'avenir pour la profession, mais votre profession n'a jamais ni fonctionné ni réfléchi hors sol. Vous ne pensez pas dans l'indifférence de l'environnement économique, social et politique. Et ces perspectives d'avenir s'ancrent bien dans la réalité de notre société, de ses mutations et de ses attentes.
Ce congrès a une résonance particulière, d'abord pour la thématique que vous avez choisie : la lutte contre la fraude. C'est une thématique à laquelle l'État et le gouvernement en particulier est extrêmement sensible, d'abord bien entendu parce qu'il y a lieu de veiller à ce que dans un État de droit, les règles soient respectées. Cette lutte contre la fraude est un sujet qui soulève un certain nombre de questions - des questions de nature civique et des questions de nature éthique. Des questions de nature civique parce que les règles édictées doivent être respectées par tous. Et si le droit peut être contourné ou transgressé impunément, il n'y a plus la base, le socle même qui nous permet de faire vie commune et donc de faire société. Des questions éthiques aussi, parce que dans une période aussi difficile, où les relations économiques deviennent rudes, où elles frappent très fortement les plus vulnérables ou les plus exposés, autoriser la fraude, en tout cas ne pas être extrêmement efficace dans la lutte contre la fraude, c'est consentir à ce qu'il y ait plusieurs degrés de morale dans la société, mais c'est surtout accepter la loi du plus fort et c'est absolument intolérable. Et je suis donc parfaitement sensible au fait que vous ayez choisi cette thématique pour votre 126e congrès.
Un autre motif donne une résonance particulière à votre congrès - vous l'avez rappelé, monsieur le président - c'est le contexte dans lequel se tient ce congrès. Je dois saluer la dignité avec laquelle vous vous êtes exprimé et la dignité avec laquelle vous représentez, comme votre prédécesseur, votre profession. Vous avez gardé la tête droite face aux attaques qui ont été formulées contre votre profession et contre toutes les professions de droit en général. Je l'ai dit et je le répète volontiers : aucune accusation globale n'est acceptable dans une société de droit, dans une démocratie. Aucune exécution publique n'est tolérable. Et je regrette profondément les mots qui ont été utilisés, les propos qui ont été formulés à l'encontre des professions du droit. Il s'agissait incontestablement d'une agression caractérisée. J'en parle objectivement parce que, indépendamment de cet acte que je déplore profondément, j'assume publiquement une grande amitié avec l'ancien ministre de l'Économie et du Redressement productif. Et cette amitié nous a conduits à avoir des échanges très, très clairs sur le sujet et à dépasser des passions ou des préjugés, et à convenir qu'il n'y avait pas lieu de traiter de cette façon les professions de droit. C'est pour cela que les relations ont changé, aussi bien avec le ministère du Redressement productif qu'avec le ministre actuel, c'est-à-dire le nouveau ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique.
Ce que vous avez appelé une attitude qui a consisté à jeter en pâture des professions, ce propos global général ne peut en aucune façon témoigner de la réalité. Et c'est en ce sens qu'il a fait mal et qu'il a fait mal inutilement. Il a fait mal inutilement parce qu'il ne pouvait pas traiter d'une situation réelle. Les situations sont complexes. Elles sont disparates. Et s'il y a des accusations à formuler, elles doivent être très précisément identifiées et signalées et traitées en tant que telles.
Je disais donc que ce congrès se tient dans un contexte particulier. C'est ce contexte de réflexion - retenons surtout cela - sur les professions réglementées. C'est peut-être la période où il faut, de la façon la plus utile et la plus récurrente, rappeler que les professions de droit relèvent du ministère de la Justice. C'est d'ailleurs une source de fierté pour le ministère et pour la ministre de la Justice. Et je dis très clairement, haut et clair, qu'aucun acteur du droit et de l'oeuvre de justice ne peut être traité avec défiance. Et lorsque je le dis, je ne fais pas là une affirmation d'immobilisme. Votre profession n'est pas une profession immobile et ce n'est pas une profession qui prêche l'immobilisme. Mais je l'affirme fortement parce que justement, il est important de rappeler le cadre dans lequel peuvent s'effectuer les réformes. Et je redis ce que vous avez dit vous-même à la tribune, monsieur le président : des réformes, vous en avez engagé ; nous en avons construit ensemble et nous continuons à travailler ensemble, parce que vous savez que la société évolue, vous savez que le monde change, vous savez que les pressions et les contraintes se modifient, et vous savez que pour préserver la profession, il faut justement être capable d'anticiper. Nous n'avons donc pas peur de la réforme et nous avons déjà engagé cette réforme et un certain nombre de dispositions ont été construites ensemble. Je sais que certaines ont représenté de vrais efforts de la part de votre profession.
Je le disais : nous n'en avons pas peur. Le décret du 19 mai 2014, par exemple, a réduit de moitié les frais d'immatriculation au Registre du commerce et des sociétés pour les commerçants et pour les sociétés commerciales ; de même que nous avons supprimé le surcoût de la transmission électronique des extraits du Registre du commerce. La loi de juin 2014, que vous avez évoquée à plusieurs reprises, a effectivement instauré la gratuité à la fois de l'immatriculation, de l'inscription modificative et de la radiation sur le Registre du commerce pour les opérateurs relevant du régime de la micro-entreprise.
Vous savez en tout cas qu'il faut que les dispositions que nous avons construites ensemble soient durables. Il y a un travail qui a été engagé, à l'initiative du ministère de l'Économie, par l'Autorité de la concurrence. Il y aura lieu d'examiner ce que l'Autorité de la concurrence nous proposera. J'ai entendu vos critiques. Vous me les aviez formulées déjà à la Chancellerie. Nous allons travailler néanmoins sur ce que proposera l'Autorité de la concurrence.
Je veux simplement rappeler que le droit économique, c'est encore du droit. Et que par conséquent, nous allons conserver une totale vigilance sur les conditions dans lesquelles sont exercées les missions de service public qui vous sont confiées par la puissance publique. J'ai le souci que votre profession, comme les autres professions du droit, assure la sécurité juridique qui est attendue de ces professions, la sécurité juridique sur les actes que ces professions sont conduites à prendre. Et cette sécurité que vous assurez, vous les greffiers, par l'authentification que vous faites des actes, protège les personnes physiques et les personnes morales. Et cette sécurité juridique est une source de confiance, est même un gage de confiance parce qu'un droit comme notre droit continental, qui est sûr et prévisible, constitue un atout pour notre économie ; participe à la compétitivité de nos acteurs économiques, donc de notre tissu économique ; participe à l'attractivité de la France en tant que place économique et place financière. Cette authentification et le rôle que vous jouez dans la sécurité juridique est absolument essentiel.
Je veux saluer en particulier, évidemment, la part que vous prenez au quotidien dans le fonctionnement de la justice commerciale. Cette part est essentielle. Vous l'avez montrée également à l'occasion des textes sur la réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives. Je veux vous remercier pour la part que vous avez prise dans la mise en oeuvre de l'ordonnance de mars 2014. Pour la rédaction du décret de juin 2014, au titre du Conseil national vous nous avez adressé des contributions d'une très grande utilité, d'une très grande perspicacité, démontrant une fois de plus à quel point vous êtes un interlocuteur à la fois fiable et utile dans la mesure où vous contribuez, d'une part, à l'anticipation nécessaire pour que les dispositions législatives ou réglementaires soient le mieux adaptées possible à la fois aux besoins, aux pratiques et aux nécessités économiques, mais aussi pour assurer l'application de ces dispositions normatives, qu'elles soient législatives ou réglementaires, et s'assurer de leur effectivité, de leur efficience.
Donc merci d'y contribuer de façon aussi claire et aussi précise, et de faire en sorte que les mesures que nous prenons pour faciliter l'activité économique soient effectivement mises en place. Je pense par exemple à l'opportunité nouvelle que nous offrons aux entrepreneurs individuels avec le rétablissement professionnel, qui concerne les entrepreneurs dont l'actif est inférieur ou égal à 5 000 euros. C'est une formule qui permet à l'entrepreneur de rebondir très vite puisqu'il peut voir ses dettes effacées. Elle a été conçue pour être la plus simple possible et la moins coûteuse, avec une rémunération forfaitaire qui est inférieure à la rémunération habituelle pour les procédures de liquidation. Nous avons pu travailler ensemble et il était normal qu'en contrepartie, nous puissions alléger un certain nombre de contraintes qui pesaient sur les procédures de liquidation, de sorte que les procédures sont moins nombreuses et moins lourdes. Il n'y a pas de phase de présentation des créances et de contestation de ces créances, de sorte qu'évidemment il n'y a pas de mécanisme de relevé de forclusion. Tout dépend bien sûr de la déclaration du débiteur, qui doit être de bonne foi. Cette bonne foi est vérifiée puisque le mandataire judiciaire dispose de quatre mois pour s'assurer de l'exactitude des déclarations de ce débiteur. En clair, c'est un dispositif de confiance qui repose sur la participation et l'implication des acteurs dans cette procédure. Et je sais que votre profession a déjà commencé à anticiper là aussi, puisque dans les formulaires de déclaration de cessation des paiements vous avez déjà commencé à introduire cette procédure nouvelle.
Vous êtes une profession qui se modernise par impulsion intérieure puisque vous avez vous-mêmes pris des initiatives pour notamment moderniser les outils statistiques. On peut considérer que les outils statistiques sont d'une certaine façon votre matière première puisque c'est de la qualité des informations dont vous disposez et dont vous faites part, que vous mettez à disposition, que l'on peut mesurer la qualité et la sécurité de l'action que vous conduisez. Vous l'avez fait. Il m'a été remonté que c'est parfois difficile, ou en tout cas que les informations dont nous disposons sont insuffisantes, notamment en ce qui concerne le suivi des procédures collectives. Vous pensez bien qu'en tant que garde des Sceaux, pour apprécier la charge de travail sur les parquets, il est important que nous puissions disposer de ces informations, mais le travail que nous faisons ensemble va très probablement permettre de resserrer davantage les choses. De même que je sais qu'il a été demandé aux juridictions des informations précises sur le nombre d'ordonnances, le nombre de nantissements ou le nombre d'injonctions de payer. Tout cela est nécessaire pour que nous puissions mesurer la charge qui pèse sur les personnels dans les juridictions. Et j'en profite pour saluer vraiment très, très chaleureusement la qualité de la participation que vous avez apportée dans nos réflexions sur la Justice du 21e siècle.
Concernant ces outils statistiques, je crois que vous saluez la création de l'Observatoire national de l'application du droit sur les difficultés des entreprises. C'est un outil qui est indispensable. C'est un outil qui permettra de bien voir, de bien mesurer l'application des nouvelles dispositions que nous prenons pour fluidifier l'activité économique et pour bien contenir, pour bien mesurer, pour bien maîtriser la gestion des procédures collectives, des liquidations, de la procédure de sauvegarde accélérée. En fait, être capable de mesurer, de modifier et d'adapter chaque fois que cela sera nécessaire.
D'ailleurs, nos relations avec l'Union européenne convergent aussi vers cette nécessité de constamment améliorer l'outil statistique, puisque par la recommandation de mars 2014 la Commission européenne demande aux États membres de lui communiquer chaque année des statistiques fiables à la fois sur les procédures de prévention qui ont été ouvertes, sur la durée de ces procédures, sur la taille des débiteurs, sur l'issue qui aura été réservée à ces procédures ouvertes. Donc nous avons là aussi des enjeux qui font que, tout en nous posant, nous, très clairement comme défenseurs de notre système d'accès au droit qui fait que par délégation du service public, nos professions du droit assurent sur la totalité du territoire un égal accès au droit dans des conditions qui sont maîtrisées ; nous participions bien entendu à la nécessité, à l'échelle européenne, de faire en sorte que les entreprises elles-mêmes maîtrisent l'espace plus large de l'Europe au-delà même de l'espace national.
Sur la question des tarifs, vous avez raison, monsieur le président. La question des tarifs ne s'approche pas par les coûts. Et je ne suis pas persuadée que si nous l'approchions par les coûts, nous pourrions maintenir un certain nombre de tarifs, ni que l'État y gagnerait, ni que les contribuables y gagneraient. Je l'ai déjà dit publiquement également : il y a l'économie des tarifs qu'il faut considérer, donc il faut comprendre les mécanismes de compensation qui existent entre un tarif et un autre, et puis bien entendu l'économie même de la charge en tant que telle qu'il faut examiner, étudier. De toute façon, compte tenu de la qualité que vous apportez dans les réflexions, dans les discussions et dans les concertations que nous avons sur ces sujets, je ne doute pas que nous ferons entendre la logique de la détermination des tarifs, qui effectivement sont déterminés par l'État. Même si le ministère de la Justice a le souci aussi de s'interroger - c'est légitime - sur les tarifs, aussi bien pour votre profession que pour les autres professions du droit, il a pu constater d'ailleurs que des actes sont produits effectivement à perte compte tenu à la fois de l'expertise demandée et du temps passé pour l'élaboration de ces actes, et que d'autres actes sont davantage produits à prix coûtant ou éventuellement peuvent dégager des marges. Mais je le répète, c'est non seulement l'économie globale des tarifs qu'il faut travailler, mais l'économie globale même de chaque charge de façon à ne pas altérer la viabilité des charges.
Ces sujets sont sur la table. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit qui vous fasse peur. Nous traitons des sujets, mais nous les traitons sans dogme, sans préjugé, sans irrespect. Et nous les traitons avec la conviction qu'il faut effectivement garantir l'accès au droit ; qu'il faut assurer la sécurité juridique - c'est essentiel dans le droit économique, mais c'est essentiel dans le quotidien des citoyens - ; qu'il faut assurer l'accès au droit et à cette sécurité juridique sur l'ensemble du territoire. Et j'en viendrais presque à évoquer l'esprit du Conseil national de la Résistance, parce que c'est cet esprit qui, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, a permis de penser des politiques publiques, y compris cette politique d'accès au droit, dans un souci de citoyenneté, c'est-à-dire en s'assurant qu'en n'importe quel point du territoire, sur ces services essentiels que sont l'accès au droit et d'autres (l'éducation, l'accès à l'énergie), les citoyens soient égaux et ne soient pas pénalisés du fait du lieu où ils sont nés et où ils vivent. Et par conséquent, au coeur d'une grande ville ou dans un village rural, que les citoyens soient traités à même hauteur en matière de qualité, de sécurité juridique, d'accès à l'éducation, d'accès à l'énergie et à quelques autres services.
C'est donc cette logique que nous pensons et que nous réfléchissons sur nos professions du droit. J'ai le souci que toutes les professions du droit soient capables d'affronter les mutations de la société française ; d'affronter les bouleversements du monde qui viennent nous percuter ; d'affronter les règles européennes auxquelles nous participons dans l'élaboration, sinon cela veut dire que nous pratiquons l'absentéisme en Europe. Nous sommes membres de l'Union européenne. Nous avons donc à travailler, à agir, à être suffisamment présents et offensifs pour contribuer à l'élaboration aussi bien des directives que des règlements ou même des recommandations. Il est important que nos professions soient capables d'affronter ces moments-là et ces métamorphoses. Mais c'est avec elles, avec leur capacité d'anticipation - ce que vous démontrez très clairement sur de nombreux sujets - que nous réussirons à le faire.
Vous avez démontré aussi, en matière d'allégement des obligations auxquelles les entreprises sont soumises, que vous étiez un partenaire extrêmement précieux parce que l'enjeu est considérable. Nous avons 4 millions de sièges sociaux répertoriés dans notre pays. 5 millions d'actes juridiques sont produits. Et chaque jour, selon les statistiques, vous procédez à 80 000 mises à jour. Cela me paraît considérable ! Vous avez donc un rôle important pour la sécurité juridique de l'environnement des entreprises.
Et vous avez participé à la mise en place d'un certain nombre de chantiers que l'État a parfois engagés justement pour simplifier la vie des entreprises. Vous les avez cités. Vous avez cité le groupement d'intérêt public « guichet d'entreprise ». Et grâce à votre expertise technique, nous avons pu effectivement très rapidement mettre en place ce portail Internet unique. Vous avez cité le groupement d'intérêt public de la plateforme de publicité légale qui permet effectivement l'accès aux annonces légales et aux informations légales Infogreffe. Vous avez parlé rapidement, mais c'est important aussi, des efforts que nous avons entrepris pour faciliter les formalités des candidatures des entreprises pour les marchés publics. Vous vous êtes engagés aussi sur la fin que nous préparons pour l'obligation de double dépôt de statuts.
Vous avez évoqué l'allégement de l'option de publicité des comptes pour les petites entreprises. Et vous avez raison, je vous remercie d'avoir dit que le retard n'est pas imputable au ministère de la Justice. Les décrets interministériels sont quelque chose de toujours très compliqué. Il nous arrive d'ailleurs entre ministres de nous échanger des SMS pour dire : « J'ai un décret chez toi, cela fait trois semaines. Est-ce que tu peux faire un geste et le signer ? ». C'est un décret interministériel. Il a pris du temps. Ce que je peux dire d'une part, c'est qu'il sera publié de façon imminente. C'est une affaire de jours. Il est à la fin de son parcours. Et d'autre part, pour la question que vous posez sur l'application de la clause de confidentialité : elle sera possible pour votre stock de demandes dans la mesure où l'ordonnance est applicable depuis avril, et donc cette clause de confidentialité sera applicable également depuis avril. Elle va donc concerner les entreprises qui sont actuellement en souffrance. Mais je sais bien qu'il est désagréable que les entreprises aient eu à attendre tout ce temps pour être fixées, mais nous veillerons à accélérer encore les choses de façon à ce que tout cela soit imminent.
Vous avez choisi de travailler contre la fraude, de réfléchir à la lutte contre la fraude. Je vous en sais gré. Je sais que vous avez déjà conçu de nouveaux instruments techniques, technologiques, dont on me dit qu'ils sont performants, pour aider à la lutte contre la fraude. Compte tenu de la qualité de ce que vous produisez déjà comme travail, je n'ai pas de difficulté à penser assez volontiers que ces instruments nouveaux seront performants. Je sais que vous travaillez aussi bien avec les services de la Chancellerie qu'avec la délégation nationale de lutte contre la fraude pour l'établissement du fichier national des personnes interdites de gérer. C'est un fichier qui a été conçu et créé sur la base de la loi de mars 2012. Il y a 1 300 condamnations annuelles, me semble-t-il, à la fois d'interdictions de gérer et de faillites personnelles. Ce fichier national est absolument indispensable pour prévenir les infractions en transgression de ces condamnations prononcées et faire en sorte que ces missions de gestion, ces responsabilités de gestion soient assumées dans des conditions de sécurité.
Le projet de décret a été soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. S'agissant d'un fichier, c'est une obligation et c'est une sécurité que nous devons assurer. La Commission devrait rendre son avis dans quelques semaines, dans deux mois au plus tard. Dans deux mois au plus tard, ce fichier pourra être créé après cet avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Votre champ d'intervention va continuer à s'élargir, aussi bien dans le domaine du droit que dans le domaine économique. Et vous avez rappelé, monsieur le président, que vous êtes particulièrement exemplaires dans un domaine qui m'est extrêmement précieux, auquel je suis très sensible : celui de la formation continue. Les obligations qui sont contenues dans la loi de décembre 2010 sur la formation continue visaient à s'assurer de la capacité des professionnels à suivre les évolutions et à constamment se perfectionner dans leur métier. Vous en êtes à la deuxième année d'application de cette loi. Et de ce que j'ai vu du bilan de l'année 2013, vous avez atteint 94%, c'est-à-dire que 94% de la profession a suivi une formation continue. Cela mérite vraiment d'être salué à haute voix. Au point que j'ai l'impression qu'il y aurait une saveur particulière, compte tenu de ce dynamisme de la profession, à se référer à Confucius. Une saveur particulière parce qu'il fut très loin et que c'était pratiquement un millier d'années avant l'ère chrétienne. Confucius disait que celui qui ne progresse pas chaque jour recule chaque jour. Et je crois que votre profession le démontre bien. Vous n'hésitez pas à affronter des sujets difficiles. Nous avons eu des sujets difficiles à l'époque du président Barbin. Nous avons des sujets difficiles avec vous. Mais au moins nous les affrontons, nous les mettons sur la table, nous les décortiquons et nous y faisons face. Et en plus de ces sujets difficiles, vous-mêmes vous prenez des initiatives. Donc vous montrez bien à la fois le dynamisme, la tonicité de cette profession et je crois qu'on peut effectivement très volontiers lui appliquer cette sentence de Confucius.
En tout cas, je perçois bien à vous fréquenter de plus en plus qu'il y a là un bienfait à la situation, aux turbulences que nous avons traversées cet été, même si je souhaite que l'on note bien que dans les turbulences de cet été, il était annoncé un projet de loi à soumettre au Conseil d'État au début du mois de septembre. Vous avez pu voir que depuis, le calendrier s'est dilaté. Il ne s'est pas dilaté tout seul, bien entendu. Vous étiez exécutés en place publique sans même savoir quel était l'acte d'accusation. J'ai exigé et obtenu que vous ayez connaissance de l'acte d'accusation d'une part, mais que d'autre part, vous ayez le droit de répondre et que donc le principe du contradictoire soit respecté et appliqué, et que non seulement vous soyez informés, mais qu'en plus vous ayez le droit de répondre et que vos réponses soient traitées, c'est-à-dire qu'on réponde à vos réponses.
Ensuite, je voudrais rappeler ce qui est évident - mais comme je le disais tout à l'heure, il y a nécessité à le rappeler ces temps-ci -, c'est que les professions du droit relèvent du ministère de la Justice. Et il y a donc quelques symboles parfois à poser. Parmi les symboles que nous avons posés, nous avons posé celui de tenir cette concertation, qui n'était pas prévue et qui fut programmée aussi, chez vous, dans votre maison. C'est pour cela que la concertation, d'une part, et les réunions techniques se déroulent chez vous, dans votre maison, c'est-à-dire à la Chancellerie.
Nous allons donc continuer à travailler ensemble. Je perçois de plus en plus en vous fréquentant à quel point vous portez avec dignité, mais aussi avec fierté, votre qualité, votre statut d'officier public et ministériel, et j'y suis très sensible et j'en suis très fière. Vous avez raison d'être fiers de cette belle mission de service public. Vous avez raison d'être conscients de votre utilité, des services que vous rendez aux citoyens, parce que par ricochet les citoyens sont concernés lorsque le tissu économique est en bonne santé, lorsqu'il est d'une grande vitalité, lorsqu'il y a une création de richesse qui se maintient dans la société, et que la société tout entière va mieux. Et même si votre profession est très directement impliquée dans l'environnement économique en tant que tel, dans l'environnement commercial, son action est de service public et d'intérêt général. Et c'est bien ainsi que j'ai perçu aussi la très grande qualité des contributions que vous avez apportées à nos réflexions sur la Justice du 21e siècle pour une justice plus proche des citoyens, une justice plus efficace. Et dans votre domaine, cela a vraiment un sens que la justice soit plus efficace et qu'elle soit plus diligente, qu'elle soit plus protectrice aussi. C'est ce que nous avons fait dans les réformes, lois, ordonnances et décrets que nous avons publiés : une justice plus protectrice, y compris en matière de droit économique.
Et puisque j'ai osé tout à l'heure vous proposer un détour en Asie, je vous propose de rester un petit peu en Asie pour vous dire que ce que votre profession démontre, c'est ce que la sagesse populaire japonaise enseigne, à savoir que l'on peut rester immobile dans le courant d'une rivière, mais certainement pas dans le monde des hommes. Merci.
Source http://www.cngtc.fr, le 8 octobre 2014