Interview de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, à "RFI" le 24 juillet 2015 sur les mesures gouvernementales pour soutenir la filière agricole et sur la baisse des dotations versées par l'Etat aux collectivités locales.

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Texte intégral

JOURNALISTE
Votre invité Frédéric RIVIERE, vous recevez ce matin Christian ECKERT, secrétaire d'Etat chargé du Budget auprès du ministre des Finances et des Comptes publics.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Bonjour Christian ECKERT.
CHRISTIAN ECKERT
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
L'Etat a-t-il selon vous les moyens de répondre à la crise que traverse le monde agricole ? Quand je dis moyens il s'agit à la fois des idées et des moyens financiers !
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez ! Il y a deux sujets, il y a tout d'abord la nécessité de réformer la filière, filière qui évidemment pose la question de la répartition des marges entre les différentes étapes de cette filière. Et c'est un sujet sur lequel, le gouvernement travaille beaucoup, depuis quelques mois d'ailleurs, ça ne sait pas plus que ça mais vous avez vu que Stéphane LE FOLL a réuni l'ensemble des maillons de cette chaîne et que des choses ont déjà évolué, mais il faut aller plus loin. Le deuxième élément, c'est que l'ensemble du gouvernement est mobilisé pour soutenir la filière, nous avons-nous-mêmes pris des mesures concernant par exemple le versement de la TVA, qui peut se faire mensuellement, ce qui donne un peu d'oxygène pour repousser un certain nombre d'échéances sur l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu. Un plan qui a été évalué autour de 600 millions d'euros, c'est ce qui a été annoncé cette semaine et qui continue à être travaillé avec l'ensemble des ministres concernés, notre ministère l'est aussi.
FREDERIC RIVIERE
Les agriculteurs disent aujourd'hui qu'ils ne veulent plus de subventions, plus d'aide mais qu'ils veulent des prix, qu'on leur achète leurs produits à des prix raisonnables qui leur permettent d'en vivre.
CHRISTIAN ECKERT
Ils ont bien entendu raison, le problème c'est que les prix sont liés à des marchés et que ce n'est pas le gouvernement qui fixe les prix.
FREDERIC RIVIERE
Là-dessus, le gouvernement est impuissant ?
CHRISTIAN ECKERT
Non, il a pesé d'ailleurs, on a vu que concernant la filière porcine il y a eu une pression très forte qui fait qu'on est aujourd'hui à peu près arrivé à des prix qui permettent aux agriculteurs d'avoir le fruit de leur travail. Ce n'est pas encore le cas dans la filière bovine et puis c'est plus compliqué pour le lait parce que le marché du lait, de la poudre de lait, du beurre est un marché très international et que la moindre consommation par exemple en Chine – c'est ce qui se déroule actuellement – ou une production très importante dans certains pays – c'est le cas de l'Australie par exemple – fait qu'on peut effectivement difficilement peser sur ce marché du lait et de la poudre de lait notamment qui consomme la moitié de la production du lait en France, c'est pour ça que le gouvernement a demandé à ce que les ministres européens se réunissent sur le sujet. J'espère que les choses vont se stabiliser mais quand il y a une crise, quand il y a une crise de cette ampleur, il est normal que la solidarité nationale s'exerce.
FREDERIC RIVIERE
Vers quel modèle faut-il tendre selon vous, un modèle plus intensif à l'allemande avec des exploitations considérables, des élevages de plus de 1.000 vaches ? Ou au contraire en revenir à un modèle plus local ou vers le développement du bio par exemple ?
CHRISTIAN ECKERT
Je crois que chaque type de production présente son intérêt, la filière bio est une filière qui aujourd'hui peut se développer, mais qui arrive forcément à des prix plus importants, que les filières soient plus traditionnelles, plus intensives comme vous l'évoquiez, donc elle ne concerne pas l'ensemble des consommateurs. Quant aux établissements du type de ceux que vous évoquez, il faut veiller néanmoins à ce que la qualité reste suffisante. On ne peut pas avoir une baisse de qualité, même si on arrive à des prix plus intéressants pour les consommateurs. Donc il faut trouver un équilibre et c'est là-dessus que le gouvernement travaille, Stéphane LE FOLL avec l'ensemble du gouvernement.
FREDERIC RIVIERE
Le ministre de l'Agriculture. Vous êtes en pleine discussion Christian ECKERT avec les collectivités locales, notamment les associations de maires qui s'inquiètent de la baisse de leurs dotations versées par l'Etat. Vous souhaitez réformer le système de ce qu'on appelle la DGF, c'est-à-dire la dotation globalement de fonctionnement, quel serait le sens de cette réforme ?
CHRISTIAN ECKERT
D'abord, je crois qu'il commence à y avoir un consensus sur la nécessité de réformer, ce n'était pas forcément le cas il y a quelques mois…
FREDERIC RIVIERE
Mais pas forcément sur le calendrier.
CHRISTIAN ECKERT
Il y a un désaccord sur le calendrier, j'y reviendrai. La dotation globale de fonctionnement est aujourd'hui quelque chose d'une complexité rare, vous pouvez le constater, qui utilise 29 critères dont on ne mesure plus aujourd'hui d'où ça vient. Et qu'est-ce qu'on constate ? On constate que les communes comparables par leur taille, par leur histoire, par leur typologie ont des dotations qui parfois varient de 1 à 2, de 1 à 3, ce que plus personne ne sait expliquer. Donc il faut revenir à quelque chose de plus simple, même s'il faut toujours prendre en compte la diversité des situations parce que ça c'est la grande caractéristique. Les communes comme Issy-les-Moulineaux n'a pas les mêmes caractéristiques que Guéret dans la Creuse par exemple. Donc même s'il faut prendre en compte la diversité, il faut revenir à des choses plus simples, c'est le sens de cette réforme. Concernant le calendrier, le gouvernement souhaite aller vite, le gouvernement souhaite que dès la loi de finance de cette fin d'année, nous posions les jalons, plus que ça d'ailleurs, nous arrivions à établir quelque chose de plus simple et surtout de plus juste, de plus transparent. Beaucoup ont des craintes, je crois que le travail parlementaire… il y a eu un rapport, d'ailleurs ce rapport va être remis ce matin au Premier ministre, qui permet de rassembler (je crois) sur la nécessité de faire des péréquations, la nécessité d'être plus transparent et plus juste.
FREDERIC RIVIERE
Alors les dotations baissent, c'est une tendance qui est en place depuis quelques temps déjà et qui va se poursuivre. Selon un rapport sénatorial qui est sorti il y a 2 semaines, 62 % des collectivités ont déjà baissé leurs dépenses d'investissement en 2015. Comment pouvez-vous éviter une trop forte baisse justement de l'investissement local, qui serait finalement néfaste pour l'économie du pays ?
CHRISTIAN ECKERT
D'abord il faut éviter de surinterpréter les chiffres que vous venez d'évoquer, pourquoi ? Parce qu'à chaque fois qu'il y a un renouvellement d'équipes municipales, vous avez une baisse de l'investissement des collectivités locales, importante, elle est généralement autour de 6 ou 7 %, parce que l'équipe sortante si j'ose dire achève ses projets, l'équipe entrante commence à travailler à de nouveaux projets, vous avez forcément une période… alors toutes les entreprises le savent, vous avez toujours une période de creux. C'est vrai, il faut le dire, que cette fois-ci le creux est un peu plus profond puisqu'on est autour de 10, 11 % de baisse de l'investissement, traditionnellement on est plutôt autour de 7, 8 % quand on prend l'histoire de ces 20 dernières années. Alors pour les collectivités locales c'est comme pour l'Etat, il faut diminuer et maîtriser ses dépenses de fonctionnement. Aujourd'hui, vous avez des dépenses de fonctionnement dans les collectivités qui augmentent autour de 3 % par an depuis quelques années, pour l'Etat on est à 0,9, 1 % ; en matière de dépenses de santé on a également des chiffres beaucoup plus bas. Et si on maîtrise bien ses dépenses de fonctionnement, si on fait jouer la solidarité, si on fait jouer la mutualisation aussi entre les communes, je crois qu'on peut tranquillement aborder des périodes où l'investissement peut repartir.
FREDERIC RIVIERE
74 % des Français ne croient pas à la pause fiscale promise par le président de la République. Vous les comprenez compte tenu de ce qui s'est passé ces dernières années ?
CHRISTIAN ECKERT
Deux éléments, le premier c'est que les avis d'imposition sont en train d'arriver dans les foyers. 9 millions de foyers vont recevoir un courrier accompagnant leur avis d'imposition qui va leur démontrer que ce qui a été décidé en fin d‘année dernière, c'est-à-dire une baisse pour les catégories les plus modestes et les catégories moyennes va être effective. Deuxième élément c'est qu'il y a une vraie ambiguïté, c'est que l'impôt d'une année est toujours payé l'année suivante, donc on a un peu oublié ce qui s'est passé l'année précédente. C'est une des motivations pour laquelle le gouvernement souhaite mettre en place la retenue à la source, le président de la République s'y est engagé. Et nous travaillons sur ce point pour arriver au 1er janvier 2018 à la mise en oeuvre complète de la retenue à la source.
FREDERIC RIVIERE
Merci Christian ECKERT, bonne journée.
CHRISTIAN ECKERT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2015