Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Juliette MEADEL est l'invitée de I Télé ce matin, bonjour
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Et merci d'être avec nous, merci aussi d'avoir choisi I Télé pour votre première grande interview, vous êtes secrétaire d'Etat chargée de l'Aide aux victimes, vous avez été nommée lors du récent remaniement. Est-ce que vous avez d'abord été surprise lorsqu'on vous a proposé ce job, ce secrétariat d'Etat qui n'existait pas ? Est-ce que vous vous êtes fait répéter l''intitulé lorsqu'on vous l'a proposé ?
JULIETTE MEADEL
Non ! Mais j'ai d'abord été surprise et touchée, et honorée qu'on m'appelle, c'est toujours
BRUCE TOUSSAINT
Oui !
JULIETTE MEADEL
Voilà. On se dit : « Ah ! Ça fait plaisir » et, dans un deuxième temps, le secrétaire d'Etat aux Victimes, dont on a immédiatement parlé ensuite. Sur le contenu il existait en fait en 2004, puisque c'était Nicole GUEDJ qui était sous l'autorité de la Chancellerie, et là maintenant il a une dimension tout à fait nouvelle qui est propre à ce que nous vivons, à ce que nous avons vécu - en 2015 et avec ce que nous vivons - et dont le contenu est très précis puisqu'il s'agit d'aider les victimes et au moment d'une crise potentielle, un accident collectif, ce n'est pas forcément un attentat
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ! C'était ma question suivante justement.
JULIETTE MEADEL
Il peut y avoir une question de transport.
BRUCE TOUSSAINT
C'est quoi être une victime, de quelle victime parlons-nous ?
JULIETTE MEADEL
On parle, le décret d'attribution est sorti ce matin, on parle à la fois des victimes des attentats naturellement. Les accidents collectifs, qu'est-ce que c'est ? Ça peut être un accident de transport, un accident industriel par exemple comme AZF, ça peut être aussi un accident sanitaire. En quoi le secrétariat d'Etat s'en occupe ? Parce qu'il aide les victimes d'abord à avoir accès à l'information, quand vous êtes victime de quelque chose de brutale et qui concerne un groupe de gens, la première chose c'est que vous avez envie de savoir : où sont éventuellement mes proches ? Qu'est-ce qui va se passer demain ? Merci de m'informer également sur les tous les processus à suivre, et puis hélas il y a la question puisquil y a des morts de l'identification de ces morts.
BRUCE TOUSSAINT
Donc pour bien comprendre on pourrait presque ajouter chargée de l'Aide aux victimes de groupes ou de masse, voilà, si on reprend un terme comme ça un peu moche mais qui désigne bien, il ne s'agira pas d'aider les victimes personnelles, individuelles ou ça pourrait aussi être le cas ?
JULIETTE MEADEL
Rien n'est exclu !
BRUCE TOUSSAINT
C'est ça qu'on ne comprend pas forcément très bien.
JULIETTE MEADEL
Dans le décret c'est très clair, rien n'est exclu
BRUCE TOUSSAINT
D'accord !
JULIETTE MEADEL
Vous pouvez avoir par exemple des victimes d'un accident de car avec un petit nombre, mais en priorité - là je vais m'occuper des sujets qui sont les sujets dont j'ai été saisie en priorité c'est-à-dire les attentats, les accidents collectifs, mais ça n'exclut en rien d'autres situations qui pourraient des situations plus individuelles.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord. Vous dépendez de qui, de quel ministère ? Lorsqu'on est secrétaire d'Etat on dépend d'un ministère, lequel ?
JULIETTE MEADEL
La grande nouveauté c'est que je dépends du Premier ministre, car le Premier ministre et le président de la République ont souhaité - et c'est la première en France, je veux quand même le soulever ont souhaité que la politique d'aide aux victimes s'appuie sur l'ensemble des ministères concernés. Qui sont-ils ? Tout simplement, quand il y a un attentat, d'abord les forces de l'ordre : les gendarmes, la police, les sapeurs-pompiers, mais également la santé puisque les hôpitaux sont largement concernés et évidemment et comme vous le savez le ministère des Affaires étrangères car lui-même il est concerné et puis il a aussi les moyens d'organiser les dispositifs d'urgence.
BRUCE TOUSSAINT
Une précision encore, vous avez cité les victimes du terrorisme, d'accidents de transport, mais ça pourrait concerner aussi des victimes de catastrophes naturelles ou d'intempéries ?
JULIETTE MEADEL
Oui, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, ça rentre aussi dans ce cadre-là ?
JULIETTE MEADEL
Oui, parce que si vous voulez dans ces situations qui sont des situations on est pris dans l'urgence que se passe-t-il ? Il faut penser aux victimes, c'est-à-dire qu'il faut penser à les informer, à les suivre et ensuite à les accompagner. Qu'est-ce qu'elles me disent les associations ? D'ailleurs elles sont satisfaites de la création de ce secrétariat d'Etat parce qu'elles le demandaient ! Qu'est-ce qu'elles me disent ? Elles me disent : « nous on a été bien soignées, bien protégées et puis regardez les services d'ordre, la police a fait un travail remarquable », moi je veux saluer aussi le courage des sapeurs-pompiers, le courage des gendarmes Bon ! Mais le sujet c'est comment on fait pour qu'elles se sentent accompagnées, qu'elles se sentent reconnues, qu'elles soient informées, qu'elles ne restent pas quelques heures dans l'attente d'une nouvelle tragique, qu'elles le sachent tout de suite lorsque c'est le cas ou qu'on les rassure tout de suite ?
BRUCE TOUSSAINT
Ça passe par quoi ? Par la mise en place d'un numéro d'urgence ? Ca été quelque chose qui a été soulignée d'ailleurs dans les jours qui ont suivi les attentats du 13 novembre notamment, ces longues heures d'attente effroyables pour les familles des victimes, comment est-ce qu'on peut améliorer cela ?
JULIETTE MEADEL
Alors il y a un numéro d'urgence qui a été mis en place, ne noircissons pas trop le tableau
BRUCE TOUSSAINT
Oui, oui.
JULIETTE MEADEL
Mais il y a eu en effet un petit administratif, c'est-à-dire que pendant 12 heures l'information n'a pas tout à fait aussi bien circulé que ce qu'on voudrait, donc il y a quelques victimes pas toutes mais il y a quelques victimes qui ont été obligées d'attendre, je pense à certaines d'entre elles, je pense notamment à Georges SALINES qui a attendu tragiquement pendant plus de 10 heures l'annonce du décès de sa fille, c'est exactement c'est le type de cas qu'il faut éviter. Je veux vraiment souligner ici que c'est quelques cas, alors évidemment ils sont vécus et à juste titre de façon tragique par les victimes et ce que nous souhaitons faire maintenant c'est améliorer de façon très concrète ce suivi.
BRUCE TOUSSAINT
On va écouter justement le témoignage d'un des rescapés du Bataclan, écoutez ce qu'il dit justement sur la prise en charge, sur le traitement des dossiers, on l'écoute ensemble.
EMMANUEL DOMENACH, RESCAPE DU BATACLAN
Quand je suis sorti du commissariat de police, d'un coup j'ai dû reprendre la vie normale, il était 7 h du matin, on était le 14 novembre, eh bien c'était démerde-toi, démerde-toi pour trouver un taxi pour rentrer chez toi, démerde-toi pour trouver un psy, démerde-toi pour trouver un avocat, pour faire son dossier au fonds de garantie, les informations vous les trouver chez les associations mais vous ne les trouvez pas là où on devrait les trouver finalement, l'aide, l'écoute, on ne la trouve pas au niveau de l'Etat.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ! Là on est au coeur de votre job, c'est comment répondre à ce genre de demande ?
JULIETTE MEADEL
Ce qu'il dit est très juste ! Mais les associations, profitons-en pour le dire, en particulier l'INAVEM - mais il y en beaucoup d'autres - il y a la FENVAC, sont bien organisées sur le territoire. Ce que nous voulons faire c'est continuer à travailler avec les associations mais travailler à ce qu'on appelle un référent unique mais qui soit l'Etat, c'est-à-dire que l'Etat et c'est l'intérêt de ce secrétariat d'Etat, l'intérêt de cette incarnation politique ait les moyens, l'autorité pour faire travailler ensemble tous les services et offrir cet accompagnement individualisé dont il parle, ce qui veut dire qu'on va travailler avec les associations mais en priorité le contact, le point de contact unique ça doit être l'Etat. En recevant les associations, déjà et pour certaines d'entre elles je les ai vues plusieurs fois - j'ai ressenti ça et en recevant leurs dossiers, parce qu'il faut être concret, elles ont des dossiers précis à gérer et donc nous notre rôle, en fait ce secrétariat d'Et c'est de les aider déjà à régler les cas concrets pour être ce référent unique.
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous avez des moyens pour faire ça ?
JULIETTE MEADEL
Bien sûr, auprès du Premier ministre. Qu'est-ce que vous voulez avoir de plus comme moyens dans la République d'être logé auprès du Premier ministre ?
BRUCE TOUSSAINT
Il y a un budget, il y a un budget spécial pour ce secrétariat d'Etat ? Quand je parlais de moyens, les moyens c'est l'argent, c'est
JULIETTE MEADEL
Il y a des moyens bien sûr. D'abord il y a des moyens humains, puisque je travaille avec des directions et du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Santé et du ministère de la Justice, il y a des services spécifiques d'aides aux victimes, mais il y a surtout et en l'occurrence croyez-moi il y a un fonds, un fonds d'indemnisations dans lequel je jouerai un rôle. Mais surtout en fait le sujet ce n'est pas tant la question des moyens, les victimes ne vous demandent pas de la distribution de moyens financiers, il y a un fonds qui existe, ce qu'on attend, ce qu'elles attendent c'est l'écoute parce qu'elles ont besoin de donner leur récit et, partir de récit, on construit des actions et donc elles ont besoin aussi de reconnaissance.
BRUCE TOUSSAINT
On va écouter ensemble Georges SALINES, que vous connaissez, qui est le président de l'association « 13 novembre : fraternité et vérité », qui a perdu sa fille au Bataclan, on l'écoute ensemble.
GEORGES SALINES, PRESIDENT DE 13 NOVEMBRE : FRATERNITE ET VERITE »
Il faut que les victimes aient très clairement un interlocuteur, un interlocuteur unique, qui fasse un assemblage pour eux, que ça ne soit pas la victime d'aller faire le tour de la caisse de sécu, du fonds de garantie, des assurances, de la justice, de démarches auprès du procureur, etc.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ! Vous pourriez être ce lien finalement entre les victimes et toutes ces administrations qui ont été citées par Georges SALINES ?
JULIETTE MEADEL
Oui, oui, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Mais je voudrais vous poser une autre question, victime à partir de quoi et de quand on est une victime ? J'ai lu que 1.900 personnes, un peu plus de 1.900 personnes
JULIETTE MEADEL
149, oui c'est ça.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà, 1.949 personnes sont victimes des attentats de janvier et de novembre, ça dépasse les chiffres officiels que l'on du nombre de blessés par exemple ?
JULIETTE MEADEL
Ce chiffre en fait c'est le nombre des victimes directes, c'est-à-dire que c'est les victimes qui sont reconnues comme telles par le Parquet, car c'est le Parquet qui établit ce qu'on appelle la liste unique des victimes, donc il prend sa décision lui au regard de toute une série de critères. Qu'est-ce que c'est la définition ? Victime directe, c'est que vous êtes décédée, blessée ou choquée parce que vous étiez sur les lieux de l'attentat ; après, il y a autre chose et c'est là que les choses se compliquent un peu il y a la notion de victime indirecte ou de victime par ricochet qui, elle, mérite d'être clarifiée juridiquement et qui fait que par exemple devant le fonds d'indemnisations vous avez des demandes dont on anticipe qu'actuellement elles sont à près de 1.200 mais qu'elles pourraient aller jusqu'à 4.000, parce que Je vais vous donner un exemple concret ! J'en ai vu des victimes comme ça, des victimes qui étaient sur les lieux de l'attentat, n'ont pas été forcément ni touchées physiquement et pas forcément en plein centre de l'attentat mais qui ont assisté à quelques éléments, qui ont vu des images, je pense même aux services d'aide aux pompiers, aux gendarmes, aux médecins qui sont arrivés sur les lieux, qui ont vu des images qui sont croyez-moi bouleversantes, des images de guerre, psychologiquement elles sont atteintes, il faut donc penser également à leur reconstruction, parce qu'on ne peut pas les laisser repartir comme ça sans rien faire.
BRUCE TOUSSAINT
Là on vous écoute depuis de longues minutes maintenant sur ce dossier et donc, pardon de vous poser la question brutalement comme ça, donc ce n'est pas un ministère gadget ou un ministère de com
JULIETTE MEADEL
Franchement vous croyez vraiment
BRUCE TOUSSAINT
Pour dire : « Oui, regardez, on s'occupe de vous, etc. » ? Parce que vous dites, dans une interview qui a été publiée dans Le Monde hier : « Oui, ça aurait pu être un délégué interministériel », c'est un peu technique, mais en gros est-ce qu'on avait vraiment besoin de créer un ministère pour ce sujet-là ?
JULIETTE MEADEL
Lisez la phrase jusqu'au bout dans l'interview ! Qu'est-ce qu'elle dit ?
BRUCE TOUSSAINT
Oui, vous dites aussi qu'il fallait un choix, il fallait en faire quelque chose de politique, il fallait en faire un choix politique, un vrai acte politique.
JULIETTE MEADEL
En réalité, la phrase : « mais cette grande cause méritait une incarnation politique », la demande des associations c'était l'incarnation politique, le Premier ministre indiquait que c'était la bonne idée de ce gouvernement. Pourquoi ? Parce qu'à un moment donné, moi je crois en la politique et je crois que la politique c'est du sens, les victimes ont besoin de sens, elles ont besoin d'être reconnues, mais pas de la reconnaissance ou simplement on est sûr de l'émotionnel ou de la com. - comme vous le disiez - non, leurs demandes sont précises, elles ont besoin d'action parce qu'elles ont besoin d'être accompagnées et elles ont besoin de résultat, elles ont besoin que les dossiers « encarafés » sortent, il n'y en a pas beaucoup parce que les services de l'Etat ont bien travaillé, mais il faut que ça aille plus vite.
BRUCE TOUSSAINT
Et ça veut dire aussi, comme le disait, comme le pointait Christophe BARBIER à la fin de son édito tout à l'heure sur I Télé, que c'est sans doute aussi ce ministère, ce secrétariat d'Etat, valide l'idée qu'il y aura sûrement d'autres attentats et qu'il faut être prêts à gérer cela ?
JULIETTE MEADEL
Vous savez le 12 novembre 2013 le Premier ministre a mis en place une cellule interministérielle d'aide aux victimes, donc les services de l'Etat se préparent depuis 2015, c'est leur travail. Mais moi j'attire votre attention sur les cas existants, sur les victimes actuelles, sur celles que je rencontre, sur les victimes d'attentats passés qui sont encore en souffrance et même sur celles qui ne sont pas encore déclarées car elles croient comme votre interviewé l'a bien montré que ça va aller bien et, hélas, il faut pouvoir les aider dans leur reconstruction sur le long terme.
BRUCE TOUSSAINT
On va parler des autres grands sujets d'actualité et, alors là, ça vous touche de près aussi. Il y a un autre ministère qui a un nom un peu nouveau comme ça ou en tout cas qui peut susciter une certaine surprise, c'est le ministère de la Famille, qui, on le sait depuis hier puisque François HOLLANDE l'a annoncé dans une interview à Elle devient le ministère des Familles, vous comprenez cette appellation ?
JULIETTE MEADEL
Oui, c'est complètement en phase avec ce que nous vivons. Parce que la famille est plurielle aujourd'hui, la famille on le sait bien ça fait 20 ans que ce n'est plus papa, maman et les enfants, la famille elle est diverse, elle est recomposée, elle est plurielle, elle est variée, elle a de multiples formes, il y a des familles monoparentales Voilà ! Donc il y a le mariage pour tous, et c'est formidable parce que ça veut dire que nos institutions doivent s'adapter à la liberté de chacun et à la liberté de chacun de choisir son mode de sa vie privée comme il l'entend.
BRUCE TOUSSAINT
Mais enfin c'est un sujet sensible et on va voir, on va écouter ensemble deux réacteurs alors vraiment de gens qui sont diamétralement opposés, la patronne de « La Manif pour tous » et Clémentine AUTAIN du Front de gauche, alors vous allez voir c'est intéressant parce qu'elles sont d'une certaine façon réfractaires à cela. On va écoutez ensemble !
LUDIVINE DE LA ROCHERE, PRESIDENTE DE « LA MANIF POUR TOUS »
Aller vers les familles c'est d'une certaine manière marquer les différences, alors que la famille unifie d'une part, là François HOLLANDE est en train de cliver, il veut opposer d'une certaine manière les situations les unes aux autres, il veut marquer ces différences et je trouve que c'est absolument désolant.
CLEMENTINE AUTAIN, CONSEILLERE REGIONALE FRONT DE GAUCHE EN ILE-DE-FRANCE
Enfin nous sommes très contents qu'il y mette un S, mais c'est vrai que les mouvements féministes se sont étonnés que la famille soit accolée à l'enfance, droits des femmes, enfance, famille, vous voyez ce nest pas tout à fait l'idée qu'on se fait du progrès pour l'égalité homme femme.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Vous voyez ce que je disais sur le côté sensible et d'ailleurs du coup la question, c'est : est-ce que c'est vraiment le moment de remettre de l'huile sur le feu sur ce sujet ?
JULIETTE MEADEL
Bien au contraire, ça tombe sous le sens, vous voyez bien que les familles sont multiples et variées, on voit bien que la conception de la famille a changé - enfin Irène THERY l'a dit en son temps donc la modernité c'est de dire : « il y a des familles », il ne s'agit pas de nier qu'il y a des familles de forme différente comme « Le Mariage pour tous » où sa représentante le dit, il ne s'agit pas de nier comme le dit Clémentine AUTAIN qu'on a bien le droit aussi, y compris dans les couples issus du « Mariage pour tous » d'élever des enfants Bon ! Moi je vais vous dire je trouve sidérant, on peut être féministe et dire : « Oui l'écrasante majorité des femmes a des enfants, ça ne nous empêche pas d'être féministe ».
BRUCE TOUSSAINT
Vous arrivez au gouvernement dans la presque dernière année du quinquennat, il reste 15 mois, et ce gouvernement n'a jamais été aussi populaire en tout cas l'Exécutif plus précisément la cote de François HOLLANDE est tombée à 17 %, celle de Manuel VALLS à 23 %, vous comprenez cette impopularité des deux chefs de l'Exécutif ou c'est au contraire pour vous incompréhensible ?
JULIETTE MEADEL
Non, le sujet c'est qu'il y a quand même une petite musique qui s'installe en France, nous sommes dans un pays qui n'est pas porté vers l'optimisme, la confiance, la résilience, ça se voit, vous n'avez qu'à regarder les sondages où on voit que les Français sont plus pessimistes que les Afghans. Mais au-delà, plus sérieusement, je trouve que c'est très injuste, c'est très injuste, parce que le gouvernement n'a pas ménagé ses efforts au prix de réformes courageuses, on va en parler sur l'emploi, on va en parler également sur la question de la tenue de nos finances publiques, on va en parler aussi sur des réformes sociétales comme « Le mariage pour tous » et on va en parler aussi sur la question de la politique étrangère qui a été menée d'une façon tout à fait reconnue, unanimement reconnue par nos partenaires.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, Et malgré ce que vous soulignez-là les Français n'adhèrent pas. Est-ce qu'ils n'y croient plus, est-ce que c'est Voilà !
JULIETTE MEADEL
Je crois que sur du long terme, si on regarde un peu ces 20 dernières années, il y a évidemment une espèce de discrédit avec la classe politique et puis il y a une crise économique dont nous subissons les effets depuis 2008, alors je crois que moi j'aimerais bien qu'on arrive à porter le message que la politique peut changer les choses et vous verrez que lorsqu'on fera le bilan du quinquennat la somme des réformes qui ont été engagées est beaucoup et largement supérieure à ce qu'on veut bien en dire aujourd'hui.
BRUCE TOUSSAINT
Deux dernières questions, Juliette MEADEL, d'abord est-ce que Manuel VALLS a vraiment envisagé de quitter Matignon comme on a pu le lire tout au début de la semaine jusqu'à ce matin où Le Parisien dit qu'il y a eu un dîner de réconciliation entre François HOLLANDE et Manuel VALLS dimanche soir, que le coeur de la discorde c'était la fameuse loi sur le travail. Vous y avez cru, vous, à cette
JULIETTE MEADEL
Pas une seule seconde !
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
JULIETTE MEADEL
On a un Premier ministre qui est au travail, qui est engagé Vous savez le contexte que nous vivons ne donne pas le temps, ni au président de la République, ni au Premier ministre, de se lancer dans ce type de conjecture, alors que ça alimente les gazettes, très bien, mais franchement ce n'est pas le sujet.
BRUCE TOUSSAINT
Et enfin, vous êtes l'une des benjamines du gouvernement, peut-être même la benjamine, ce qui frappe c'est dans le débat sur la loi Travail c'est la mobilisation de la jeunesse. Qu'est-ce que ça vous inspire, lorsque vous voyez des syndicats d'étudiants qui veulent se mobiliser, qui veulent se battre contre cette loi, ce désamour d'une grande partie de la jeunesse pour la gauche et pour ce gouvernement, ça vous inquiète ?
JULIETTE MEADEL
D'abord on va voir le 9 mars ce qu'il en est réellement, ne jugeons pas trop prématurément, je pense qu'il y a une inquiétude dans la jeunesse qui est liée au taux de chômage et qui est liée à l'angoisse de l'avenir. Mais je voudrais juste vous dire une chose, soyons un tout petit peu précis, depuis 2012 le taux de chômage des jeunes c'est peut-être celui qui a été marqué par une diminution pas immense mais quand même par une diminution constante, il y a des dispositifs d'emplois aidés qui ont été mis en place, il y a des soutiens aux entreprises, donc la tendance n'est pas aussi négative que cela. Maintenant une fois que je vous dis cela, évidemment ça ce sont les chiffres, et puis il y a la perception, la perception c'est effectivement la crainte de l'avenir - et c'est une crainte qu'ils reportent parce que leurs parents ont eux-mêmes cette crainte - moi je veux leur dire ici que le gouvernement a mis en place toute une série de dispositions, de l'Education nationale en passant par la garantie jeune, en passant les aides au logement, jusqu'à l'aide à l'emploi des jeunes, qui montrent que la jeunesse est au coeur de nos préoccupations et moi j'aimerais bien délivrer un message ici c'est que : « croyez en l'avenir, battez-vous, le monde leur appartient et ce gouvernement fera tout ce qui est dans son pouvoir pour améliorer l'emploi des jeunes ».
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Juliette MEADEL. Je voudrais juste dire un dernier mot, vous attendez un heureux évènement, je crois que ça ne fait de mystère pour personne, comment vous allez gérer ça avec votre nouveau job ? Vous allez vous arrêter un minimum, un maximum, le temps légal, qu'est-ce que vous allez faire ?
JULIETTE MEADEL
Le mieux possible pour être tout à fait dévouée à ma tâche et, en même temps, le temps nécessaire pour être en forme.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup, bonne journée à vous.
JULIETTE MEADEL
Bonne journée.Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mars 2016
Juliette MEADEL est l'invitée de I Télé ce matin, bonjour
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Et merci d'être avec nous, merci aussi d'avoir choisi I Télé pour votre première grande interview, vous êtes secrétaire d'Etat chargée de l'Aide aux victimes, vous avez été nommée lors du récent remaniement. Est-ce que vous avez d'abord été surprise lorsqu'on vous a proposé ce job, ce secrétariat d'Etat qui n'existait pas ? Est-ce que vous vous êtes fait répéter l''intitulé lorsqu'on vous l'a proposé ?
JULIETTE MEADEL
Non ! Mais j'ai d'abord été surprise et touchée, et honorée qu'on m'appelle, c'est toujours
BRUCE TOUSSAINT
Oui !
JULIETTE MEADEL
Voilà. On se dit : « Ah ! Ça fait plaisir » et, dans un deuxième temps, le secrétaire d'Etat aux Victimes, dont on a immédiatement parlé ensuite. Sur le contenu il existait en fait en 2004, puisque c'était Nicole GUEDJ qui était sous l'autorité de la Chancellerie, et là maintenant il a une dimension tout à fait nouvelle qui est propre à ce que nous vivons, à ce que nous avons vécu - en 2015 et avec ce que nous vivons - et dont le contenu est très précis puisqu'il s'agit d'aider les victimes et au moment d'une crise potentielle, un accident collectif, ce n'est pas forcément un attentat
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ! C'était ma question suivante justement.
JULIETTE MEADEL
Il peut y avoir une question de transport.
BRUCE TOUSSAINT
C'est quoi être une victime, de quelle victime parlons-nous ?
JULIETTE MEADEL
On parle, le décret d'attribution est sorti ce matin, on parle à la fois des victimes des attentats naturellement. Les accidents collectifs, qu'est-ce que c'est ? Ça peut être un accident de transport, un accident industriel par exemple comme AZF, ça peut être aussi un accident sanitaire. En quoi le secrétariat d'Etat s'en occupe ? Parce qu'il aide les victimes d'abord à avoir accès à l'information, quand vous êtes victime de quelque chose de brutale et qui concerne un groupe de gens, la première chose c'est que vous avez envie de savoir : où sont éventuellement mes proches ? Qu'est-ce qui va se passer demain ? Merci de m'informer également sur les tous les processus à suivre, et puis hélas il y a la question puisquil y a des morts de l'identification de ces morts.
BRUCE TOUSSAINT
Donc pour bien comprendre on pourrait presque ajouter chargée de l'Aide aux victimes de groupes ou de masse, voilà, si on reprend un terme comme ça un peu moche mais qui désigne bien, il ne s'agira pas d'aider les victimes personnelles, individuelles ou ça pourrait aussi être le cas ?
JULIETTE MEADEL
Rien n'est exclu !
BRUCE TOUSSAINT
C'est ça qu'on ne comprend pas forcément très bien.
JULIETTE MEADEL
Dans le décret c'est très clair, rien n'est exclu
BRUCE TOUSSAINT
D'accord !
JULIETTE MEADEL
Vous pouvez avoir par exemple des victimes d'un accident de car avec un petit nombre, mais en priorité - là je vais m'occuper des sujets qui sont les sujets dont j'ai été saisie en priorité c'est-à-dire les attentats, les accidents collectifs, mais ça n'exclut en rien d'autres situations qui pourraient des situations plus individuelles.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord. Vous dépendez de qui, de quel ministère ? Lorsqu'on est secrétaire d'Etat on dépend d'un ministère, lequel ?
JULIETTE MEADEL
La grande nouveauté c'est que je dépends du Premier ministre, car le Premier ministre et le président de la République ont souhaité - et c'est la première en France, je veux quand même le soulever ont souhaité que la politique d'aide aux victimes s'appuie sur l'ensemble des ministères concernés. Qui sont-ils ? Tout simplement, quand il y a un attentat, d'abord les forces de l'ordre : les gendarmes, la police, les sapeurs-pompiers, mais également la santé puisque les hôpitaux sont largement concernés et évidemment et comme vous le savez le ministère des Affaires étrangères car lui-même il est concerné et puis il a aussi les moyens d'organiser les dispositifs d'urgence.
BRUCE TOUSSAINT
Une précision encore, vous avez cité les victimes du terrorisme, d'accidents de transport, mais ça pourrait concerner aussi des victimes de catastrophes naturelles ou d'intempéries ?
JULIETTE MEADEL
Oui, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, ça rentre aussi dans ce cadre-là ?
JULIETTE MEADEL
Oui, parce que si vous voulez dans ces situations qui sont des situations on est pris dans l'urgence que se passe-t-il ? Il faut penser aux victimes, c'est-à-dire qu'il faut penser à les informer, à les suivre et ensuite à les accompagner. Qu'est-ce qu'elles me disent les associations ? D'ailleurs elles sont satisfaites de la création de ce secrétariat d'Etat parce qu'elles le demandaient ! Qu'est-ce qu'elles me disent ? Elles me disent : « nous on a été bien soignées, bien protégées et puis regardez les services d'ordre, la police a fait un travail remarquable », moi je veux saluer aussi le courage des sapeurs-pompiers, le courage des gendarmes Bon ! Mais le sujet c'est comment on fait pour qu'elles se sentent accompagnées, qu'elles se sentent reconnues, qu'elles soient informées, qu'elles ne restent pas quelques heures dans l'attente d'une nouvelle tragique, qu'elles le sachent tout de suite lorsque c'est le cas ou qu'on les rassure tout de suite ?
BRUCE TOUSSAINT
Ça passe par quoi ? Par la mise en place d'un numéro d'urgence ? Ca été quelque chose qui a été soulignée d'ailleurs dans les jours qui ont suivi les attentats du 13 novembre notamment, ces longues heures d'attente effroyables pour les familles des victimes, comment est-ce qu'on peut améliorer cela ?
JULIETTE MEADEL
Alors il y a un numéro d'urgence qui a été mis en place, ne noircissons pas trop le tableau
BRUCE TOUSSAINT
Oui, oui.
JULIETTE MEADEL
Mais il y a eu en effet un petit administratif, c'est-à-dire que pendant 12 heures l'information n'a pas tout à fait aussi bien circulé que ce qu'on voudrait, donc il y a quelques victimes pas toutes mais il y a quelques victimes qui ont été obligées d'attendre, je pense à certaines d'entre elles, je pense notamment à Georges SALINES qui a attendu tragiquement pendant plus de 10 heures l'annonce du décès de sa fille, c'est exactement c'est le type de cas qu'il faut éviter. Je veux vraiment souligner ici que c'est quelques cas, alors évidemment ils sont vécus et à juste titre de façon tragique par les victimes et ce que nous souhaitons faire maintenant c'est améliorer de façon très concrète ce suivi.
BRUCE TOUSSAINT
On va écouter justement le témoignage d'un des rescapés du Bataclan, écoutez ce qu'il dit justement sur la prise en charge, sur le traitement des dossiers, on l'écoute ensemble.
EMMANUEL DOMENACH, RESCAPE DU BATACLAN
Quand je suis sorti du commissariat de police, d'un coup j'ai dû reprendre la vie normale, il était 7 h du matin, on était le 14 novembre, eh bien c'était démerde-toi, démerde-toi pour trouver un taxi pour rentrer chez toi, démerde-toi pour trouver un psy, démerde-toi pour trouver un avocat, pour faire son dossier au fonds de garantie, les informations vous les trouver chez les associations mais vous ne les trouvez pas là où on devrait les trouver finalement, l'aide, l'écoute, on ne la trouve pas au niveau de l'Etat.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ! Là on est au coeur de votre job, c'est comment répondre à ce genre de demande ?
JULIETTE MEADEL
Ce qu'il dit est très juste ! Mais les associations, profitons-en pour le dire, en particulier l'INAVEM - mais il y en beaucoup d'autres - il y a la FENVAC, sont bien organisées sur le territoire. Ce que nous voulons faire c'est continuer à travailler avec les associations mais travailler à ce qu'on appelle un référent unique mais qui soit l'Etat, c'est-à-dire que l'Etat et c'est l'intérêt de ce secrétariat d'Etat, l'intérêt de cette incarnation politique ait les moyens, l'autorité pour faire travailler ensemble tous les services et offrir cet accompagnement individualisé dont il parle, ce qui veut dire qu'on va travailler avec les associations mais en priorité le contact, le point de contact unique ça doit être l'Etat. En recevant les associations, déjà et pour certaines d'entre elles je les ai vues plusieurs fois - j'ai ressenti ça et en recevant leurs dossiers, parce qu'il faut être concret, elles ont des dossiers précis à gérer et donc nous notre rôle, en fait ce secrétariat d'Et c'est de les aider déjà à régler les cas concrets pour être ce référent unique.
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous avez des moyens pour faire ça ?
JULIETTE MEADEL
Bien sûr, auprès du Premier ministre. Qu'est-ce que vous voulez avoir de plus comme moyens dans la République d'être logé auprès du Premier ministre ?
BRUCE TOUSSAINT
Il y a un budget, il y a un budget spécial pour ce secrétariat d'Etat ? Quand je parlais de moyens, les moyens c'est l'argent, c'est
JULIETTE MEADEL
Il y a des moyens bien sûr. D'abord il y a des moyens humains, puisque je travaille avec des directions et du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Santé et du ministère de la Justice, il y a des services spécifiques d'aides aux victimes, mais il y a surtout et en l'occurrence croyez-moi il y a un fonds, un fonds d'indemnisations dans lequel je jouerai un rôle. Mais surtout en fait le sujet ce n'est pas tant la question des moyens, les victimes ne vous demandent pas de la distribution de moyens financiers, il y a un fonds qui existe, ce qu'on attend, ce qu'elles attendent c'est l'écoute parce qu'elles ont besoin de donner leur récit et, partir de récit, on construit des actions et donc elles ont besoin aussi de reconnaissance.
BRUCE TOUSSAINT
On va écouter ensemble Georges SALINES, que vous connaissez, qui est le président de l'association « 13 novembre : fraternité et vérité », qui a perdu sa fille au Bataclan, on l'écoute ensemble.
GEORGES SALINES, PRESIDENT DE 13 NOVEMBRE : FRATERNITE ET VERITE »
Il faut que les victimes aient très clairement un interlocuteur, un interlocuteur unique, qui fasse un assemblage pour eux, que ça ne soit pas la victime d'aller faire le tour de la caisse de sécu, du fonds de garantie, des assurances, de la justice, de démarches auprès du procureur, etc.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ! Vous pourriez être ce lien finalement entre les victimes et toutes ces administrations qui ont été citées par Georges SALINES ?
JULIETTE MEADEL
Oui, oui, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Mais je voudrais vous poser une autre question, victime à partir de quoi et de quand on est une victime ? J'ai lu que 1.900 personnes, un peu plus de 1.900 personnes
JULIETTE MEADEL
149, oui c'est ça.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà, 1.949 personnes sont victimes des attentats de janvier et de novembre, ça dépasse les chiffres officiels que l'on du nombre de blessés par exemple ?
JULIETTE MEADEL
Ce chiffre en fait c'est le nombre des victimes directes, c'est-à-dire que c'est les victimes qui sont reconnues comme telles par le Parquet, car c'est le Parquet qui établit ce qu'on appelle la liste unique des victimes, donc il prend sa décision lui au regard de toute une série de critères. Qu'est-ce que c'est la définition ? Victime directe, c'est que vous êtes décédée, blessée ou choquée parce que vous étiez sur les lieux de l'attentat ; après, il y a autre chose et c'est là que les choses se compliquent un peu il y a la notion de victime indirecte ou de victime par ricochet qui, elle, mérite d'être clarifiée juridiquement et qui fait que par exemple devant le fonds d'indemnisations vous avez des demandes dont on anticipe qu'actuellement elles sont à près de 1.200 mais qu'elles pourraient aller jusqu'à 4.000, parce que Je vais vous donner un exemple concret ! J'en ai vu des victimes comme ça, des victimes qui étaient sur les lieux de l'attentat, n'ont pas été forcément ni touchées physiquement et pas forcément en plein centre de l'attentat mais qui ont assisté à quelques éléments, qui ont vu des images, je pense même aux services d'aide aux pompiers, aux gendarmes, aux médecins qui sont arrivés sur les lieux, qui ont vu des images qui sont croyez-moi bouleversantes, des images de guerre, psychologiquement elles sont atteintes, il faut donc penser également à leur reconstruction, parce qu'on ne peut pas les laisser repartir comme ça sans rien faire.
BRUCE TOUSSAINT
Là on vous écoute depuis de longues minutes maintenant sur ce dossier et donc, pardon de vous poser la question brutalement comme ça, donc ce n'est pas un ministère gadget ou un ministère de com
JULIETTE MEADEL
Franchement vous croyez vraiment
BRUCE TOUSSAINT
Pour dire : « Oui, regardez, on s'occupe de vous, etc. » ? Parce que vous dites, dans une interview qui a été publiée dans Le Monde hier : « Oui, ça aurait pu être un délégué interministériel », c'est un peu technique, mais en gros est-ce qu'on avait vraiment besoin de créer un ministère pour ce sujet-là ?
JULIETTE MEADEL
Lisez la phrase jusqu'au bout dans l'interview ! Qu'est-ce qu'elle dit ?
BRUCE TOUSSAINT
Oui, vous dites aussi qu'il fallait un choix, il fallait en faire quelque chose de politique, il fallait en faire un choix politique, un vrai acte politique.
JULIETTE MEADEL
En réalité, la phrase : « mais cette grande cause méritait une incarnation politique », la demande des associations c'était l'incarnation politique, le Premier ministre indiquait que c'était la bonne idée de ce gouvernement. Pourquoi ? Parce qu'à un moment donné, moi je crois en la politique et je crois que la politique c'est du sens, les victimes ont besoin de sens, elles ont besoin d'être reconnues, mais pas de la reconnaissance ou simplement on est sûr de l'émotionnel ou de la com. - comme vous le disiez - non, leurs demandes sont précises, elles ont besoin d'action parce qu'elles ont besoin d'être accompagnées et elles ont besoin de résultat, elles ont besoin que les dossiers « encarafés » sortent, il n'y en a pas beaucoup parce que les services de l'Etat ont bien travaillé, mais il faut que ça aille plus vite.
BRUCE TOUSSAINT
Et ça veut dire aussi, comme le disait, comme le pointait Christophe BARBIER à la fin de son édito tout à l'heure sur I Télé, que c'est sans doute aussi ce ministère, ce secrétariat d'Etat, valide l'idée qu'il y aura sûrement d'autres attentats et qu'il faut être prêts à gérer cela ?
JULIETTE MEADEL
Vous savez le 12 novembre 2013 le Premier ministre a mis en place une cellule interministérielle d'aide aux victimes, donc les services de l'Etat se préparent depuis 2015, c'est leur travail. Mais moi j'attire votre attention sur les cas existants, sur les victimes actuelles, sur celles que je rencontre, sur les victimes d'attentats passés qui sont encore en souffrance et même sur celles qui ne sont pas encore déclarées car elles croient comme votre interviewé l'a bien montré que ça va aller bien et, hélas, il faut pouvoir les aider dans leur reconstruction sur le long terme.
BRUCE TOUSSAINT
On va parler des autres grands sujets d'actualité et, alors là, ça vous touche de près aussi. Il y a un autre ministère qui a un nom un peu nouveau comme ça ou en tout cas qui peut susciter une certaine surprise, c'est le ministère de la Famille, qui, on le sait depuis hier puisque François HOLLANDE l'a annoncé dans une interview à Elle devient le ministère des Familles, vous comprenez cette appellation ?
JULIETTE MEADEL
Oui, c'est complètement en phase avec ce que nous vivons. Parce que la famille est plurielle aujourd'hui, la famille on le sait bien ça fait 20 ans que ce n'est plus papa, maman et les enfants, la famille elle est diverse, elle est recomposée, elle est plurielle, elle est variée, elle a de multiples formes, il y a des familles monoparentales Voilà ! Donc il y a le mariage pour tous, et c'est formidable parce que ça veut dire que nos institutions doivent s'adapter à la liberté de chacun et à la liberté de chacun de choisir son mode de sa vie privée comme il l'entend.
BRUCE TOUSSAINT
Mais enfin c'est un sujet sensible et on va voir, on va écouter ensemble deux réacteurs alors vraiment de gens qui sont diamétralement opposés, la patronne de « La Manif pour tous » et Clémentine AUTAIN du Front de gauche, alors vous allez voir c'est intéressant parce qu'elles sont d'une certaine façon réfractaires à cela. On va écoutez ensemble !
LUDIVINE DE LA ROCHERE, PRESIDENTE DE « LA MANIF POUR TOUS »
Aller vers les familles c'est d'une certaine manière marquer les différences, alors que la famille unifie d'une part, là François HOLLANDE est en train de cliver, il veut opposer d'une certaine manière les situations les unes aux autres, il veut marquer ces différences et je trouve que c'est absolument désolant.
CLEMENTINE AUTAIN, CONSEILLERE REGIONALE FRONT DE GAUCHE EN ILE-DE-FRANCE
Enfin nous sommes très contents qu'il y mette un S, mais c'est vrai que les mouvements féministes se sont étonnés que la famille soit accolée à l'enfance, droits des femmes, enfance, famille, vous voyez ce nest pas tout à fait l'idée qu'on se fait du progrès pour l'égalité homme femme.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Vous voyez ce que je disais sur le côté sensible et d'ailleurs du coup la question, c'est : est-ce que c'est vraiment le moment de remettre de l'huile sur le feu sur ce sujet ?
JULIETTE MEADEL
Bien au contraire, ça tombe sous le sens, vous voyez bien que les familles sont multiples et variées, on voit bien que la conception de la famille a changé - enfin Irène THERY l'a dit en son temps donc la modernité c'est de dire : « il y a des familles », il ne s'agit pas de nier qu'il y a des familles de forme différente comme « Le Mariage pour tous » où sa représentante le dit, il ne s'agit pas de nier comme le dit Clémentine AUTAIN qu'on a bien le droit aussi, y compris dans les couples issus du « Mariage pour tous » d'élever des enfants Bon ! Moi je vais vous dire je trouve sidérant, on peut être féministe et dire : « Oui l'écrasante majorité des femmes a des enfants, ça ne nous empêche pas d'être féministe ».
BRUCE TOUSSAINT
Vous arrivez au gouvernement dans la presque dernière année du quinquennat, il reste 15 mois, et ce gouvernement n'a jamais été aussi populaire en tout cas l'Exécutif plus précisément la cote de François HOLLANDE est tombée à 17 %, celle de Manuel VALLS à 23 %, vous comprenez cette impopularité des deux chefs de l'Exécutif ou c'est au contraire pour vous incompréhensible ?
JULIETTE MEADEL
Non, le sujet c'est qu'il y a quand même une petite musique qui s'installe en France, nous sommes dans un pays qui n'est pas porté vers l'optimisme, la confiance, la résilience, ça se voit, vous n'avez qu'à regarder les sondages où on voit que les Français sont plus pessimistes que les Afghans. Mais au-delà, plus sérieusement, je trouve que c'est très injuste, c'est très injuste, parce que le gouvernement n'a pas ménagé ses efforts au prix de réformes courageuses, on va en parler sur l'emploi, on va en parler également sur la question de la tenue de nos finances publiques, on va en parler aussi sur des réformes sociétales comme « Le mariage pour tous » et on va en parler aussi sur la question de la politique étrangère qui a été menée d'une façon tout à fait reconnue, unanimement reconnue par nos partenaires.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, Et malgré ce que vous soulignez-là les Français n'adhèrent pas. Est-ce qu'ils n'y croient plus, est-ce que c'est Voilà !
JULIETTE MEADEL
Je crois que sur du long terme, si on regarde un peu ces 20 dernières années, il y a évidemment une espèce de discrédit avec la classe politique et puis il y a une crise économique dont nous subissons les effets depuis 2008, alors je crois que moi j'aimerais bien qu'on arrive à porter le message que la politique peut changer les choses et vous verrez que lorsqu'on fera le bilan du quinquennat la somme des réformes qui ont été engagées est beaucoup et largement supérieure à ce qu'on veut bien en dire aujourd'hui.
BRUCE TOUSSAINT
Deux dernières questions, Juliette MEADEL, d'abord est-ce que Manuel VALLS a vraiment envisagé de quitter Matignon comme on a pu le lire tout au début de la semaine jusqu'à ce matin où Le Parisien dit qu'il y a eu un dîner de réconciliation entre François HOLLANDE et Manuel VALLS dimanche soir, que le coeur de la discorde c'était la fameuse loi sur le travail. Vous y avez cru, vous, à cette
JULIETTE MEADEL
Pas une seule seconde !
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
JULIETTE MEADEL
On a un Premier ministre qui est au travail, qui est engagé Vous savez le contexte que nous vivons ne donne pas le temps, ni au président de la République, ni au Premier ministre, de se lancer dans ce type de conjecture, alors que ça alimente les gazettes, très bien, mais franchement ce n'est pas le sujet.
BRUCE TOUSSAINT
Et enfin, vous êtes l'une des benjamines du gouvernement, peut-être même la benjamine, ce qui frappe c'est dans le débat sur la loi Travail c'est la mobilisation de la jeunesse. Qu'est-ce que ça vous inspire, lorsque vous voyez des syndicats d'étudiants qui veulent se mobiliser, qui veulent se battre contre cette loi, ce désamour d'une grande partie de la jeunesse pour la gauche et pour ce gouvernement, ça vous inquiète ?
JULIETTE MEADEL
D'abord on va voir le 9 mars ce qu'il en est réellement, ne jugeons pas trop prématurément, je pense qu'il y a une inquiétude dans la jeunesse qui est liée au taux de chômage et qui est liée à l'angoisse de l'avenir. Mais je voudrais juste vous dire une chose, soyons un tout petit peu précis, depuis 2012 le taux de chômage des jeunes c'est peut-être celui qui a été marqué par une diminution pas immense mais quand même par une diminution constante, il y a des dispositifs d'emplois aidés qui ont été mis en place, il y a des soutiens aux entreprises, donc la tendance n'est pas aussi négative que cela. Maintenant une fois que je vous dis cela, évidemment ça ce sont les chiffres, et puis il y a la perception, la perception c'est effectivement la crainte de l'avenir - et c'est une crainte qu'ils reportent parce que leurs parents ont eux-mêmes cette crainte - moi je veux leur dire ici que le gouvernement a mis en place toute une série de dispositions, de l'Education nationale en passant par la garantie jeune, en passant les aides au logement, jusqu'à l'aide à l'emploi des jeunes, qui montrent que la jeunesse est au coeur de nos préoccupations et moi j'aimerais bien délivrer un message ici c'est que : « croyez en l'avenir, battez-vous, le monde leur appartient et ce gouvernement fera tout ce qui est dans son pouvoir pour améliorer l'emploi des jeunes ».
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Juliette MEADEL. Je voudrais juste dire un dernier mot, vous attendez un heureux évènement, je crois que ça ne fait de mystère pour personne, comment vous allez gérer ça avec votre nouveau job ? Vous allez vous arrêter un minimum, un maximum, le temps légal, qu'est-ce que vous allez faire ?
JULIETTE MEADEL
Le mieux possible pour être tout à fait dévouée à ma tâche et, en même temps, le temps nécessaire pour être en forme.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup, bonne journée à vous.
JULIETTE MEADEL
Bonne journée.Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mars 2016