Interview de Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique, à RTL le 18 mars 2016, sur le dégel du point d'indice des fonctionnaires et l'impact de la dématérialisation des actes administratifs sur l'évolution des effectifs de la fonction publique.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JOURNALISTE
Yves CALVI, vous recevez ce matin la ministre de la Fonction publique.
YVES CALVI
Bonjour Annick GIRARDIN.
ANNICK GIRARDIN
Bonjour.
YVES CALVI
Le dégel du point d'indice des fonctionnaires est donc officiel, il sera de 1,2 %. Je rappelle que cette hausse se fera en deux temps. Pourquoi en deux temps ?
ANNICK GIRARDIN
Alors, en deux temps, parce que c'est une décision raisonnable, puisque nous avons fait cet effort, cet effort important en direction des fonctionnaires, que ça a un coût de 2,4 milliards d'euros sur une année pleine, et que nous l'avons fait en deux fois, parce que nous avons aussi à garder notre trajectoire budgétaire, donc au 1er juillet 2016 et au 1er février 2017.
YVES CALVI
Donc vous nous dites que c'est une façon, finalement, de lisser la hausse, si je vous comprends bien.
ANNICK GIRARDIN
Tout à fait.
YVES CALVI
Comment va-t-on payer ? D'où vient cet argent, dans une période de crise où pour tous les Français, tous les jours ils entendent dire qu'on a des difficultés pour boucler le budget, ce qui est une réalité, pour boucler leur budget, voilà, d'où viennent les sous ?
ANNICK GIRARDIN
C'est la trajectoire budgétaire prévue, c'est-à-dire que les sous du budget de l'Etat, c'est à la fois effectivement les impôts, les économies, et les différentes ressources et recettes, donc il n'y a pas de miracle, cette dépense elle est couverte, comme toutes les autres.
YVES CALVI
Etait-il vraiment nécessaire d'augmenter nos fonctionnaires ?
ANNICK GIRARDIN
Oui. Oui, parce que le gel du point d'indice, il date de 2010. Depuis 2010, donc, les fonctionnaires n'ont connu aucune augmentation liée au point d'indice. Et donc aujourd'hui, il fallait…
YVES CALVI
Pardonnez-moi, ils ont de l'avancement chaque année, et une garantie de leur pouvoir d'achat, que je sache.
ANNICK GIRARDIN
Tout à fait. Mais on était sur la question du rendez-vous salarial. Vous savez, c'est cohérent et c'est un ensemble. Depuis que nous avons travaillé avec les fonctionnaires, donc depuis 2013, 2012/2013, il y a eu trois formes de travail, en partenariat avec les organisations syndicales, d'abord une augmentation 2014 et 2015, des catégories C, donc les plus bas salaires de la Fonction publique, parce que nous avions et nous avons, dans la Fonction publique, des travailleurs pauvres, également, qui sont au service des Français, tous les jours, et qui devaient avoir là une première reconnaissance de leur action. Ensuite il y a eu un gros travail sur le parcours professionnel, les carrières, les rémunérations, qui a été débuté l'an dernier et les fonctionnaires verront le résultat sur leur feuille de salaire, entre 2016 et 2020, monter en, puissance, mais aussi c'est des plus lentes carrières, c'est des carrières qui sont revalorisées, et puis il y avait ce rendez-vous salarial programmé, fin février, depuis déjà un an et demi, que nous avons tenu hier, avec les organisations syndicales, mais aussi avec les employeurs, c'est important.
YVES CALVI
Alors, vous faites un effort, donc nous faisons un effort, nous, avec nos impôts, et on a besoin de nos fonctionnaires, ça personne ne le conteste, après on peut se poser la question sur leur nombre, mais j'y reviendrai dans quelques instants. En revanche, on ne peut pas dire que les syndicats soient très satisfaits, ils demandaient jusqu'à 7 %, voire 10 % pour la CGT. C'était irréalisable ?
ANNICK GIRARDIN
Alors, plus sérieusement, effectivement, il y a eu…
YVES CALVI
Et certains d'entre eux maintiennent leur mouvement de grève, hein, je le rappelle.
ANNICK GIRARDIN
Il y a eu 8 % d'évoqués autour de la table, mais il y a eu beaucoup de pourcents, donc entre 0 et 2, nous avions donc une négociation qui a été faite, 1,2, c'est juste, c'est équilibré et c'est significatif, c'est ce qu'avait dit le Premier ministre, qui souhaitait une mesures significative, elle est significative.
YVES CALVI
1,2, c'est le dernier mot, ça ne bougera pas, c'est définitif, c'est le chiffre.
ANNICK GIRARDIN
Ecoutez, on a eu cinq heures de réunion de travail, une première proposition, puis des échanges, puis une deuxième proposition du gouvernement. Quand je vous dis qu'on a fait un choix raisonnable…
YVES CALVI
On a aussi un gouvernement qui parfois change d'avis.
ANNICK GIRARDIN
Quand je vous dis qu'on a fait une, qu'on a pris une décision raisonnable, elle est raisonnable, et elle ne peut pas, aujourd'hui, évoluer, donc c'est 1,2 en deux fois, mais c'est en complément des augmentations des catégories C en 2014 et en 2015, et je redis, en complément aussi du parcours professionnels des carrières et rémunérations, c'est le nom d'un protocole qui permettra aussi aux fonctionnaires de voir leur carrière se modifier et leur feuille de paie également connaitre une autre augmentation, entre 2016 et 2020. C'est un tout. Je crois aussi qu'il faut rappeler qu'en contrepartie il y a aussi une loi déontologie, parce que les fonctionnaires ont des droits, mais les fonctionnaires ont aussi des devoirs, et cette loi déontologie elle devrait aboutir par une CMP, là, fin mars, et nous allons également travailler sur la…
YVES CALVI
Excusez-moi, quel est le lien entre l'augmentation, que l'on peut juger opportuniste, à un an d'une échéance électorale et le fait qu'il y ait un code déontologique pour nos fonctionnaires ? Moi je ne la vois pas la liaison.
ANNICK GIRARDIN
Parce que… si, moi je la vois. Parce que quand on fait un effort, il y a aussi une partie de reconnaissance, c'est là la reconnaissance de l'implication des fonctionnaires au quotidien, aux côtés des Français, leur engagement, je parle des infirmiers, des policiers, des aides-soignantes, mais il y a aussi, et parce que je l'entends beaucoup, et on l'entend, et vous le savez, Yves CALVI, les critiques sur les fonctionnaires, il y a aussi des fonctionnaires qui ont des devoirs, et nous avons aussi revu, à travers une loi déontologie, à définir, mieux encadrer ces devoirs. Et moi je souhaite aussi, dans le temps qu'il me reste, de travailler sur une fonction publique plus moderne, plus ouverte sur la société.
YVES CALVI
Moins nombreuse ?
ANNICK GIRARDIN
C'est pas une question de chiffres. Je trouve qu'on en fait toujours une question de…
YVES CALVI
Ah, parce que, pardonnez-moi, attendez le nombre de fonctionnaires ce n'est pas une question politique importante ?
ANNICK GIRARDIN
Alors c'est une question politique peut-être pour certains. La question est : quel service public demain ? Et donc effectivement quel type de fonctionnaires et comment. Comment la Fonction publique de demain répond aux besoins ? Comment elle répond aux défis qui nous attendent, écologiques, numériques, démographiques ?
YVES CALVI
On va prendre un exemple simple. L'impôt à la source, puisqu'il va être mis en place dans notre pays, peut-il entrainer des économies et des réductions d'effectifs, notamment à Bercy ?
ANNICK GIRARDIN
Il ne faut pas voir, effectivement, la partie mobilisation aujourd'hui autour de cette question, comme une volonté de réduire demain les agents de Bercy, ce n'est pas comme ça qu'on voit les choses. Moi, honnêtement, je ne sais pas pourquoi on se pose d'abord…
YVES CALVI
Mais excusez-moi, à quoi ça sert de prélever l'impôt à la source, si on ne réduit pas le nombre de fonctionnaires, par exemple pour les maintenir ailleurs, peut-être dans la santé, dans la police, ou chez nos militaires ?
ANNICK GIRARDIN
Si on les réduit, c'est exactement ce que je viens de vous dire. Je viens de vous dire que, quels sont les services publics de demain, comment ils sont plus modernes, qu'est-ce que ça permet de bouger comme lignes, quels sont les services qui dépendent de l'Etat, des collectivités territoriales, de l'hospitalière, quels sont les besoins que l'on a demain ? Et c'est comme ça que l'on verra les effectifs de la Fonction publique.
YVES CALVI
Pardonnez-moi, vous êtes ministre de la Fonction publique et vous ne le savez pas ?
ANNICK GIRARDIN
C'est-à-dire ?
YVES CALVI
Vous ne savez pas où on a besoin de fonctionnaires au moment où nous parlons ?
ANNICK GIRARDIN
Eh bien, sur la Fonction publique du XXIème siècle, celle de 2025, non, je ne sais pas, parce que je dois, effectivement, avec d'autres, pouvoir la repenser. Vous savez, vous, quels sont les besoins exacts que vous aurez dans dix ans ou dans quinze ans ou dans vingt ans ? Non. Nous allons avoir ce travail à faire, maintenant, parce que c'est ça aussi, gouverner c'est prévoir, prévoir pour effectivement les générations à venir, prévoir pour les dix ans qui viennent ou les quinze ans qui viennent, comment cette Fonction Publique elle répondra aux besoins des Français, aux besoins de ce siècle.
YVES CALVI
Mais ça veut dire qu'on ne se pose aucune question sur les effectifs, où, comment et dans quelle mesure, avant quinze ans ?
ANNICK GIRARDIN
Non mais je n'ai pas dit ça. Je n'ai pas dit que les réponses qu'on a apportées aujourd'hui n'étaient pas calculées, j'ai dit qu'il faut aujourd'hui regarder comment cette Fonction publique elle va répondre aux défis. Le défi écologique va aussi créer des emplois, y compris dans la Fonction publique. Les défis numériques vont faire économiser ou réduire un certain nombre d'emplois, les défis démographiques vont faire qu'on aura besoin encore davantage d'enseignants demain.
YVES CALVI
Quand mettons l'impôt à la source en place dans la Fonction publique ?
ANNICK GIRARDIN
Ah, écoutez, c'est une question à laquelle je ne peux pas répondre, puisqu'on travaille actuellement sur quand mettre en place de système et comment.
YVES CALVI
Une question de société maintenant. On en parle beaucoup, êtes vous confrontée à des difficultés pour appliquer, je dirais, la laïcité dans le service public ? On pense bien entendu aux examens à l'hôpital ou aux chauffeurs de bus, un certain nombre d'affaires ont beaucoup préoccupé les Français.
ANNICK GIRARDIN
Oui, tout à fait.
YVES CALVI
Est-ce que c'est un souci pour vous ?
ANNICK GIRARDIN
C'est un souci pour moi. La laïcité est un sujet que j'ai proposé hier matin, de travailler avec l'ensemble des syndicats et des employeurs, comme d'ailleurs la mobilité que je trouve souvent injuste, et puis, et je le redis ici, l'innovation, les trois pistes de travail que j'ai proposées aux organisations syndicales, c'est-à-dire donc : mobilité, laïcité, et innovation dans la Fonction publique, pour les mois à venir, et j'espère qu'on pourra construire ensemble une réponse.
YVES CALVI
La CPAM de Bayonne qui ferme à des horaires invraisemblables, parce qu'elle est en train de faire un pot : ça vous choque ?
ANNICK GIRARDIN
Oui. Quand je parlais tout à l'heure de droits et de devoir, de déontologie, je crois que la Fonction publique, elle doit bien prendre en compte effectivement la totalité de ses missions, de ses devoirs et être irréprochable. On ne peut pas, dans la Fonction publique, avoir ce type de comportement. Alors c'est isolé, ça part d'un bon sentiment, mais quand c'est effectivement ramené à l'échelle nationale, ça montre qu'il y a choses à remettre au carré, oui, bien sûr.
YVES CALVI
Donc vous voudrez des explications pour remettre les choses au carré sur ce qui s'est passé là-bas, on est d'accord.
ANNICK GIRARDIN
On ne va pas en faire un point fixe et un sujet aujourd'hui plus qu'il ne faut, mais il y a des règles à rappeler, et c'est dans le cadre effectivement de la loi déontologie, que nous le rappellerons.
YVES CALVI
Merci beaucoup Annick GIRARDIN, je rappelle que vous êtes ministre de la Fonction publique, vous nous avez dit que ce rendez-vous salarial devait, quoi qu'il arrive, avoir lieu avec nos fonctionnaires. Je vous souhaite une excellente journée.
ANNICK GIRARDIN
Merci beaucoup.Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mars 2016