Déclaration de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, sur le coût de la filière nucléaire et la durée d'exploitation des réacteurs dans le cadre de la transition énergétique, à l'Assemblée nationale le 30 mars 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Débat sur le rapport de la commission d'enquête sur le coût de la filière nucléaire et la durée d'exploitation des réacteurs, à l'Assemblée nationale le 30 mars 2016

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport de la commission d'enquête sur le coût de la filière nucléaire et la durée d'exploitation des réacteurs.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.
(…)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le Président, mesdames, messieurs les députés, citer La Fontaine au cours d'un débat relatif au nucléaire nous invite à nous méfier des mauvaises fables pour ne retenir que les bonnes. (Sourires.)
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte engage la diversification du mix énergétique et électrique français. L'essor des énergies renouvelables et les efforts de maîtrise de la consommation en énergie engageront la France vers l'objectif, fixé par la loi, d'un mix électrique comprenant 50 % de nucléaire à l'horizon 2025 et 40 % d'énergies renouvelables en 2030. La priorité de la transition énergétique est le développement des énergies renouvelables, qui permettra de créer des dizaines de milliers d'emplois dans le domaine de la croissance verte.
Gardons-nous cependant d'opposer les énergies les unes aux autres. C'est ce qui fait la force du nouveau modèle énergétique français posé par la loi. Le nucléaire restera ainsi le socle de notre mix électrique.
L'objectif de 50 % à l'horizon 2025 se traduira par des fermetures de réacteurs et par des prolongations. D'ores et déjà, vous le savez, le Gouvernement a indiqué que le décret d'abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale de Fessenheim serait pris en 2016, engageant ainsi la procédure de mise à l'arrêt définitif de ses deux réacteurs.
En application du plafonnement de la capacité nucléaire installée à 63,2 gigawatts, fixé par la loi, l'EPR de Flamanville ne pourra pas être mis en service avant la mise à l'arrêt définitif de la centrale de Fessenheim. Tel est le calendrier prévu.
Par ailleurs, la prolongation d'une partie du parc nucléaire existant sera nécessaire pour assurer la sécurité de l'approvisionnement. Les prolongations ne pourront être autorisées, sur demande de l'exploitant, qu'après validation de l'ASN, réacteur par réacteur.
Dans le respect le plus strict des exigences de sûreté, les prolongations peuvent constituer une opportunité pour les consommateurs d'électricité, ménages et entreprises. En effet, l'utilisation des centrales amorties permet de produire de l'électricité à coût bas, avec des investissements inférieurs à ceux qui seraient nécessaires pour de nouvelles installations de production d'électricité. On voit même qu'aux États-Unis, cette durée peut être portée jusqu'à quatre-vingts ans.
Pour répondre efficacement à ces perspectives, le Président de la République a engagé, le 3 juin 2015, la refondation de la filière nucléaire française, articulée autour du rapprochement entre EDF et AREVA, afin que la filière, forte de ses 220 000 emplois sur le territoire national, soit plus solidaire et plus performante. Le Gouvernement accorde sa confiance à la direction d'AREVA pour conduire son plan de performance, dans le respect des engagements du Président de la République en matière de dialogue social. Le Gouvernement soutient également AREVA et EDF dans le renforcement des coopérations industrielles avec des partenaires internationaux.
Depuis les décisions du 3 juin 2015, plusieurs étapes essentielles ont été franchies.
Tout d'abord, un accord entre EDF et AREVA a été annoncé, le 27 janvier, à propos du prix de cession d'AREVA NP.
Vient ensuite l'augmentation de capital d'AREVA de 5 milliards d'euros, annoncée le même jour, à laquelle l'État s'est engagé à souscrire en tant qu'actionnaire de contrôle, aux côtés d'investisseurs tiers. L'État assurera le plein succès de cette augmentation de capital, dans le respect des procédures et règles européennes applicables aux opérations de ce type. Cela permettra de repartir sur des bases assainies, avec une société désendettée et recentrée sur les activités du cycle et de la mine.
Enfin, des discussions prometteuses sont engagées entre AREVA, Siemens et Teollisuuden Voima – TVO – en vue de terminer la construction de la centrale finlandaise d'ici à 2018 et de mettre fin, à l'amiable, à la procédure d'arbitrage en cours.
Grâce à AREVA, la France maîtrise l'ensemble du cycle du nucléaire. Les efforts doivent donc être maintenus, avec la mise en œuvre du plan de performance d'AREVA, qui porte ses premiers fruits, la création du nouvel AREVA, l'aboutissement de la négociation avec TVO et la signature avec EDF du contrat de vente d'AREVA NP.
J'en viens à EDF, grande entreprise disposant de nombreux atouts mais qui doit relever d'importants défis, dans des conditions de marché difficile, en particulier au plan européen. Elle travaille à améliorer sa performance et à trouver les moyens de financer ses investissements, par nature importants et de long terme.
La situation financière d'EDF est d'abord liée à la faiblesse des prix de l'électricité en Europe et en France. Les prix bas du pétrole, du gaz et du charbon, ainsi que du carbone, tirent vers le bas les prix de l'électricité. S'y ajoute la désorganisation du marché européen de l'électricité, sujet que les instances communautaires ne jugent manifestement pas prioritaire : celles-ci se gardent bien d'organiser les capacités de transfert d'un pays à l'autre, ce qui pourrait constituer un avantage compétitif pour notre pays et sa production électrique.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que soit renforcé, au niveau européen, le signal donné par le prix du carbone, moyennant la définition d'un tarif plancher. Toutefois, au vu des politiques adoptées par certains pays européens, je doute que cela soit si simple à mettre en place…
Par ailleurs, EDF est en passe de signer le contrat du projet Hinkley Point, en Angleterre, pour deux EPR. Le projet dispose de fortes garanties de la part des autorités britanniques, sur trente-cinq ans. Il s'agit d'un contrat stratégique à l'export non seulement pour EDF mais pour toute la filière nucléaire française. Il permettra de nourrir les carnets de commandes du tissu industriel français, au service de l'emploi et du maintien des compétences indispensables aux travaux à venir sur le parc nucléaire en France.
C'est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre britannique ont renouvelé leur soutien à ce projet lors du sommet franco-britannique du 3 mars dernier. Il reviendra au conseil d'administration d'EDF de prendre la décision finale d'investissement au début du mois de mai, dès lors que les conditions, en particulier en matière de maîtrise des risques, seront assurées.
L'État suivra attentivement le déroulement du chantier, la maîtrise des risques, du calendrier ainsi que des enjeux techniques et financiers. Il veillera également à ce que cet investissement soit sans conséquences sur les investissements prévus par EDF dans les énergies renouvelables.
EDF est un acteur clé de la transition énergétique : l'entreprise investit aujourd'hui autant dans les énergies renouvelables que dans le nouveau nucléaire. Sa branche énergies renouvelables est bénéficiaire en 2015 et contribue positivement aux résultats du groupe. Il faut donc fortement l'encourager.
La stratégie de l'État dans le domaine du nucléaire s'inscrit donc dans une vision d'ensemble, cohérente avec les objectifs de diversification du mix électrique, de sécurité de l'approvisionnement électrique et de compétitivité de l'approvisionnement fixés par la loi. Elle s'appuie sur la refondation de la filière nucléaire engagée par le Président de la République, qui prend tout son sens dans des conditions de marché difficiles et alors que doivent être conduits de grands projets à l'export et sur le territoire national.
Elle se nourrit en outre des recommandations formulées par la commission d'enquête que présidait François Brottes, présentées à l'Assemblée nationale en amont des débats parlementaires portant sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte – vous connaissez bien ce rapport, monsieur Baupin. Je veux m'arrêter maintenant sur certaines de ces recommandations structurantes et sur leur mise en œuvre.
La commission d'enquête recommandait que l'État se saisisse pleinement de sa compétence en matière de politique énergétique et organise une évolution du mix énergétique vers un meilleur équilibre au profit des énergies renouvelables : la loi a fixé l'objectif d'une part de 50 % d'électricité d'origine nucléaire dans la production électrique et a défini les conditions d'une diversification du mix.
La commission d'enquête recommandait une plus grande implication citoyenne dans la sûreté nucléaire : la loi a renforcé la concertation au cours des procédures relatives aux installations nucléaires, notamment s'agissant de la prolongation de la durée de vie des réacteurs après quarante ans, et a donné une meilleure assise aux commissions locales d'information.
M. Denis Baupin. Absolument !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le rôle de l'ASN a été renforcé.
La commission d'enquête appelait l'État à veiller à la diversification des champions industriels nationaux dont il est partie prenante, dans le sens d'une meilleure contribution à la transition énergétique, et à mettre en place les conditions de marché favorables à cette transition : l'État exerce une vigilance constante au sein des organes de gouvernance d'EDF – je viens de faire référence à l'attention portée aux investissements dans les énergies renouvelables – et travaille à l'heure actuelle sur le sujet de l'organisation appropriée des marchés de l'électricité, notamment via la mise en place de marchés de capacité.
La commission d'enquête soulignait l'importance de sécuriser le financement des charges futures du nucléaire et saluait l'audit relatif aux coûts du démantèlement lancé par le ministère chargé de l'environnement : la loi a renforcé le contrôle sur les provisions constituées dans les comptes des opérateurs, en autorisant l'autorité administrative à consulter l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à propos des hypothèses économiques du financement des charges de long terme.
M. Denis Baupin. Exact.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Les travaux sont en cours, afin d'obtenir un premier avis à l'été 2016.
L'administration lancera par ailleurs d'autres audits sur les charges de long terme, conformément au programme demandé par le rapport de la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs, que l'on appelle plus simplement la CNEF – les acronymes ont parfois du bon…
La commission d'enquête évoquait également les évaluations du coût du projet CIGÉO : la ministre chargée de l'énergie a adopté, le 15 janvier 2016, un arrêté fixant à l'ANDRA – l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs – un objectif de 25 milliards d'euros.
La commission d'enquête recommandait de mieux expertiser les coûts d'un accident nucléaire et de mettre en place de manière opérationnelle les dispositifs permettant la prise en charge des coûts lors de la survenance d'un tel événement : la France participe activement aux travaux sur les coûts des accidents nucléaires, notamment par le biais de l'IRSN, à la pointe dans ce domaine ; par ailleurs, la loi a significativement relevé le plafond de responsabilité de l'exploitant en matière d'accidents nucléaires, puisque celui-ci doit désormais s'assurer à hauteur de 700 millions d'euros, contre 91,5 millions d'euros auparavant.
Enfin, la commission d'enquête appelait l'attention des pouvoirs publics sur la situation des industries électro-intensives : la loi a prévu la possibilité de définir des catégories d'entreprises fortement consommatrices d'électricité, afin de les faire bénéficier de conditions d'approvisionnement en électricité particulières, en contrepartie d'efforts en termes de performance énergétique. Car oui, notre compétitivité et le pouvoir d'achat des ménages doivent bénéficier des coûts bas de l'électricité permis par le nucléaire.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, les recommandations de la commission d'enquête ont apporté un éclairage précieux sur la situation de l'industrie nucléaire française et les défis qu'elle devait relever, conduisant à la réorganisation de la filière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
M. le président. Nous en venons maintenant aux questions, en commençant par le groupe écologiste.
La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Puisque M. Accoyer et, de façon incidente, M. le secrétaire d'État ont évoqué l'Allemagne, je me permets de rappeler que le gouvernement qui mène aujourd'hui l'Energiewende est composé de la CDU et du SPD. Si les Verts n'y participent pas, c'est précisément à cause de leur désaccord concernant le charbon. Je ne suis donc nullement gêné à ce propos.
Cela étant, le moins que l'on puisse dire de l'économie allemande, c'est qu'elle n'a pas l'air de beaucoup souffrir du fait que le pays est en train de sortir du nucléaire…
M. Bernard Accoyer. Son bilan carbone est calamiteux !
M. Denis Baupin. En remplaçant le nucléaire par des énergies renouvelables, ce qui est bien le cas, l'Allemagne a su organiser une transition énergétique bénéfique pour son économie, et c'est bien pour cela qu'elle a accéléré le mouvement.
M. Michel Sordi. Et les centrales au charbon et au lignite ?
M. Denis Baupin. Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, l'objectif fixé par la loi de passer à 50 % d'électricité nucléaire. Nous attendons la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui, d'après nos informations, prévoit un accroissement de 25 mégawatts de la puissance de la production éolienne et solaire à l'horizon 2023. Or, de son côté, l'entreprise EDF n'a prévu que 5 mégawatts supplémentaires d'ici à 2030, soit pour une période deux fois plus longue. Nous sommes donc dans un rapport de 1 à 10 entre les prévisions d'investissement d'EDF et celles de la programmation pluriannuelle de l'énergie. On peut imaginer que les 90 % restants soient réalisés par d'autres opérateurs, mais il nous semble extrêmement inquiétant que la première entreprise française du secteur investisse si peu dans les énergies renouvelables, laissant ainsi la place à ses concurrents.
M. Bernard Accoyer. Vous l'avez mise à genoux !
M. Denis Baupin. Si elle reste avec ses seules capacités nucléaires, elle se mettra en danger. Il est exact, monsieur le secrétaire d'État, qu'elle investit beaucoup dans le renouvelable, mais malheureusement à l'étranger ; en France, cela reste le parent pauvre.
Je vous poserai donc deux questions. Quand la programmation pluriannuelle de l'énergie sera-t-elle mise en discussion ? Que compte faire le Gouvernement pour qu'EDF investisse réellement, en France, dans les énergies renouvelables, notamment dans l'éolien et le solaire ?
M. Bernard Accoyer. Prenez toutes les réponses maintenant, monsieur le président !
M. le président. Non, M. le secrétaire d'État répondra question par question.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. En écoutant vos nombreux considérants, monsieur Baupin, je pensais aussi à la manière dont nous avons essayé de développer, à juste titre, une filière d'éolien offshore et aux difficultés que nous rencontrons pour la concrétiser.
M. Denis Baupin. En Grande-Bretagne et en Allemagne, ils réussissent !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. J'entends bien, mais nous connaissons tous, et vous plus que tout autre, le coût et la complexité que cela représente pour l'Allemagne. Les installations offshore étant installées au nord – chacun peut comprendre qu'elles ont davantage leur place en mer du Nord qu'en Méditerranée –, il est difficile d'acheminer l'électricité au sud de l'Allemagne.
M. Bernard Accoyer. Eh oui, les gens ne veulent plus de lignes à haute tension !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Pour cela, il faut des réseaux, et pour que ceux-ci voient le jour, il faut que les gens les acceptent. C'est tout de même assez compliqué mais nos échanges sont d'autant plus utiles que nous sommes capables de mesurer cette complexité.
J'en viens plus précisément à vos questions.
Comme vous le savez, le Président de la République a engagé, le 3 juin 2015, la refondation de la filière nucléaire française. Les compétences doivent être préservées, voilà un aspect que l'on n'a pas toujours l'habitude de prendre en compte. Il est très compliqué, à mesure que les années passent, de maintenir des compétences industrielles.
M. Bernard Accoyer. Tout à fait !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. On ne peut s'en tenir à l'idée, ou à l'intuition, allais-je dire, que l'on continuera forcément à savoir fabriquer quelque chose, dès lors que l'on sait le faire aujourd'hui. Des ruptures se produisent, d'où la nécessité d'une réflexion sur les processus industriels, qui ajoute encore à la complexité de nos discussions.
Le Gouvernement est donc particulièrement attentif à la consolidation des entreprises, à leurs efforts en matière de redressement financier et à la mise en œuvre de ces orientations dans le cadre des organes de gouvernance des entreprises.
Ainsi, EDF devra détenir au minimum 51 % du capital et des droits de vote d'AREVA NP, filiale d'AREVA spécialisée dans la construction de réacteurs, la fabrication des assemblages de combustibles et les services de maintenance.
Le plan de redressement d'AREVA s'articule autour de plusieurs axes : un plan de performance, qui porte ses premiers fruits avec l'amélioration du résultat opérationnel et des cessions d'actifs non stratégiques.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je reconnais, monsieur le président, avoir été un peu long…
M. le président. Il semble surtout que vous ne répondiez pas à la question…
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je crois, au contraire, y avoir répondu très directement ! (Exclamations sur divers bancs.)
M. Bernard Accoyer. En tout cas, c'était très intéressant !
M. le président. Vous avez répondu par anticipation à une autre question ; même les Américains ne le font pas. (Sourires.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je reprendrai donc la parole plus tard, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d'État, je pose cette question au nom de mon collègue Gabriel Serville, député de la Guyane, qui ne peut être présent cet après-midi. Elle doit entrer dans le champ de notre débat : celui-ci porte sur « le coût de la filière nucléaire », intitulé qui n'exclue pas le nucléaire militaire.
La France consacre chaque année 3,6 milliards d'euros à l'entretien et à la modernisation de sa force de frappe nucléaire, soit l'équivalent de l'effort demandé à nos collectivités du fait de la baisse de leurs dotations – voilà une comparaison intéressante.
Selon un rapport, publié en 2012, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, cette force de frappe nous a ainsi déjà coûté 300 milliards d'euros et il nous coûtera encore 32 milliards dans les quinze prochaines années.
Notre stratégie de dissuasion peut pourtant être garantie par d'autres moyens que les armes. Selon un sondage réalisé en octobre 2015 par l'IFOP, 74 % des Français sont favorables à une interdiction totale des armes nucléaires dans le monde. Le peuple français n'a cependant jamais été consulté sur ce sujet majeur.
M. Bernard Accoyer. Cette question n'a rien à voir avec notre débat !
M. Michel Sordi. Nous devons lutter contre le terrorisme !
M. André Chassaigne. Aussi, Gabriel Serville vous demande de bien vouloir nous éclairer à propos de la position du Gouvernement concernant l'interdiction et l'élimination complète des armes nucléaires.
M. Benoist Apparu. Notre collègue est favorable au désarmement unilatéral ! C'est ridicule !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Cette question relève certes d'un autre ordre…
M. Benoist Apparu. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. …mais il est de mon devoir de répondre aux interrogations de M. Serville, transmises par l'intermédiaire de M. Chassaigne.
M. Bernard Accoyer. M. le secrétaire d'État est bien aimable !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Effectivement !
La période 2014-2019 prévoit la poursuite de la modernisation des composantes aéroportées et océaniques, ainsi que la préparation de leur renouvellement.
M. Bernard Accoyer. Hors sujet !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Mais cela vous intéresse aussi !
Le budget 2016 s'inscrit dans cette dynamique. Les ressources consacrées à la dissuasion dans le projet de loi de finances pour 2016 sont conformes à celles qui étaient inscrites dans le projet de loi de programmation militaire, à savoir 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement.
L'entretien des forces de la dissuasion vise au maintien en condition opérationnelle des systèmes d'armes et des infrastructures nucléaires, afin de respecter dans la durée des exigences toujours plus draconiennes en matière de sécurité.
En 2016, environ 1,5 milliard d'euros sont consacrés à l'entretien des forces de la dissuasion, soit 40 % de l'ensemble du programme de dissuasion. Cet effort budgétaire consacré à l'entretien est globalement sanctuarisé pour toute la période couverte par la loi de programmation.
Vous comprendrez, monsieur le député, que je ne n'aille pas plus avant dans ma réponse, votre question soulevant des points sans rapport direct avec notre débat, à savoir la pertinence de l'appui de la stratégie de défense française sur la dissuasion nucléaire et la position de la France sur le sujet complexe du désarmement nucléaire mondial.
M. Bernard Accoyer. Vaste sujet !
M. André Chassaigne. Au nom de M. Serville, je vous remercie pour votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. Christophe Premat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Christophe Premat. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur les moyens de valoriser notre expertise en matière de sécurisation des installations nucléaires, c'est-à-dire, en fait, sur le coût de cette sécurisation.
La sûreté des installations est remise en cause par une double tension. Avec une moyenne d'âge de vingt-huit ans, le parc nucléaire mondial vieillit ; d'ici à une décennie, la moitié des réacteurs nucléaires dans le monde avoisineront les quarante ans, sans que soient vraiment connues les conditions et les coûts liés à leur prolongation éventuelle jusqu'à soixante ans. À ce vieillissement s'ajoute la pression de la rentabilité, incitant les opérateurs à réduire les coûts, par exemple en ayant recours à une sous-traitance bon marché, ce qui peut avoir un impact sur la sûreté des installations.
La filière nucléaire française connaît quelques succès importants ; je pense au réacteur EPR d'Olkiluoto 3, en Finlande, dont vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'État – à ce jour, le projet accumule neuf ans de retard par rapport au calendrier initialement prévu – ou aux deux EPR britanniques, pour lesquels EDF a fait appel à des partenaires étrangers finançant le coût de la construction à hauteur d'un tiers. Toutefois, les exportations françaises restent limitées, face à l'émergence de la Chine sur le marché de l'énergie et à la solidité de la filière nippo-américaine.
M. Bernard Accoyer. Sans oublier les Russes !
M. Christophe Premat. S'il y a un point sur lequel nous pourrions gagner en crédibilité sur la scène internationale, c'est bien celui de la sécurité de la filière. La France est dotée d'une autorité spécialisée, l'ASN, dont le rôle est fondamental mais qui, contrairement à la Nuclear Regulatory Commission américaine, n'a pas les moyens d'être présente sur le plan international. Cette dernière a en effet la capacité d'édicter et d'imposer des normes mais aussi de fournir les cadres réglementaires et de sûreté. Le Président de la République se rendra d'ailleurs jeudi et vendredi à Washington pour assister à un sommet sur la sécurité nucléaire, au cours duquel seront évoqués les différents types de risque.
Au regard de tous ces éléments, est-il envisageable de réformer l'ASN et l'IRSN afin de leur donner les moyens publics d'améliorer leur capacité de prescription, pour qu'ils puissent conseiller les entrants dans la filière et assurer à celle-ci une position internationale et européenne plus avantageuse ?
M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur le député, le Gouvernement, vous l'avez rappelé, considère la sûreté nucléaire comme un élément incontournable de sa politique énergétique.
Au niveau national, il est ainsi attentif à ce que le dispositif public en matière d'expertise et de contrôle, constitué par l'ASN et l'IRSN, dispose de moyens proportionnés aux enjeux de sûreté. La loi relative à la transition énergétique a d'ailleurs considérablement renforcé les pouvoirs de l'ASN ainsi que la transparence des systèmes de contrôle, par exemple en rendant publics les avis de l'IRSN.
Sur le plan international, l'expertise française en matière de sûreté constitue un atout, et même un atout majeur, pour la compétitivité de notre offre nucléaire globale. Tout à l'heure, j'ai entendu l'énumération des pays qui, bizarrement, continuent, à la fois sur le plan industriel et sur le plan de la production énergétique, d'investir dans le domaine nucléaire.
M. Denis Baupin. « Bizarrement » : le mot est bien trouvé !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. L'un des éléments majeurs de la compétitivité française, vous avez eu raison de le souligner, monsieur Premat, est le degré de sûreté de la filière et sa qualité d'expertise, tant en matière de construction que de vérification.
M. Bernard Accoyer. Tout à fait !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Il faut le rappeler – sans pour autant faire preuve d'arrogance – car nous n'avons pas souvent l'occasion d'exprimer notre satisfaction…
L'ASN et l'IRSN, ainsi que l'ANDRA, sont d'ores et déjà impliqués dans de nombreuses coopérations internationales, notamment là où il existe des enjeux industriels et commerciaux pour la France.
Le Gouvernement, comme il l'a fait par le passé, continuera à accompagner le rayonnement à l'international de ces compétences françaises.
Vous avez également pointé les enjeux de sécurité liés à la sous-traitance. Je tiens à souligner que la loi relative à la transition énergétique a apporté plusieurs avancées s'agissant des conditions d'exercice de la sous-traitance dans le nucléaire. Elle a introduit dans le code de l'environnement un article prévoyant l'encadrement du recours à des prestataires ou à la sous-traitance : l'exploitant ne peut dorénavant confier à un prestataire la maîtrise d'œuvre de la sûreté de son installation et limite la sous-traitance à trois niveaux pour les activités liées au fonctionnement et au démantèlement des sites.
Vous avez raison, monsieur le député, de m'interroger à propos des organismes de contrôle et de sûreté. Croyez bien que nous avons la volonté de faire rayonner l'expertise française en la matière, pour des raisons éthiques mais également industrielles et commerciales.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Michel Sordi.
M. Michel Sordi. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit de porter à 50 % la part d'électricité d'origine nucléaire à l'horizon 2025. Tout le monde sait que cet objectif est inatteignable, d'autant que, pour l'atteindre, il faudrait mettre à l'arrêt quinze réacteurs sur le territoire national, ce qui est impossible à réaliser – et évidemment plus encore à financer.
M. Denis Baupin. Ah bon ?
M. Michel Sordi. Je rappelle que l'énergie nucléaire est aussi une énergie propre, avec un impact nul en termes de rejets de gaz à effet de serre, et que le prix de l'électricité est moitié moins cher en France que chez nos voisins allemands, qui remettent d'ailleurs en service des centrales au charbon, très polluantes.
L'arrêt de Fessenheim entraînera le paiement d'indemnités à EDF mais également à nos voisins suisses et allemands, partenaires à hauteur respectivement de 15 et de 17,5 %.
Outre le volet financier, cet arrêt poserait un gros problème social. Nous considérons comme une véritable hérésie de supprimer 2 000 emplois directs et indirects, liés à une usine qui fonctionne bien et est bénéficiaire pour EDF. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)
Les conséquences pour le bassin de vie sont impressionnantes : perte de 50 millions d'euros d'impôts et taxes versés aux différentes collectivités, dont les recettes sont actuellement en baisse ; fermetures de classes, de commerces, d'hôtels, de fournisseurs ; abandon de plusieurs centaines de maisons par leurs occupants, puisque les salariés quitteront le secteur.
Je rappelle que la centrale Fessenheim a fait l'objet d'un investissement de 300 millions d'euros pendant la troisième visite décennale et que 15 millions d'euros ont été dépensés dans les travaux post-Fukushima, pour améliorer encore et toujours la sûreté des installations. Cela a conduit l'ASN à classer cette centrale parmi celles qui intègrent le niveau d'exigence le plus récent, monsieur Baupin.
Pour conclure, il n'existe aujourd'hui aucun projet concret en vue d'installer des entreprises et de recréer les 2 000 emplois qui seraient supprimés.
Pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'État, combien coûterait l'arrêt des deux réacteurs nucléaires ? Pouvez-vous me dire si le Gouvernement a un plan de revitalisation du secteur de Fessenheim ? Pouvez-vous me dire combien la France devrait verser à ses partenaires suisses et allemands si Fessenheim devait fermer ?
Il est certain qu'il faudra un jour fermer Fessenheim, lorsque l'ASN l'aura décidé. En attendant, utilisons donc les bénéfices de cette centrale pour financer les énergies renouvelables.
M. Bernard Accoyer et M. Jean-Pierre Decool. Très bien !
M. Éric Straumann. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. En octobre 2015, à la suite de la demande d'EDF de reporter la date de mise en service de l'EPR de Flamanville, la ministre de l'environnement a formellement demandé à EDF de déposer la demande d'autorisation d'exploiter l'EPR de Flamanville accompagnée d'une demande d'abrogation de l'autorisation d'exploiter des réacteurs d'une capacité équivalente dès l'été 2016. La ministre a également pris note de ce que la fermeture de deux réacteurs du site de Fessenheim était l'unique hypothèse d'EDF.
Par conséquent, après consultation de ses instances, EDF déposera une demande d'abrogation de l'autorisation d'exploiter pour les deux réacteurs de Fessenheim. Sur cette base, le Gouvernement prendra en 2016 les actes administratifs engageant la mise à l'arrêt définitive de la centrale, qui sera évidemment conduite dans le respect des prescriptions de sûreté édictées par l'ASN.
M. Bernard Accoyer. Il serait raisonnable d'attendre que les Français se prononcent !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. En application du plafonnement de la capacité nucléaire installée à 63,2 gigawatts, prévue par la loi, l'EPR de Flamanville ne pourra pas être mis en service avant la mise à l'arrêt définitive de la centrale de Fessenheim, ce qui laisse un certain temps… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Éric Straumann. Trois ou quatre ans !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. C'est vous qui nous avez expliqué qu'il était important de prévoir de nouvelles centrales.
M. Bernard Accoyer. C'est la méthode des Verts : ils disent des contrevérités et intoxiquent tout le monde !
M. le président. Mes chers collègues, seul le secrétaire d'État a la parole !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. La centrale de Fessenheim sera donc démantelée au plus vite, dans le respect des prescriptions imposées.
D'ici à la mise à l'arrêt définitive de la centrale, des mesures de reclassement des emplois qui lui sont liés et de reconversion du site seront prises.
M. Éric Straumann. Financés à partir de quelle enveloppe ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement, en collaboration avec les collectivités locales, a d'ores et déjà étudié ces mesures de revitalisation économique qui feront suite à la fermeture.
M. Éric Straumann. Nous ne sommes pas au courant ! Jamais nous n'avons été contactés !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Tout d'abord, EDF continuera d'employer plusieurs centaines de personnes pendant toute la phase de démantèlement – elle devrait durer une vingtaine d'années, ce qui offre une certaine perspective.
Par ailleurs, le Gouvernement travaille depuis 2013 à recourir aux contrats de plan État-région afin de soutenir l'emploi, de renforcer l'attractivité économique et de développer les sites européens d'innovation, en lien avec les États voisins outre-Rhin.
M. Éric Straumann. C'est scandaleux !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. S'agissant des retombées fiscales, durant toute la phase de démantèlement, la centrale de Fessenheim continuera de s'acquitter d'un montant significatif de taxes. Les coûts techniques de la fermeture de Fessenheim – démantèlement, gestion des déchets, etc. –sont d'ores et déjà provisionnés par EDF.
La discussion est donc dès à présent engagée.
M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas seulement un scandale, c'est une trahison !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le secrétaire d'État, l'Allemagne a fait le choix d'une transition énergétique en se fixant l'objectif de 80 % d'électricité issus de sources renouvelables d'ici à 2022, ambition louable, certes. Toutefois ses émissions de CO2 sont en hausse de 3 %.
M. Denis Baupin. Faux !
M. Jean-Pierre Decool. Du fait d'un recours accru au charbon, l'Allemagne est devenue, ces dernières années, l'un des pays européens les plus pollueurs.
M. Denis Baupin. Faux !
M. Jean-Pierre Decool. La transition énergétique à l'allemande a donc montré ses limites.
Pour la France, tant que d'autres énergies bon marché, peu polluantes et en quantité suffisamment abondantes n'auront pas été trouvées, le Gouvernement a fait le choix du nucléaire, je m'en félicite.
Ce choix n'est pourtant pas sans poser de problème, notamment en ce qui concerne la durée de vie des centrales nucléaires. Notre pays exploite cinquante-huit réacteurs, dont la moyenne d'âge est de trente ans et qui sont conçus pour en fonctionner quarante. Leur démantèlement théorique est donc tout proche.
Le Gouvernement a récemment décidé de repousser de dix ans la fermeture des centrales mais nous ne pourrons pas indéfiniment rallonger les délais, monsieur le secrétaire d'État. Un jour ou l'autre, il faudra bien démanteler les centrales nucléaires pour en construire d'autres.
Quel sera le coût de ce démantèlement ? Avez-vous un montant précis à nous annoncer ?
Se pose également la question du stockage des déchets, qui représente un coût non négligeable.
M. Denis Baupin. Absolument !
M. Jean-Pierre Decool. Là encore, quel en sera le montant précis ?
Plus précisément, la centrale nucléaire de Gravelines, située dans ma circonscription, a plus de trente-cinq ans de service. À ce sujet, je veux rendre hommage à l'ensemble de l'encadrement et du personnel technique, ainsi qu'au président et aux membres de la commission locale d'information, dont je salue la vigilance.
J'ai eu à plusieurs reprises l'opportunité de visiter cette centrale et de constater sa très bonne gestion. Quel est son avenir ?
Je vous remercie par avance des réponses claires et précises que vous serez en mesure de m'apporter, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur le député, le parc nucléaire français est constitué de cinquante-huit réacteurs, dont un nombre important va atteindre quarante ans de fonctionnement. La loi française encadre la méthode de constitution des provisions, je l'ai déjà dit tout à l'heure.
Au 31 décembre 2014, EDF évaluait le coût du démantèlement de son parc de cinquante-huit réacteurs à 19 milliards d'euros, correspondant à une provision de 11 milliards d'euros. Cette évaluation repose sur une durée de vie des centrales de quarante ans.
Le système français de contrôle des charges de long terme est robuste, nous l'avons dit. À ce titre, les coûts de démantèlement des réacteurs ont été expertisés pendant un an par des tiers, sous le contrôle de l'administration. Le rapport est public : ces travaux renforcent la transparence sur le coût de démantèlement du parc d'EDF, sur lequel porte votre première question. L'audit conforte globalement l'estimation par EDF du coût du démantèlement de son parc nucléaire.
La deuxième partie de votre question porte sur la gestion des déchets. Les matières et les déchets radioactifs doivent être gérés de façon durable, dans le respect de la protection de la santé des personnes, de l'environnement et de la sécurité. La limitation des charges qui seront supportées par les générations futures doit être recherchée.
Aussi, le cadre législatif français a confié la gestion des déchets radioactifs à un établissement public indépendant, l'ANDRA. Il est possible d'estimer que 90 % du volume des déchets radioactifs disposent déjà d'une filière de gestion en exploitation.
Afin de progresser dans la gestion des déchets et de préparer la mise en place les nouvelles filières, le Gouvernement travaille à la mise à jour du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. En application du principe pollueur-payeur, toutes les charges des solutions de gestion des déchets radioactifs sont financées par les producteurs actuels des matières et déchets radioactifs.
Le troisième volet de votre question touche à la centrale de Gravelines. Sur le parc actuel, il y aura des prolongations, des arrêts, pour des raisons de sûreté et d'économies, et aussi, à plus long terme, des constructions de nouveaux réacteurs. C'est à EDF de déterminer progressivement les options générales et les propositions pour chaque centrale.
Gravelines est une centrale importante puisqu'elle rassemble six réacteurs de 900 mégawatts, qui atteindront leur quarante ans dans la deuxième partie de la décennie 2020. Dans quelques années, la question de la prolongation se posera donc, dans le cadre d'une vision globale et au cas par cas, pour chacun des six réacteurs. On ne peut préjuger, à ce stade, des décisions d'EDF.
Je ferai seulement remarquer que le site de Gravelines représente 9 % de notre capacité nucléaire. Il semble donc logique d'imaginer qu'il perdurera au moins en partie par prolongation ou en fonction de nouvelles évolutions.
M. Éric Straumann. Pourquoi ferme-t-on Fessenheim, alors ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je viens d'expliquer un peu rapidement que…
M. le président. S'il vous plaît ! La discussion se déroule dans un cadre organisé.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat suscite des exaltations et, si ces passions sont souvent exacerbées, c'est non seulement pour des raisons idéologiques mais aussi à cause des risques entraînés par le nucléaire et des angoisses que cela suscite. Il présente un défaut majeur, rédhibitoire pour certains : il fait courir des risques potentiellement graves. Les risques naturels et industriels sont innombrables. Ils ne constituent pas un fait nouveau et sont mêmes aggravés par l'activité humaine.
Dans le nucléaire, le risque est une seconde nature ; il est permanent. Devant l'impossibilité du risque zéro, le soupçon et l'inquiétude progressent. Nous demandons la plus grande protection à la technique, qui devient elle-même source d'incertitude et d'angoisse.
Pour limiter cet auto-entretien du risque dans le secteur nucléaire, des acteurs indépendants remarquables sont chargés du contrôle, de la sûreté et de la protection, mais aussi de l'expertise. Je pense à l'ASN et bien évidemment à l'IRSN. Ces acteurs ont une histoire. Leur rôle, leur organisation, leur indépendance, leurs missions ont beaucoup évolué ces dix ou quinze dernières années, pour participer à la réduction maximale du risque. Leur expertise est reconnue internationalement.
Quelles que soient nos divergences, il me semble que nous devons nous rassembler pour affirmer que ces acteurs doivent pouvoir remplir leurs missions dans les meilleures conditions possibles. C'est l'une des dernières recommandations de l'excellent rapport Brottes-Baupin, que j'appuie volontiers, en ma qualité de rapporteur budgétaire du programme 181 « Prévention des risques ».
Même si le niveau de sécurité en France demeure parmi les plus élevés au monde, je pense qu'il faut le dire : les crédits ont baissé ces dernières années. Nous avons, je crois, de bonnes raisons d'être préoccupés. Même si le budget de l'ASN a été sanctuarisé et même si trente postes ont été accordés pour 2015-2017, cet effort me paraît insuffisant au regard des enjeux.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement compte prioriser, dans les prochains budgets, la mission primordiale de la sûreté nucléaire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Les moyens humains et financiers consacrés au contrôle de l'ASN et de l'IRSN ont augmenté régulièrement et fortement depuis plus de dix ans, plus particulièrement, bien sûr, à la suite de l'accident de Fukushima. Chacune de ces structures a vu ses effectifs renforcés de vingt-deux emplois et ceux de l'ASN seront encore complétés par trente équivalents temps plein au cours de la période 2015-2017.
La diminution de la subvention pour charge de service public allouée à l'IRSN est compensée par la contribution payée par les exploitants nucléaires depuis 2011, qui a atteint 62 millions d'euros en 2015. Par ailleurs, cet institut bénéficie de financements complémentaires, au titre des investissements d'avenir, pour ses actions de recherche post-Fukushima, ce qui représente un montant de 18 millions d'euros sur une période de six à huit ans.
Voilà qui démontre que la sûreté nucléaire reste une priorité absolue du Gouvernement.
Régulièrement formulée, la proposition de créer une taxe affectée à l'ASN a été expertisée à plusieurs reprises par le ministère des finances. Il apparaît qu'elle présente sans doute plus d'inconvénients que d'avantages ; elle va notamment à l'encontre de la politique de maîtrise des taxes affectées, suivie par le Gouvernement.
Je crois avoir répondu, monsieur le député, à vos préoccupations bien légitimes.
M. Jacques Krabal. Merci !
M. le président. Le débat sur le coût de la filière nucléaire et la durée d'exploitation des réacteurs est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 avril 2016