Interview de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, à iTélé le 13 avril 2016, sur son entrée au gouvernement, la lutte contre l'islamophobie, le respect du quota de 25% de logements sociaux dans chaque commune prévu par le loi SRU et le débat sur le cannabis.

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Média : Itélé

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Emmanuelle COSSE est l'invitée d'I Télé ce matin. Bonjour Madame la Ministre.
EMMANUELLE COSSE
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, vous êtes ministre depuis, depuis, vous avez compté ?
EMMANUELLE COSSE
Deux mois je crois.
BRUCE TOUSSAINT
Deux mois et deux jours.
EMMANUELLE COSSE
Ah ben vous voyez, vous êtes plus précis que moi.
BRUCE TOUSSAINT
11 février dernier. C'est quoi vos premières impressions, d'ailleurs, sur cette nouvelle vie ?
EMMANUELLE COSSE
C'est déjà une responsabilité immense, et en même temps c'est une chance immense, pour ne rien vous cacher, parce que, vous proposer d'être à la responsabilité des questions de logement, dans un pays où quand même c'est la préoccupation majeure des Français, c'est quand même quelque chose de très fort.
BRUCE TOUSSAINT
La question c'est : est-ce que vous avez des regrets ? Parce que ça a été très difficile, ça a été une rupture d'une brutalité inouïe avec votre famille politique, qui était beaucoup plus que politique, d'ailleurs.
EMMANUELLE COSSE
Non non, ce n'était pas une rupture avec ma famille politique, c'était une rupture avec certains membres de mon parti, mais…
BRUCE TOUSSAINT
Enfin, des gens dont vous étiez très proche.
EMMANUELLE COSSE
Oui, mais en même temps j'ai pris… déjà je n'ai aucun regret, si c'est ça la question…
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
EMMANUELLE COSSE
Je n'ai aucun regret, à un moment on m'a proposé d'être ministre de ce gouvernement, pour agir, pour faire des choses, pour répondre aux questions du logement et répondre aussi à des désastres sociaux, parce que c'est une réalité pour un certain nombre de nos Français, et je vais vous dire, je n'ai aucun regret qu'à un moment mon me donne la chance d'assumer cette responsabilité et d'agir pour l'intérêt général. Et après, je vais vous dire, ça a été une rupture pour certains de mes amis, du parti que je dirigeais, parce qu'ils y étaient très opposés, mais je tiens aussi à le redire, j'ai beaucoup d'amis écologistes qui me soutiennent, qui m'ont soutenue quand j'ai fait ce choix, et qui sont toujours là.
BRUCE TOUSSAINT
Discrètement.
EMMANUELLE COSSE
Pas discrètement, y compris pas mal d'élus locaux…
BRUCE TOUSSAINT
Parce qu'ils défilent, tous ceux qui viennent expliquer que vous les avez trahis, que c'est une honte, etc.
EMMANUELLE COSSE
Vous savez…
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez entendu Eva JOLY la semaine dernière, dire sur France Info : « Ils – en parlant des ministres écologistes – ils ont vendu leurs convictions et leur âme, pour un plat de lentilles vraiment pas cher ». ?
EMMANUELLE COSSE
Vous savez, je vais vous dire quelque chose, déjà les personnes qui vous distribuent des passeports de pureté, comme ça, depuis leur chaise, ça ne m'intéresse pas. Moi, ce que je vois, c'est que dans notre pays en France, la question du logement c'est une question essentielle, les Français consacrent au moins 30 à 40 % de leur budget à se loger, et je pense que quand on vous propose d'avoir des responsabilités, de répondre à la question du logement, que ça soit des problèmes de logements très sociaux, pour des gens qui n'en ont pas, d'accession à propriété, de répondre à ce sujet majeur, on fait, et je vais vous dire, je ne crois pas que dans la vie, le fait d'agir et d'être dans l'action et d'être dans la réalisation réelle, dans du concret, pas simplement du discours politique derrière une tribune, je pense que ça c'est quelque chose qu'on ne regrette jamais dans la vie, en tout cas moi je ne le regrette pas, et par ailleurs, je vais vous dire que, avoir des convictions, c'est ce qui fait qu'à un moment on décide ou pas d'aller en politique, j'ai mes convictions, et elles sont toujours là, et elles continuent à être très présentes, y compris dans mon ministère.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a les bisbilles politiques politiciennes, qui ne sont pas toujours d'ailleurs à la hauteur, et il y a aussi des vraies questions, par exemple, est-ce que vous tes toujours à l'aise, et on va prendre un exemple très précis, avec Manuel VALLS ? Parce que ça a quand même été aussi votre adversaire. Comment est-ce que vous arrivez à gérer ça ?
EMMANUELLE COSSE
Déjà, je suis désolée, mais même quand j'étais secrétaire nationale du parti écologiste que je dirigeais, Manuel VALLS n'était pas mon adversaire. Je pense qu'il faudrait bien regarder…
BRUCE TOUSSAINT
C'est quoi le bon terme ?
EMMANUELLE COSSE
Mais je vais vous dire pourquoi. Parce que j'ai eu des désaccords, à plusieurs reprises, avec le gouvernement et avec Manuel VALLS, et des désaccords sur lesquels je me suis expliqué avec lui, sauf que moi j'ai toujours été claire : je veux que la gauche réussisse, je veux que la gauche montre qu'elle a fait pour ce pays beaucoup plus que n'a été fait par le passé, et que surtout la situation économique, la situation internationale, la situation d'apaisement dans notre société, est liée à des politiques publiques qui ont été faites. Et à partir de là, et c'est pour ça aussi que je suis entrée dans ce gouvernement et que j'ai fait ce choix-là il y a deux mois, le fait d'avoir des points de vue différents sur certains sujets, y compris avec le Premier ministre, y compris avec le président de la République, ce n'est pas pour moi un problème, à partir du moment où d'une part c'est des sujets sur lesquels nous discutons ensemble est sur lesquels il y a aussi le constat d'un désaccord.
BRUCE TOUSSAINT
Vous n'êtes pas muselée.
EMMANUELLE COSSE
Un, je ne suis pas muselé, mais par ailleurs moi j'ai toute… tout mon engagement il est dans ce gouvernement, et y compris, j'ai lu ce matin une interview du Premier ministre, et je vous dis franchement, je la trouve très bonne, je pense qu'il dit des choses très fortes, qu'il redit aussi des choses très importantes de ce qu'il a fait depuis deux ans, et là-dessus, moi je n'ai absolument pas de difficultés à le dire devant vous.
BRUCE TOUSSAINT
Il parle de logement d'ailleurs, donc on va y venir dans un instant, parce que c'est quand même ce qui nous intéresse le plus ce matin, mais il parle aussi énormément, parce que presque la moitié, on va dire un tiers de l'interview, d'Islam, d'identité, on sent que pour lui c'est important de revenir là-dessus. Il dit par exemple « j'aimerais que nous soyons capables de faire la démonstration que l'Islam est fondamentalement compatible avec la République. » Ah bon, ça ne l'était pas déjà ?
EMMANUELLE COSSE
Lisez la phrase d'après, parce qu'il ne vous dit pas que ce n'est pas le cas déjà. Il explique qu'aujourd'hui il y a une partie, y compris des personnalités politiques, qui veulent faire penser que l'Islam est un problème pour notre société, et le Premier ministre, et je suis tout à fait d'accord avec lui, dit que ce n'est pas un problème et que le sujet c'est que maintenant il faut aussi qu'on donne un moyen à toutes les personnes qui croient en cette religion, de ne pas être constamment stigmatisées. L'islamophobie, elle existe en France, le racisme antimusulmans il existe, les propos de gens de l'extrême droite, voire de la droite, moi j'ai fait la campagne des régionales il y a 3 mois, juste après les attentats, j'ai entendu des choses complètement folles. Quand on demande par exemple à des personnes, à des musulmans, d'être au coeur de la bataille contre le terrorisme parce qu'ils seraient plus responsables que d'autres. Donc, je pense qu'aujourd'hui il est extrêmement important, y compris de ramener de l'apaisement.
BRUCE TOUSSAINT
Si on leur fichait un peu la paix aux musulmans, et si Manuel VALLS arrêtait en permanence de parler d'Islam, quand il vient expliquer qu'on n'entend plus que les 1 % de salafistes en France, est-ce que ce n'est pas aussi une façon d'alimenter une espace de climat, comme cela, qui n'est pas forcément ce avec quoi vous êtes le plus à l'aise ?
EMMANUELLE COSSE
Mais ce n'est pas un problème d'être à l'aise ou quoi que ce soit, je pense que déjà on n'est pas obligé de parler de religion constamment dans notre pays, mais on ne peut pas non plus jeter un voile, comme ça, pudique, sur des problèmes de stigmatisation dans notre pays. Le racisme, la discrimination, y compris fondés sur des questions de religion, c'est une réalité. Et en même temps le radicalisme, et beaucoup d'élus locaux aujourd'hui nous saisissent sur le sujet, ça existe aussi. Ce n'est pas, évidemment, la généralité de ce que vivent les quartiers, mais c'est une difficulté, et je pense qu'il faut aussi en parler. Si le Premier ministre n'en parlait pas, est-ce que vous ne diriez pas, mais quoi, pourquoi ce gouvernement…
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais il en parle beaucoup.
EMMANUELLE COSSE
Mais il a aussi…
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'il faut une loi pour interdire le voile à l'université ? Lui dit oui, et vous ?
EMMANUELLE COSSE
Il dit oui, et il rappelle ensuite que constitutionnellement ce n'est pas possible.
BRUCE TOUSSAINT
« Il faudrait le faire… »
EMMANUELLE COSSE
« Mais… »
BRUCE TOUSSAINT
« Mais il y a des règles constitutionnelles qui rendent cette interdiction difficile. »
EMMANUELLE COSSE
Voilà, et donc je pense que, surtout, aujourd'hui, il faut appliquer la loi, c'est-à-dire notamment l'interdiction de porter des voiles intégral dans la sphère publique.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, les quartiers, là on revient à votre sujet de prédilection, le logement. Par exemple, les 25 % de logements sociaux, voilà un sujet dont on parle depuis des années et des années, ce n'est toujours pas appliqué, malgré les amendes, ce n'est toujours pas appliqué à la lettre par chaque commune qui est responsable…
EMMANUELLE COSSE
On va dire les choses…
BRUCE TOUSSAINT
Alors, qu'est-ce que vous faites sur ce sujet ?
EMMANUELLE COSSE
On va dire les choses très tranquillement. La loi avait prévu, en 2000, qu'il y ait 20 % de logements sociaux, puis 25 % de logements sociaux, en 2025, dans un ensemble de communes qui sont concernées. Vous avez raison, il y a une partie des communes qui ne respectent pas cette loi, il y en a qui sont déficitaires, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas encore aux 25 %, il y en a 1000 qui ne sont pas aux 25 %, et dans ces communes-là il y en a 223, exactement, qui aujourd'hui font l'objet de ce qu'on appelle « un arrêté de carence », c'est-à-dire que ce sont les préfets qui sont en train de reprendre la main sur ces communes pour construire des logements sociaux. Pourquoi ? Parce que par le passé, notamment dans les années 70, 80, 90, ne pas respecter cet équilibre de répartition de logements sociaux, a fait que, à l'échelle du pays, nous avons des endroits où on concentre tout le logement social, notamment les loyers les plus bas, quand à côté de ça on concentre ailleurs les loyers dans le privé les plus hauts. Et donc, on parle souvent des ghettos, on parle souvent des ghettos pour dire là c'est des ghettos, c'est des pauvres, etc., la réalité c'est qu'en France il y a aussi des ghettos de riches, et parfois ils sont à quelques kilomètres seulement. Et cette loi sur l'Egalité et la Citoyenneté, elle veut remettre de la mixité sociale à partir de l'habitat, c'est-à-dire, d'une part, de renforcer encore une fois les pouvoirs de l'Etat pour obliger les communes à construire, et ça veut dire qu'on reprend les permis de construire, c'est-à-dire que le permis de construire qui est dans la main des élus municipaux il va être repris, dans ces communes, par l'Etat. Et ensuite, dire aussi qu'il faut que les attributions de logements sociaux se fassent mieux, de manière plus équitable sur le territoire, et que notamment les ménages les plus pauvres aient accès aux villes les plus riches.
BRUCE TOUSSAINT
Comment ça va se passer ça concrètement, qui va gérer ça, c'est les offices publics de HLM ?
EMMANUELLE COSSE
C'est au niveau des intercommunalités, vous avez aujourd'hui des Conférences de l'habitat qui réunissent l'ensemble des acteurs du logement social et l'Etat, vous avez des commissions d'attribution, et en fait on va regarder les niveaux des revenus, et surtout on va flécher.
BRUCE TOUSSAINT
Les communes vont détester ça, elles vont vous empêcher de la faire, vous le savez.
EMMANUELLE COSSE
Mais les communes ne peuvent pas m'empêcher de le faire, et aujourd'hui, il faut être très clair, on demande à l'Etat d'avoir une politique du logement, il y a une politique publique du logement, avec des financements qui permettent la construction de logements sociaux, il y a des obligations qui pèsent sur les communes, et par ailleurs, les commissions d'attribution des logements sociaux sont des lieux qui nécessitent d'être connus, qu'il y ait plus de transparence, qu'on explique plus aux demandeurs pourquoi, là, vous allez attendre un an, pourquoi, là, vous allez attendre dix ans, quelle est la taille de la demande, quelle est la difficulté à avoir des logements, et il faut que les communes bougent, et en effet qu'elles vont détester. Il se trouve que, moi, j'ai regardé sur chaque grande commune quelle est la réalité aujourd'hui des attributions de logements sociaux, qu'est-ce que j'ai vu ? J'ai vu que pour des communes qui ont des logements sociaux dans des quartiers, on va dire du centre et des quartiers périphériques, les attributions des ménages les plus pauvres se font toujours dans les quartiers périphériques, et il faut inverser la donne. Et si j'ai ces données-là, c'est que ce sont des données publiques, c'est que donc…
BRUCE TOUSSAINT
C'est ce que j'allais dire, il n'y a pas de fichiers d'habitants de HLM...
EMMANUELLE COSSE
Non, mais non, parce que c'est un contrôle, on regarde évidemment ce qui se fait. Et aujourd'hui, je pense que tout le monde a à y gagner, en premier lieu les bailleurs sociaux, à ce qu'il y ait un plus fort équilibre des populations, et notamment que l'entrée dans telle ou telle commune ne soit pas interdite à des ménages du fait de leurs revenus.
BRUCE TOUSSAINT
Mais est-ce que ce n'est pas aussi une espèce de mirage, j'allais dire, ou de rêve, c'est-à-dire, d'imaginer qu'on va pouvoir installer, comme ça, dans ces communes, parce qu'on sait aussi que le niveau de vie va être plus élevé dans ces communes, que ces personnes et ces familles aux revenus plus modestes n'auront pas forcément envie non plus d'y aller, est-ce que ce n'est pas comme ça quelque chose de philosophiquement tout à fait souhaitable, mais difficile à mettre en place ?
EMMANUELLE COSSE
Déjà, il y a une première chose, c'est que gagner la bataille du logement dans sa globalité, c'est-à-dire aussi répondre aux besoins de logements dans le pays, ramène aussi de l'équilibre territorial, ensuite, la mixité sociale, à l'échelle de notre société, elle ne se fait pas que, avec la question du logement. La question de l'accès à l'école, la question de l'accès à la culture, à des lieux de vie est une… et puis, le troisième point, et là-dessus, je pense, il faut être très clair, si on veut gagner cette bataille contre les ghettos de pauvres, contre l'apartheid, pour reprendre le terme du Premier ministre, il faut gagner la bataille de la pauvreté. Et là-dessus, il faut être très clair, évidemment que ce n'est pas qu'avec cette loi qu'on va faire les choses, c'est avec cette loi, c'est avec des mesures pour l'emploi, c'est avec la prime d'activité, c'est avec l'implantation de services publics dans des quartiers qui, aujourd'hui, sont moins pourvus que des quartiers plus riches, et je pense que cette politique globale, elle peut porter ses fruits. D'autant plus, pour tout vous dire, que dans des quartiers très populaires, l'Etat est quand même présent, il y a eu des politiques, notamment la rénovation urbaine, qui se poursuit, c'est 14 milliards qui avaient été engagés par l'Agence nationale de la rénovation urbaine, donc ce n'est pas rien, mais il faut aller plus loin, et notamment, je le redis, sortir des ménages de la pauvreté, et de l'absence d'accès à l'emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, je note que vous avez repris le mot apartheid, qui avait été si critiqué…
EMMANUELLE COSSE
Oui, mais moi, je n'ai jamais critiqué, et pour tout vous dire, Manuel VALLS a quand même été maire d'Evry, et donc il connaît très bien la ségrégation territoriale, il s'est battu contre, et en tant que élue régionale, j'ai travaillé avec lui à l'époque, et je n'ai pas de difficulté là-dessus. N'importe qui qui est élu dans des quartiers ségrégés, il sait ce que c'est, et y compris, je vais vous dire, les gens qui habitent dans ces quartiers, ils connaissent très bien cette injustice, ils la connaissent très bien, vous avez des mouvements, prenez des familles au Petit Bard à Montpellier, qui ont fait un mouvement pour qu'il y ait de la mixité sociale dans leur école, parce qu'ils ont dénoncé le fait que c'était totalement homogène en terme de pauvreté, et si je vous dis cela, c'est parce que les habitants qui vivent dans ces quartiers sont très conscients de ce que l'on dit, et ils nous demandent de changer la donne sur ce sujet.
BRUCE TOUSSAINT
Sur les communes qui ne respectent pas les 20 % de logements sociaux…
EMMANUELLE COSSE
Les 25…
BRUCE TOUSSAINT
Les 25 %, qu'est-ce qu'on peut faire alors ? Est-ce que moi, par exemple, je peux savoir si ma commune est concernée par cela ?
EMMANUELLE COSSE
Alors, vous pouvez le savoir depuis ce matin, puisque j'ai décidé de rendre publiques des données qui l'étaient, mais qui n'étaient pas très bien organisées, sur l'ensemble des taux de logements sociaux par commune. Vous allez sur le site du ministère du Logement : « logement.gouv.fr/renforcementdelaloisru », mais sur le site : « logement.gouv.fr »…
BRUCE TOUSSAINT
C'est indiqué…
EMMANUELLE COSSE
C'est indiqué. Et vous pouvez taper le nom de votre commune, et on va vous indiquer : est-ce que votre commune est soumise à la loi, parce que toutes ne le sont pas, quel est son taux de réalisation, où en est-elle. Et c'est uniquement pour faire de la transparence, parce que ces données sont connues, les communes les ont, les élus locaux les connaissent, les associations les connaissent, sauf qu'à un moment, il me semble important que puisque l'Open Data et le numérique nous rendent cette possibilité, qu'on fasse de la publicité. Après, qu'est-ce qu'on fait ? La réalité, c'est qu'aujourd'hui, dans ces communes qui ne construisent pas assez, où il y a une forte demande de logements, moi, je travaille pour reprendre les permis de construire, pour pousser les communes à aller très vite, il faut quand même se rendre compte que c'est dans ces communes carencées ou déficitaires que dans les quinze prochaines années, on va construire énormément de logements. Et donc cette bataille-là, elle se mène tous les jours, mais je ne cache pas qu'il y a parfois des résistances très fortes.
BRUCE TOUSSAINT
Emmanuelle COSSE, Nuit debout, si vous n'étiez pas ministre, vous y seriez allé ?
EMMANUELLE COSSE
J'aurais été voir, mais même si…
BRUCE TOUSSAINT
Vous auriez peut-être même été applaudie en arrivant.
EMMANUELLE COSSE
Ecoutez, je n'y ai pas été, donc je ne connais pas totalement…
BRUCE TOUSSAINT
Pourquoi vous n'y êtes pas allé ?
EMMANUELLE COSSE
D'une part parce que j'étais relativement occupée et aussi parce que je ne suis pas sûre que si j'y avais été, j'aurais pu simplement écouter tranquillement. Je ne sais pas si j'aurais été applaudie, comme vous le dites, en tout cas ce qui s'y passe est très intéressant.
BRUCE TOUSSAINT
C'est-à-dire ?
EMMANUELLE COSSE
D'une part vous avez des jeunes, des jeunes et des moins jeunes, qui décident à un moment d'avoir de la discussion politique dans cette configuration publique. Moi je trouve qu'on a beaucoup critiqué une certaine apathie de la jeunesse, mais pas que, notamment face à la montée du Front national, on a des gens qui là sont certainement révoltés, y compris on sait que c'est suite…
BRUCE TOUSSAINT
Ils sont majoritairement contre vous, contre le gouvernement…
EMMANUELLE COSSE
Et alors ?
BRUCE TOUSSAINT
Bah…
EMMANUELLE COSSE
Vous savez, je pense qu'une démocratie elle est vivante si des gens se saisissent de cette parole et si, à un moment, ils veulent contribuer aussi à la construction politique. Et d'ailleurs, pour avoir des amis qui sont passés à Nuit debout, non, tout le monde n'est pas contre ce gouvernement. Ensuite, il y a des gens qui veulent discuter, qui s'interrogent : pourquoi est-ce qu'on est un monde aussi inégalitaire ? Pourquoi est-ce que l'écologie n'est pas plus majoritaire dans ce pays ? Pourquoi est-ce qu'on subit tel ou tel truc ? Pourquoi est-ce qu'il existe Panama Papers ? C'est des sujets qui ont été discutés, ou même des sujets de mal logement, donc c'est des sujets de la vie quotidienne. Et en même temps il y a une forte demande de politique, dans cette expression Nuit debout, parce qu'en fait il y a une forte demande de régulation, de résolutions. Et franchement, c'est intéressant, et moi je préfère qu'il y ait des mouvements comme ça, féconds, où on discute, même s'ils ne nous soutiennent pas, plutôt que d'avoir un peuple qui est en apathie et qui regarde simplement sa télé pour penser. Et je pense que c'est très important que ces choses-là émergent, tout en respectant quand même, il faut le dire, des règles d'organisation et de sécurité, parce que c'est parfois un peu chaud.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question, le cannabis, on dépénalise ou pas ?
EMMANUELLE COSSE
Vous me parlez du débat qui a été relancé hier par Jean-Marie LE GUEN. Moi, en tout cas, je pense comme lui, je ne vais pas vous faire mystère que c'est aujourd'hui un sujet réel et que la question de la prohibition et de son maintien, en effet se discute. Mais moi je préférerais, pour vous dire les choses franchement, parce que j'ai des positions là-dessus depuis longtemps, je préférerais qu'on se lance dans un vrai débat national, et peut-être que la présidentielle en sera l'occasion, qu'on ait des conférences de consensus. Qu'on discute comme l'ont fait d'autres pays, je pense notamment au Canada, aux Etats-Unis, qui ont discuté là-dessus, alors à une échelle plutôt par Etats puisqu'il y a eu des évolutions législatives, mais qu'on regarde, qu'on en discute vraiment, qu'on regarde les expériences, et surtout qu'on ne minimise pas deux choses : d'une part, l'impact du cannabis en termes de santé, et donc de prévention. L'autre chose, l'impact des trafics. Parce que, aujourd'hui, ces trafics ils sont très prégnants, on en parle beaucoup pour Marseille, mais pas que, ces trafics pourrissent la vie de gens comme vous et moi, qui vivent dans des endroits où c'est totalement gangréné par le trafic, et surtout sur l'idée qu'à chaque fois que la police arrive ça se stoppe, dès qu'elle repart ça revient. Et y compris, je pense que tous les consommateurs devraient à un moment se poser la question de l'impact de leur consommation sur la vie d'autres personnes. Non, mais je le dis très franchement parce qu'il y a un moment, il faut aussi aller voir ce que ça veut dire, au quotidien, de vivre dans un quartier, par exemple, qui est connu pour son trafic de drogue, où les gens viennent juste prendre le RER pour aller chercher leur drogue.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Emmanuelle COSSE, bonne journée à vous.
EMMANUELLE COSSE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2016