Interview de Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique, à France Ô le 6 mai 2016, sur la reconstruction des ateliers communaux de Miquelon Langlade, le soutien à la pêche dans l'Archipel, le projet de grand port en partenariat avec le Canada et le débat autour du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon.

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Média : France ô

Texte intégral

CLAUDIO ARTHUR
Et on revient tout d'abord sur cette visite d'Annick GIRARDIN, hier, à Miquelon. La ministre de la Fonction publique était accompagnée du Préfet de l'Archipel et de plusieurs élus, pour inaugurer le nouveau pôle pêche de la commune. Une usine, on l'a dit, dotée d'un tunnel de surgélation. L'ensemble est désormais un outil de production de grande qualité, très performant, 2,5 millions d'euros de l'Etat et plus d'un million de la collectivité ont été débloqués pour moderniser l'entreprise. Et puis la délégation s'est aussi rendue sur les lieux de l'incendie qui, le 12 mars dernier, a complètement ravagé les ateliers communaux. Une enveloppe de 400 000 € de l'Etat va permettre aux élus de Miquelon Langlade d'investir dans du matériel d'urgence. Les dégâts ont été chiffrés 1,9 million d'euros, hors bâtiments.
Annick GIRARDIN, Madame la Ministre bonsoir, merci d'être avec nous. Le maire de Miquelon Langlade et ses conseillers peuvent souffler, désormais l'Etat s'engage à reconstruire les services municipaux, il faut d'abord parer au plus urgent, 400 000 € pour commencer. L'aide de l'Etat pourrait dépasser les 1 million d'euros. Vous confirmez ?
ANNICK GIRARDIN
Alors, aujourd'hui, le Premier ministre l'a écrit au député Stéphane CLAIREAUX, l'aide prévue va à hauteur d'un million d'euros, on en a parlé hier avec l'ensemble des conseillers municipaux à la mairie de Miquelon Langlade. 400 000 €, moi j'y tenais, pour amorcer la pompe, parce qu'il faut pouvoir sortir déjà les financements, et puis au fur et à mesure, sur présentation effectivement de factures, seront versés les compléments financiers. On verra ensuite. On verra ensuite, ça prendra du temps, la reconstruction prendra du temps, la chape prendra du temps, et sur la question de la reconstruction, je pense qu'il faut aussi se poser les véritables questions sur : faut-il reconstruire sur le site à l'identique ? Faut-il penser autrement les choses ?
CLAUDIO ARTHUR
Ça fait débat, en ce moment, à Miquelon, cette reconstruction, sur le site actuel ou ailleurs ?
ANNICK GIRARDIN
Ah, je ne crois pas, je crois qu'on a toujours envie très très vite de réparer les choses, ça a traumatisé toute la population cet incendie, et on a envie de revoir un bâtiment très très vite, et de tourner une page de ce malheur qui a touché la commune de Miquelon Langlade. Mais en même temps, on prépare l'avenir, on prépare de nouveaux outils, pour les 30 ans, 40 ans, et répondre aux besoins des populations de Miquelon et Langlade dans les années à venir, donc je pense qu'il faut prendre un petit peu de temps pour y réfléchir, je crois que ça mériterait d'avoir un petit groupe de travail autour de cette question, mais la décision en revient effectivement à la commune de Miquelon Langlade.
CLAUDIO ARTHUR
Alors, le pôle pêche de Miquelon, maintenant, on l'a vu, l'usine est désormais un outil très performant de production, gros effort financier de l'Etat, gros effort financier de la collectivité pour redynamiser et moderniser l'entreprise. La pêche doit rester un secteur d'activité important, ici, à Saint- Pierre-et-Miquelon ?
ANNICK GIRARDIN
La mer est très certainement, et moi j'en suis persuadée et tout le monde le sait ici, la raison d'être de ce territoire, mais aussi l'avenir de ce territoire, que ce soit sur les questions de pêche, d'aquaculture, ou plus largement tout ce qui est activités tournées vers la mer, doivent pouvoir être développées davantage dans l'Archipel. C'était un plaisir extraordinaire pour moi hier d'être parmi tous ces salariés, d'être aux côté effectivement aussi des porteurs de projets de l'entreprise, qui a tenu bon, ça fait quand même des années qu'il y avait des hauts, qu'il y avait des bas, que les projets se construisaient, et ce soutien de l'Etat, fort de l'Etat, a permis aujourd'hui à des salariés de Miquelon, d'avoir un outil de production de niveau, de bon niveau, de travailler aussi sur l'équipement en navires, puisqu'il y a eu le soutien au Béothuk, qui a demain, pour un montant de 800 000 €, le soutien pour la question d'un autre navire, parce qu'on voit bien aujourd'hui, que, pour avoir davantage de main d'oeuvre, et notamment pour consolider la situation des saisonniers, qu'on a besoin de s'approvisionner beaucoup plus régulièrement. Là aussi…
CLAUDIO ARTHUR
Aller pêcher les quotas qui restent dans l'eau chaque année, c'est ça ?
ANNICK GIRARDIN
Alors, je l'ai toujours dit, c'est un combat qui date de 2000, à partie du moment où je me suis engagée dans cette vie politique, ce territoire a des quotas, nous sommes rarement allés pêcher l'ensemble de nos quotas depuis de très nombreuses années. Moi j'ai toujours cet objectif de soutenir les projets locaux pour qu'on aille chercher la plus grande partie de nos quotas. C'est je crois la moindre des choses que l'on peut faire. Vous savez, aujourd'hui, ces quotas ils sont rares, ils sont très rares et nous avons cette richesse. Mais, ce que l'on peut dire, c'est que globalement, sur Miquelon, avec la SNPM, avec les projets agricoles, avec un développement touristique qui peut être renforcé, on a une économie qui repart, et un village, et une commune, qui peut vivre demain avec un grand sourire, et puis un grand plaisir d'avoir vu trois étudiants, embauchés aujourd'hui à la SNPM, ils viennent de revenir de leurs études, une est ingénieure halieutique, les deux autres sont des mécaniciens-électriciens et sont sur tout ce qui est entretien, et ces jeunes m'ont dit combien c'était pour eux d'avoir trouvé un travail chez eux. Et c'est ça aussi l'espoir que l'on peut redonner à nos jeunes.
CLAUDIO ARTHUR
Alors, très rapidement, on parle beaucoup du pôle pêche de Miquelon, tant mieux, effectivement, mais ça repart, ça redémarre, c'est sérieux. Les pêcheurs de Saint-Pierre, eux, est-ce que l'on pense à eux aussi ? Ils attendent aussi des aides, des réponses, ils veulent relancer la pêche ici à Saint-Pierre, est-ce que le gouvernement pense aussi aux pêcheurs de Saint-Pierre ?
ANNICK GIRARDIN
Alors, les pêcheurs artisans de Saint-Pierre, comme les pêcheurs artisans de Miquelon, ont toujours ces mêmes problématiques, qui je l'espère vont être réglées sous peu, puisqu'il y a des projets, il y a des projets en cours d'analyses, pour permettre effectivement de se rapprovisionner, ici, en boites, en glace, de pouvoir entreposer leur pêche. Ce sont des dossiers qui sont gérés là, je crois, dans les semaines à venir, en ce qui concerne Saint-Pierre, et puis je l'espère, assez vite aussi pour Miquelon. On voit qu'il y a une cohérence à mettre, globalement. Hier, quand on est à la SNPM et qu'on demande effectivement où vont tous les déchets, qui sont effectivement aujourd'hui jetés, on pourrait imaginer une usine à zéro déchet, et puis quelques minutes après, quand on discute avec certains pêcheurs, eh bien l'an dernier c'était une dépense de 22 000 € d'achats de boites à Terre-Neuve, donc on a encore à structurer un petit peu. Et le gouvernement sera toujours aux côtés des Saint-Pierrais et des Miquelonnais, pour développer les activités maritimes. Le Premier ministre l'avait annoncé et je suis le porte-parole du gouvernement aujourd'hui et je suis très heureuse de dire aux Saint-Pierrais-et-Miquelonnais, que le gouvernement est à leurs côtés.
CLAUDIO ARTHUR
Alors, le Premier ministre, vous y faites allusion justement, à la visite de Manuel VALLS en juin, il sera question, on l'imagine, du grand port. Je vous propose, avant d'en parler Annick GIRARDIN, d'écouter ce que disait le Premier ministre à ce sujet, c'était en octobre 2015, vous étiez d'ailleurs à ses côtés, on écoute Manuel VALLS et on revient.
MANUEL VALLS
Ce qui est important c'est de le lancer, et en le lançant maintenant, on donne une perspective sur cinq ans et, je crois, c'est un beau projet pour Saint-Pierre-et-Miquelon.
JOURNALISTE
Avec un partenariat avec le Canada éventuellement ?
MANUEL VALLS
Bien sûr, et ces partenariats nous allons les bâtir. Moi j'aurai l'occasion d'aller au Canada, au Québec aussi, en juin prochain, et j'espère que nous pourrons conforter ce partenariat.
CLAUDIO ARTHUR
Alors un beau projet pour Saint-Pierre-et-Miquelon, une perspective sur 5 ans, des partenariats avec le Canada, Manuel VALLS viendra-t-il dans l'archipel avec de fortes annonces concernant le projet grand port ?
ANNICK GIRARDIN
Alors, Manuel VALLS, le Premier ministre, devrait venir dans l'archipel à la fin de son séjour, sur le Québec et sur Montréal, ça devrait être autour du 18 juin, mais il faut toujours prendre des précautions puisque ça arrive de devoir reporter un déplacement, d'un Premier ministre en l'occurrence. Oui, je l'espère. Mon déplacement au Québec la semaine dernière avait aussi pour objectif de préparer cette visite de Manuel VALLS au Québec, dans la ville de Québec, à Montréal et à Saint-Pierre-et-Miquelon, et j'ai rencontré le port de Québec, le port de Montréal, le port de Trois-Rivières également, parce que ces ports, aujourd'hui, sont intéressés à un partenariat avec Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Pierre-et-Miquelon comme hub de transbordement de conteneurs. On doit se reparler dans la quinzaine de jours qui viennent pour simplement décider, mais ça serait un pas énorme, est-ce que les deux Premiers ministres, québécois et français, signeraient une lettre d'intention, autour de la mi-juin, donnant un élan politique à ce projet qui serait franco-québécois, et ce serait une chance importante pour ce projet à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais on est, effectivement, dans les cinq ans à venir.
CLAUDIO ARTHUR
Effectivement, donc on en reparlera très sérieusement et très prochainement, bien videmment. Le statut de l'archipel maintenant, on en parle beaucoup, on n'a pas fini d'en parler évidemment, les trois Sages vont remettre demain leur rapport à la ministre de l'Outre-mer concernant leur vision des choses. Le gouvernement souhaite néanmoins consulter la population, un référendum est prévu, avant les élections au conseil territorial de 2017. C'est confirmé cette consultation auprès de la population ?
ANNICK GIRARDIN
Alors, ce statut on en parle trop et souvent en mal. Il y a des travaux, qui ont commencé d'ailleurs, sur ces questions, il y a plus de 10 ans, il y a un certain nombre de rapports qui ont été faits, y compris d'ailleurs sur ces deux dernières années, et puis il y a de dernier travail mené par trois personnes, totalement indépendantes, qui rendent effectivement leur rapport demain à la ministre de l'Outre-mer. Moi je souhaite, ensuite, pour dépassionner le sujet, qu'ils puissent présenter leur travail à la population, à travers les médias, dans des réunions publiques, je souhaite qu'ils puissent le faire, et ensuite, bien sûr, le Premier ministre, le président de la République, décideront de poursuivre en consultant la population, ou de s'arrêter. Très certainement de poursuivre en consultant la population. Vous savez, consulter la population, c'est ce qu'il y a de plus démocratique, moi je vois bien qu'on puisse aboyer en permanence…
CLAUDIO ARTHUR
Mais avant les élections de 2017 ?
ANNICK GIRARDIN
Bien sûr, à un moment donné, on a pris des engagements. Le président de la République est venu en décembre, il a dit « si les Saint-Pierrais Miquelonnais souhaitent effectivement évoluer, nous allons donc les consulter, et s'ils le souhaitent, on le fera. » « On le fera », quand il dit on « le fera », c'est bien avant la fin de son propre mandat, donc ça veut dire qu'une consultation pourrait avoir lieu, dans l'archipel, après une période d'information, donc moi j'aurai envie de dire que cette consultation il faut qu'elle se fasse avant l'automne, et puis ensuite on travaillera, dans les assemblées, à l'Assemblée nationale et au Sénat, sur cette question du statut, comme on l'a déjà fait par le passé, c'est-à-dire en 2007. Il n'y a pas… enfin, je ne vois pas pourquoi on hurle autant alors que les Saint-Pierrais Miquelonnais auront la liberté de choisir si oui ou non il faut changer de statut. Aujourd'hui on est tous sur un constat, un constat unique, peu importe quelle politique, peu importe quel citoyen, tout le monde sait aujourd'hui qu'il nous faut évoluer, eh bien les Saint-Pierrais Miquelonnais diront s'ils veulent évoluer ou pas, et sous quelle forme.
CLAUDIO ARTHUR
Pour Stéphane ARTANO cette consultation est synonyme de connotation politique, c'est fortement connoté politiquement, autrement dit on veut organiser cette consultation, ce référendum, pour arranger les élus de gauche ici.
ANNICK GIRARDIN
Alors, le mot « politique » est un peu utilisé n'importe comment. La politique c'est la vie de la cité, eh bien oui, c'est la vie de la cité de savoir quel outil, demain, on veut utiliser pour développer l'archipel, pour apporter du mieux vivre aux gens, pour adapter le système aujourd'hui à un monde qui est différent, on le voit bien. L'archipel doit se préparer, demain, à évoluer différemment, et pour ça il a besoin d'un outil rénové. Il n'y a pas, comme souhaite le faire penser Stéphane ARTANO, de volonté de manipulation politique, il y aura une consultation et ensuite peu importe qu'est-ce qui sera décidé, sous une forme ou sous une autre. Je rappelle quand même que c'est les Saint-Pierrais Miquelonnais qui vont voter. Vraiment, les Saint-Pierrais Miquelonnais que je rencontre depuis cinq jours, ils en ont ras la casquette des polémiques autour de ce statut, ils n'ont qu'une seule envie, être correctement informés.
CLAUDIO ARTHUR
On continue Annick GIRARDIN, votre visite au Québec maintenant. Donc c'est fait, des avenants ont été signés la semaine dernière pour modifier les accords de Sécurité sociale entre la France et la belle province, donc une bonne nouvelle pour les étudiants français, et québécois. Il s'agit, pour les uns comme pour les autres, de bénéficier d'une vraie couverture sociale, les étudiants locaux sont eux aussi gagnants. Un soulagement, quand il s'agit peut-être de poursuivre ses études au Canada.
ANNICK GIRARDIN
Oui, alors il y a deux avenants, j'ai signé deux avenants. Le premier concerne effectivement les étudiants de Saint-Pierre-et-Miquelon, les élèves et les étudiants, parce que le texte de 1918, ce n'est pas d'aujourd'hui, avait oublié, ou du moins ne citait que les DOM, donc seuls les étudiants et les élèves des DOM pouvaient, au-delà effectivement de la métropole, pouvaient bénéficier de la gratuité des droits sociaux au Québec. Avec cette simple erreur, les Saint-Pierrais Miquelonnais en étaient exclus, aujourd'hui ils ne sont plus exclus de ces possibilités, cet avenant permet aux Saint-Pierrais Miquelonnais d'avoir cette couverture sociale. Maintenant, ça va prendre un tout petit peu de temps encore. Malheureusement le travail du gouvernement est terminé, les deux gouvernements ont signé, j'ai signé au nom du gouvernement, avec effectivement la mission de le faire avec la ministre Saint-Pierre, il faut que ce soit ratifié, ratifié au Parlement québécois, ratifié à l'Assemblée nationale et au Sénat côté français, il faut presser les assemblées, il y a une grande liste d'attente de textes, pour que ça aille le plus vite possible.
CLAUDIO ARTHUR
Dans combien de temps ?
ANNICK GIRARDIN
Moi je souhaite véritablement que ce soit pour la prochaine rentrée scolaire. Il est possible que ce soit janvier 2017, dans ce cas-là, j'ai vérifié, on peut prendre ces assurances que pour un certain nombre de mois. C'est une avancée, c'est une avancée aussi plus largement pour les Français et les Québécois, puisque les deux systèmes aujourd'hui sont coordonnées et que, qu'on parle de vieillesse, de maternité, d'invalidité, tout ça aujourd'hui est compatible.
CLAUDIO ARTHUR
Annick GIRARDIN merci d'avoir répondu à nos questions ce soir.
ANNICK GIRARDIN
Merci beaucoup
source : Service d'information du Gouvernement, le 10 mai 2016