Déclaration de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, sur la politique du logement social, à Paris le 12 mai 2016.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM, à Paris le 12 mai 2016

Texte intégral

Je partage nombre des idées évoquées dans ce discours. Pour commencer, je souhaite vous remercier de m'avoir invitée à m'exprimer en clôture de votre assemblée générale. Il est inutile de vous dire, même s'il est important de le réaffirmer, qu'en tant que Ministre du Logement, je porte les mêmes valeurs que la fédération des coopératives HLM.
J'ai été amenée à travailler avec plusieurs d'entre vous, comme vice-présidente de la région Ile-de-France en charge du logement. Il est extrêmement important, à mes yeux d'élue locale et de membre du gouvernement, que les actions que vous entreprenez soient mises à notre disposition. Vous intervenez sur des territoires parfois délaissés. La semaine dernière, vos collègues sénateurs m'interrogeaient sur les actions à entreprendre en milieu rural. Je leur ai effectivement rappelé qu'ils devaient davantage vous solliciter.
Vos modes d'intervention sont différents. Vous développez des produits singuliers. L'esprit coopératif, les valeurs de l'économie sociale et solidaire, la défense réelle du logement social sont des causes pour lesquelles vous me retrouverez toujours à vos côtés. J'ai du mal à entendre les responsables publics qui prétendent porter une politique du logement sans logement social. Marie-Noëlle LIENEMANN et moi-même aurons l'occasion, dans les mois à venir, de nous retrouver dans ces débats. A travers le modèle du logement social, nous portons la promesse d'un vivre-ensemble, d'un logement de qualité.
Le contexte de la reprise de la reconstruction est lié au fait que le secteur du logement social a tenu ses promesses ces dernières années. Chaque fois que vous remplissez vos objectifs en termes de construction et de réhabilitation, ces succès entraînent d'autres secteurs de l'économie. Nous devons toujours faire le pari d'agir parallèlement sur tous ces sujets. Sous l'influence de votre présidente, je peux témoigner que vous êtes porteurs d'innovations.
Je l'ai constaté à l'échelle francilienne, lorsque nous avons discuté, il y a cinq ans, de la dissociation du foncier et du bâti. Peut-être est-ce la conséquence de vos valeurs, de vos moindres moyens ? Vous avez avancé sur différents sujets comme les Community Land Trust. Nous devons certainement organiser des réunions techniques pour éliminer des blocages. Quoi qu'il en soit, je dois témoigner de votre caractère innovant. Vos travaux dans le domaine du numérique en témoignent.
Vous m'avez interrogée sur des sujets précis. Nous avançons dans l'élaboration des différents décrets que vous attendez. Ils concernent les organismes fonciers solidaires, le bail réel immobilier et le bail réel solidaire. Nous espérons aboutir sur différents sujets techniques et publier les décrets concernés entre l'été et l'automne.
Vous êtes très présents dans le domaine de l'habitat participatif. Vous étiez les premiers à participer à un réseau auquel j'ai contribué, je veux parler du réseau national des collectivités locales pour l'habitat participatif. Il existe maintenant un réseau HLM pour l'habitat participatif. C'est ainsi que nous avancerons. Je n'ai jamais voulu que l'habitat participatif soit réservé à une niche de privilégiés. Grâce à votre intervention, il existe de nombreux projets, urbains comme ruraux. Votre intervention a permis de considérablement développer cette dimension. Il reste beaucoup à faire.
Comme je l'indiquais mardi à l'assemblée générale du FNAP (fonds national des aides à la pierre), nous avons enfin adressé le décret concerné au Conseil d'Etat. Il n'existera pas de règle de double majorité de l'Etat. Il assurera une véritable cogestion avec le monde HLM. L'objectif est de réunir le FNAP en juillet. Nous voulons démontrer que ce mode de fonctionnement sera convaincant. Le véritable débat portera en 2017 sur la pérennisation des aides à la pierre. Sur ce sujet, vous me retrouverez à vos côtés.
Mardi soir, je recevais l'ensemble des présidents des fédérations de l'USH. Nous signerons prochainement une nouvelle génération de mutualisation. Elle représentera 350 millions d'euros. Elle constitue une bonne nouvelle pour les projets que nous portons ensemble.
Les prêts de haut de bilan ont été promis à l'occasion du bicentenaire de la Caisse des Dépôts et Consignations. Cette annonce est très importante pour le monde HLM, pour augmenter sa capacité à rénover et construire. La CDC et Action Logement souhaitent progresser dans cette direction. La CDC investira 1 milliard d'euros pour les prêts de haut de bilan. D'ici trois semaines, j'annoncerai officiellement les moyens opérationnels de répondre à la question des fonds propres.
Le taux de commissionnement permettra d'assurer la baisse des loyers. Les moyens ne seront pas ceux attendus. Ils seront malgré tout conséquents. Ces dispositions n'entrent pas en contradiction avec la loi Egalité et citoyenneté. Un chapitre y est consacré à la politique des loyers des organismes HLM. Vous n'êtes pas obligés d'utiliser ce dispositif. Toutefois, nous avons ouvert la possibilité de travailler sur la territorialisation des loyers les plus bas et les plus hauts. Nous permettons ainsi aux opérateurs d'expérimenter de nouvelles politiques de loyers. Nous souhaitons lutter contre les ghettoïsations provoquées par les anciens mécanismes du logement social.
La loi Egalité et citoyenneté envisage des dispositifs de renforcement de la mixité sociale, notamment par les politiques du logement. Ce texte, dont j'ai lancé la consultation numérique ce matin, avant une arrivée au parlement en juin, aborde différents sujets. Il y est question des loyers. Il traite également de l'attribution des logements sociaux. Nous devons poursuivre les travaux menés lors de la concertation de 2013. Malheureusement, celle-ci avait trouvé très peu de traduction dans la loi ALUR.
L'objectif est que 25 % des attributions des logements sociaux pour les ménages des plus bas déciles interviennent ailleurs que dans les quartiers concernés par la politique de la ville. A l'occasion du débat parlementaire, je vous fournirai un descriptif détaillé de la réalité territoriale. Nationalement, l'objectif est pratiquement atteint, puisque le taux s'élève à 22 %. En revanche, les contrastes sont considérables selon les territoires. Dans certains endroits, 40 % des attributions des ménages les plus pauvres interviennent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), le taux tombant à moins de 10 % hors QPV. Ne nous trompons pas. Les territoires qui posent problème sont ceux où l'on ne veut pas construire de logements sociaux, où l'on refuse la mixité sociale. Le texte de loi évoluera avec les élus locaux pour tenir compte des mécanismes de l'intercommunalité.
La loi SRU doit être renforcée. Malgré des efforts répétés, sa mise en oeuvre ne nous satisfait pas. Si toutes les villes concernées l'appliquaient, nous devrions construire 700 000 logements d'ici à 2025. Je parle des communes carencées ou en rattrapage, et non de celles qui se situent au-delà de 25 %. Suite à l'augmentation des astreintes provoquée par la loi de 2013, des communes ont agi. L'accroissement des sanctions, la mobilisation des préfets et le travail de Thierry REPENTIN ont changé la donne. 21 permis de construire ont été délivrés par les préfets en lieu et place des maires. Nous devons aller plus loin. Là où des blocages interviendront, nous reprendrons le contingent des maires et donnerons des moyens d'action aux préfets.
Lorsque je reçois des lettres d'élus qui m'expliquent l'impossibilité de construire des logements sociaux, j'aime beaucoup examiner combien de permis de construire ils ont délivré dans la même année. Je leur rappelle que le logement social ne consiste pas seulement dans la construction, mais également dans la captation de logement, dans l'harmonisation locative, etc. Nous sommes face à des enjeux considérables, notamment dans les villes moyennes, avec la captation d'un parc privé en déshérence.
Vous faites partie des acteurs qui peuvent jouer un rôle majeur dans le cadre de communes qui sont concernées par la loi SRU, mais dans lesquelles nombre d'opérateurs n'interviennent pas. C'est pourquoi nous devons continuer à assurer une pression très forte sur les élus locaux et promouvoir votre travail. La question du développement de l'accession sociale, si elle est traitée intelligemment, comme vous le faites, est très utile dans tous les quartiers, spécialement dans les zones tendues et spéculatives.
Vous avez porté des programmes qui permettent de loger des gens aux revenus modestes, de conserver une véritable mixité sociale. A l'échelle francilienne, les infrastructures de transport en cours de création permettront de désenclaver les quartiers. Ceci étant, cette évolution ne doit pas conduire à l'éviction des populations qui y sont actuellement situées. A proximité du métro du Grand Paris, nous devrons produire du logement abordable, de l'accession sociale à la propriété, à côté du logement social et du logement privé. Nous avons besoin de contrer l'évolution spéculative des grandes métropoles.
J'ai bien noté votre proposition de TVA à 5,5 % sur le foncier dissocié. Nous devons commencer à en discuter et l'évoquer auprès de Bercy. Nous sommes engagés sur le décret de la révision coopérative. Nous espérons le publier pour l'été. Mes services expertisent votre proposition de PSLA dans l'ancien. Nous essaierons de poursuivre la multiplication des outils qui peuvent vous aider à produire du logement et poursuivre vos missions sociales. Nous voulons mettre en valeur la qualité des programmes que vous portez. J'aurai l'occasion d'en faire état lors de ma visite dans certains de vos sites. Nous devons montrer la grande qualité du cadre de vie des logements sociaux. Je pense aux écoquartiers, aux territoires à énergie positive. Ces sujets, que portent le ministère du logement et le ministère de l'environnement, ont besoin d'être incarnés par des acteurs tels que vous.
Pour conclure, Marie-Noëlle LIENEMANN disait que, face à la transition, il n'existait que la peur ou la volonté. Je partage cet avis. Le monde actuel évolue considérablement. Le logement est confronté au numérique, aux questions énergétiques et environnementales. La meilleure façon de faire face aux évolutions est de les anticiper sur des décennies. Je partage votre volonté de disposer d'outils stables. Depuis le monde HLM, vous avez à nous offrir une réflexion sur le monde actuel et futur, sur le vivre-ensemble dans les quartiers, dans les centres-bourgs et dans le monde rural.
La période politique qui s'ouvre nous permettra de réfléchir à ces défis et ces enjeux. A cette occasion, examinons les valeurs que nous souhaitons porter ainsi que les défis à relever. Nous devons nous engager en faveur du logement pour tous, du vivre-ensemble, et ne pas seulement penser ces notions comme des slogans de campagne.
Source http://www.hlm.coop, le 27 mai 2016