Déclaration de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales chargée de la biodiversité, sur la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et la mise en place de l'Agence française pour la biodiversité (AFR) et de ses déclinaisons régionales (ARB), à Carcassonne le 9 novembre 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Séminaire régional de l'Agence régionale pour la biodiversité (ARB) Occitanie – Pyrénées-Méditerranée, à Carcassonne (Aude) le 9 novembre 2016

Texte intégral

Madame la Présidente,
Monsieur le Président du Conseil Départemental,
Monsieur le Président de la Communauté de Communes,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,
On croit trop souvent que le vote d'une loi par le Parlement est une fin. En réalité, c'est le début d'un cycle. Celui de la traduction de la loi dans la réalité. Une concrétisation qui passe par la publication des décrets d'application de la Loi ; une concrétisation qui dépend de la capacité des acteurs socio-économiques et des territoires à se saisir des dispositifs de la Loi.
La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été adoptée le 20 juillet 2016. C'est une grande avancée pour la protection de l'environnement, la première loi de cette importance, sur ce sujet, depuis 1976.
Après la loi sur la transition énergétique et l'accord de Paris désormais entré en vigueur, cette loi de reconquête constitue le troisième volet majeur de l'action gouvernementale pour la transition écologique.
Je travaille avec les services du ministère à la rédaction des 36 décrets d'application de la Loi : notre objectif, très ambitieux, est que tous ces textes indispensables soient publiés dès le début 2017, plusieurs d'entre eux avant la fin de cette année 2016.
Je veux d'ailleurs ici remercier les services pour leur engagement : je sais que nous parviendrons, dans les temps, à le faire.
L'une des innovations les plus emblématiques de cette loi est la création de l'Agence française pour la biodiversité, qui regroupera, l'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques, l'Agence des Aires Marines Protégées, l'Atelier Technique des Espaces Naturels et l'établissement public Parcs Nationaux de France.
Cette agence sera l'établissement public de référence pour la mise en oeuvre opérationnelle de la politique nationale de biodiversité. Elle confortera une approche globale de la biodiversité, qu'elle soit marine, aquatique, terrestre. Elle interviendra dans les domaines de la connaissance, de la formation, de la communication, de l'appui technique et administratif, de l'appui financier, ou encore de la police de l'environnement.
C'est dire l'étendue de ses missions.
Elle disposera de moyens renforcés, inscrits au projet de loi de finances 2017, conformément aux engagements du Président de la République. Le décret d'application est en cours d'examen par le Conseil d'Etat. Tout est fait pour un démarrage effectif dès le 1er janvier prochain.
Mais l'action de l'Etat n'est pas tout : la loi sans les décrets n'est rien ou presque, la loi sans appropriation par la société n'est le plus souvent que lettre morte.
C'est pourquoi je me suis fixé comme objectif de favoriser une rapide appropriation des dispositions législatives par les territoires, et d'accompagner toutes celles et tous ceux qui choisissent d'agir pour répondre concrètement au défi de la biodiversité.
Vous qui avez lancé cette initiative d'engager une réflexion sur une Agence régionale de la biodiversité en Occitanie, vous êtes certainement convaincus de l'importance de protéger notre biodiversité, face aux dégradations qu'elle subit. Mais les effets de cette dégradation sont généralement trop peu connus, pour l'homme, pour nos sociétés. Il y a encore bien du chemin à parcourir pour que cette prise de conscience soit celle que l'on commence à observer pour le changement climatique. Et pourtant, pour ne citer qu'un chiffre, dans le rapport « Planète vivante » qu'il vient de publier, le WWF nous apprend que l'abondance des populations de vertébrés a subi une réduction de 58% entre 1970 et 2012. Et l'on connaît les multiples services que nous rend la biodiversité, comme la pollinisation, la fertilité des sols, l'épuration de l'eau, l'atténuation des inondations.
La loi a prévu que les régions et l'AFB puissent mettre en place conjointement des Agences Régionales de la Biodiversité, les ARB. Tel est l'objet de ce séminaire que vous avez organisé et je vous en félicite.
Permettez-moi donc de vous donner ma vision des ARB.
L'idée des ARB intervient dans un contexte marqué par deux grandes dimensions :
- L'urgence qu'il y a à agir en matière de biodiversité.
- La nécessité d'une action qui associe toutes les familles d'acteurs publics, à toutes les échelles, du fait notamment de la complexité des questions de biodiversité.
Les facteurs de dégradation de la biodiversité sont bien connus: dégradation et fragmentation des habitats naturels; surexploitation des ressources ; espèces exotiques envahissantes ; changement climatique ; pollutions.
Pour agir sur l'ensemble de ces facteurs, il faut pouvoir s'appuyer sur de très nombreux outils, comme par exemple : l'urbanisme ; la sensibilisation ; la planification ; la police ; la réglementation ; le génie écologique. Il faut intervenir sur tous les types d'espaces, protégés ou non, car les questions de biodiversité se posent aussi en milieu urbain ou agricole.
Pour faire tout cela, il faut réussir à mobiliser de nombreuses compétences. Il faut conjuguer intelligemment de nombreuses politiques et de nombreux domaines de responsabilités. Il faut inventer de nouvelles modalités de l'action publique.
Les Agences Régionales de la Biodiversité ont toute leur place dans ce cadre. Elles se situent à la jonction entre une politique nationale et les politiques locales. Les ARB préfigurent une nouvelle façon de protéger et gérer notre biodiversité, en associant tous les talents disponibles.
J'ai coutume de dire qu'il aurait été incohérent de prétendre défendre la biodiversité tout en refusant de reconnaître la diversité des acteurs et des contextes régionaux : le choix qui a été opéré est donc celui d'une organisation collant le plus possible aux réalités du terrain, à la fois aux réalités politico-administratives, à la réalité des acteurs de la biodiversité de chaque territoire, à la réalité des enjeux de la biodiversité elle-même propres à chaque territoire. Ainsi, la mise en place des ARB passe par une meilleure valorisation de l'action de chacun.
Les ARB doivent favoriser ces synergies, doivent valoriser les complémentarités. Les ARB, ce doit être le lieu où les forces disponibles se réunissent, et agissent. Les ARB, c'est pour accélérer, inventer, innover, stimuler, en partenariat. Ce n'est pas pour dicter ou étouffer. Ce n'est pas pour épaissir le mille-feuille.
Si l'échelle régionale est pertinente pour travailler sur les politiques opérationnelles de biodiversité, pour lancer des projets, pour animer des réseaux, il faut aussi que chacun trouve sa place : services publics de l'Etat, établissements publics, collectivités (communes, intercommunalités, départements), mais également associations, entreprises, professionnels.
L'AFB sera bien évidemment partie prenante de l'ARB, conformément à la loi. Christophe Aubel, directeur de l'installation de l'AFB interviendra au cours de cette matinée.
Pour ce qui concerne l'Etat, je souhaite que la DREAL participe à la construction et aux actions de l'ARB. La DREAL a une approche globale des questions d'aménagement et d'environnement. Elle intervient dans l'instruction des projets, l'évaluation environnementale, les porter à connaissance. Je me réjouis de la participation du directeur de la DREAL à cette réunion.
Je mentionnerai aussi le rôle spécifique des agences de l'eau. La loi a étendu les compétences des agences de l'eau à l'ensemble de la biodiversité, qu'elle soit aquatique, marine ou terrestre en général. La direction est donc donnée. Je me réjouis des initiatives prises par les conseils d'administration des agences de lancer des initiatives en faveur de la biodiversité, comme l'appel à projets émis récemment par l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Je remercie les directeur et directrice adjointe des agences de l'eau de leur présence aujourd'hui.
J'en reviens à votre initiative, Madame la Présidente, pour me réjouir de la détermination affichée par la région Occitanie.
Les régions ont des responsabilités accrues en matière de biodiversité. Votre région s'investit avec détermination. Vous êtes dans le concret, dans l'action. Vous êtes l'une des premières régions à engager, avec toutes les parties prenantes, la réflexion autour de la création d'une ARB. Cette dynamique pionnière est importante, elle pourra servir de référence à bien d'autres. Oui, l'Etat vous soutiendra. Il ne sera pas directif mais il sera réactif et surtout proactif.
Vous aurez certainement l'occasion de débattre du statut d'une future ARB, des questions juridiques. La loi donne une grande latitude dans la création des ARB, tant sur les périmètres que sur les formes juridiques : aux statuts existants possibles est ajouté celui de l'établissement public à caractère environnemental. Mais cela n'est sans doute pas aujourd'hui le point fondamental.
L'important, à mes yeux, est avant tout de savoir où l'on va, avec qui, et de montrer ce que l'on veut faire. L'ARB, ce n'est pas un carcan. C'est une affaire de créativité, d'innovation.
Ce qui sera prioritaire, ce sera de souligner les réalisations concrètes auxquelles l'ARB pourrait apporter son concours, car c'est à travers la preuve de l'exemple que vous emporterez l'adhésion. Que seront ces actions ? Ce sera certainement l'un des thèmes de votre séminaire. Les opportunités et les besoins sont nombreux. L'ARB pourrait contribuer, par exemple, à améliorer la connaissance de la biodiversité, à développer les continuités écologiques pour reconquérir la biodiversité, à accompagner les porteurs de projet. Elle contribuera aussi à l'élaboration et la mise en oeuvre des stratégies régionales de biodiversité.
J'apprécie ainsi votre démarche d'inviter largement aujourd'hui de nombreux acteurs potentiellement concernés. C'est certainement la bonne façon de procéder : réunir, mobiliser, concerter.
Pour terminer, je souhaite vous dire que l'ARB est une démarche politique, dans toute la noblesse du terme. Ce n'est pas seulement une entreprise technique, un mécano administratif. La dynamique de l'ARB est sans avenir si elle n'est pas sous-tendue par une volonté forte d'entraîner les usagers, les citoyens, les collectivités, à travailler ensemble sur la biodiversité, dans une même direction. L'objectif ultime est bien la mobilisation de la société.
Ce projet vise non seulement la reconquête de la biodiversité, mais peut être également l'occasion d'un regain de la citoyenneté. D'abord en redonnant du sens à l'action publique sur des domaines essentiels pour l'avenir de nos territoires et plus largement pour l'avenir de notre planète. Et ce que nous voulons, au fond, c'est mobiliser nos concitoyens sur ce qu'ils ont en partage, cette magnifique terre de France qui est notre patrimoine à tous.
Les ARB, c'est une formidable occasion de montrer que face à des enjeux de société fondamentaux, bien que compris de façon diverse, nous sommes capables d'expliquer, de convaincre, d'associer les pouvoirs publics au-delà des clivages, au-delà des majorités politiques nationales ou locales, qui ne sont jamais que de circonstances eu égard à l'enjeu.
Cette approche politique, c'est en tout cas celle de ce gouvernement, c'est la mienne. Aujourd'hui, il est important de montrer que l'initiative que vous prenez, que nous soutenons, inscrit dans la durée un dispositif qui sert l'avenir de notre société.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 17 novembre 2016