Texte intégral
Extraits de l'interview :
Q - Quelle analyse faites-vous des attaques terroristes dont ont été victimes les Etats-Unis ?
R - Ce terrorisme, fondé sur un message religieux dévoyé, doit être combattu et éliminé. Toutes les nations, la communauté internationale elle-même, incarnée dans l'ONU, ont un intérêt commun à l'élimination du terrorisme, surtout quand il se fait menaçant pour l'équilibre du monde. Si le régime des Taleban s'effondre totalement, si les réseaux Ben Laden sont écrasés et, mieux encore, si leur leader est arrêté et jugé, une première victoire aura été remportée.
Il faudra poursuivre l'action contre le terrorisme, par la coopération judiciaire, policière, financière. Sans doute aussi apporter de meilleures réponses aux grands déséquilibres du monde. En tout cas, il faut tout mettre en uvre pour éviter de faire de ce choc violent conflit de religions ou de civilisations.
Q - Qui doit intervenir pour éviter que l'on tombe dans ce piège d'un conflit de civilisations et de religions ? Que peuvent faire les dirigeants politiques ?
R - Chacun, à sa place, doit jouer son rôle. Les premiers messages qui peuvent frapper l'opinion doivent venir des représentants mêmes des grandes religions. Cela a été le cas jusqu'à présent. Les trois grandes religions monothéistes ont aujourd'hui intérêt à souligner ce qu'elles ont en commun plutôt qu'à creuser leurs différences. Les intellectuels eux aussi ont un rôle à jouer pour apporter de la clarté dans les idées. Mais la parole des politiques est essentielle.
Le président George W. Bush en a fait l'expérience : dans l'indignation et l'émotion, il avait utilisé le terme de "croisade". C'était une erreur. Il l'a rectifiée depuis en ayant des gestes clairs à l'égard de la communauté musulmane dans son pays. Il faut éviter chez nous la thématique d'un retour historique du conflit entre l'Islam et la Chrétienté. Quant au monde arabo-musulman, s'il se laissait enfermer dans une identité séparée et antagoniste, il commettrait une faute majeure qui handicaperait son propre développement
()
Q - Pourquoi avoir déclenché cette polémique à propos de la charte européenne en demandant à nos partenaires de supprimer de son préambule la mention d'héritage religieux ?
R - Je n'ai pas déclenché de polémique. D'abord, la position adoptée n'a pas été seulement la mienne, comme certains se sont évertués complaisamment à le répandre, mais celle des autorités françaises. Notre attitude a été définie d'un accord entre le président de la République et moi-même. Nous avons, tous les deux, appelé le président allemand de la convention chargée d'élaborer la charte, Roman Herzog, pour lui expliquer que cette formulation était un problème potentiel pour la France. Une formulation qui avait été proposée dans la convention par quelques parlementaires allemands de la CSU, au tout dernier moment et en l'absence du président Herzog, alors même qu'elle n'avait jamais été évoquée par nos partenaires dans les travaux préparatoires. Cette rédaction risquait de poser pour nous un problème de constitutionnalité, puisque la France, je le rappelle, est un Etat laïc.
Une nouvelle formule - qui parle de "patrimoine spirituel et moral" - a donc été proposée par notre pays, puis approuvée par tous les Etats européens sans poser le moindre problème. D'ailleurs, n'êtes-vous pas frappés par le fait que les "pères fondateurs" de l'Europe, les Schuman, de Gaspari ou Adenauer, n'ont jamais - alors qu'ils incarnaient la démocratie chrétienne - entendu lier la construction européenne à une référence religieuse ? A aucun moment ils n'ont éprouvé le besoin d'introduire, dans les textes fondateurs de l'Europe, une mention spécifique de l'héritage religieux.
Par ailleurs, la charte évoque naturellement le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit à l'éducation conformément aux convictions religieuses, la non-discrimination fondée sur la religion. Sincèrement, je n'ai pas compris la réaction de certaines franges de chrétiens situés à gauche et pourquoi ils la focalisaient sur ma personne. Cette polémique a été, pour moi, une surprise et a révélé un malentendu.
Peut-être exprimait-elle chez eux une interrogation plus large sur la place et l'influence des chrétiens, et en particulier, des catholiques, dans la France d'aujourd'hui ? Si c'est le cas, il faut en effet en parler.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2001)
Q - Quelle analyse faites-vous des attaques terroristes dont ont été victimes les Etats-Unis ?
R - Ce terrorisme, fondé sur un message religieux dévoyé, doit être combattu et éliminé. Toutes les nations, la communauté internationale elle-même, incarnée dans l'ONU, ont un intérêt commun à l'élimination du terrorisme, surtout quand il se fait menaçant pour l'équilibre du monde. Si le régime des Taleban s'effondre totalement, si les réseaux Ben Laden sont écrasés et, mieux encore, si leur leader est arrêté et jugé, une première victoire aura été remportée.
Il faudra poursuivre l'action contre le terrorisme, par la coopération judiciaire, policière, financière. Sans doute aussi apporter de meilleures réponses aux grands déséquilibres du monde. En tout cas, il faut tout mettre en uvre pour éviter de faire de ce choc violent conflit de religions ou de civilisations.
Q - Qui doit intervenir pour éviter que l'on tombe dans ce piège d'un conflit de civilisations et de religions ? Que peuvent faire les dirigeants politiques ?
R - Chacun, à sa place, doit jouer son rôle. Les premiers messages qui peuvent frapper l'opinion doivent venir des représentants mêmes des grandes religions. Cela a été le cas jusqu'à présent. Les trois grandes religions monothéistes ont aujourd'hui intérêt à souligner ce qu'elles ont en commun plutôt qu'à creuser leurs différences. Les intellectuels eux aussi ont un rôle à jouer pour apporter de la clarté dans les idées. Mais la parole des politiques est essentielle.
Le président George W. Bush en a fait l'expérience : dans l'indignation et l'émotion, il avait utilisé le terme de "croisade". C'était une erreur. Il l'a rectifiée depuis en ayant des gestes clairs à l'égard de la communauté musulmane dans son pays. Il faut éviter chez nous la thématique d'un retour historique du conflit entre l'Islam et la Chrétienté. Quant au monde arabo-musulman, s'il se laissait enfermer dans une identité séparée et antagoniste, il commettrait une faute majeure qui handicaperait son propre développement
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Q - Pourquoi avoir déclenché cette polémique à propos de la charte européenne en demandant à nos partenaires de supprimer de son préambule la mention d'héritage religieux ?
R - Je n'ai pas déclenché de polémique. D'abord, la position adoptée n'a pas été seulement la mienne, comme certains se sont évertués complaisamment à le répandre, mais celle des autorités françaises. Notre attitude a été définie d'un accord entre le président de la République et moi-même. Nous avons, tous les deux, appelé le président allemand de la convention chargée d'élaborer la charte, Roman Herzog, pour lui expliquer que cette formulation était un problème potentiel pour la France. Une formulation qui avait été proposée dans la convention par quelques parlementaires allemands de la CSU, au tout dernier moment et en l'absence du président Herzog, alors même qu'elle n'avait jamais été évoquée par nos partenaires dans les travaux préparatoires. Cette rédaction risquait de poser pour nous un problème de constitutionnalité, puisque la France, je le rappelle, est un Etat laïc.
Une nouvelle formule - qui parle de "patrimoine spirituel et moral" - a donc été proposée par notre pays, puis approuvée par tous les Etats européens sans poser le moindre problème. D'ailleurs, n'êtes-vous pas frappés par le fait que les "pères fondateurs" de l'Europe, les Schuman, de Gaspari ou Adenauer, n'ont jamais - alors qu'ils incarnaient la démocratie chrétienne - entendu lier la construction européenne à une référence religieuse ? A aucun moment ils n'ont éprouvé le besoin d'introduire, dans les textes fondateurs de l'Europe, une mention spécifique de l'héritage religieux.
Par ailleurs, la charte évoque naturellement le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit à l'éducation conformément aux convictions religieuses, la non-discrimination fondée sur la religion. Sincèrement, je n'ai pas compris la réaction de certaines franges de chrétiens situés à gauche et pourquoi ils la focalisaient sur ma personne. Cette polémique a été, pour moi, une surprise et a révélé un malentendu.
Peut-être exprimait-elle chez eux une interrogation plus large sur la place et l'influence des chrétiens, et en particulier, des catholiques, dans la France d'aujourd'hui ? Si c'est le cas, il faut en effet en parler.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2001)