Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens en premier lieu à vous remercier pour l'accueil que vous m'avez réservé et à vous dire combien j'ai apprécié la qualité de vos interventions.
La consultation nationale engagée sur l'aménagement du territoire, a pour but de dessiner le visage de la France dans 20 ans. C'est l'occasion, pour chaque région, de réfléchir à sa place dans la Nation et de dire quelle part elle veut prendre à la Communauté de destin qui unit entre eux les Français. Ainsi s'expriment tout à la fois une identité locale réaffirmée, et le sentiment d'appartenance à une collectivité nationale plus solidaire.
En même temps, la Nation compte sur le dévouement et l'attachement de la Corse à la République.
Dans cette Nation, dans cette République y a-t-il une place pour une politique corse ?
Oui s'il s'agit d'adapter la politique nationale aux particularités de développement de la Corse afin de rétablir ici l'égalité des chances qui vaut pour tous les citoyens.
Non, bien sûrs s'il s'agit d'affaiblir l'unité de la République.
Il y aura donc une politique corse dans le respect des principes de la République.
Il y aura une politique corse, parce qu'il y a une spécificité corse.
Cette spécificité ne saurait toutefois franchir certaines bornes. L'état de droit doit être respecté en Corse comme ailleurs.
Quelle société peut se maintenir durablement sans le respect collectif de la règle commune ? Il faut placer le respect du droit au nombre des priorités essentielles, d'une part parce que telle est la règle partout en France, mais aussi parce qu'au sein même de la société corse, les dérives auxquelles on peut assister portent en elles des germes de désagrégation qui sont inacceptables.
Ce n'est que si l'état de droit est respecté que la Corse pourra trouver la voie du développement. Aujourd'hui, l'emploi public joue un rôle majeur, mais le commerce et le tourisme, l'activité industrielle et la production agricole sont en crise.
Il faut y remédier.
Je sais que les responsables de toutes tendances politiques partagent cette analyse ; ils ont compris l'urgence d'une action résolue et commune.
Ma dernière réflexion introductive concerne la dimension humaine, culturelle et sociale de l'insularité.
Quiconque se déplace vers la Corse et entend ensuite aller de Bastia à Ajaccio ou de Porto Vecchio à Calvi comprend ce que chacun vit ici : la fragilité du lien physique avec le continent, la longueur et la complexité des déplacements intérieurs. Comment ignorer, dès lors, l'impact de l'insularité ?
Faut-il y voir un handicap ? un avantage ? Débat ancien et, finalement, artificiel.
Surtout, il faut cesser de croire l'action impossible et, comme vous le faites par le plan de développement de la Corse, il est temps de se donner une ambition nouvelle.
Par ces réflexions, j'ai souhaité vous dire à quel point le Gouvernement comprend la place particulière que tient la population corse dans la nation française.
Le Gouvernement entend établir une relation confiante avec la Corse. Grâce à l'action de Charles PASQUA et grâce à votre mobilisation qui est comprise sans ambiguïté, ce nouvel état d'esprit existe. A l'image du contrat de plan qui vient de se conclure, faisons du contrat, du respect de la parole donnée et de l'évaluation de l'action menée en commun, les nouveaux outils qui forgeront l'avenir.
Je voudrais à présent apporter des réponses à vos préoccupations.
Depuis neuf mois, par le rétablissement progressif de la confiance réciproque, le Gouvernement et la Corse travaillent en commun. Invités à vous prononcer par le Ministre d'Etat, vous avez su, à l'heure dite, adopter un plan de développement qui marque une prise de conscience et une résolution remarquables. Elles sont remarquables tout d'abord parce que, contrairement à ce que pensent certains esprits chagrins, elles n'allaient pas de soi. Mais qui peut faire à la Corse le reproche de se partager sur les choix de son développement ? J'ai toujours pensé que, plus qu'ailleurs en France, l'union autour d'une stratégie de développement était, ici, la tâche la plus ardue. C'est pourquoi la considération du Gouvernement n'en est que plus grande à votre égard. Que vous ayez voté en faveur du plan de redressement régional ou que vous ayez adopté une position d'abstention constructive, vous avez montré votre résolution. Le Gouvernement, comme Charles PASQUA l'a déjà dit, considère ce document comme un exemple dans le débat national sur l'aménagement du territoire.
Le Gouvernement apporte sa réponse en précisant quelle sera la stratégie de l'Etat en Corse à l'horizon des années 2015. Cette réponse aborde l'essentiel des thèmes du plan de redressement régional. Il indique comment l'Etat, en application des compétences qui sont dorénavant les siennes, se propose de seconder, d'appuyer les projets de la Corse. Le document de l'Etat ne prétend pas décrire de façon rigide la physionomie de la Corse en 2015. Comme partout en France, le propos du Gouvernement est de tracer des perspectives, et de tendre les volontés vers un but commun. Il est aussi d'agir concrètement en privilégiant des périodes d'actions de cinq ans, aux termes desquelles une évaluation des résultats obtenus permet de relancer l'action qui suit.
Le Gouvernement propose deux modes d'action. D'une part le contrat de plan, d'autre part un plan additionnel de mesures qui tend à accompagner encore mieux votre effort de redressement économique.
Le contrat de plan Corse vient d'être signé par le Préfet de Corse et le Président du Conseil Exécutif, M. Jean BAGGIONI. La démarche a été exemplaire, parce qu'il s'agit de la première région à avoir scellé ce contrat, alors même que l'exercice a commencé ici beaucoup plus tard que sur le continent, compte-tenu de l'accumulation de travaux à laquelle vous avez dû faire face depuis l'été.
Cette démarche est également une confirmation de la résolution des responsables locaux à progresser de façon solidaire. Faisons tous en sorte que les crédits prévus soient utilisés de la façon la plus efficace possible.
Je confirme la totale mobilisation des services de l'Etat et précise qu'en outre, nous sommes disposés à renforcer, de façon provisoire et adaptée, les effectifs de la collectivité, si elle le souhaite.
J'en viens à présent au programme des mesures additionnelles.
Tout d'abord, il importe de traiter du projet de statut fiscal. Comme je l'ai déjà annoncé devant l'Assemblée Nationale, un projet de loi sera déposé par le Gouvernement avant la prochaine session du Parlement.
Je sais l'importance extrême de ce sujet. Ici sans doute plus qu'ailleurs, le consentement à l'impôt touche aux racines mêmes du lien qui unit la Corse à la Nation. A cet égard, le débat qui s'est tenu ici peu avant Noël, a montré la sensibilité du sujet. Le Gouvernement soumettra à l'avis de la collectivité territoriale de Corse, conformément aux dispositions en vigueur, un projet de loi portant statut fiscal de la Corse, dans les prochains jours, vraisemblablement avant la fin du mois de février. D'ores et déjà, les orientations suivantes sont arrêtées.
La première concerne les droits de succession relatifs aux biens immobiliers détenus en Corse. Ils constituent l'essentiel de ce qu'on appelle les "Arrêtés Miot". Le Gouvernement n'entend pas lier cette question avec ce qui relève de la fiscalité propre à assurer le développement économique.
Mais j'ai donné mon accord pour le maintien du statu-quo. Cet accord, qui ne nécessite pas le dépôt d'un texte devant le Parlement, ne doit pas nous interdire de répondre rapidement aux situations de non-droit que la jurisprudence a révélé. Un travail commun en ce sens devra être conduit, mais sans retarder pour autant le dépôt du projet de statut fiscal que je me propose d'orienter principalement vers le développement économique.
Le deuxième orientation concerne la Corse au sein de l'Union Européenne. Compte-tenu de sa position insulaire, la Corse dispose d'avantages communautaires. C'est ainsi que subsistent des taux de TVA différents de ceux du continent. Les négociations conduites pendant l'année 1992, n'ont pas permis d'obtenir davantage qu'un accord tacite -et provisoire-de la commission de Bruxelles sur le maintien des taux de TVA en vigueur.
Le plan de redressement régional évoque, la solution du « programme d'options spécifiques liée à l'éloignement et à l'insularité ». Ce POSEI relève d'une décision du conseil des ministres de l'Union Européenne . Il servirait de cadre au traitement de l'insularité corse.
Il est effectivement nécessaire de rechercher un cadre communautaire général dans des négociations particulières qui relèvent notamment de la politique fiscale ou de la politique agricole. Je souligne cependant qu'il n'y a pas de lien direct entre ces domaines. Sous cette réserve, le Gouvernement entamera deux négociations à Bruxelles pendant l'année 1994. La première aura pour objet de confirmer les différentiels de taux de TVA, la deuxième recherchera la définition pour la Corse d'un POSEI adapté.
La troisième orientation fiscale concerne directement le développement économique. Elle constituera l'essentiel du projet de loi qui sera soumis à l'avis de la collectivité territoriale.
Je tiens d'abord à préciser qu'il ne saurait être question de s'engager sur la voie d'une exonération de TVA. Il s'agit en effet d'une illusion dangereuse : l'effet de relance par la consommation, loin de stimuler l'offre locale, qui est faible, ne peut qu'encourager les importations en provenance du continent. Un tel processus, s'il peut faciliter provisoirement le réseau de distribution, est de nature à encourager un développement économique artificiel.
Le Gouvernement fait le choix de mesures simples et fortes, financées sur le budget de l'Etat. Elles sont destinées à assainir énergiquement la structure financière des entreprises existantes, sans, pour autant fermer la porte à l'installation de nouvelles entreprises. Concrètement, le Gouvernement envisage les mesures suivantes :
- la mesure la plus importante et la plus novatrice concerne la taxe professionnelle : les parts régionale et départementale seront supprimées, ainsi que 25 % de la part communale. Cette mesure représente environ 60 % de la taxe professionnelle, c'est-à-dire quelques 250 millions de francs par an. Elle sera compensée par l'Etat, sur la base des taux de 1993. En revanche, les bases de la taxe continueront à évoluer, ce qui signifie que le système fonctionnera sans qu'il soit nécessaire d'en renégocier les termes chaque année.
- la taxe foncière sur les propriétés non-bâties agricoles sera supprimée en totalité. Cette ressource sera compensée par le budget de l'Etat et le financement des chambres d'agriculture ne sera pas affecté par la mesure. Cette mesure porte sur environ 25 millions de francs.
- L'exonération de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles sera reconduite jusqu'en 1998.
Trois mesures instaurent par ailleurs un pouvoir fiscal en faveur de la collectivité territoriale de Corse :
- Création facultative d'une taxe sur l'électricité.
- Transfert à la collectivité du pouvoir de fixation des droits sur les tabacs, dont le produit lui revient déjà.
- Transfert à la collectivité des droits de francisation et de navigation applicables aux navires de plaisance. La collectivité pourrait fixer des taux situés entre 70 % et 100 % du taux national. Par cette mesure le développement d'une activité portuaire, voire de réparation et d'entretien dans le domaine de la plaisance, pourrait s'amplifier.
Reste la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Beaucoup de voix se sont élevées pour en souhaiter le transfert à la collectivité territoriale.
Dans l'immédiat, le Gouvernement constate que les récentes lois de décentralisation n'ont pas prévu pour la Corse toutes les conditions financières qui doivent accompagner les transferts de compétences. De plus, s'agissant de l'office hydraulique ou de l'office de développement agricole, les expertises en cours montrent que leur situation déficitaire peut s'expliquer en partie par les conditions de leur transfert. Il est donc prévu d'octroyer à la collectivité territoriale, pour solder définitivement les transferts, une fraction du produit de la TIPP, fraction qui pourra être de l'ordre de 10 %.
Par cet ensemble de dispositions, le Gouvernement entend répondre au besoin de consolider le tissu économique existant, sans faire de la Corse un paradis fiscal et sans la fermer aux implantations extérieures.
Je serai moins long sur les autres thèmes. Ils seront précisés dans le document dit « stratégie de l'Etat en Corse » qui sera rendu public clans quelques jours, en réponse au plan de développement régional. J'insiste d'ores et déjà sur cinq points : l'action économique, les transports, l'agriculture, l'environnement et la langue corse.
- En matière d'action économique, j'ai souvent entendu parler de la nécessité dans laquelle serait la Corse de disposer d'un code des investissements. Il ne peut s'agir d'instaurer un corps de règles juridiques qui restreindraient la liberté d'établissement d'entreprises par le moyen d'un agrément. D'une part, parce que la Corse fait partie intégrante de la France, d'autre part, parce que son relatif retard de développement est sans comparaison avec la situation de dépendance économique qu'ont pu connaître d'anciens territoires situés hors de France.
En revanche, il est bien vrai que la spécificité corse appelle un schéma de développement particulier. J'ajoute que je trouverais normal que les institutions locales, qui peuvent octroyer des aides à l'action économique, se coordonnent et prennent leurs décisions de façon convergente. On pourrait alors appeler « code des investissements », le corps de principes communs pour les aides à l'installation d'entreprises ou à la création d'emplois.
Je rappelle par ailleurs qu'en matière d'action économique, des mesures ont été adoptées lors du Conseil des Ministres du 5 janvier. En particulier, la commission ad'hoc d'examen des situations des entreprises est aujourd'hui en mesure de fonctionner.
- En matière agricole, je ne reviendrai pas sur la négociation d'un programme communautaire spécifique. Mais quelque soit le support communautaire, il est nécessaire de relancer la politique agricole en Corse.
Il faut dégager des solutions pour établir les comptes des offices en difficulté. Comme je l'ai dit, l'Etat est disposé à participer à l'effort, dans le respect du partage des compétences. Mais il ne peut le faire à n'importe quel prix. Des discussions devront se tenir entre l'Etat et la collectivité pour tirer les conséquences des missions d'expertise en cours.
De même, s'il est nécessaire de mener à leur terme les procédures concernant les agriculteurs en difficulté, une réflexion doit être conduite sur les structures agricoles et sur l'avenir de chaque filière. Je demande donc au Ministre de l'Agriculture de prendre l'initiative de cette concertation par filière et de faire au Gouvernement des propositions d'ici l'été 1994. Concernant la filière porcine, le plan du Gouvernement comporte d'ores et déjà des décisions d'inscription au schéma national, de ceux des abattoirs qui s'avèrent nécessaires, tant en Corse du Sud qu'en Haute Corse.
- En matière de transports, le Gouvernement prend l'initiative d'une concertation avec les parties prenantes afin de réexaminer les effets sur l'économie insulaire des règles en vigueur. A l'heure où un vaste plan routier est mis en place, auquel l'Etat contribuera à hauteur de 50 MF par an pendant cinq ans, on doit s'assurer de la cohérence de cette action avec la politique de continuité territoriale.
Les concessions en cours feront l'objet d'une prochaine mise en concurrence. Il faut en effet compter avec les règles introduites par l'acte unique.
Tout en restant fidèle aux principes du service public et au rôle de l'Etat, il va donc falloir se montrer plus rigoureux dans la gestion des aides publiques, particulièrement dans le domaine du transport maritime.
Le Gouvernement se propose de faire conduire une étude approfondie de cette question. Parallèlement, si la collectivité lui en faisait la demande, en application de l'article 26 de la loi de 1991 portant statut de la collectivité territoriale, il examinerait avec attention toute proposition de modification de l'article 73 de la même loi, relatif au champ d'application de la dotation de continuité territoriale.
- En matière d'environnement, le plan qui vous sera communiqué comporte un ensemble de dispositions dont l'objet est d'accompagner votre action. Je crois savoir que l'année 1994 devrait être consacrée par vos soins à la préparation du nouveau schéma d'aménagement de la Corse. Dans son domaine de compétences, l'Etat facilitera la préparation du schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) en vous proposant la mise à disposition d'experts, si vous en faites la demande. Par ailleurs, l'Etat décide de participer au financement de la réhabilitation du patrimoine bâti. Je sais l'importance qu'ont ici les villages. Leur réhabilitation constitue à mes yeux une priorité. Le Gouvernement dégagera les ressources permettant de conduire, en liaison avec la collectivité pour le choix des sites, la restauration de vingt cinq villages en cinq ans.
Par ailleurs, des mesures seront prises en faveur de l'aménagement et de la mise en valeur des sites fortement fréquentés. Enfin, la réserve nationale de Biguglia sera rapidement instaurée, et les discussions relancées autour du parc national terrestre et marin à la Scandola, et du parc international marin des Bouches de Bonifacio.
- En matière de langue et de culture corse, le Gouvernement n'est nullement opposé, bien au contraire, à ce que l'on facilite l'apprentissage de la langue. Il a donc été décidé de porter, en cinq ans, l'offre d'enseignement à trois heures, de la classe maternelle à l'université. Pour ce faire, la création de 14 postes d'enseignants, y compris les quatorze qui seront en place dès la rentrée prochaine, a été décidée.
A l'issue de la première période, une évaluation permettra de vérifier l'adéquation entre l'offre et la demande. Si l'offre apparaît insuffisante, on sera fondé à mettre en place des moyens complémentaires.
En matière audiovisuelle, des mesures destinées à soutenir les programmes en langue corse sont proposées par le plan gouvernemental.
Telles sont, Mesdames et Messieurs, les propos que j'ai souhaités tenir devant vous.
Soyez assurés que les membres du Gouvernement qui m'accompagnent et au premier rang d'entre eux, Monsieur le Ministre d'Etat, veilleront à mes côtés à la conduite persévérante, confiante, amicale aussi, mais tout autant rigoureuse de la nouvelle politique que le Gouvernement entend mener au profit de la Corse.Tout ce qui peut contribuer au redressement de l'économie, si possible par les corses eux-mêmes, mais avec l'appui de la Nation dont vous êtes partie intégrante, nous le ferons.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens en premier lieu à vous remercier pour l'accueil que vous m'avez réservé et à vous dire combien j'ai apprécié la qualité de vos interventions.
La consultation nationale engagée sur l'aménagement du territoire, a pour but de dessiner le visage de la France dans 20 ans. C'est l'occasion, pour chaque région, de réfléchir à sa place dans la Nation et de dire quelle part elle veut prendre à la Communauté de destin qui unit entre eux les Français. Ainsi s'expriment tout à la fois une identité locale réaffirmée, et le sentiment d'appartenance à une collectivité nationale plus solidaire.
En même temps, la Nation compte sur le dévouement et l'attachement de la Corse à la République.
Dans cette Nation, dans cette République y a-t-il une place pour une politique corse ?
Oui s'il s'agit d'adapter la politique nationale aux particularités de développement de la Corse afin de rétablir ici l'égalité des chances qui vaut pour tous les citoyens.
Non, bien sûrs s'il s'agit d'affaiblir l'unité de la République.
Il y aura donc une politique corse dans le respect des principes de la République.
Il y aura une politique corse, parce qu'il y a une spécificité corse.
Cette spécificité ne saurait toutefois franchir certaines bornes. L'état de droit doit être respecté en Corse comme ailleurs.
Quelle société peut se maintenir durablement sans le respect collectif de la règle commune ? Il faut placer le respect du droit au nombre des priorités essentielles, d'une part parce que telle est la règle partout en France, mais aussi parce qu'au sein même de la société corse, les dérives auxquelles on peut assister portent en elles des germes de désagrégation qui sont inacceptables.
Ce n'est que si l'état de droit est respecté que la Corse pourra trouver la voie du développement. Aujourd'hui, l'emploi public joue un rôle majeur, mais le commerce et le tourisme, l'activité industrielle et la production agricole sont en crise.
Il faut y remédier.
Je sais que les responsables de toutes tendances politiques partagent cette analyse ; ils ont compris l'urgence d'une action résolue et commune.
Ma dernière réflexion introductive concerne la dimension humaine, culturelle et sociale de l'insularité.
Quiconque se déplace vers la Corse et entend ensuite aller de Bastia à Ajaccio ou de Porto Vecchio à Calvi comprend ce que chacun vit ici : la fragilité du lien physique avec le continent, la longueur et la complexité des déplacements intérieurs. Comment ignorer, dès lors, l'impact de l'insularité ?
Faut-il y voir un handicap ? un avantage ? Débat ancien et, finalement, artificiel.
Surtout, il faut cesser de croire l'action impossible et, comme vous le faites par le plan de développement de la Corse, il est temps de se donner une ambition nouvelle.
Par ces réflexions, j'ai souhaité vous dire à quel point le Gouvernement comprend la place particulière que tient la population corse dans la nation française.
Le Gouvernement entend établir une relation confiante avec la Corse. Grâce à l'action de Charles PASQUA et grâce à votre mobilisation qui est comprise sans ambiguïté, ce nouvel état d'esprit existe. A l'image du contrat de plan qui vient de se conclure, faisons du contrat, du respect de la parole donnée et de l'évaluation de l'action menée en commun, les nouveaux outils qui forgeront l'avenir.
Je voudrais à présent apporter des réponses à vos préoccupations.
Depuis neuf mois, par le rétablissement progressif de la confiance réciproque, le Gouvernement et la Corse travaillent en commun. Invités à vous prononcer par le Ministre d'Etat, vous avez su, à l'heure dite, adopter un plan de développement qui marque une prise de conscience et une résolution remarquables. Elles sont remarquables tout d'abord parce que, contrairement à ce que pensent certains esprits chagrins, elles n'allaient pas de soi. Mais qui peut faire à la Corse le reproche de se partager sur les choix de son développement ? J'ai toujours pensé que, plus qu'ailleurs en France, l'union autour d'une stratégie de développement était, ici, la tâche la plus ardue. C'est pourquoi la considération du Gouvernement n'en est que plus grande à votre égard. Que vous ayez voté en faveur du plan de redressement régional ou que vous ayez adopté une position d'abstention constructive, vous avez montré votre résolution. Le Gouvernement, comme Charles PASQUA l'a déjà dit, considère ce document comme un exemple dans le débat national sur l'aménagement du territoire.
Le Gouvernement apporte sa réponse en précisant quelle sera la stratégie de l'Etat en Corse à l'horizon des années 2015. Cette réponse aborde l'essentiel des thèmes du plan de redressement régional. Il indique comment l'Etat, en application des compétences qui sont dorénavant les siennes, se propose de seconder, d'appuyer les projets de la Corse. Le document de l'Etat ne prétend pas décrire de façon rigide la physionomie de la Corse en 2015. Comme partout en France, le propos du Gouvernement est de tracer des perspectives, et de tendre les volontés vers un but commun. Il est aussi d'agir concrètement en privilégiant des périodes d'actions de cinq ans, aux termes desquelles une évaluation des résultats obtenus permet de relancer l'action qui suit.
Le Gouvernement propose deux modes d'action. D'une part le contrat de plan, d'autre part un plan additionnel de mesures qui tend à accompagner encore mieux votre effort de redressement économique.
Le contrat de plan Corse vient d'être signé par le Préfet de Corse et le Président du Conseil Exécutif, M. Jean BAGGIONI. La démarche a été exemplaire, parce qu'il s'agit de la première région à avoir scellé ce contrat, alors même que l'exercice a commencé ici beaucoup plus tard que sur le continent, compte-tenu de l'accumulation de travaux à laquelle vous avez dû faire face depuis l'été.
Cette démarche est également une confirmation de la résolution des responsables locaux à progresser de façon solidaire. Faisons tous en sorte que les crédits prévus soient utilisés de la façon la plus efficace possible.
Je confirme la totale mobilisation des services de l'Etat et précise qu'en outre, nous sommes disposés à renforcer, de façon provisoire et adaptée, les effectifs de la collectivité, si elle le souhaite.
J'en viens à présent au programme des mesures additionnelles.
Tout d'abord, il importe de traiter du projet de statut fiscal. Comme je l'ai déjà annoncé devant l'Assemblée Nationale, un projet de loi sera déposé par le Gouvernement avant la prochaine session du Parlement.
Je sais l'importance extrême de ce sujet. Ici sans doute plus qu'ailleurs, le consentement à l'impôt touche aux racines mêmes du lien qui unit la Corse à la Nation. A cet égard, le débat qui s'est tenu ici peu avant Noël, a montré la sensibilité du sujet. Le Gouvernement soumettra à l'avis de la collectivité territoriale de Corse, conformément aux dispositions en vigueur, un projet de loi portant statut fiscal de la Corse, dans les prochains jours, vraisemblablement avant la fin du mois de février. D'ores et déjà, les orientations suivantes sont arrêtées.
La première concerne les droits de succession relatifs aux biens immobiliers détenus en Corse. Ils constituent l'essentiel de ce qu'on appelle les "Arrêtés Miot". Le Gouvernement n'entend pas lier cette question avec ce qui relève de la fiscalité propre à assurer le développement économique.
Mais j'ai donné mon accord pour le maintien du statu-quo. Cet accord, qui ne nécessite pas le dépôt d'un texte devant le Parlement, ne doit pas nous interdire de répondre rapidement aux situations de non-droit que la jurisprudence a révélé. Un travail commun en ce sens devra être conduit, mais sans retarder pour autant le dépôt du projet de statut fiscal que je me propose d'orienter principalement vers le développement économique.
Le deuxième orientation concerne la Corse au sein de l'Union Européenne. Compte-tenu de sa position insulaire, la Corse dispose d'avantages communautaires. C'est ainsi que subsistent des taux de TVA différents de ceux du continent. Les négociations conduites pendant l'année 1992, n'ont pas permis d'obtenir davantage qu'un accord tacite -et provisoire-de la commission de Bruxelles sur le maintien des taux de TVA en vigueur.
Le plan de redressement régional évoque, la solution du « programme d'options spécifiques liée à l'éloignement et à l'insularité ». Ce POSEI relève d'une décision du conseil des ministres de l'Union Européenne . Il servirait de cadre au traitement de l'insularité corse.
Il est effectivement nécessaire de rechercher un cadre communautaire général dans des négociations particulières qui relèvent notamment de la politique fiscale ou de la politique agricole. Je souligne cependant qu'il n'y a pas de lien direct entre ces domaines. Sous cette réserve, le Gouvernement entamera deux négociations à Bruxelles pendant l'année 1994. La première aura pour objet de confirmer les différentiels de taux de TVA, la deuxième recherchera la définition pour la Corse d'un POSEI adapté.
La troisième orientation fiscale concerne directement le développement économique. Elle constituera l'essentiel du projet de loi qui sera soumis à l'avis de la collectivité territoriale.
Je tiens d'abord à préciser qu'il ne saurait être question de s'engager sur la voie d'une exonération de TVA. Il s'agit en effet d'une illusion dangereuse : l'effet de relance par la consommation, loin de stimuler l'offre locale, qui est faible, ne peut qu'encourager les importations en provenance du continent. Un tel processus, s'il peut faciliter provisoirement le réseau de distribution, est de nature à encourager un développement économique artificiel.
Le Gouvernement fait le choix de mesures simples et fortes, financées sur le budget de l'Etat. Elles sont destinées à assainir énergiquement la structure financière des entreprises existantes, sans, pour autant fermer la porte à l'installation de nouvelles entreprises. Concrètement, le Gouvernement envisage les mesures suivantes :
- la mesure la plus importante et la plus novatrice concerne la taxe professionnelle : les parts régionale et départementale seront supprimées, ainsi que 25 % de la part communale. Cette mesure représente environ 60 % de la taxe professionnelle, c'est-à-dire quelques 250 millions de francs par an. Elle sera compensée par l'Etat, sur la base des taux de 1993. En revanche, les bases de la taxe continueront à évoluer, ce qui signifie que le système fonctionnera sans qu'il soit nécessaire d'en renégocier les termes chaque année.
- la taxe foncière sur les propriétés non-bâties agricoles sera supprimée en totalité. Cette ressource sera compensée par le budget de l'Etat et le financement des chambres d'agriculture ne sera pas affecté par la mesure. Cette mesure porte sur environ 25 millions de francs.
- L'exonération de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles sera reconduite jusqu'en 1998.
Trois mesures instaurent par ailleurs un pouvoir fiscal en faveur de la collectivité territoriale de Corse :
- Création facultative d'une taxe sur l'électricité.
- Transfert à la collectivité du pouvoir de fixation des droits sur les tabacs, dont le produit lui revient déjà.
- Transfert à la collectivité des droits de francisation et de navigation applicables aux navires de plaisance. La collectivité pourrait fixer des taux situés entre 70 % et 100 % du taux national. Par cette mesure le développement d'une activité portuaire, voire de réparation et d'entretien dans le domaine de la plaisance, pourrait s'amplifier.
Reste la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Beaucoup de voix se sont élevées pour en souhaiter le transfert à la collectivité territoriale.
Dans l'immédiat, le Gouvernement constate que les récentes lois de décentralisation n'ont pas prévu pour la Corse toutes les conditions financières qui doivent accompagner les transferts de compétences. De plus, s'agissant de l'office hydraulique ou de l'office de développement agricole, les expertises en cours montrent que leur situation déficitaire peut s'expliquer en partie par les conditions de leur transfert. Il est donc prévu d'octroyer à la collectivité territoriale, pour solder définitivement les transferts, une fraction du produit de la TIPP, fraction qui pourra être de l'ordre de 10 %.
Par cet ensemble de dispositions, le Gouvernement entend répondre au besoin de consolider le tissu économique existant, sans faire de la Corse un paradis fiscal et sans la fermer aux implantations extérieures.
Je serai moins long sur les autres thèmes. Ils seront précisés dans le document dit « stratégie de l'Etat en Corse » qui sera rendu public clans quelques jours, en réponse au plan de développement régional. J'insiste d'ores et déjà sur cinq points : l'action économique, les transports, l'agriculture, l'environnement et la langue corse.
- En matière d'action économique, j'ai souvent entendu parler de la nécessité dans laquelle serait la Corse de disposer d'un code des investissements. Il ne peut s'agir d'instaurer un corps de règles juridiques qui restreindraient la liberté d'établissement d'entreprises par le moyen d'un agrément. D'une part, parce que la Corse fait partie intégrante de la France, d'autre part, parce que son relatif retard de développement est sans comparaison avec la situation de dépendance économique qu'ont pu connaître d'anciens territoires situés hors de France.
En revanche, il est bien vrai que la spécificité corse appelle un schéma de développement particulier. J'ajoute que je trouverais normal que les institutions locales, qui peuvent octroyer des aides à l'action économique, se coordonnent et prennent leurs décisions de façon convergente. On pourrait alors appeler « code des investissements », le corps de principes communs pour les aides à l'installation d'entreprises ou à la création d'emplois.
Je rappelle par ailleurs qu'en matière d'action économique, des mesures ont été adoptées lors du Conseil des Ministres du 5 janvier. En particulier, la commission ad'hoc d'examen des situations des entreprises est aujourd'hui en mesure de fonctionner.
- En matière agricole, je ne reviendrai pas sur la négociation d'un programme communautaire spécifique. Mais quelque soit le support communautaire, il est nécessaire de relancer la politique agricole en Corse.
Il faut dégager des solutions pour établir les comptes des offices en difficulté. Comme je l'ai dit, l'Etat est disposé à participer à l'effort, dans le respect du partage des compétences. Mais il ne peut le faire à n'importe quel prix. Des discussions devront se tenir entre l'Etat et la collectivité pour tirer les conséquences des missions d'expertise en cours.
De même, s'il est nécessaire de mener à leur terme les procédures concernant les agriculteurs en difficulté, une réflexion doit être conduite sur les structures agricoles et sur l'avenir de chaque filière. Je demande donc au Ministre de l'Agriculture de prendre l'initiative de cette concertation par filière et de faire au Gouvernement des propositions d'ici l'été 1994. Concernant la filière porcine, le plan du Gouvernement comporte d'ores et déjà des décisions d'inscription au schéma national, de ceux des abattoirs qui s'avèrent nécessaires, tant en Corse du Sud qu'en Haute Corse.
- En matière de transports, le Gouvernement prend l'initiative d'une concertation avec les parties prenantes afin de réexaminer les effets sur l'économie insulaire des règles en vigueur. A l'heure où un vaste plan routier est mis en place, auquel l'Etat contribuera à hauteur de 50 MF par an pendant cinq ans, on doit s'assurer de la cohérence de cette action avec la politique de continuité territoriale.
Les concessions en cours feront l'objet d'une prochaine mise en concurrence. Il faut en effet compter avec les règles introduites par l'acte unique.
Tout en restant fidèle aux principes du service public et au rôle de l'Etat, il va donc falloir se montrer plus rigoureux dans la gestion des aides publiques, particulièrement dans le domaine du transport maritime.
Le Gouvernement se propose de faire conduire une étude approfondie de cette question. Parallèlement, si la collectivité lui en faisait la demande, en application de l'article 26 de la loi de 1991 portant statut de la collectivité territoriale, il examinerait avec attention toute proposition de modification de l'article 73 de la même loi, relatif au champ d'application de la dotation de continuité territoriale.
- En matière d'environnement, le plan qui vous sera communiqué comporte un ensemble de dispositions dont l'objet est d'accompagner votre action. Je crois savoir que l'année 1994 devrait être consacrée par vos soins à la préparation du nouveau schéma d'aménagement de la Corse. Dans son domaine de compétences, l'Etat facilitera la préparation du schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) en vous proposant la mise à disposition d'experts, si vous en faites la demande. Par ailleurs, l'Etat décide de participer au financement de la réhabilitation du patrimoine bâti. Je sais l'importance qu'ont ici les villages. Leur réhabilitation constitue à mes yeux une priorité. Le Gouvernement dégagera les ressources permettant de conduire, en liaison avec la collectivité pour le choix des sites, la restauration de vingt cinq villages en cinq ans.
Par ailleurs, des mesures seront prises en faveur de l'aménagement et de la mise en valeur des sites fortement fréquentés. Enfin, la réserve nationale de Biguglia sera rapidement instaurée, et les discussions relancées autour du parc national terrestre et marin à la Scandola, et du parc international marin des Bouches de Bonifacio.
- En matière de langue et de culture corse, le Gouvernement n'est nullement opposé, bien au contraire, à ce que l'on facilite l'apprentissage de la langue. Il a donc été décidé de porter, en cinq ans, l'offre d'enseignement à trois heures, de la classe maternelle à l'université. Pour ce faire, la création de 14 postes d'enseignants, y compris les quatorze qui seront en place dès la rentrée prochaine, a été décidée.
A l'issue de la première période, une évaluation permettra de vérifier l'adéquation entre l'offre et la demande. Si l'offre apparaît insuffisante, on sera fondé à mettre en place des moyens complémentaires.
En matière audiovisuelle, des mesures destinées à soutenir les programmes en langue corse sont proposées par le plan gouvernemental.
Telles sont, Mesdames et Messieurs, les propos que j'ai souhaités tenir devant vous.
Soyez assurés que les membres du Gouvernement qui m'accompagnent et au premier rang d'entre eux, Monsieur le Ministre d'Etat, veilleront à mes côtés à la conduite persévérante, confiante, amicale aussi, mais tout autant rigoureuse de la nouvelle politique que le Gouvernement entend mener au profit de la Corse.Tout ce qui peut contribuer au redressement de l'économie, si possible par les corses eux-mêmes, mais avec l'appui de la Nation dont vous êtes partie intégrante, nous le ferons.