Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la politique des transports et les mesures en matière de transport ferroviaire, à Satolas le 28 juin 1994.

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Circonstance : Inauguration de la gare TGV de Satolas, le 28 juin 1994

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les Elus,
Mesdames et Messieurs,
L'événement que nous célébrons aujourd'hui, l'inauguration de la gare TGV de Lyon - Satolas et du prolongement de la ligne nouvelle du TGV Sud-Est, exprime, je le crois, l'unité de la France.
Unité d'action d'abord. La réalisation du noeud de communication de Satolas résulte de la rencontre des volontés :
- du Conseil Régional de Rhône-Alpes, dont je salue le Président, M. Charles MILLON ;
- du Conseil général, que préside M. Michel MERCIER ;
- de la SNCF, représentée par son Président M. Jean BERGOUGNOUX ;
- de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon, présidée par M. Bruno VINCENT.
L'Etat y a contribué pour sa part. La présence à mes côtés de plusieurs ministres en témoignent.
Unité de lieu ensuite. Sur le site de Satolas se rencontrent désormais l'ensemble des moyens de transport modernes : l'avion, le train à grande vitesse, la route. Le thème de l'intermodalité puisque c'est, parait-il, le terme technique consacré est ici mis en valeur par l'audace de l'architecture et par la prouesse de la construction.
Unité de temps enfin. L'inauguration de la gare de Satolas et du prolongement de la ligne nouvelle marque l'aboutissement de nos efforts d'hier et d'aujourd'hui. Elle nous incite aussi à renouveler nos réflexions sur les questions de demain : quel équilibre recherchons-nous dans le développement des différents modes de transport ? quel avenir voulons-nous pour le transport ferroviaire ? quel rôle assignons-nous aux transports dans la reconquête du territoire français ?
Quel équilibre dans le développement des transports ?
Les transports constituent l'un des domaines de réussite de la France, qui peut s'appuyer à la fois sur une tradition et sur une avance technologique.
Chaque mode de transport s'est ainsi développé, certes de façon efficace selon sa logique propre, mais sans cohérence d'ensemble.
Aujourd'hui, comment ne pas s'interroger lorsque nous voyons toutes les entreprises de transport faire face à une détérioration parfois sérieuse de leurs résultats : qu'il s'agisse de la SNCF, des transports aériens ou des transports routiers ?
Maintenant que nous avons obtenu le retour progressif de la croissance économique, essayons d'éviter certains excès de la période précédente.
Recherchons d'abord un meilleur équilibre pour l'ensemble des modes de transport. Une économie puissante et prospère ne se conçoit pas sans des entreprises de transport puissantes et prospères.
Il ne s'agit pas dans le monde d'aujourd'hui de renoncer à la concurrence, qui abaisse les coûts et les prix au bénéfice de l'ensemble des Français. En revanche, il nous faut combattre le dumping, notamment celui qui est pratiqué par certains dans le transport routier. Ces comportements, certes minoritaires, pèsent injustement sur les résultats de l'ensemble du transport de marchandises, routier comme ferroviaire, et s'accompagnent parfois du non respect des règles de sécurité et du droit du travail.
Le Ministre des Transports, M. Bernard BOSSON, a proposé, en accord avec l'ensemble des représentants du transport routier, un contrat de progrès. Il vise à réprimer plus sévèrement les violations les plus graves des règles de sécurité tout en protégeant mieux les transporteurs vis-à-vis de la position de force parfois excessive des chargeurs, en définissant plus clairement dans le contrat de transport les obligations des uns et des autres.
Ces dispositions font partie de la loi de modernisation des transports que le Gouvernement a déposée à l'Assemblée, et qui sera votée à la session d'automne. Avec la reprise des volumes transportés, elle contribuera à une remontée progressive des prix à un niveau plus compatible avec l'équilibre du secteur du fret en France. La SNCF, solidaire sur ce point des transporteurs routiers, devrait-elle aussi en retirer le bénéfice.
Cette solidarité s'affirme par le développement très souhaitable du transport combiné. Une concurrence ancienne oppose certes le rail et la route, mais aujourd'hui leur complémentarité devrait les rapprocher toujours davantage.
Le Gouvernement entend favoriser le développement du transport combiné. Il proposera à nos partenaires de l'Union européenne d'en faire l'une des priorités de la présidence française qui s'ouvre le premier janvier prochain.
Dans votre région, le Gouvernement a relancé le projet du futur lien mixte, pour les voyageurs et pour le fret, qui doit s'établir entre les réseaux TGV français et italiens.
Cette liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin a été retenue, sur la proposition des Gouvernements français et italiens, parmi les onze projets prioritaires de l'initiative européenne de croissance, décidées au cours du récent Sommet de Corfou.
L'étude d'avant projet sommaire du TGV Lyon/Turin entre Lyon et Chambéry/Montmélian a été lancée. Les études de la suite de la liaison en direction de Turin seront conduites par un groupe de travail franco-italien.
Cette première étape du projet prévoit la réalisation de l'électrification de la ligne entre Chambéry/Montmélian et Grenoble, ainsi que l'étude d'une liaison empruntant le sillon alpin entre Chambéry/Montmélian, le genevois français et Genève, en accord avec nos partenaires suisses.
L'étude engagée comportera également une réflexion sur le fret ferroviaire, à la fois fret classique et transport combiné rail-route, et s'attachera à examiner les modalités techniques et financières permettant la mise en place d'une future autoroute ferroviaire à travers les Alpes.
Pour mener ces études, je retiens la proposition de la région Rhône-Alpes, d'instituer un partenariat entre la région, la SNCF, les sociétés concessionnaires des tunnels, du Mont-Blanc et du Fréjus afin de rassembler les compétences nécessaires, comme cela a été fait pour réaliser la gare de Satolas.
J'approuve également l'idée de votre région, de créer une structure d'étude spécifique disposant de la personnalité morale, grâce à laquelle l'ensemble de ces acteurs s'associera à la maîtrise d'ouvrage des études.
Le Gouvernement apportera de la même manière son appui au transport combiné rail/route/air dont la gare de Satolas constitue l'une des réalisations pionnières.
La liaison directe entre l'avion et le TGV, loin de porter préjudice au développement de l'aéroport de Satolas, améliorera sa croissance déjà remarquable.
Votre aéroport dispose ainsi d'atouts considérables pour compter parmi les tous premiers en Europe. Ses réserves de capacité permettent de faire face à une demande en pleine expansion, que son accessibilité désormais exceptionnelle tant par la route que par le rail viendra renforcer encore.
L'Etat encourage cette évolution par une contribution importante à la modernisation des installations permettant une meilleure complémentarité entre mode de transport. L'intermodalité, qui reste souvent un mot, est devenue à Satolas grâce à vos efforts une réalité et un exemple.
Deuxième question pour l'avenir :
Quelles perspectives pour le transport ferroviaire ?
La SNCF occupe une place privilégiée dans la société française. En cette année de commémoration de la Libération, les Français se souviennent du rôle joué par les cheminots dans les combats de la Résistance. Notre pays connaît une véritable passion pour le rail, qui se manifeste par l'attention toujours vigilante qui est portée aux affaires de la SNCF.
Le Gouvernement partage cet attachement au chemin de fer et la conviction que la SNCF, en répondant toujours mieux aux attentes de ses clients, est appelée à un nouveau et prometteur développement.
Ce développement passe bien sûr par la poursuite du programme TGV. Le Gouvernement a décidé de lancer simultanément les deux grands projets du TGV Est Européen et du TGV Méditerranée. Il poursuit les études techniques du projet Lyon-Turin, que j'ai évoqué, et des projets Montpellier-Barcelone et Rhin-Rhône. Il a ouvert les consultations préalables à la réalisation des TGV Bretagne et Aquitaine, en liaison avec les régions concernées.
Ces nouvelles lignes apporteront une clientèle supplémentaire à la SNCF et assureront sa croissance pour des années bien au-delà de l'horizon 2000. Mais le Gouvernement se soucie également des autres activités de l'entreprise. Il a prévu une aide exceptionnelle de 80 MF à la SNCF pour faciliter la commande de nouvelles rames régionales TER par les Conseils régionaux. Je peux aujourd'hui vous indiquer que plus de 50 rames nouvelles de ce type seront commandées au bénéfice de la SNCF d'ici la fin de l'année, notamment par votre région dont je salue l'engagement.
Je sais cependant qu'aujourd'hui beaucoup parmi les agents de la SNCF s'interrogent, devant l'évolution préoccupante des résultats financiers, devant certaines difficultés commerciales récentes, devant enfin les perspectives d'une concurrence toujours plus vive.
Le Gouvernement a nommé un nouveau président de la SNCF, M. Jean BERGOUGNOUX, qui a su réussir à la direction d'une autre grande entreprise publique essentielle à la vie du pays.
Il lui appartient de faire une analyse d'ensemble de la situation de l'entreprise, pour commencer dès à présent la préparation du prochain Contrat de Plan. Ce Contrat de Plan ne limitera pas son ambition à un rééquilibrage financier certes indispensable. Il définira la stratégie de l'entreprise pour les années à venir, face aux défis nombreux et complexes auxquels la SNCF est confrontée.
Cette réflexion doit être conduite en consultant très largement les partenaires de la SNCF, en particulier les élus locaux et bien entendu le personnel, dans un souci de dialogue social constant et constructif.
Bien entendu, le démarrage des travaux du Contrat de Plan ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise se mobilise dès à présent pour commencer de redresser ses résultats et pour reconquérir des parts de marché, en apportant un service toujours meilleur aux clients qui la font vivre. A cette tâche exaltante, je sais qu'elle répondra avec la passion que les cheminots éprouvent pour leur métier et pour leur mission.
Troisième question dont dépend notre avenir : quelle politique des Transports pour quelle stratégie de développement du territoire ?
Le Gouvernement, vous le savez, a voulu faire de l'aménagement du territoire une priorité de son action.
La politique des transports ne se conçoit pas indépendamment de cette priorité. La loi sur le développement du territoire, que M. PASQUA, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur, a présentée au Parlement prévoit des moyens accrus pour une telle politique.
Dès que le Parlement aura voté la loi, un Fonds d'investissement pour les transports terrestres pourra ainsi être créé. Il sera alimenté par un prélèvement sur Electricité de France et sur les concessionnaires autoroutiers. Il contribuera de façon significative au financement de tous les modes de transports : le rail et en particulier les lignes nouvelles de TGV ; les routes et le transport combiné ; les investissements fluviaux.
Grâce à ces moyens supplémentaires, le Gouvernement entend donner à chaque partie du territoire les chances d'un développement adapté à ses besoins et à ses potentialités propres.
La réalisation de la gare de Satolas et du contournement TGV de Lyon constitue l'exemple de ce qu'il faut faire dans ce domaine. Cet aménagement concourt d'abord à rééquilibrer le développement de l'agglomération au profit de l'Est lyonnais.
Le Gouvernement soutient la volonté des élus d'élaborer un schéma de développement cohérent de la Région Urbaine de Lyon. Il permettra de protéger les espaces libres autour de Satolas en évitant l'inflation de nouvelles zones d'activités, en donnant priorité aux pôles de développement majeurs déjà existants (L'Isle d'Abeau - Plaine de l'Ain - Porte des Alpes notamment). Cette planification concertée entre l'Etat et les collectivités pourrait préfigurer les futures "directives territoriales d'aménagement" prévue par le projet de loi sur l'aménagement du territoire.
Dans cet esprit, le Gouvernement réaffirme le soutien qu'il apporte à la Ville Nouvelle de l'Isle d'Abeau, à laquelle il a consacré plus de 1,6 milliard d'investissements publics depuis sa création et qui dispose encore d'un considérable potentiel de réserves foncières.
L'Isle d'Abeau offre aujourd'hui des sites d'accueil de grande qualité pour les entreprises, atteint une taille critique crédible avec 13 000 emplois, 33 000 habitants et un niveau important d'équipements et de services. Elle propose un aménagement cohérent, maîtrisé et équilibré.
Au-delà de l'aménagement régional, ce nouveau noeud de communication place la région Rhône-Alpes dans une position d'influence déterminante dans notre pays et en Europe.
Bientôt au coeur d'un réseau stratégique, à 2 heures de Paris, 1 heure de Marseille, 1 heure 40 de Turin, disposant d'un aéroport international, la région Rhône-Alpes est appelée à tirer un parti exceptionnel de l'intégration économique européenne. Elle s'affirme plus que jamais comme l'un des atouts et comme l'une des chances de la France dans la compétition européenne et internationale.
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs
Lorsque j'ai pris, il y a un peu plus d'un an maintenant, la charge du Gouvernement, j'avais proposé à nos concitoyens de bâtir ensemble un nouvel exemple français.
La France n'a pas vocation à démarquer sans inspiration propre des modèles économiques et sociaux, qui ne répondraient pas à son histoire ni à sa culture.
Elle se doit d'affronter la compétition des autres nations et de participer au jeu mondial sans complexe, dans le respect de règles de concurrence loyale et équitable qu'elle a défendues avec succès dans les négociations du GATT.Elle ne doit pas pour autant cesser d'être elle-même, une nation où l'émulation entre les intérêts et les groupes n'exclut pas la recherche de l'équilibre, un Etat qui encourage la performance en préservant les solidarités, une patrie dont la diversité légitime des opinions et des sensibilités n'exclut pas, lorsqu'elle s'impose, l'unité dans l'intérêt de tous. Je remercie votre région d'en avoir aujourd'hui donné l'illustration.