Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur le projet de loi d'orientation pour le développement du territoire, à l'Assemblée nationale le 7 juillet 1994.

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Circonstance : Débat parlementaire sur le projet de loi d'orientation pour le développement du territoire, à l'Assemblée nationale le 7 juillet 1994

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le débat parlementaire sur le projet de loi d'orientation pour le développement du territoire va vous permettre de mesurer l'ambition de cette politique que le Gouvernement a inscrite dans ses priorités.
L'objectif qui est le nôtre est à la fois simple et ambitieux : retrouver la cohésion nationale. Il s'agit de restaurer l'équité sociale et de tirer le meilleur parti de l'ouverture des frontières. La France ne profitera bien des grands courants d'échange auxquels elle doit prendre part que si elle est capable de faire bloc, en rassemblant toutes ses forces, en exploitant tous ses atouts, en assurant mieux la cohésion sociale et nationale.
Aménager le territoire, c'est faire de la géographie un élément positif dans la définition des politiques économiques et sociales.
En présentant une loi pour le développement du territoire et pas seulement une loi d'aménagement, le Gouvernement veut indiquer combien son projet va au-delà des politiques anciennes. Les déséquilibres excessifs d'aujourd'hui doivent être corrigés par la redistribution, mais surtout en favorisant la création de richesse partout où cela est possible, partout où cela est nécessaire.
La construction européenne et la décentralisation ont multiplié le nombre des organismes ayant une capacité d'intervention et d'action. Sachons mettre cette situation à profit pour favoriser la liberté et l'émulation tout en coordonnant mieux. Le débat national a permis une prise de conscience de cet enjeu qui est allée bien au-delà du débat sur les institutions locales. Là aussi, sachons le mettre à profit.
Aménager le territoire ne peut résulter de l'addition des situations particulières. Il est faux de faire croire que soutenir les campagnes se fait au détriment des villes, que la montagne s'oppose au littoral, les bourgs aux métropoles internationales. Chaque espace a une fonction. C'est une utilisation cohérente de l'ensemble qui favorisera un progrès harmonieusement réparti. Il nous appartient de dépasser des débats qui trop souvent sont stériles.
Les décisions doivent être adaptées aux situations et veiller à corriger celles qui sont anormales. Il s'agit d'un principe d'équité. Les inégalités de fait méritent d'être corrigées par des dispositions publiques. Mais ce souci ne doit pas obérer un autre impératif : celui de la simplicité et celui de la liberté, condition souvent nécessaire à l'épanouissement des initiatives locales ou individuelles.
L'équilibre est à découvrir. Il ne doit pas brider nos ambitions. Il ne doit pas négliger la compétition internationale dans laquelle la France doit trouver sa place. La France est immergée dans l'économie mondiale, elle tire du rôle qu'elle y joue force et dynamisme. Il ne faut pas affaiblir cet avantage.
L'Etat et chacun des niveaux de collectivités territoriales ont leurs propres responsabilités. Celle de l'Etat est notamment de garantir l'unité du pays. L'aménagement du territoire n'étant l'apanage exclusif de personne, chacun doit y tenir pleinement son rôle. La qualité de la concertation est devenue un préalable à la réussite.
La loi pour le développement du territoire n'est pas une loi de décentralisation. La décentralisation est acquise, il faut l'aménager ou la renforcer quand nécessaire. La loi n'est pas non plus l'expression d'un retour de l'Etat.
Il s'agit de prouver que la coopération, le sens des responsabilités, le plein exercice des droits et devoirs permettent de donner au pays tout entier, aux citoyens où qu'ils habitent, une chance accrue de progrès et de justice.
Il nous faut donc inventer quelque chose d'autre que ce que nous connaissons depuis trente ans, où nous avons vu le tissu national et social se distendre.
La France ne peut attendre. Le développement de tout son territoire est urgent. Le projet de loi qui a été préparé par M. Charles PASQUA est une étape essentielle de cet effort. Je le remercie de la réflexion, du travail intense, de la concertation effectués jusqu'à ce jour, et qui lui ont permis d'aboutir à ce texte qui représente un progrès considérable.
D'ores et déjà, il prévoit nombre de mesures concrètes et d'application immédiate. Je pense à la création de plusieurs fonds et en particulier à celui consacré aux infrastructures routières, ferroviaires ou fluviales. Je pense à l'aide à la création d'entreprise réservée aux zones dont le développement dois être favorisé ou plus généralement à l'utilisation active de la fiscalité. Mais je veux redire ici toute l'importance de la concertation et de l'expérimentation. On ne réforme pas les finances locales en quelques mois, sans quelques études préalables. Ceux qui, dans le passé, s'y sont essayés ont pu en mesurer les risques que l'on fait supporter tant aux collectivités locales qu'aux contribuables.
Le Gouvernement a lancé depuis quinze mois un vaste plan de réformes pour redresser le pays :
- des réformes dans les domaines de la justice, de la sécurité, des institutions, de l'école et aujourd'hui de l'aménagement du territoire ;
- des réformes financières et économiques pour relancer la croissance et l'offre d'emplois ;
- des réformes sociales pour sauver la protection sociale "à la française".
Aujourd'hui, la France commence à sortir de ses difficultés. La croissance est de retour. Les offres d'emplois progressent rapidement, même si les résultats pour l'emploi sont encore insuffisants. Que chacun veuille bien le reconnaître honnêtement.
Le Gouvernement veut poursuivre son action de redressement, poursuivre dans la voie de la réforme au rythme qu'il a choisi et avec la méthode qui est la sienne fondée sur la concertation et la recherche de l'adhésion du plus grand nombre. L'heure n'est pas aux solutions toutes faites, mais à l'expérimentation et au dialogue.
Cela suppose de l'imagination, c'est peut-être le plus facile. Cela suppose aussi du courage et de la raison de la part des responsables publics. Cela suppose de leur part de la continuité dans l'effort. C'est ce que les Français attendent de nous, continuité, volonté, souci avant tout autre de l'intérêt général.
Nous avons commencé dès mars 1993 à bâtir le nouvel exemple français dont je vous avais soumis les grandes lignes. La politique de développement du territoire y contribue.Je sais pouvoir compter sur votre volonté de faire aboutir cette réforme. C'est l'une des plus importantes soumises à votre décision durant la législature. C'est ensemble que nous devons construire le nouvel exemple français.