Interview de M. Gérard Collomb, ministre de l'intérieur, à RTL le 18 juillet 2017, sur l'effort demandé aux collectivités locales de treize milliards d'économies et le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEROME CHAPUIS
Bonjour Gérard COLLOMB.
GERARD COLLOMB
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Et depuis hier d'ailleurs, simple conseiller municipal de Lyon, c'est bien ça ?
GERARD COLLOMB
C'est cela.
JEROME CHAPUIS
Vous avez cédé votre…
GERARD COLLOMB
J'ai abandonné mon poste de maire…
JEROME CHAPUIS
A regret ?
GÉRARD COLLOMB
A regret, oui.
JEROME CHAPUIS
Oui, votre ville de Lyon…
GERARD COLLOMB
On ne quitte pas cette ville sans un peu de nostalgie.
JEROME CHAPUIS
Alors, votre ville de Lyon qui est d'ailleurs concernée comme les 36.000 communes de France, par ce qu'a annoncé hier Emmanuel MACRON, on l'a dit depuis ce matin, les communes vont devoir se serrer la ceinture, nos auditeurs ne savent pas forcément d'ailleurs que dans vos attributions de ministre, il y a les finances locales et les fonctionnaires territoriaux, autrement dit, c'est vous qui êtes chargé d'administrer la potion.
GERARD COLLOMB
Si vous voulez, ce qui a été décidé hier dans la conférence nationale des territoires, ce qu'a annoncé le président de la République, c'est effectivement un effort demandé aux collectivités locales de treize milliards. Voyez, le débat qui a eu lieu pendant la présidentielle, c'était de savoir si cette nécessaire baisse de la dépense des collectivités territoriales et de l'Etat allait se faire, pour les collectivités locales, par une baisse des dotations. Et donc ce que nous avons obtenu, ce qu'a décidé le président, c'est que ça ne serait pas une baisse des dotations, qui est évidemment extrêmement forte, mais une diminution de la dépense des collectivités territoriales, ce qui, évidemment, va leur donner les moyens de s'ajuster, et de faire en sorte qu'elles mènent des politiques pour finalement réduire dans la durée cette dépense.
JEROME CHAPUIS
Pas de baisse des dotations, dans l'immédiat, parce que le président a dit : on vous fait confiance, mais qu'est-ce qui se passe si un maire ne baisse pas ses dépenses l'année d'après ?
GERARD COLLOMB
Oui, c'est vrai que ce qu'il a dit hier, c'est que nous voulions réaliser un pacte de confiance, c'est-à-dire ne pas avoir de baisse qui soit obligatoire, imposée par le gouvernement, mais faire en sorte que les élus locaux réduisent la dépense. Evidemment, si on s'aperçoit dans deux ans, trois ans, qu'il n'y a pas de baisse de la dépense publique territoriale, à ce moment-là, o pourrait aller vers d'autres choses. Et je crois que c'est obligatoire. Quand on regarde ce qu'est aujourd'hui la dépense publique en France, c'est la plus élevée de toute l'Europe pratiquement. Et donc c'est quelque chose qui est maintenant nécessaire…
JEROME CHAPUIS
Mais vous avez entendu, Gérard COLLOMB, les maires, et vous en étiez, et vous faisiez partie de cette corporation jusqu'à hier, Gérard COLLOMB, les maires disent : nous, ça y est, on a fait l'effort, maintenant, c'est à l'Etat de faire l'effort sur son budget.
GERARD COLLOMB
Mais, si je puis dire, l'Etat fait l'effort, vous avez fait vos informations la semaine dernière sur la baisse donc de la dépense de l'Etat, et vous avez vu que tous les ministères étaient concernés, c'est-à-dire que pour la première fois effectivement, l'Etat va faire baisser ses dépenses, et donc il y aura une baisse de dépenses conjointes à la fois de l'Etat et des collectivités locales, voyez…
JEROME CHAPUIS
Mais treize milliards, c'est énorme, c'est plus que ce qu'Emmanuel MACRON avait annoncé pendant la campagne, il parlait de dix à ce moment-là…
GERARD COLLOMB
Oui, il avait annoncé dix, mais la mauvaise surprise lorsque ce gouvernement est arrivé aux responsabilités, c'est de voir qu'il y avait huit milliards de dépenses supplémentaires, qui avaient été engagées par le précédent gouvernement, c'est le rapport de la Cour des comptes, et ça oblige chacun à faire des efforts supplémentaires, voyez, on le fait pour les Armées, on le fait pour l'Intérieur…
JEROME CHAPUIS
Franchement, Gérard COLLOMB, si vous aviez été encore…
GERARD COLLOMB
Et donc, on le fait pour les collectivités locales.
JEROME CHAPUIS
Mais si vous aviez encore été maire de Lyon, et qu'un gouvernement venait avec un plan comme celui-ci, on vous aurait entendu, Gérard COLLOMB, on aurait entendu votre colère ?
GERARD COLLOMB
Si vous voulez, pendant la campagne présidentielle, quand nous travaillions avec Emmanuel MACRON, moi, j'avais été un de ceux qui lui disaient : il ne faut pas faire une baisse des dotations, mais effectivement, essayer de faire un pacte avec les collectivités locales, parce que dans la réforme de structure, on peut faire des économies. Moi, j'ai fait la Métropole de Lyon, la Métropole de Lyon, c'était réunir le Conseil général et la communauté urbaine, c'était mutualiser, et donc c'est progressivement faire diminuer la dépense. Et d'ailleurs, les collectivités locales le font aujourd'hui, puisque, lorsque l'on regarde sur les deux dernières années, on s'aperçoit que les dépenses de fonctionnement ont commencé à baisser.
JEROME CHAPUIS
D'ailleurs, vous avez peut-être vu la Une de La Provence ce matin : « La fin du 13 ? » avec un point d'interrogation, autrement dit, la fusion entre Marseille et le département des Bouches-du-Rhône, les élus en parlent, ce sera à peu près la même chose que ce dont vous nous parliez pour Lyon et le département du Rhône, c'est une bonne idée aussi pour Marseille ?
GERARD COLLOMB
Eh bien, c'est à eux de voir, je sais que cela peut soulever des problèmes locaux, mais ce que dit le président de la République, c'est : essayez de trouver des accords locaux, et nous, on donnera l'impulsion nécessaire pour qu'ils puissent entrer dans la pratique.
JEROME CHAPUIS
Deux points précis sur ce que le président a dit hier, d'abord, la taxe d'habitation, est-ce qu'on a bien compris, l'objectif, à terme, est-ce que c'est la suppression totale, totale de la taxe d'habitation ?
GERARD COLLOMB
Donc, il a dit qu'il y aurait un processus donc de réalisation de la suppression de la taxe d'habitation, cela va se faire par tranche dans les premières années, les trois premières années, et puis, ensuite, essayer d'arriver à ne plus avoir de taxe d'habitation, pourquoi ? Parce que c'est un impôt effectivement extrêmement injuste, suivant que vous êtes dans telle ou telle ville, vous payez du simple au double, suivant même que vous êtes dans tel ou tel quartier, vous payez du simple au double, et donc nos concitoyens ne comprenaient pas pourquoi dans tel quartier, on était moins imposé que dans tel autre. Et donc…
JEROME CHAPUIS
Mais c'est important ce que vous nous dites parce que, on entend dans la campagne d'Emmanuel MACRON, et depuis son élection, l'objectif, c'est de supprimer la taxe d'habitation pour 80 % des Français. Là, vous nous dites ce matin, en fait, ce serait suppression totale de la taxe d'habitation ?
GERARD COLLOMB
Nous commençons jusqu'à 80 %, parce que, évidemment, il faut se donner un certain nombre de seuils, parce que la dépense va être couverte par l'Etat, et donc que l'Etat ne peut pas couvrir de manière indéfinie, mais je vais vous dire que pour les habitants de nos villes, ça va être quand même 500, 800, 1.200 euros qu'ils vont voir en moins, c'est pratiquement l'équivalent d'un treizième mois. Donc c'est quelque chose de bénéfique pour nos habitants, pour la relance de la consommation, et donc pour alimenter notre économie.
JEROME CHAPUIS
Il faut parler aussi avec vous, Gérard COLLOMB, du projet de loi antiterroriste qui arrive aujourd'hui au Sénat. On en rappelle les grandes lignes, notamment l'assignation à résidence, le port du bracelet électronique, des dispositions qui figuraient dans le cadre de l'état d'urgence, et qu'il s'agit de faire figurer maintenant dans le droit commun. Comme ministre de l'Intérieur, vous aurez la possibilité de fermer des lieux de culte, sur quelles bases, ça va se passer comment ?
GERARD COLLOMB
Alors, le processus est extrêmement encadré, par exemple, si l'on regarde aujourd'hui quels sont les lieux qui pourraient être visés, c'est environ cinq lieux de culte qui nous semblent suspects. Simplement, ce sont…
JEROME CHAPUIS
Il faut une loi, est-ce qu'il faut vraiment une loi pour ça ?
GERARD COLLOMB
Eh bien, il n'y a pas que ça dans la loi, il y a tout ce qui concerne effectivement la possibilité de pouvoir par exemple avoir des périmètres de sécurité, pour organiser les grandes manifestations culturelles, sportives, voyez, par exemple, moi, je veux organiser, j'organise chaque année la Fête des lumières, si je n'ai pas un périmètre de sécurité où on fouille les gens, je mets deux millions de personnes dans la rue, évidemment, si je n'ai pas de dispositif de sécurité qui soit fort, je ne peux pas la réaliser. Aujourd'hui, je vois par exemple tous les organisateurs de festivals de cet été, ils me demandent de mettre des dispositifs comme ceux-là en place. Donc évidemment, ça permet la liberté de culture, la liberté pour les gens d'aller au spectacle, regardez ce qui s'est passé à Manchester, on s'aperçoit combien ces périmètres de sécurité sont nécessaires.
JEROME CHAPUIS
Quitte à tomber dans ce que la grande juriste Mireille DELMAS-MARTY, appelait encore hier le despotisme doux, en citant d'ailleurs Tocqueville.
GERARD COLLOMB
Oui, peut-être, mais si vous voulez, moi, j'étais à Nice vendredi dernier, et donc j'ai vu les familles, les victimes, croyez-moi, lorsque vous allez là-bas et que vous voyez les gens en pleurs, des familles décimées, le père, les enfants qui sont morts, des femmes qui restent toutes seules, vous vous dites que quand même, essayer d'assurer la sécurité de nos concitoyens, c'est quelque chose d'important, et je comprends les grands débats qui peuvent avoir lieu, le nécessaire équilibre qu'il faut trouver, j'essaie de le trouver, mais en même temps, il faut essayer de faire en sorte que ce genre d'attentat ne puisse plus se répéter.
JEROME CHAPUIS
Une dernière question, le président de la République a surpris, voire choqué les juges dimanche dernier lors de son discours de commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv, en demandant à ce que toute la justice, toute la clarté soit faite par la justice sur le mobile de la mort de Sarah HALIMI. S'agit-il, selon les éléments dont vous disposez, d'un crime antisémite ?
GERARD COLLOMB
Ça, c'est effectivement l'enquête qui va le dire, le président a raison de demander toute la lumière, mais moi, je fais confiance tout à fait aux enquêteurs qui diront quelles sont les circonstances de la mort de cette femme…
JEROME CHAPUIS
Pas d'entorse à la séparation des pouvoirs quand le président demande, comme ça, à la justice de se saisir à nouveau d'une enquête ?
GERARD COLLOMB
Eh bien, si vous voulez, moi, je sais qu'il y a une émotion assez vive dans la communauté juive. Et j'ai reçu, depuis que je suis ministre de l'Intérieur, beaucoup de demandes d'éclaircissements. Mais je crois que nos enquêteurs font leur travail, que le procureur de la République fait son travail. Et donc nous aurons les résultats de l'enquête, et que l'incrimination sera faite en fonction des résultats de cette enquête.
JEROME CHAPUIS
Merci beaucoup Gérard COLLOMB d'avoir été avec nous ce matin, sur RTL.
GERARD COLLOMB
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juillet 2017