Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Notre invité ce matin est Julien DENORMANDIE, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Julien DENORMANDIE. Sous l'intitulé un peu particulier de votre ministère se cachent des politiques très concrètes : la politique du logement, de l'aménagement du territoire. Vous êtes en relation avec des élus qui ne sont pas satisfaits et pour le dire nettement, Julien DENORMANDIE, votre politique suscite beaucoup d'inquiétude dans des domaines très divers.
On a noté par exemple le 4 octobre dernier une manifestation au Franc-Moisin, une cité de Saint-Denis. Là, des femmes se plaignaient de la disparition des emplois aidés, cinq emplois aidés dans une association, quatre qui allaient disparaître, deux tout de suite et deux à la fin de l'année. La présidente de l'association dit ceci : « Si rien ne bouge en décembre, on met la clé sous la porte. Si c'est la mort des associations que le gouvernement veut, qu'il le dise. »
Effectivement c'est un peu la mort de ces associations avec les décisions que vous avez prises. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens qui voient leur univers fragile, précaire, déstabilisé par vos mesures ?
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour monsieur APHATIE, bonjour monsieur TOUSSAINT, bonjour à tous. Monsieur APHATIE, vous évoquez un sujet qui est ô combien important, c'est le sujet de la politique de la ville. C'est-à-dire comment aujourd'hui fait-on pour améliorer la situation dans les quartiers. Cette politique de la ville, il y a deux acteurs fondamentaux qui agissent sur le terrain au quotidien. Ce sont effectivement les élus locaux et ce sont les associations.
Certes, il y a des inquiétudes. Ces inquiétudes résultent effectivement des contrats aidés. Elles résultent d'autres sujets. Elles résultent également d'une action qui a débuté il y a plus de quarante ans et qui, aujourd'hui, sur le terrain se matérialise toujours par des difficultés concrètes. Et donc, le rôle du gouvernement c'est de pouvoir appuyer à la fois ces élus locaux et à la fois ces associations.
Les contrats aidés que vous avez évoqués, en 2018 c'est 200 000 contrats aidés qui seront maintenus. Ces 200 000 contrats aidés, on veut justement les flécher vers les secteurs sociaux et les secteurs de santé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais là par exemple, dans les quartiers, visiblement les associations qui vivent avec des contrats aidés vont disparaître.
JULIEN DENORMANDIE
Mais vous savez, on a écrit, Muriel PENICAUD, la ministre du Travail, Jacques MEZARD, le ministre de la Cohésion des territoires, à l'ensemble des préfets en leur disant justement : dans l'octroi de ces contrats aidés, de ces 200 000 contrats aidés en 2018, il faut que vous mettiez comme priorité d'action les associations dans les quartiers. Donc c'est quelque chose de très concret.
Et j'irai plus loin. Les associations aujourd'hui, elles font l'objet d'une attention toute particulière de la part du gouvernement. Agnès BUZYN, la ministre de la Santé et de la solidarité, a annoncé il y a quelques jours un plan de lutte contre la pauvreté et qu'est-ce que dit ce plan ? Dans ce plan, il y a des dispositifs très concrets en faveur des associations. Il y a c'est un peu technique un crédit d'impôt. Ce crédit d'impôt, il sera non seulement sanctuarisé, c'est 500 millions d'euros pour les associations l'année prochaine
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais si vous divisez les emplois aidés par deux, il y a quand même des associations qui n'auront plus la possibilité de fonctionner. Parce que là, vous tenez un propos général, vous avez dit aux préfets de cibler prioritairement les associations, mais pas toutes puisque vous divisez par deux le nombre des emplois aidés. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a toujours des problèmes dans les banlieues françaises et que leur retirer les maigres soutiens publics qu'ils ont, ça ne peut pas résoudre les problèmes. Vous êtes conscient de ça ? Vous traitez ce genre d'angoisse ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous avez raison. Je suis plus que conscient de cela. L'ensemble du gouvernement a plus que conscience de ces angoisses. Ce que je veux vous dire, c'est que non seulement les contrats aidés, il y en aura 200 000 en 2018 et on aura une attention toute particulière pour qu'ils puissent bénéficier aux associations qui apportent un parcours de formation à ceux qui les utilisent. Deuxièmement, le plan de lutte contre la pauvreté encore une fois propose des dispositions concrètes financières pour aider les associations.
Mais la politique de la ville, ça n'est pas que ça. La politique de la ville, c'est deux autres choses. C'est l'amélioration du cadre de vie. Vous savez, c'est ce travail formidable qu'avait initié Jean-Louis BORLOO à partir de 2004. C'est une rénovation urbaine qui a débuté il y a un peu plus de dix ans et que nous continuons. L'Etat mettra un milliard d'euros sur cette rénovation urbaine. Un milliard d'euros.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et qui va souffrir à cause de la baisse des APL. Vous baissez les APL ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est un tout autre sujet.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors on va parler des APL. Vous baissez les APL, vous demandez aux organismes HLM de prendre à leur compte cette baisse des APL pour qu'elle ne pénalise pas ceux qui sont dans les HLM. Résultat dit François BAROIN, qui est le président de la consensuelle association des maires de France il s'exprimait dans le JDD dimanche : « Les organismes HLM devront expliquer à leurs locataires pourquoi il n'y aura pas de ravalement, d'insonorisation, ni de nouvelles constructions. » Et il fait ce pronostic : « 120 organismes HLM feront faillite dès l'an prochain à cause de la baisse des APL. » Et la maire de Paris, Anne HIDALGO, traduisait elle c'était dimanche aussi sur RTL, le problème de cette manière. On écoute Anne HIDALGO.
ANNE HIDALGO, MAIRE DE PARIS DOCUMENT RTL
A Paris, ça va coûter 43 millions d'euros aux offices HLM. Ça représente 600 logements qui ne seraient pas construits ou alors, si on ne parle pas de construction, 1 700 logements qui ne seraient pas rénovés.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc ça a quand même des conséquences. Les choix budgétaires que vous opérez sont peut-être légitimes mais ils ont quand même des conséquences négatives sur le terrain.
JULIEN DENORMANDIE
Excusez-moi de vous le dire mais tout ce qui vient d'être dit est faux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils ne connaissent pas la réalité du terrain ?
JULIEN DENORMANDIE
Je vais vous l'expliquer très précisément. On fait une politique du logement qui favorise l'ensemble des Français. Ce qu'on veut, c'est protéger les Français et protéger les Français notamment dans leur quotidien. Vous savez quand même qu'aujourd'hui il y a un Français sur six qui se considère en situation de mal logement, un sur six. Il y a également un Français sur cinq qui a froid l'hiver dans son logement. Quel est le problème aujourd'hui dans la politique du logement ? C'est que les loyers sont trop élevés. Les loyers n'ont cessé d'augmenter et donc qu'est-ce que fait ce gouvernement ? Il cherche à arrêter cette montée, cette flambée des loyers qu'on observe depuis des décennies.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc en favorisant les constructions ? En modifiant l'offre ? Mais les APL là-dedans, pourquoi les avoir baissées ? Pourquoi fragiliser les organismes HLM ?
JULIEN DENORMANDIE
J'y viens. En favorisant d'abord la construction comme vous l'avez dit. Et qu'est-ce qu'on dit aux bailleurs sociaux ? Aux bailleurs sociaux, il s'avère que c'est l'Etat, les collectivités territoriales et ce qu'on appelle la Caisse des dépôts qui financent les bailleurs sociaux. C'est nous qui leur apportons l'argent. On leur propose de leur apporter plus d'argent, d'améliorer leurs conditions de financement.
C'est là aussi un peu technique mais c'est de leur dire exactement comme la banque vous proposer des meilleures conditions de prêt, peut vous proposer des avantages pour vous faire gagner plus d'argent. Nous, l'Etat, on dit aux bailleurs sociaux : « On vous propose de gagner plus d'argent. » Au début, ils n'étaient pas d'accord. Ils considéraient qu'on ne leur apportait pas suffisamment de gain supplémentaire. Le Premier ministre leur a réécrit il y a 48 heures en disant : « Ecoutez, on vous a bien entendus. On va vous proposer encore plus de gain. »
En revanche, ce que nous demandons aux bailleurs sociaux, c'est que ces gains soient rétrocédés en une baisse de loyer. Et donc vous voyez bien, il ne s'agit pas du tout de faire des perdants au sein des bailleurs sociaux. Il ne s'agit pas du tout d'aller ponctionner de l'argent au sein des bailleurs sociaux. Il s'agit de leur dire : « On vous fait gagner plus d'argent et vous la rétrocédez en baisse des loyers au bénéfice des locataires. » [ ]
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ce qui frappe avec la politique que vous menez, Julien DENORMANDIE, dans un secteur stratégique, aménagement du territoire, logement, vous semblez incompris, en tout cas il y a beaucoup d'inquiétude autour de vos décisions, je voudrais vous faire écouter le maire d'Evreux, il a succédé à la mairie d'Evreux à Bruno LE MAIRE, et qui est donc aujourd'hui au gouvernement, il s'appelle Guy LEFRAND, et lui, ce qui l'inquiète énormément, c'est évidemment la disparition programmée de la taxe d'habitation, « comment vais-je financer mes actions sur le terrain », s'interroge-t-il, c'était la semaine dernière, au micro de Yaël GOOSZ.
GUY LEFRAND, MAIRE D'EVREUX
La taxe d'habitation à Evreux, c'est 10 millions d'euros. 10 millions d'euros, ça veut dire fermeture peut-être de la Maison de la Justice et du Droit. Ça veut dire fermeture de maisons de retraite, qui coûtent beaucoup moins cher dans le public que dans le privé. Ça veut dire transférer les piscines vers le privé, avec un prix d'entrée peut être majoré par quatre ou cinq. Ça veut dire la fermeture des centres de loisirs qui, aujourd'hui, sur nos territoires en difficultés, assurent la cohésion sociale. C'est tout ça.
JEAN-MICHEL APHATIE
Lui aussi, il a du mal à comprendre ce que vous voulez faire, lui aussi se trompe, comme François BAROIN et Anne HIDALGO, tout à l'heure ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais vous savez, ce qui est formidable, c'est que la taxe d'habitation, je pense que tout le monde est d'accord pour dire que c'est un impôt injuste.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, mais ce sont des recettes, des impôts injustes, il y en a beaucoup dans la vie.
JULIEN DENORMANDIE
Vous savez que cette taxe d'habitation, elle diffère complètement en fonction de là où vous habitez. C'est-à-dire que vous avez des quartiers riches, où la taxe d'habitation est très faible, et des quartiers pauvres, où la taxe d'habitation est très élevée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et ça fait 30 ans que l'on dit : on va revoir les assiettes, et on ne l'a pas fait.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça je suis d'accord.
JULIEN DENORMANDIE
Et donc, nous...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ce sont des recettes pour les collectivités locales.
JULIEN DENORMANDIE
Et donc nous, monsieur APHATIE, on agit au bénéfice des Français, on dit : pour 80 % d'entre eux, à la fin du quinquennat, d'ici trois ans plus précisément, d'ici trois ans, vous ne paierez plus cette taxe d'habitation. On dit aussi, aux élus locaux...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les collectivités locales, comment elles font ?
JULIEN DENORMANDIE
On dit aussi aux élus locaux : vous serez compensés à l'euro près.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils ne vous croient pas, parce que vous supprimez par ailleurs des dotations aux communes, la confiance n'est plus là.
JULIEN DENORMANDIE
Alors, ça peut-être...
BRUCE TOUSSAINT
Comment vous compensez ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est un système budgétaire, c'est un système que l'on appelle le dégrèvement, c'est-à-dire que l'ensemble des collectivités recevront exactement la somme de la taxe d'habitation qu'elle percevait auparavant. Alors, j'entends les inquiétudes, il faut les comprendre, il faut expliquer, c'est de la pédagogie. Après, encore une fois, ce système, cette exonération de la taxe d'habitation, ça répond fondamentalement à quelque chose qui est injuste pour les Français et qui vise à protéger les plus faibles.
BRUCE TOUSSAINT
Beaucoup de communes, c'est déjà le cas, se sont tournées vers le privé, en fait ça a été la solution qu'elles ont trouvé, ces communes, pour financer autrement leur... C'est une solution que vous trouvez acceptable, finalement ? Vous dites : il faut aller vers ça ?
JULIEN DENORMANDIE
Pas du tout. Pas du tout. Encore une fois...
BRUCE TOUSSAINT
Beaucoup le font.
JULIEN DENORMANDIE
Mais, certains le font, très bien, mais le gouvernement est très clair, la taxe d'habitation sera compensée à l'euro près, pour l'ensemble des élus locaux. Et j'insisterais aussi sur un point : cette taxe d'habitation, moi qui ai fait la campagne présidentielle au premier jour, au premier jour, cette taxe d'habitation, comme l'a dit monsieur APHATIE, ça fait 30 ans que jamais personne n'a osé y toucher, alors que c'est une mesure juste pour tous les Français, on l'a dit au premier jour de la campagne présidentielle. Au premier jour de la campagne présidentielle, on a précisé à tous les élus locaux, que nous ferons en sorte que 80 % des Français ne paient plus cette taxe d'habitation et que nous compenserons à l'euro près. On n'a pris personne par surprise, on fait juste ce que nous avons dit que nous ferons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais quelquefois, on a beau dire quelque chose dans une campagne présidentielle, quand on fait ce que l'on a dit que l'on ferait, ça suscite sur le terrain des réactions que nous avons entendues et qu'il faut sans doute bien traiter quand on est à votre place.
JULIEN DENORMANDIE
Et c'est bien triste, c'est bien triste, et c'est en ça également la nouveauté que nous incarnons, c'est-à-dire que nous faisons ce que nous avons dit que nous ferons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Votre collègue, Nicolas HULOT, a proposé hier, le journal Le Parisien a dévoilé l'information, Nicolas HULOT l'a confirmée dans la journée, il a proposé hier au Premier ministre de faire une taxe pour geler des terres agricoles, ne pas les rendre constructibles ou si elles l'étaient, ça couterait cher aux promoteurs, est-ce que vous êtes d'accord avec la proposition de Nicolas SARKOZY de cette taxe sur les bétonneurs, qui du coup pourraient invalider pas mal de projets d'aménagements du territoire qui sont en cours, je pense par exemple à EuropaCity dans le Val d'Oise.
JULIEN DENORMANDIE
Alors, Nicolas HULOT n'a pas proposé cette taxe. Nicolas HULOT a dit qu'il y avait un certain nombre de pistes de travail, et qu'il souhaitait qu'on les étudie. De quoi s'agit-il ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Dont la taxe.
JULIEN DENORMANDIE
Dont la taxe, mais également d'autres...
JEAN-MICHEL APHATIE
On n'a pas vu les autres, hier on ne nous a parlé que de la taxe.
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais vous savez, c'est l'ensemble de ces documents issus des administrations, qui peuvent fuiter.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez des informations que nous n'avons pas. D'accord.
JULIEN DENORMANDIE
De quoi s'agit-il ? Aujourd'hui on a un phénomène qui s'appelle l'artificialisation des sols, c'est-à-dire que vous avez, sur certains...
JEAN-MICHEL APHATIE
Des terres agricoles.
JULIEN DENORMANDIE
Des terres agricoles. Sur certains territoires, vous avez de villes ou des villages, où le centre ville périclite, parce que l'ensemble des constructions nouvelles se font en périphérie, au détriment de quoi ? Au détriment de la production agricole. Mais ça, ça pose un problème pour tous les Français. Vous savez, l'me d'un village c'est son centre-ville, et donc nous, notre stratégie, c'est de voir comment vous pouvez revitaliser les centres villes, les centres bourgs, et comment vous pouvez protéger ce qui nous entoure, l'environnement et notamment les terres agricoles.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord, mais, et donc taxer, alors, c'est une bonne idée ou pas ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes d'accord ?
BRUCE TOUSSAINT
Taxer les bétonneurs.
JULIEN DENORMANDIE
Il faut se donner le temps de la réflexion, pour trouver quelle est la meilleure option. Il n'y aura donc aucun dispositif...
BRUCE TOUSSAINT
C'est une façon de dire que ce n'est pas forcément une bonne idée.
JULIEN DENORMANDIE
Il n'y aura donc aucun...
BRUCE TOUSSAINT
Nicolas HULOT, il va commencer à s'agacer un peu...
JULIEN DENORMANDIE
Non...
BRUCE TOUSSAINT
... si à chaque fois qu'il propose quelque chose on lui dit « on va réfléchir ».
JULIEN DENORMANDIE
Non, vous savez, c'est le propre d'une équipe gouvernementale, qui plus est d'une équipe soudée, de pouvoir débattre et trouver les meilleures options.
BRUCE TOUSSAINT
Bien sûr.
JULIEN DENORMANDIE
Et donc, en 2018, il n'y aura aucun mécanisme de quelque sorte que ce soit, parce qu'en 2018 nous réfléchirons, avec Nicolas HULOT, avec les autres ministres...
BRUCE TOUSSAINT
S'il est encore là.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, s'il est encore là.
JULIEN DENORMANDIE
... comment régler ce sujet.
BRUCE TOUSSAINT
Ce matin, sur France Inter, Nicolas HULOT a déclaré : « Je me sens très utile au gouvernement, mais reposez-moi la question en décembre ». C'est dans deux mois.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. C'est une équipe soudée, mais enfin...
JULIEN DENORMANDIE
Non, mais...
BRUCE TOUSSAINT
Jusqu'en décembre.
JEAN-MICHEL APHATIE
La soudure a quand même un peu de jeu. Le projet d'EuropaCity, pour parler concrètement, alors, beaucoup de Français ne le connaissent pas, mais en deux mots, c'est un projet d'aménagement du territoire, de 200 000 m², il y a 3 000 chambres d'hôtels prévues, il y a 3 milliards d'investissements, c'est le groupe AUCHAN qui porte ça. Vous êtes favorable, vous, à ce projet d'aménagement du territoire, dans le Val d'Oise, 200 000 m², ou ça vous parait un projet contestable et qu'il vaut mieux ne pas réaliser ?
JULIEN DENORMANDIE
Moi je suis favorable au dynamisme économique de nos territoires...
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, je vous parle de ce projet-là, EuropaCity.
JULIEN DENORMANDIE
Je parle bien d'EuropaCity, qui se situe sur le triangle...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous y êtes favorable.
JULIEN DENORMANDIE
... de Gonesse. Moi je suis favorable à des projets d'aménagement et de dynamisme économique.
JEAN-MICHEL APHATIE
A ce projet.
JULIEN DENORMANDIE
Ce projet, il est en cours d'instruction. Il est en cours d'instruction.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors vous n'y est ni favorable, ni pas favorable.
JULIEN DENORMANDIE
Non, mais, vous savez, c'est quoi la méthode ? La méthode c'est : vous évaluez un projet, et ensuite vous demandez si oui ou non il est bénéfique. Un projet de développement économique...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et d'après vous, là, il l'est ou pas ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien les évaluations sont en cours, donc je serais...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez pas d'opinion.
JULIEN DENORMANDIE
Objectivement, je serais mal placé, alors même que les évaluations sont en cours, pour vous dire si oui ou non le projet il est bénéfique. Il faut savoir allier développement économique et préservation de l'environnement. Encore une fois, des projets de développement économique, tels que celui-là, moi j'y suis favorable, à une condition, c'est qu'ils s'intègrent bien sur le territoire et la préservation de l'environnement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a un autre projet, dont on parle depuis 40 ans, Notre-Dame-des-Landes, et là aussi il faut attendre la commission, c'est ça, qui s'occupe de ce sujet qui est vieux, vieux, vieux...
JULIEN DENORMANDIE
Je comprends votre impatience.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oh non, je ne suis pas impatient.
JULIEN DENORMANDIE
Non mais je comprends votre impatience, monsieur APHATIE...
JEAN-MICHEL APHATIE
Non non non non. Aucune impatience.
JULIEN DENORMANDIE
Vous savez qu'une bonne méthode, une bonne méthode c'est d'abord d'évaluer et en fonction des retours des experts, et sur Notre-Dame-des-Landes, ce sont trois experts indépendants qui ont été nommés en fonction des retours d'experts, vous décidez ce qu'il faut faire. Mais ça, cette méthode, peut être que trop souvent par le passé, on l'a oubliée. Une bonne méthode, dans la vraie vie, comment on fait ? On évalue et ensuite on décide. [ ]
JEAN-MICHEL APHATIE
L'ancien ministre Patrick DEVEDJIAN, ami de Nicolas SARKOZY, aujourd'hui je ne sais pas s'il l'est toujours d'ailleurs membre des Républicains, était hier soir l'invité de Franceinfo avec Jean-François ACHILLI et il a déclaré ceci :
PATRICK DEVEDJIAN, ANCIEN MINISTRE DOCUMENT FRANCEINFO
D'abord, je le trouve brillant. Il a su surprendre tout le monde et, ensuite, il est en train de faire une partie non négligeable du programme de la droite.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, donc il parlait d'Emmanuel MACRON bien sûr. Emmanuel MACRON est en train de faire une partie du programme de la droite, ce que dit d'ailleurs Jean-François COPE dans Le Parisien aujourd'hui. Tous les dirigeants de droite se disent : « Formidable, la politique d'Emmanuel MACRON ! » Ça vous inquiète ?
JULIEN DENORMANDIE
Ça ne m'inquiète absolument pas et je trouve ça formidable que certains essayent de caricaturer l'action du gouvernement en disant que c'est une action à droite.
JEAN-MICHEL APHATIE
Beaucoup de gens le disent, oui.
BRUCE TOUSSAINT
C'est quoi ? C'est une action de gauche ?
JULIEN DENORMANDIE
Je vais vous donner quelques exemples, monsieur TOUSSAINT. A la rentrée scolaire, on dédouble l'ensemble des classes de CP dans ce qu'on appelle les quartiers prioritaires. C'est 2 500 classes. Est-ce que c'est une mesure de droite ? Est-ce que c'est une mesure de gauche ? C'est une mesure purement sociale. La politique du logement que je mène au jour le jour, on sait très bien que cette politique du logement, pour certains types de population je pense aux étudiants, aux personnes en formation professionnelle elle est discriminante. C'est-à-dire que vous avez moins accès au logement. On a pris des solutions très concrètes pour améliorer cela. C'est 80 000 logements concrets pour les étudiants, c'est un bail mobilité concret pour les personnes en formation professionnelle.
BRUCE TOUSSAINT
Mais ce n'est pas grave de faire une politique de droite en politique puisque c'est là-dessus que vous avez été élus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Si les gens de droite disent : « Cette politique est formidable », c'est quand même qu'il y a des éléments parce qu'ils ne disent pas cela pour vous faire plaisir, ils s'en moquent un peu c'est qu'il y a des éléments qui leur plaisent. On a parlé des emplois aidés, de la réforme de l'impôt sur la fortune, la réforme du Code du travail, ce qui s'annonce comme réforme sur la retraite et que la droite aurait toujours voulu faire. Voilà, ils ne disent pas ça pour vous faire plaisir. Ils disent ça parce qu'ils retrouvent des éléments de leur programme dans votre action.
BRUCE TOUSSAINT
Objectif, j'allais dire.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ça, c'est sans doute bien. Moi je ne sais pas, je n'ai pas d'opinion. Est-ce que ça vous embête ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais ça ne m'embête absolument pas. J'assume toutes les décisions qui ont été prises. Encore une fois, c'est assez facile de caricaturer en ne parlant que de décisions reprises par monsieur DEVEDJIAN. Mais j'insiste sur un point : quelle est la boussole de ce gouvernement ? C'est à la fois de libérer. C'est par exemple les ordonnances travail donnant plus de poids au dialogue social au sein des entreprises et c'est de protéger.
Aujourd'hui, le président de la République voit l'ensemble des organisations syndicales pour parler de la formation professionnelle, pour parler de l'assurance chômage. Mais arrêtons-nous un instant là-dessus. La formation professionnelle, c'est la plus grande des sécurités.
Aujourd'hui, il est important de se former quand vous avez vingt ans mais pour pouvoir mener la vie professionnelle que vous souhaitez, vous avez besoin de pouvoir être formé tout au long de votre vie. C'est 15 milliards d'euros que le gouvernement mettra pendant le quinquennat sur la formation professionnelle.
JEAN-MICHEL APHATIE
On en dépense déjà 30 milliards par an. Vous allez mettre 15 milliards de plus ?
JULIEN DENORMANDIE
Non mais l'assurance chômage, l'assurance chômage qu'est-ce que nous allons faire ? Nous allons la rendre ce qu'on appelle universelle. C'est-à-dire que des indépendants, des personnes qui aujourd'hui sont salariées lorsqu'ils démissionneront pourront avoir accès à l'assurance chômage.
BRUCE TOUSSAINT
OK. Donc on ne parle plus de gauche et de droite. Ça n'existe plus. C'est des gros mots ? C'est des mots tabous ? C'est des mots que vous n'aimez pas ? Des concepts qui sont dépassés, l'ancien monde ?
JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est ni des mots tabous, ni des vieux mondes ou que sais-je. Moi ce que je vous dis, c'est que l'action de notre gouvernement, l'action que je porte au jour le jour, c'est à la fois de pouvoir libérer. Libérer ceux qui veulent agir, leur donner tous les moyens mais la liberté n'est rien si vous n'avez pas beaucoup de protection. Et cette protection, c'est de partir du quotidien des Français et, encore une fois, l'assurance chômage en est un merveilleux exemple.
Quand vous êtes indépendant, que vous prenez le risque d'être indépendant, vous devez pouvoir avoir accès au chômage si ça ne marche pas. Quand vous êtes salarié et que vous voulez créer quelque chose, vous devez pouvoir avoir accès à l'assurance chômage si vous démissionnez pour pouvoir entreprendre. C'est ça le juste milieu.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors l'assurance universelle, les chiffrages font qu'aujourd'hui tout le monde a un peu peur du projet. On verra ce qu'il sera. C'est aussi une promesse de campagne d'Emmanuel MACRON
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Sans doute assez mal chiffrée par rapport aux réalités, mais ça nous aurons l'occasion d'en reparler. Vous vous sentez bien au gouvernement, Julien DENORMANDIE ?
JULIEN DENORMANDIE
Je me sens très bien au gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez envie d'y rester ?
JULIEN DENORMANDIE
J'ai profondément envie d'y rester.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne prendrez pas la tête du parti La République En Marche ?
JULIEN DENORMANDIE
Non. Vous savez, en ce moment j'ai des chantiers qui concernent le logement, la politique de la ville, l'accès au numérique partout sur le territoire. Ma tâche, elle est au sein du gouvernement pour porter ces chantiers et la direction du mouvement n'est pas un sujet d'actualité pour moi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Si on vous la propose, vous direz non ?
JULIEN DENORMANDIE
Je dirai non. Je dirais que je suis à ma tâche au sein du gouvernement.
BRUCE TOUSSAINT
Vous connaissez bien Emmanuel MACRON.
BRUCE TOUSSAINT
C'est vrai.
JULIEN DENORMANDIE
Vous disiez que vous étiez aux premiers jours de la campagne. On a pu lire dans Le Monde qu'il avait un exercice très solitaire du pouvoir. C'est vrai ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, ce n'est pas vrai mais je vais vous donner un exemple très précis. Vous savez, on nous a fait la même remarque pendant la campagne présidentielle. On nous a dit : « Le mouvement En Marche, c'est quelques personnes. » Vous savez, le mouvement En Marche, c'est vrai, moi j'y étais aux premiers jours. Effectivement, nous étions trois.
BRUCE TOUSSAINT
C'était qui le troisième ?
JULIEN DENORMANDIE
A la fin de la campagne présidentielle, c'était 250 000 personnes.
BRUCE TOUSSAINT
Mais l'exercice solitaire du pouvoir, c'est quelque chose finalement d'assez classique. Ce n'était pas forcément une attaque.
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut être très entouré et être très solitaire.
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
JULIEN DENORMANDIE
Mais ce qui a changé peut-être par rapport à avant, en tout cas moi j'en ai la conviction, c'est qu'aujourd'hui on a un président qui préside, qui donne un cap. On a un Premier ministre qui est un chef de gouvernement et qui agit au quotidien et qui anime l'équipe gouvernementale dont je fais partie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui serait le bon dirigeant de La République En Marche, parce que ça croise la question de Bruce. Le dispositif politique n'a pas l'air très solide, donc il faut mettre quelqu'un de visible, de repéré, un avocat aussi déterminé que vous l'êtes de l'action gouvernementale à la tête de La République En Marche. Qui peut faire ce travail ?
JULIEN DENORMANDIE
Je pense que la personne qui sera à la tête de La République En Marche doit avoir deux qualités. Bâtisseur, bâtisseur d'action parce que le mouvement La République En Marche, c'est avant tout un mouvement qui vise à faire des actions utiles sur le terrain.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bâtisseur et la deuxième qualité ?
JULIEN DENORMANDIE
La deuxième qualité, qui est quelqu'un qui rassemble et qui puisse porter plus fortement encore la parole politique du mouvement. Aujourd'hui au sein du mouvement, il y a des dizaines de personnes qui ont ces capacités pour le faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des dizaines, voilà.
JULIEN DENORMANDIE
Vous ne les connaissez peut-être pas tous.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes d'un tempérament optimiste, c'est bien.
JULIEN DENORMANDIE
Mais il faut. Il faut avoir ce tempérament optimiste, monsieur APHATIE.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup, Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 octobre 2017