Texte intégral
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre cher Bruno , mesdames et messieurs les députés, comme l'a très bien dit Bruno Le Maire, ce débat donne le coup d'envoi de l'examen parlementaire des textes financiers de l'automne qui vont nous réunir pendant trois mois, ce dont je me réjouis. Ce sont les premiers de la nouvelle majorité ; le moment est donc important. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 trace les perspectives à long terme, permettant au projet de loi de finances pour 2018 de poser la première pierre de notre édifice. Toutes les promesses du Gouvernement et de la majorité parlementaire y figurent : c'est le budget des promesses tenues, le budget qui a été proposé par les parlementaires de la majorité aux électeurs et électrices voilà quatre mois.
Ces deux textes s'inscrivent dans une logique de rupture majeure avec plus de trente années de politique budgétaire au cours desquelles le choix a été fait de ne pas choisir et où l'empilement des impôts et des taxes est venu malheureusement suppléer la sédimentation des dépenses publiques. Nous voulons rompre enfin et je sais que cette volonté est partagée sur de nombreux bancs avec cette façon de mener la politique budgétaire de notre pays ; nous voulons reconnecter l'hémisphère droit, celui qui, souvent, encourage la dépense publique, avec l'hémisphère gauche, celui qui veut moins d'impôts. (Exclamations sur les bancs des groupes LC et LR.)
M. Charles de Courson et M. Fabien Di Filippo. C'est l'inverse !
M. Philippe Vigier. C'est l'inversion de la hiérarchie des normes !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela dépend de l'endroit où l'on se place pour regarder le cerveau !
M. Sébastien Jumel. Cela dépend du cerveau qu'on a !
M. Fabien Di Filippo. M. Darmanin a un problème avec sa droite et sa gauche
M. Ugo Bernalicis. C'est disruptif !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous voulons rompre avec cette façon de penser.
L'impôt est la conséquence de la dépense publique, et non l'inverse. Le rétablissement de nos comptes publics est le gage de la mise en uvre des baisses d'impôts et de charges prévues dans le programme présidentiel, dans le programme de la majorité des parlementaires.
Un grand pays est un pays qui a de bonnes finances, et ces bonnes finances permettent de faire des bonnes politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
En matière de politique budgétaire, nous voulons également rompre avec le monde qui sépare les belles idées de leur traduction concrète.
M. Julien Aubert. Ah !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous aurons l'occasion d'en discuter en abordant différents amendements parlementaires.
M. Julien Aubert. Ça promet !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous pensons ici, bien entendu, à tous ceux qui évoquent des milliards d'euros d'économies, y compris au cours de campagnes électorales et lorsqu'ils sont dans l'opposition, présentant de manière vague des réformes qui n'ont de structurel que le nom, mais qui, au moment d'entrer dans le détail, reviennent à leurs penchants naturels : d'un côté de l'hémicycle, augmenter les dépenses ; de l'autre, diminuer les recettes.
Rompre avec ces pratiques suppose de faire des choix cohérents. Le premier que nous faisons et assumons est celui de la réduction de la dépense publique. C'est une priorité, dont je regrette qu'elle ne soit pas partagée sur tous les bancs de cet hémicycle. Ce n'est pas une priorité parce que nous y serions contraints par l'extérieur,
M. Julien Aubert. Jamais !
M. Gérald Darmanin, ministre. ni parce que nous agirions sous la contrainte des marchés financiers,
M. Julien Aubert. Jamais !
M. Gérald Darmanin, ministre. mais pour redonner à la France sa souveraineté, en retrouvant une voix crédible sur les scènes européenne et internationale, pour libérer notre potentiel économique, pour ne pas décourager l'esprit d'initiative et pour redonner aux Français un pouvoir d'achat que des années de dépenses immaîtrisées leur ont ôté.
Pour y parvenir, nous avons fait le choix de transformer l'action publique en profondeur, plutôt que de continuer à reconduire année après année des politiques inefficaces dans le seul dessein de ne pas déplaire ou de ne pas froisser les habitudes. Raboter, ce n'est pas réformer.
M. Fabien Di Filippo. Ah ah !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n'était pas drôle ! Mais je suis content de vous faire rire...
M. Julien Aubert. Il vaut mieux se dépêcher d'en rire avant d'en pleurer !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous dirai quand il faut rire ! Ne vous inquiétez pas !
Ces habitudes, nous avons fait le choix de les bousculer au service d'un État moderne, efficace, agile et efficient. Pourquoi réduire les dépenses publiques ? Parce que l'argent public n'existe pas : monsieur le rapporteur général le sait, c'est l'argent des contribuables, c'est l'argent de chacun des Français. Vous me permettrez donc, monsieur le président, d'expliquer tout d'abord aux Français dans quel dessein nous allons redresser nos finances publiques et pour quelles raisons nous devons réussir ce pari difficile et ambitieux, mais à notre portée. Avec Bruno Le Maire, nous en voyons trois fondamentales.
Le premier enjeu est celui de la souveraineté.
M. Julien Aubert. Ah !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je savais que ça vous plairait, monsieur Aubert ! J'ai pensé à vous hier soir (Exclamations et sourires sur plusieurs bancs.)
M. Julien Aubert. La réciproque n'est pas vraie, monsieur le ministre !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez moins d'activité onirique que moi !
Il faut rester maîtres de notre destin budgétaire pour ne pas avoir à nous réformer dans la douleur. Avec une dette publique dépassant les 2 200 milliards d'euros, soit près de 100 % de notre richesse nationale, le redressement de nos finances publiques n'est pas une nécessité : c'est un impératif, d'autant plus quand on sait que notre dette est détenue aux deux tiers par des étrangers. Un amendement du groupe communiste me poussera d'ailleurs à préciser à qui elle appartient.
M. Sébastien Jumel. C'est un petit début !
M. Gérald Darmanin, ministre. De ce point de vue, si le constat dressé par la Cour des comptes dans son audit de juillet dernier est accablant, il est encore temps d'agir. Des marges de manuvre existent, d'autant plus que la croissance semble revenir, comme l'a expliqué le ministre de l'économie et des finances, à condition de nous y atteler sans délai.
Nous nous trouvons à un moment de notre histoire où nous pouvons encore prendre les mesures indispensables au redressement de notre pays, sans y être contraints ni par le temps ni par nos créanciers
Mme Danièle Obono. Ni par Bruxelles ?
M. Gérald Darmanin, ministre. puisque nous bénéficions de taux d'intérêt particulièrement bas
M. Ugo Bernalicis. Voire négatifs !
M. Gérald Darmanin, ministre. et des effets de notre politique budgétaire. C'est précisément parce que nous ne voulons pas que notre pays se retrouve sous le diktat des marchés financiers que je veux remettre de l'ordre, avec Bruno Le Maire, dès à présent, dans ses comptes. C'est parce que je suis gaulliste que je veux que notre pays conserve la maîtrise de son destin. Souvenez-vous du discours, le 28 décembre 1958, du général de Gaulle qui revient sur la scène nationale en raison de l'Algérie, mais aussi pour mettre en uvre un plan d'économies dans un pays au bord de l'asphyxie financière.
Le deuxième enjeu est économique. Une situation financière assainie, c'est moins d'impôts et plus de place pour l'activité privée. Les Français en sont conscients : des dépenses publiques trop élevées, un endettement déraisonnable, c'est l'assurance d'étouffer la croissance et les initiatives privées. Cela ne signifie pas qu'il faille réduire coûte que coûte nos dépenses sans réfléchir aux missions de l'État dont elles assurent le financement. Cela signifie simplement qu'en retrouvant la maîtrise de nos finances nous pourrons enfin réduire les impôts et les charges qui asphyxient les agents économiques comme les particuliers, et, ainsi libérer l'initiative et lutter contre le chômage. Pour reprendre une formule célèbre, les efforts d'aujourd'hui seront les emplois de demain.
De ce point de vue, ce projet de loi de finances s'inscrit dans une stratégie au long cours qui consiste à réinterroger en profondeur l'action publique. C'est le sens du programme « Action publique 2022 » lancé par le Premier ministre et que je conduirai sous son autorité. Il ne s'agit pas d'avoir une vision comptable, mais de proposer une réforme, une transformation de notre société dans son ensemble. Cette nouvelle approche consiste à poser la question des missions avant celle des moyens. C'est d'ailleurs pour cela que nous proposons un rythme réduit de suppressions de postes dans l'emploi public.
M. Fabien Di Filippo. Très réduit !
M. Charles de Courson. Symbolique !
M. Gérald Darmanin, ministre. En d'autres termes, il faut se demander « quoi » avant de chercher « combien » ou « comment ». La politique du rabot n'a jamais encouragé les agents publics à mieux travailler.
M. Julien Aubert. C'est bien vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Quelles missions doivent continuer d'être exercées par la puissance publique ? Quel est le meilleur niveau pour qu'elles le soient le plus efficacement possible pour les citoyens ? C'est un beau débat parlementaire qui nous attend dans les prochains mois, et dès les prochaines heures.
Le troisième enjeu est générationnel. Une situation financière assainie, c'est plus d'investissements pour l'avenir et moins de dettes pour nos enfants. La dette que nous contractons aujourd'hui je rappelle qu'elle s'élève à plus de 32 000 euros par habitant et augmente de 2 400 euros par seconde est un impôt que nous prélevons sur les générations à venir, sur nos enfants, sur nos petits-enfants. Le ministre de l'action et des comptes publics veut mettre un terme, comme beaucoup avant lui, mais avec plus d'efficacité je l'espère, à ce sentiment d'impuissance et de fatalité qui anime les responsables politiques devant le mur de l'endettement.
Nous n'acceptons pas que notre génération, arrivée en âge de responsabilité je parle bien sûr pour Bruno Le Maire et moi-même (Sourires) et à qui il revient de réparer les errements des générations précédentes, se contente de vivre à crédit et de s'endetter encore et encore. Au contraire, comme en témoigne le plan d'investissement présenté par le Président de la République pour préparer notre futur grâce à des projets concrets dans les domaines de la transition écologique, de l'innovation ou de la formation professionnelle, nous avons besoin d'une bonne dépense publique, d'emprunter pour investir réellement et d'arrêter la politique des subventions et du fonctionnement.
Comment y parvenir ? Il faut transformer en profondeur l'action publique : en premier lieu, d'un point de vue économique, comme l'a évoqué Bruno Le Maire. Il pense naturellement au CICE, qui sera présenté dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Pour la première fois, dès 2019, dans notre pays, il n'y aura plus aucune charge pour les entreprises qui embaucheront des employés payés au SMIC. Le taux de l'impôt sur les sociétés baissera pour atteindre 25 %. Enfin, de nombreuses réformes de simplification seront mises en uvre : fin du régime social des indépendants RSI ; année blanche pour les créateurs d'entreprises ; suppression de l'ISF ; création du prélèvement forfaitaire unique PFU.
La transformation sera également budgétaire. Transformer notre pays, c'est aussi faire des choix en matière budgétaire, c'est-à-dire faire le contraire de la politique du rabot. De ce point de vue et nous l'assumons , ce budget est marqué par des choix forts. Premièrement, il fait de la réduction de la dépense publique une priorité pour satisfaire aux objectifs budgétaires du quinquennat : moins d'impôts, moins de déficit et moins de dette.
Deuxièmement, il répond à l'obligation de sincérité. Ce débat nous a largement occupés durant l'été, suite au rapport de la Cour des comptes. Le député Le Fur a proposé, pour vérifier cette sincérité, des amendements que je suis prêt à discuter avec le groupe Les Républicains. C'est toutefois bien cette majorité qui va « sincériser » un budget qui connaît malheureusement des dépenses traditionnellement sous-budgétisées, à hauteur de plus de 4 milliards, selon la Cour des comptes, en loi de finances pour 2017, tels que l'hébergement d'urgence ou l'allocation pour adultes handicapés.
Aujourd'hui, nous pouvons dire que notre budget est sincère.
Mme Véronique Louwagie. Que ses hypothèses sont sincères !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous pouvons le prouver, en proposant au Parlement un taux de 3 % seulement de gel des crédits, ce qui changera des 8, 9 ou 10 % que nous avions connus jusqu'alors et qui déresponsabilisaient le Parlement et les directeurs de programme.
Cette logique de « sincérisation » de la budgétisation initiale et de réduction des redéploiements en exécution contribuera à responsabiliser les gestionnaires, mais aussi à donner aux parlementaires leurs pleins pouvoirs de contrôle, ainsi que je le disais ce midi au président de l'Assemblée nationale. Je l'ai assuré du soutien du Gouvernement dans sa démarche visant à renforcer les pouvoirs de l'Assemblée pour évaluer et contrôler l'action budgétaire du Gouvernement. Le temps des sous-budgétisations initiales est révolu. Le temps de la discussion sur les vrais chiffres de notre budget est arrivé.
Troisièmement, certains budgets, compte tenu de leur importance stratégique, font l'objet d'augmentations notables voire historiques. Le budget des armées augmentera de 1,8 milliard d'euros l'année prochaine, puis de 1,7 milliard d'euros chaque année, alors qu'il n'avait pas connu une pareille augmentation depuis l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir. Les ministères régaliens intérieur, justice et affaires étrangères sont au rendez-vous des augmentations, afin de faire face aux crises du monde et à l'insécurité que connaissent malheureusement trop souvent nos concitoyens.
Il faut aussi remarquer que le budget de l'éducation nationale bénéficie de sa plus forte hausse depuis vingt ans, avec 1,3 milliard d'euros supplémentaires, tandis que celui de l'enseignement supérieur et de la recherche sera doté de 700 millions d'euros supplémentaires, afin notamment d'accueillir les 40 000 nouveaux étudiants, que Mme la ministre de l'enseignement supérieur doit accompagner.
M. Ugo Bernalicis. Sans logement !
M. Gérald Darmanin, ministre. La rénovation urbaine voit le doublement des fonds de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ANRU , tandis que la transition écologique bénéficiera de 500 millions d'euros en plus.
En contrepartie, nous assumons les économies qui seront faites dans deux grands domaines : le travail, avec une baisse de 1,5 milliard d'euros, suite à la fin progressive des emplois subventionnés, et le logement, en baisse de 1,8 milliard d'euros, pour lesquels nous mettrons en uvre dès 2018 des réformes d'ampleur, lesquelles occuperont une partie de nos jours et de nos nuits.
Concernant le travail, nous avons fait le choix de réduire fortement le volume des contrats aidés, qui passeront de 280 000 en loi de finances initiale pour 2017 à 200 000 en 2018. Ils ont connu un bond très important, de 460 000, la veille de l'élection présidentielle de 2017. Je n'en fais pas grief à la précédente majorité, car je pourrais vous montrer des graphiques prouvant qu'avant chaque élection présidentielle, le nombre de contrats aidés augmente très fortement. Sans doute n'y a-t-il pas de lien entre cette élection et ces contrats précaires subventionnés.
Nous avons décidé de mettre fin à cette politique de contrats précaires subventionnés, qui n'ont d'aidés que le nom et qui, malheureusement, remettent au chômage ou au revenu de solidarité active RSA nos concitoyens, payés en moyenne 600 euros pour vingt heures par semaine et dix mois de contrat en moyenne. J'encourage ceux des élus qui ont été à la tête d'une collectivité à témoigner que des gens qui pouvaient continuer de bénéficier d'un tel contrat se sont vu opposer une fin de non-recevoir, parce que la loi les empêchait de le renouveler.
M. Fabien Roussel. Il faut donner aux communes les moyens d'embaucher !
M. Gérald Darmanin, ministre. Sachez qu'à Tourcoing ils ont tous été embauchés. Vous pouvez venir le vérifier. Ce n'est pas le cas dans toutes les communes, y compris dans celles gérées par votre famille politique, monsieur le député de Saint-Amand-les-Eaux !
Nous préférons adapter les salariés aux nouvelles opportunités, en formant fortement, qu'il s'agisse des emplois publics ou privés. Ce sera l'objet du travail très important que Muriel Pénicaud vous exposera à l'occasion de la présentation de ses crédits budgétaires.
Concernant le logement, nous allons opérer une réforme majeure de sa politique, laquelle, je le rappelle, coûte 40 milliards au budget de la Nation, dont 18 milliards d'euros pour les aides personnalisées au logement APL , alors que les mal-logés sont toujours aussi nombreux 4 millions, selon la fondation Abbé-Pierre.
M. Éric Coquerel. La fondation Abbé-Pierre désapprouve votre politique !
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout le monde s'accorde à dire que c'est beaucoup d'argent pour peu d'efficacité, même si, ici ou là, des acteurs du logement très courageux réalisent un travail social extrêmement important. Cette réforme consistera à recentrer l'aide sur ceux qui en ont vraiment besoin, sans perte de pouvoir d'achat des ménages. Nous aiderons les offices HLM, qui sont plus de 800 aujourd'hui, à se regrouper. Ils bénéficieront en contrepartie d'un soutien financier renforcé de l'État.
En parallèle, le développement de l'offre de logement sera favorisé. Notre politique souffre en effet d'un problème structurel : comme l'a rappelé le Président dimanche soir devant les Français, il s'agit de sortir d'un modèle qui finance la production en amont et solvabilise la demande en aval pour un résultat à tout le moins contestable.
La transformation, c'est aussi un changement de méthode radical, qui nous occupera longuement à l'Assemblée et au Sénat, dans nos relations avec les collectivités territoriales. Pour la première fois depuis dix ans, leurs dotations ne baisseront pas. L'heure de vérité est venue ; les chiffres sont connus, et, pour ce que je sais de son appétence, M. le rapporteur général ne manquera pas de les souligner. Il y a même, toutes confondues, une légère augmentation de ces dotations. Bien sûr, les collectivités locales doivent contribuer à l'effort demandé sur la dépense publique. Mais je voudrais souligner la différence fondamentale qu'il y a entre des baisses de dotations et un impératif de non-dépense. Les gestionnaires savent que cela ne demande pas le même effort.
La méthode que nous avons choisie remonte au rapport de MM. Malvy et Lambert, malheureusement tombé aux oubliettes. Nous l'avons ressorti et modernisé, mais il faut leur rendre l'honneur de l'idée originale de la contractualisation. Nous proposons que les 319 plus grandes collectivités toutes les communes de plus de 50 000 habitants, toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, tous les départements et toutes les régions contractualisent sur l'effort de dépense, ce qui leur garantira le maintien de l'intégralité de leurs crédits, et parfois même une augmentation des dotations. Nous aurons l'occasion de revenir sur les fins et les moyens de ce dispositif, à la fois par la voie parlementaire et lors de la conférence nationale des territoires. Cette méthode originale, qui épargne la très grande majorité des collectivités, notamment celles du monde rural, fait le pari de l'intelligence territoriale, qui vaut la peine d'être pris. Quel que soit notre bord politique, nous devrions tous y contribuer ensemble pour le bien de nos concitoyens.
Enfin, transformer notre pays, c'est répondre à l'urgence écologique en mettant en uvre le plan Climat que chacun ici a appelé de ses vux et salué. Ce budget reflète pleinement les priorités exprimées dans le cadre de ce plan puisqu'il prévoit d'accompagner les acteurs, notamment les plus vulnérables, tout au long de la transition, avec la généralisation et l'augmentation du chèque énergie, mais aussi la prime à la conversion des véhicules et l'augmentation des crédits de l'Agence nationale de l'habitat, ANAH. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Réduire les dépenses publiques vise à améliorer le pouvoir d'achat des Français. Je voudrais ici mettre en miroir le PLF et le PLFSS dont l'Assemblée nationale et sa commission des affaires sociales ont eu à connaître avec le concours de Mme Agnès Buzyn. L'assainissement de nos finances publiques ne se fera pas sans les Français, ni évidemment contre eux. L'effort est exigeant, mais il n'est pas intransigeant. Il est suffisamment robuste pour assainir durablement nos comptes sans pour autant amputer le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous le savons tous : le problème du pouvoir d'achat est particulièrement aigu pour ceux qui travaillent, notamment à la hauteur du SMIC. À ceux que j'entends déjà protester contre l'austérité qui viendrait, je dis que ce sont eux, les tenants de l'immobilisme
M. Ugo Bernalicis. Ce n'est pas nous, ça !
M. Gérald Darmanin, ministre. qui contribueront à faire que, dans un an, dans deux ans ou dans dix ans, quand les taux d'intérêt remonteront, nous nous trouverons dans une situation telle que nous devrons réformer sous l'exacte autorité de ceux qu'ils prétendent combattre.
M. Ugo Bernalicis. L'Autorité des marchés financiers ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate d'ailleurs que la révolution grecque, applaudie à la fois par le Front national et la France insoumise, a donné finalement raison au désormais meilleur élève de la Commission européenne. C'est cela, l'austérité : ne pas prévoir. Et ne pas prévoir est un crime politique. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Julien Aubert. Il y a un austère qui se marre !
M. Gérald Darmanin, ministre. L'assainissement de nos finances publiques se fera pour les Français, pour l'amélioration de leur pouvoir d'achat. Cela signifie que les efforts devront être justes, proportionnés et partagés. Ainsi, nous redonnerons du pouvoir d'achat aux Français qui travaillent : dès le 1er janvier prochain, nous allons supprimer les 0,75 point de cotisation maladie une mesure du PLFSS et les 1,45 point des cotisations chômage qu'acquittent les salariés du privé. En octobre, nous supprimerons ce qui reste : 0,95 point de cotisations chômage. Nos concitoyens demandent désormais des preuves et non plus des déclarations ; aussi, pour un salarié au SMIC, cela représentera, l'année prochaine, un gain de 150 euros
M. Ugo Bernalicis. Dix euros par mois, une augmentation du pouvoir d'achat ?
M. Gérald Darmanin, ministre. et, en année pleine, de 260 euros. Pour un salarié qui touche 2 000 euros bruts, soit 1 500 euros nets, cela représentera un gain annuel de 184 euros l'année prochaine, et 355 euros en année pleine. Pour un salarié qui perçoit l'équivalent de 2 000 euros nets, cela représentera, en année pleine, un gain de quasiment 500 euros.
Dès le 1er janvier prochain, nous amorcerons la suppression, en trois ans, de la taxe d'habitation pour 80 % des Français qui l'acquittent, ce qui représentera en moyenne, car cette taxe varie évidemment beaucoup sur le territoire un gain de 600 euros par an et par contribuable. J'ajoute qu'il s'agit bien d'un dégrèvement ; ainsi, les élus locaux n'auront pas à subir de pertes, comme lors de la compensation avortée de la taxe professionnelle. Par ailleurs, 75 % des indépendants, dont les agriculteurs, vont connaître une hausse de leur pouvoir d'achat ; tous seront intégralement compensés, comme les agents publics, de la hausse de la contribution sociale généralisée CSG.
Je veux dire un mot ici de nos agents publics. Hier, j'ai longuement reçu leurs représentants ; je leur ai rappelé notre attachement commun à la fonction publique
M. Ugo Bernalicis. Pourtant vous supprimez des postes d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles !
M. Gérald Darmanin, ministre. et je veux leur redire ici que, en tant que citoyens, élus et ministres, nous savons que nous leur confions ce que nous avons de plus cher : nos enfants ou nos aînés, selon les âges de la vie.
L'année 2018, dont j'ai largement rappelé le contexte budgétaire, est un moment difficile. C'est un moment de redressement et je suis heureux de pouvoir y contribuer. Nous comptons également développer l'aide aux personnes les plus touchées par la vie, et ce budget viendra soutenir l'intention redistributive. Il faut rappeler les énormes augmentations de pouvoir d'achat pour l'intégralité des travailleurs salariés, avec la suppression de la taxe d'habitation, et les justes rémunérations supplémentaires que certains de nos compatriotes attendent depuis trop longtemps. L'allocation aux adultes handicapés, AAH, qui Agnès Buzyn l'a rappelé a stagné depuis dix ans, sera portée à 900 euros par mois ; le minimum vieillesse augmentera de 100 euros par mois ; la prime d'activité, de 80 euros. Il faut également mentionner le remboursement intégral des lunettes et des soins dentaires, dont Mme Buzyn aura à défendre ici la chronique dans le quinquennat.
Ces faits sont indéniables et nous sommes fiers de pouvoir financer ces mesures qui constituent autant de progrès en matière de justice sociale, dans un cadre budgétaire sérieux et non démagogique. Réduire les dépenses publiques est difficile, mieux orienter l'action publique est long, et il est toujours nécessaire de faire plus pour ceux qui ont moins. Nous essayons de le faire : c'est notre premier budget, c'est notre premier courage.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie par anticipation pour les longs débats que nous aurons ensemble. J'espère que vous trouverez le ministre des comptes publics toujours attentif à vos demandes, même s'il ne peut pas toutes les satisfaire ; j'aurai naturellement toujours un il particulier pour M. le rapporteur général. Les textes financiers dont nous allons débattre font l'objet de choix politiques assumés. Le plus important, ce n'est pas la lettre du texte, mais la définition de la ligne politique ; commençons à la forger en discutant de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et du groupe MODEM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 19 octobre 2017