Texte intégral
Tout d'abord, je regrette vivement de ne pas être physiquement présent, même si les technologies de la communication me permettent de m'adresser à vous directement. Le thème de votre journée, quelle loi pour la société de l'information ? est évidemment au coeur de mes préoccupations et c'est avec le plus grand intérêt que je prendrai connaissance des résultats de vos travaux qui seront riches, je n'en doute pas : la diversité et la qualité des intervenants, la diversité et l'intérêt du sujet en sont le gage.
Le projet de loi sur la société de l'information que j'ai présenté en conseil des Ministres le 13 juin, constitue une étape très importante dans l'action que je poursuis pour assurer le succès de la France dans la société de l'information.
Pourquoi une loi sur la société de l'information ? Quelle loi sur la société de l'information ? tels sont les deux points que je souhaite évoquer aujourd'hui pour lancer vos travaux.
1 - Pourquoi une loi sur la société de l'information ?
Internet n'est pas une zone de non-droit : il s'agit, non pas de bâtir un édifice législatif pour accueillir un droit nouveau et spécifique pour les réseaux numériques, mais d'adapter notre droit aux exigences nouvelles que fait naître l'émergence de réseaux transfrontières.
Il fallait ainsi lever les obstacles au développement des échanges électroniques, ce qui nous a amené à faire toute sa part au principe de liberté et d'autorégulation, et toute sa part également à l'exigence de responsabilité des acteurs et de sécurité des transactions. Ces deux nécessités définissent cette co-régulation que nous mettons en oeuvre, selon les termes que j'avais lancé en octobre 1998, à la conférence ministérielle de l'OCDE à Ottawa.
Traiter ces sujets dans un texte unique, c'est enfin tirer les conséquences de la convergence des technologies de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel.
Ce projet est le résultat d'une procédure de concertation nouvelle. Un document d'orientation du Gouvernement diffusé dès octobre 1999 avait défini les grands thèmes sur lesquels il proposait d'agir et la façon dont il comptait modifier le droit actuel. Le débat extrêmement riche qui en a résulté, notamment sur le net, a permis de fixer de manière précise les objectifs à atteindre et de préparer le texte qui est maintenant soumis au Parlement.
Le maître mot de ce texte est la confiance dans les réseaux, condition indispensable au développement des échanges, à l'implication des acteurs et au bon fonctionnement de la société, c'est-à-dire à un fonctionnement démocratique qui mette à la disposition de tous, territoires, entreprises, citoyens, le progrès technologique et la capacité à communiquer.
2 - Quelle loi pour la société de l'information ?
Cette loi, qui comme toute loi est complexe et technique, repose sur un élan politique, une volonté de répondre concrètement et simplement aux doubles enjeux que pose la société de l'information.
1) Des enjeux de liberté :
a) liberté d'accès des citoyens à l'information, tout d'abord. C'est ainsi que l'administration sera tenue de mettre à disposition du public ses données numérisées et de diffuser gratuitement les données publiques essentielles.
b) liberté d'expression ensuite, et peut-être surtout. A cet égard, la liberté de communication en ligne est au cur du projet de loi et trouve à s'appliquer sans encadrement administratif a priori (ni conventionnement, ni autorisation, ni déclaration).
c) liberté du commerce et de l'industrie, enfin, avec la transposition de la directive européenne du 8 juin 2000 : le projet de loi définit les conditions dans lesquelles les entreprises pourront développer leur activité sur la base de la libre circulation des services de la société de l'information au sein de l'Union européenne et consacre la validité des contrats conclus par voie électronique au même titre que les contrats papier, allant ainsi largement au-delà de la loi sur la signature électronique.
La reconnaissance et la garantie des libertés passent par la définition des responsabilités des acteurs. Le projet de loi délimite ainsi les responsabilités des opérateurs techniques de l'internet dans des conditions qui d'une part permettent aux citoyens de voir leurs droits respectés, et d'autre part mettent en mesure les opérateurs techniques de l'internet d'exercer leur profession dans des conditions de sécurité juridique.
2) Des enjeux de protection des utilisateurs :
a) Afin d'assurer la protection du consommateur, le projet prévoit la possibilité pour lui de se prévaloir dans les échanges transfrontières au sein de l'Union européenne des dispositions impératives du droit de la consommation national. Il instaure des règles de transparence des informations et de loyauté des transactions en ligne et institue une procédure de recueil du consentement du consommateur en deux phases pour la conclusion des contrats (le double clic, pour éviter les erreurs de manipulation) ; il permet également à chacun, gratuitement et simplement, de refuser de recevoir par courrier électronique des publicités non sollicitées.
b) Afin de garantir la confidentialité de l'utilisation des réseaux, l'usage de la cryptologie, qui permet de crypter les données véhiculées sur les réseaux et de se prémunir contre l'espionnage électronique, est rendu totalement libre, ce qui constitue à la fois une protection importante et une liberté nouvelle assortie de conditions permettant à l'autorité judiciaire d'assurer ses investigations et de se procurer la version en clair d'un document crypté.
c) Afin de rendre le fonctionnement des réseaux plus sûr, le juge disposera de moyens renforcés pour faire cesser la mise à disposition de contenus illicites ; outre une aggravation des peines en matière de délits informatiques, le juge se verra doté de pouvoirs accrus dans les enquêtes sur la criminalité informatique, notamment de la possibilité de saisir les données informatiques par copie.
Les dispositions très diverses de ce projet de loi répondent à des enjeux clairs, essentiels : la liberté et les protections qui permettent de l'utiliser dans une communauté. Chacun des titres de ce texte, et même certains de ses chapitres, auraient pu constituer la matière d'une loi. Cependant nous voyons à quel point les enjeux sont interdépendants. Ils sont liés par la convergence technologique et économique.
A ces enjeux, nous proposons d'apporter des réponses simples et concrètes, animés par une volonté politique, celle de mettre les nouveaux moyens de communication à disposition de tous.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 8 novembre 2001)