Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur quelques orientations inspirées du rapport de M. Bertrand Fragonard sur la politique de l'emploi dans l'outre-mer, susceptibles d'être retenues dans le futur projet de loi relatif aux départements d'outre-mer,Paris le 7 juillet 1999.

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Circonstance : Colloque "Quelle stratégie pour l'emploi dans les départements d'outre-mer", Paris le 7 juillet 1999

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'assemblée,
Monsieur le Commissaire au Plan,
Mesdames et Messieurs,
Le 23 octobre 1998, lors du débat sur l'avenir de l'outre-mer organisé à l'Assemblée nationale, j'avais annoncé la volonté du gouvernement de mettre en uvre une loi d'orientation pour les départements d'outre-mer, dont l'ambition est d'inscrire ceux-ci dans une logique de développement durable.
J'avais également indiqué que je souhaitais que la préparation de cette loi se fasse dans la plus grande des concertations et donne lieu, entre nous, à de véritables débats qui permettraient d'aborder sans tabou, ni préjugé, les problématiques économiques, sociales mais aussi politiques des départements d'outre-mer.
Le 24 juin dernier, Claude LISE et Michel TAMAYA, qui sont ici présents, remettaient au Premier ministre un rapport relatif à l'approfondissement de la décentralisation dans les DOM, contenant 70 propositions, fruit d'un travail de six mois, et conforme à la mission qui leur avait été confiée par le chef du gouvernement. Je veux saluer ici non seulement l'exceptionnelle qualité de ce travail mais aussi le fait que ses auteurs, et ceci doit être salué par tous, se sont véritablement attachés, avec courage et honnêteté, à retracer la diversité des situations, et donc la diversité des perceptions et des attentes, dans chacun des quatre départements.
Nous voici aujourd'hui réunis pour les deuxièmes " Entretiens pour l'avenir de l'outre-mer " après le colloque qui avait été organisé au commissariat général du plan, le 9 mars dernier, autour du rapport qui m'avait été remis par Madame Eliane MOSSE sur les stratégies économiques possibles dans les départements d'outre-mer.
Certains des thèmes que nous aborderons au cours de cette journée l'avaient déjà été à cette occasion. Il était difficile de faire autrement, d'une part, parce que ce premier colloque n'avait évidemment pas épuisé tous les débats possibles et, d'autre part, parce que la question de l'emploi, centrale dans les DOM et qui était au cur de la mission que j'ai confiée à Bertrand FRAGONARD, n'est évidemment pas dissociable d'un certain contexte macro-économique et des évolutions attendues ou souhaitables de ce dernier.
Il est évidemment prématuré et ce serait de plus manquer à l'esprit qui doit présider à ce colloque, celui du débat et de la confrontation d'idées, que j'évoque ici les orientations qui pourraient être retenues par le gouvernement dans le futur projet de loi relatif aux départements d'outre-mer. A mon initiative, et évidemment sous l'égide du Premier ministre, un processus de concertation interministérielle approfondie, comme pour tous les textes importants de la législature, s'ouvrira dans les jours qui viennent. Il permettra conformément aux engagements que j'ai pris devant la représentation nationale, de soumettre, dès le mois d'octobre prochain, un projet de loi à la consultation des assemblées locales.
Je voudrais cependant vous livrer ici certaines des réflexions que m'a inspirées la lecture du rapport qui m'a été remis par Bertrand FRAGONARD et pour ce faire, je dégagerai quatre grandes orientations.
La première d'entre elles est qu'il faut effectivement avoir désormais l'ambition d'inverser les courbes du chômage et de l'exclusion dans les départements d'outre-mer. En clair, il ne suffit plus de soutenir par des dispositifs globaux, qui restent évidemment nécessaires, une économie des DOM dont on voit bien que sa croissance, supérieure à celle de la métropole, ces dernières années, souffre d'un contenu en emplois insuffisant compte tenu de l'évolution du facteur démographique, tel qu'il continuera de se poser dans les dix ans à venir.
A défaut, la jeunesse de ces départements qui est non seulement leur atout mais leur avenir continuera d'être frappée de plein fouet par le chômage. A défaut, encore, l'exclusion, que traduit la forte croissance du RMI, solidarité nécessaire et justifiée, continuera de croître. L'urgence sociale rejoint donc l'urgence économique.
Les chiffres que l'INSEE vient de nous livrer sur le dernier recensement soulignent que la croissance de la population a été quatre fois supérieure à celle de la métropole entre 1990 et 1999.
Or, créer des emplois dans les DOM et en créer suffisamment, est d'autant plus possible, et les conclusions de Monsieur FRAGONARD le confirment, que contrairement à toutes les idées reçues, leurs économies sont dynamiques comme en témoigne la multiplication des initiatives, des projets, des volontés d'agir, notamment et justement de la part des jeunes.
Ma deuxième réflexion sera pour souligner, et cette remarque vaut autant pour l'outre-mer que pour la métropole, qu'il ne peut y avoir de développement durable qui ne soit pas un développement solidaire.
J'ai déjà réaffirmé à plusieurs reprises que les politiques de solidarité, communautaires et nationales, devront être confortées car elles sont la simple conséquence de la logique d'intégration économique et sociale à la métropole et à l'Europe des départements d'outre-mer.
Je me suis ainsi attaché à ce que ces départements, désormais seules régions françaises éligibles à l'objectif 1, non seulement continuent de bénéficier d'un montant de fonds structurels à la hauteur de leurs besoins, mais que pour la première fois, celui-ci intègre la progression démographique qui sera la leur durant la période 2000-2006. Cet objectif a été atteint. L'enveloppe des fonds structurels attribuée aux départements d'outre-mer s'établira à plus de 21 milliards de francs contre 15 milliards précédemment. En moyenne annuelle, la progression sera donc de 40 %. Si on rajoute à cette enveloppe et ce, en application du principe d'additionnalité, les crédits nationaux qui seront dégagés, les départements d'outre-mer pourront bénéficier de l'ordre de 30 milliards de crédits, dans les sept ans à venir, consacrés à leur développement et à la création d'emplois.
Considérable, cet effort est aussi nécessaire. Mais les politiques de solidarité doivent être également tangibles à l'intérieur même des sociétés et des économies des départements d'outre-mer. Aucune société ne peut parier sur son développement lorsque les inégalités de situations sont par trop criantes, engendrent frustrations et sentiment d'injustice, et pour finir, en viennent à menacer les bases mêmes de sa cohésion.
Ma troisième réflexion portera sur la nécessité d'une action publique plus efficace et plus proche des réalités. Repris par Bertrand FRAGONARD après avoir été souligné précédemment par Claude LISE et Michel TAMAYA, cet objectif suppose non seulement une volonté commune de tous les acteurs mais aussi une convergence des instruments disponibles.
La loi d'orientation qui sera proposée au Parlement devra ainsi être en cohérence, y compris s'agissant de sa durée, avec les autres cadres d'action publique, je pense notamment aux contrats de plan Etat/Région et au document unique de programmation (DOCUP). Encore faut-il et ceci est pour moi un objectif majeur obtenir un élargissement des critères d'éligibilité aux fonds structurels, afin qu'une partie de ceux-ci puissent être pleinement utilisables pour les politiques de l'emploi. Je veillerai à ce qu'il en soit ainsi.
Enfin, je voudrais souligner qu'une stratégie de développement durable suppose que chacun y prenne sa part de responsabilité. Je souhaite que ce rapport soit l'occasion d'un dialogue franc et lucide au niveau de chaque département d'outre-mer.
L'évaluation des différentes mesures en vigueur est faite sans complaisance. Le diagnostic peut bousculer les idées reçues et revenir sur bien des situations acquises. Il nourrit des propositions qui ne se réduisent pas à de nouveaux transferts financiers ou à l'accentuation des dispositifs d'assistance. Certains le regretteront. D'autres n'y trouveront pas la réponse immédiate à leurs propres préoccupations. Mais je pense que ce rapport peut créer les conditions d'une mobilisation de tous les acteurs économiques et sociaux autour d'un projet de développement adapté à la spécificité de chaque DOM.
Mesdames et Messieurs, le rapport qui va maintenant vous être présenté par Monsieur Bertrand FRAGONARD, au-delà de la qualité et du sérieux des analyses proposées, vous frappera, je n'en doute pas, par la force des convictions qui s'y expriment.
Je relèverai pour conclure, que le pacte pour l'emploi dont il trace les orientations, a aussi pour condition de son succès, la refondation d'un pacte républicain, gage d'une véritable société citoyenne et d'un dialogue social renouvelé.
Qui d'entre nous ne pourrait souscrire à cet objectif ?
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 08 juillet 1999)