Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur la priorité accordée à la construction et à la rénovation des logements sociaux, en particulier dans la région Ile de France, Paris, et sur le droit au logement des plus démunis comme volet de la loi de lutte contre l'exclusion, le 30 juin 1999

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Circonstance : Assises du logement en Ile de France, à Paris, le 30 juin 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les élus
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que j'ai accepté à votre demande cher Jean-Paul HUCHON de clôturer, à vos côtés, ces premières assises du logement en Ile-de-France. Je félicite Jean-Luc LAURENT de cette très heureuse initiative. Deux ans après le changement de majorité gouvernementale et quinze mois après le changement de majorité en région Ile-de-France, elles constituent un moment privilégié pour dresser un premier bilan et tracer de nouvelles perspectives.
La période a été mise à profit, par les uns et les autres, pour engager des actions fortes dans le domaine du logement, mais de nombreuses difficultés demeurent notamment dans votre région.
Les fondements et les orientations de la politique du logement sont évidemment les mêmes sur l'ensemble du territoire national, mais il faut reconnaître que nombre de questions se posent avec une acuité plus forte dans la région capitale.
Rappelons brièvement les enjeux majeurs auxquels nous sommes confrontés, et les grands chantiers que nous avons à mener.
1 - En matière d'offre, pour répondre à la demande diversifiée de nos concitoyens il nous faut bien sûr veiller à développer de manière équilibrée et durable l'ensemble des composantes que sont l'accession à la propriété, le locatif privé et le locatif social.
Le dispositif d'accession sociale à la propriété est désormais budgétisé, donc pérennisé, et sécurisé grâce à l'engagement du 1 % logement.
L'investissement locatif dispose, avec le statut du bailleur privé, d'un soutien également durable, accompagné d'un mécanisme de garantie, et qui permettra de développer, dans le neuf comme dans l'ancien, un tiers secteur, un parc conventionné ouvert aux classes moyennes.
Le secteur HLM a bénéficié, lui aussi, vous le savez d'un effort conséquent pour améliorer sa situation. Je pense à la TVA à 5, 5 %, au retour partiel de l'aide à la pierre en faveur de la construction, à la revalorisation des aides personnelles, au rétablissement des capacités du 1 % logement et à bien d'autres mesures encore
Bien évidemment notre approche de l'offre de logement ne se limite pas à la construction, elle englobe le parc existant, qui a vocation à participer pleinement à la politique du logement. Il nous faut à la fois le mobiliser, veiller à lui conserver son rôle social, et - quand il le faut - améliorer sa qualité technique. C'est tout un ensemble de mesures prises depuis deux ans qui y contribuent : mobilisation des logements vacants, extension du statut du bailleur privé à l'ancien, baisse des droits de mutation, aides fiscales et budgétaires majorées pour les travaux d'entretien et d'amélioration, aide au renouvellement du patrimoine social, à sa réhabilitation lourde lorsque son inscription urbaine, sa conception ou son confort sont obsolètes ou vétustes.
Ce n'est que par une offre diversifiée et équilibrée de types de logement et de statuts d'occupation que nous pourrons assurer une certaine liberté de choix au plus grand nombre de nos concitoyens, en quelque sorte le droit à un logement choisi et non subi pour tous y compris les plus modestes.
2 - Mais l'habitat est avant tout inscrit dans la ville et il nous faut maintenant nous attaquer à un chantier indispensable et ambitieux : celui de la rénovation du cadre des politiques urbaines fondé sur des principes clairs : solidarité, cohérence, citoyenneté pour reprendre les termes employés par le Premier ministre la semaine dernière lors de la rencontre nationale organisé par Jean-Claude GAYSSOT sur le thème "Habiter, se déplacer, vivre la ville".
C'est dans ce vaste projet que seront, entre autres, apportées les réponses à votre légitime souci de mise en uvre d'une meilleure solidarité entre les communes face au droit au logement, face au droit à la ville. Il est inadmissible que certaines communes jouent délibérément le jeu de la ségrégation urbaine et j'étudie, en lien étroit avec Claude BARTOLONE un renforcement de la LOV par une effectivité renforcée des mécanismes de solidarité financière, un pouvoir de substitution de l'Etat - la seule pénalisation financière rappelant le système du remplaçant que les plus aisés pouvaient s'offrir face aux exigences de la conscription - dans une nécessaire réactivation des PLH intercommunaux.
3 - Enfin la priorité est et reste bien sûr de refuser la fracture sociale que vous avez évoquée en introduction de votre intervention Monsieur le Président, l'inacceptable social dans le logement, les dizaines de milliers de sans-logis et, encore plus nombreux, les ménages mal logés, avec les corollaires fréquents que sont l'insalubrité, voire le péril, le surpeuplement, et bien souvent des logements surpayés.
Assurer le droit au logement des plus fragiles est pour la collectivité un enjeu permanent : la loi d'orientation pour la lutte contre les exclusions a permis des avancées considérables, notamment en matière de prévention des expulsions, de transparence des attributions ou de traitement du saturnisme mais beaucoup reste encore à faire pour supprimer toutes les situations de mal logement.
Le droit au logement, le droit à un logement choisi, le droit à une certaine qualité de la ville : ces grands principes se déclinent bien sûr en Ile-de-France comme ailleurs.
La région Ile-de-France concentre à cet égard, bien des atouts, mais aussi connaît des difficultés ou des paradoxes.
Ses atouts sont nombreux : je ne citerai que sa richesse et son attractivité économique et culturelle indiscutable qui ont conduit tout naturellement à la reprise de l'investissement immobilier qu'elle connaît depuis deux ans, en matière de logement, en matière de locaux d'activité et de bureaux et au marché immobilier très actif et de plus en plus fluide, atout pour la mobilité professionnelle, et donc pour l'emploi.
Mais les difficultés sont réelles :
La construction de logements, malgré une reprise sensible, (38 000 logements en 1997, 42 000 en 1998, sans doute 43 000 en 1999), reste en deçà des besoins qui dépassent les 50 000 logements. La construction de logements sociaux et surtout très sociaux est en particulier dramatiquement insuffisante et vous venez de le souligner : 8 500 logements agréés en 1998 contre plus de 15 000 il y a cinq ou dix ans. Les demandeurs de HLM sont pourtant nombreux, plus de 250 000 recensés sur les fichiers, vous venez de l'évoquer.
Paradoxalement, malgré cette demande forte, la vacance atteint des niveaux qui interpellent : dans le parc social, mais aussi dans le parc ancien privé : la région parisienne a ainsi été retenue parmi les 8 agglomérations où des mesures spécifiques ont été prises pour mobiliser les logements vacants qui sont près de 120 000 sur la seule ville de Paris !
De vastes secteurs ont perdu toute attractivité et ne parviennent pas à retrouver un second souffle : friches industrielles abandonnées depuis plusieurs années, quartiers d'habitat social où ne s'installent plus que ceux qui n'ont pas le choix, quartiers d'habitat ancien paupérisés où se concentrent dans les hôtels meublés et les copropriétés dégradées ceux qui n'ont pas accès au logement social.
Ainsi perdurent et parfois s'aggravent d'importants déséquilibres internes dans l'agglomération qu'il s'agisse d'habitat et d'emploi ou de répartition des différentes composantes de l'habitat.
Enfin, nous savons bien que la question foncière est, en Ile-de-France bien plus qu'ailleurs, fondamentale, car une partie des difficultés évoquées ci-dessus découlent de la rareté, de la cherté, et de la disponibilité insuffisante des terrains à bâtir.
Ces difficultés, nous nous efforçons de leur trouver des solutions, et vous faites de même puisque le Conseil Régional a considérablement augmenté ses moyens d'intervention comme vous venez de le souligner.
A partir de ces diagnostics partagés, à partir des travaux des uns et des autres, et notamment des idées qui auront pu être émises à l'occasion de ces Assises du logement, il me semble donc qu'il y a bien matière à uvrer ensemble, monsieur le Président, pour assurer une réelle synergie des interventions, intervention que je vous propose de concentrer autour de trois grandes priorités :
la relance du logement social et très social ;
la résorption des lieux d'habitat précaire ;
le renouvellement urbain.
Je partage totalement votre préoccupation de relance d'une offre nouvelle de logements sociaux. Elle est indispensable pour répondre aux nouveaux besoins des ménages, des jeunes en particulier, pour participer au nécessaire renouvellement du parc de logements, pour répondre aux dramatiques situations de mal ou de non logement, mais j'y reviendrai dans quelques minutes.
Cette offre peut prendre les formes diversifiées qui correspondent à la demande ; nous y avons veillé en favorisant par exemple l'acquisition-amélioration ou en surfinançant les opérations destinées à accueillir les familles ayant besoin d'un habitat adapté.
Dans ce projet de relance du logement social vous soutenez un certain nombre d'actions auxquelles l'Etat ne peut que s'associer et je me réjouis, monsieur le président, de votre volonté d'élargir l'intervention du Conseil régional en matière foncière, au-delà de l'action dynamique que vous menez déjà à travers l'agence des espaces verts. Comme vous l'avez souligné, le coût du foncier constitue en Ile-de-France une difficulté majeure dans le montage des opérations, lorsque l'on veut construire en zone dense, là où la pression foncière est la plus forte et où l'offre de logement social est la plus limitée.
Vous le savez, l'Etat consacre près de 600 MF par an à des interventions portant sur le foncier. Plus de la moitié concerne le logement social à travers la surcharge foncière et la prime d'insertion ; l'autre partie concerne les sites stratégiques et les villes nouvelles.
Une réflexion est en cours sur les voies et les moyens d'une optimisation de nos instruments actuels d'intervention foncière, pour mieux répondre à deux objectifs prioritaires pour les années à venir : la promotion du logement social dans la mixité, et la reconstruction de la ville sur elle-même dans certains secteurs stratégiques de l'Ile-de-France. Ces thèmes où nos préoccupations se rejoignent, se prêtent tout à fait à la mise en place des moyens d'une action partagée entre l'Etat et le Conseil régional.
D'ores et déjà, j'ai souhaité apporter une réponse pour faciliter le montage des opérations en acquisition-amélioration et dans les zones où la pression foncière est forte. Comme je l'ai annoncé lors du congrès HLM de Nantes le 19 juin dernier, les acquisitions foncières destinées à la construction de logements neufs ainsi que les acquisitions de logements sociaux destinés à être améliorés et loués bénéficieront désormais de prêts sur 50 ans et non plus 32. L'Ile-de-France est la première concernée par cette mesure qui apporte de l'oxygène au montage des opérations et qui s'ajoute aux taux d'intérêts et de TVA les plus favorables et à l'exonération de 15 ans de TFPB décidée et appliquée depuis l'an dernier.
Je me réjouis également de votre contribution à la promotion du PLA expérimental que j'ai en effet proposé l'an dernier. "Ce produit" est conforme aux logiques de mixité et de simplification que nous souhaitons tous. J'ai soumis au débat interministériel la question de sa généralisation et j'espère pouvoir être en mesure prochainement de vous en donner ses conclusions.
Je me réjouis enfin que vous ayez mis dans vos priorités le logement des jeunes et des étudiants. C'est une question que nous examinons avec Claude ALLEGRE notamment en Région Ile-de-France mais dont les ouvertures devront également bénéficier aux autres jeunes, apprentis, ou en situation précaire.
Mais cette question de la relance du logement social ne dépend pas que des mesures techniques et financières que nous mettons en uvre pour faciliter le montage des opérations. Elle sous-entend une implication, un engagement de tous les acteurs qui concourent à la production du logement et en premier lieu des élus et des bailleurs.
Les outils à leur disposition ont été fortement améliorés ; ils le seront encore. Les projets doivent maintenant se développer largement. Nous souhaitons qu'ils se répartissent sur l'ensemble du territoire régional et notamment dans les communes qui accueillent aujourd'hui peu de logements sociaux dans un souci de mixité que votre exécutif, monsieur le Président du Conseil régional, peut grandement favoriser, notamment en ne subordonnant plus l'aide régionale à l'accord de la commune en particulier lorsque celle-ci compte moins de 20 % de logements locatifs sociaux !
Le développement d'une offre de logements plus large doit permettre aussi la suppression des phénomènes de mal logement que nous connaissons en Ile-de-France. La presse apporte régulièrement ses témoignages sur telle ou telle situation dramatique de familles hébergées, souvent exploitées, dans des immeubles insalubres, dangereux ; de cas d'enfants atteints de cette terrible maladie d'un autre âge qu'est le saturnisme.
A chaque visite d'un lieu d'hébergement, d'un hôtel social, je rencontre des personnes dont le handicap essentiel est de ne pas disposer d'un logement autonome, d'un statut de locataire autonome !
Cette situation est intolérable et je me félicite de votre proposition de la mise en place urgente d'un groupe de travail destiné à définir les modalités d'intervention de l'Etat en application de la loi contre les exclusions, et du Conseil Régional dans le but d'une intervention rapide et coordonnée des pouvoirs publics contre ce fléau qu'est le saturnisme.
Mais il faut aller plus loin et dès à présent, engager les procédures pénales à l'encontre des marchands de sommeil, développer une offre de logements alternative sous forme de résidences sociales, utiliser l'ensemble des outils juridiques à notre disposition mais également faire évoluer ces outils pour les rendre plus efficaces. La réforme des procédures d'intervention sur l'insalubrité et le péril comme l'adaptation des outils d'intervention dans les copropriétés dégradées constituent l'un des volets de la loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements à l'étude. Je vous remercie du soutien que vous venez de me proposer dans l'objectif de faire évoluer la législation en la matière et souhaite que nous puissions ensemble résoudre sur le terrain ces problèmes inadmissibles, inimaginables même.
La relance du logement social fait partie intégrante du nécessaire renouvellement urbain.
La Région Ile-de-France souffre peut-être plus que tout autre de l'existence de quartiers dont l'image est très négative. Notre ambition est, là comme ailleurs, la reconstitution d'un parc social de qualité, la transformation de ces quartiers par une offre nouvelle de logements, évitant les erreurs du passé, et associant comme vous le souhaitez les habitants à l'évolution de leur cadre de vie.
Cette offre nouvelle pourra être proposée après qu'aient été largement mobilisées les procédures de construction démolition et de réhabilitation lourde . Le conseil régional d'Ile-de-France a décidé de participer au financement de la réhabilitation du parc social HLM. C'est un appui essentiel à la politique que souhaite développer l'Etat et je ne verrais que des avantages à ce que les interventions des uns et des autres fassent l'objet de contractualisation en cohérence avec les contrats de ville dans cet objectif essentiel qu'est le renouvellement urbain.
Enfin, s'agissant du logement intermédiaire, que vous soutenez à juste titre, il devrait être renforcé par le statut du bailleur proposé désormais aux investisseurs et aux propriétaires. Ce statut présente en effet plusieurs avantages :
- une attractivité reconnue pour le bailleur ;
- une offre élargie pour les candidats locataires.
En outre son calibrage aidera aux équilibres internes à votre région en favorisant les quartiers villes tenus à l'écart du système précédent.
Enfin, il permettra de resserrer l'éventail de loyers par une offre nouvelle à niveau maîtrisé.
Je voudrais en conclusion saluer, l'initiative du Conseil Régional d'Ile-de-France qui, en organisant ces assises a permis le rassemblement et le travail en commun de l'ensemble des acteurs de la politique locale de l'habitat.
Les réflexions qui ont été menées aujourd'hui pourraient être poursuivies utilement entre l'Etat et la Région afin de conjuguer de la manière la plus efficace les moyens et les méthodes des deux collectivités, permettant d'assurer le droit au logement pour tous et la réduction des inégalités entre les quartiers et les villes au sein de notre magnifique et prospère région capitale.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 16 juillet 1999)