Discours de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la coopération décentralisée et l'action internationale des collectivités locales, Paris, le 27 novembre 2001.

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Circonstance : Clôture des 3èmes Assises de la coopération décentralisée, à l'Institut du monde arabe, Paris, le 27 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président du Comité de pilotage,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Chers Amis,
Je vous voudrais, Monsieur le Président, Cher Jacques, à mon tour me livrer à quelques remarques de conclusion et aussi vous remercier pour votre travail de pilotage de ses Assises.
La coopération décentralisée était et est toujours à la fois une vocation et une expérience.
C'est cette vocation, cet engagement qui nous a fait nous retrouver ici ces deux jours, pour les 3èmes Assises de la Coopération décentralisée, précisément pour échanger nos expériences, pour partager nos convictions, pour comparer nos projets dans une perspective de plus en plus ouverte, sur l'Europe et sur le monde. Egalement pour les re-situer dans le cadre de ce monde un peu nouveau qui est né après le 11 septembre. Encore que, comme l'a dit Kofi Annan à l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations unies, nous avons en face de nouveaux problèmes, mais aussi tous les problèmes qui existaient déjà le 10 septembre.
Les valeurs fondamentales qui nous motivent - des valeurs de compréhension mutuelle, de respect, une approche responsable des problèmes du développement, - ces valeurs, nous avons l'ardent devoir de continuer à les porter. Plus que jamais. Les citoyens sont de plus en plus mobilisés. Souvenez-vous de ce que disait un journaliste dans les années 60 : "la Corrèze vaut mieux que le Zambèze". Or, la nouveauté c'est que les Corréziens aujourd'hui sont prêts à coopérer avec le Zambèze. Que la diffusion des moyens de communication contribue à l'insécurité, oui. Mais elle peut aussi libérer des sentiments de solidarité, que la coopération décentralisée peut mener bien mieux que la coopération d'Etat. Les élus l'ont compris, l'Etat est un partenaire. Je suis convaincu du besoin d'éducation au développement. Je suis convaincu que les Etats souverains ont le droit de se dicter leur droit même s'ils ne sont pas des paragons de vertus démocratiques.
Je l'ai dit à certaines ONG en Asie centrale, il y a quelques jours : pour franchir une frontière, si l'Ouzbékistan a édicté des règles, il faut essayer de les respecter. Ne pas confondre état en guerre et état riverain. Pour peu que quelques journalistes soient frustrés de ne pas couvrir l'actualité et on connote un voyage du ministre de la Coopération. Je suis heureux d'avoir facilité leur accréditation et le passage des journalistes.
Et pour parler de cette zone d'Asie centrale, elle ouvre de nouvelles frontières à notre coopération et je vous invite à vous y intéresser.
Je voudrais dire aussi que le dossier du Proche-Orient devra trouver sa solution. C'est ce dossier qui empêche une véritable coopération en Méditerranée.
Si la coopération décentralisée, faite en grande partie de contacts humains et d'échanges de savoir-faire ne saurait se réduire à la seule dimension des chiffres, il n'en reste pas moins que ces chiffres sont, à bien des égards, éloquents. Ils nous situent dans le peloton de tête des comparaisons internationales.
Cependant, la coopération décentralisée n'est pas, ou n'est plus, une spécificité, encore moins une exception française. Mais c'est un terrain où la France s'est fait à juste titre une réputation d'excellence. Le moment est donc bien choisi pour parler avec les autres Européens de cette question. Je souhaite que Bruxelles intègre mieux votre action.
La coopération décentralisée, et l'action extérieure des collectivités territoriales, initiatives libres des collectivités locales, comme l'a voulu le législateur de 1992, s'inscrivent de plus en plus dans un contexte de sécurité juridique, c'est ce que souhaitent très légitimement les élus. C'est ainsi que cette année a vu la parution d'une nouvelle circulaire sur le contrôle de légalité, en date du 20 avril 2001, établie en commun par les ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères, en tenant compte de la jurisprudence, des développements nouveaux en matière d'intercommunalité et aussi des travaux des "chantiers" de la CNCD.
Ce document marque un point de référence sur une route qu'il faut continuer de parcourir, car l'action internationale des collectivités territoriales évolue comme le monde dans lesquelles elles travaillent, et comme évolue aussi chez nous la pratique de la démocratie locale.
Un "Guide de la Coopération décentralisée" a été publié fin 2000, et je veux saluer le travail réalisé en commun par l'équipe du délégué pour l'action extérieure des collectivités locales et celle de la Mission pour la coopération non gouvernementale - la MCNG - à la direction générale de la coopération internationale et du développement. Ainsi, les plus expérimentés d'entre vous, mais aussi les nouveaux élus se trouvent avoir accès à une information commune, permettant soit d'approfondir leur action, soit de lancer d'autres initiatives.
Ainsi la coopération décentralisée apparaît aujourd'hui vivante, reposant sur des bases désormais bien acceptées. Le ministère des Affaires étrangères en a tiré les conséquences financières en obtenant pour le budget 2002 une mesure nouvelle qui permettra d'augmenter ses cofinancements destinés aux collectivités locales. Par ailleurs, les délégations de crédits aux préfets seront désormais versés en une seule tranche, ce qui facilitera leur gestion.
Vous avez, depuis hier matin, cherché à voir si la coopération décentralisée ne pouvait pas se définir de nouvelles frontières, de nouvelles ambitions.
* * *
Mesdames, Messieurs,
Pour définir ces ambitions, il vous a fallu, avec lucidité, mais sans complexes, porter un regard objectif sur les forces et les faiblesses de l'action extérieure des collectivités territoriales. Hier matin, une table-ronde vous a permis d'y voir plus clair, pour aller plus loin.
Puis des ateliers thématiques nous ont donné l'occasion hier après-midi d'approfondir des questions qui n'ont pas seulement l'intérêt de l'actualité, mais se rattachent à des tendances de fond.
Tout d'abord, la construction d'une Europe nouvelle, élargie, ouverte aussi sur les problèmes du monde.
Ensuite, et c'est capital, le rôle des décentralisations, ici et là-bas, dans l'émergence, la consolidation ou le développement de la démocratie locale, pilier essentiel de la Démocratie tout court.
A cet égard, je voudrais renouveler l'annonce que j'ai faite à Fès, il y a quelques jours, de prévoir l'instruction en 2002 d'un projet du Fonds de Solidarité Prioritaire destiné au cofinancement de projets de collectivités locales au Maroc. Cette expérience sera la première du genre, et viendra compléter utilement le programme concerté Maroc destiné aux ONG. Je souhaite que ce programme-pilote nous fournisse une nouvelle méthode de concertation et d'articulation de nos actions.
Je voudrais également profiter de l'occasion qui m'est donnée pour inviter les collectivités locales actives dans les pays bénéficiaires de l'initiative d'annulation de la dette destinée aux pays les plus pauvres et les plus endettés (PPTE) à s'impliquer aux côtés des ONG, dans la mise en oeuvre des contrats de désendettement développement que la France va signer avec ces pays.
Enfin, à un moment où 52 % de la population du globe, vit, ou parfois s'entasse, dans les villes, vous avez mené hier une réflexion sur la maîtrise du fait urbain. En ayant conscience des dynamiques parfois incontrôlées qui se font jour dans les grandes agglomérations, en sachant que le tissu de la Cité, les services sur lesquels il peut compter, influent forcément sur la place qu'y tient le Citoyen. Elle lui donne ce sentiment d'appartenance sans lequel il n'y a pas de citoyenneté.
Ces ateliers ont fait apparaître, dans une libre discussion, sans idées préconçues, sans fausses certitudes ou recettes-miracles, la complémentarité fondamentale des acteurs publics et privés, le rôle de la société locale, qu'il n'est pas besoin de qualifier de "civile", car elle est la société, tout simplement, toute entière dans son expression vivante et sa dynamique de participation.
Je voudrais rappeler ici l'importance qu'il y a à travailler en étroite relation entre collectivités, Etat, ONG, associations de volontaires ou de migrants. Je souhaite également que la participation des collectivités aux commissions mixtes soit dans l'avenir encore plus généralisée qu'elle ne l'est actuellement.
Chers amis,
Aujourd'hui, en séance plénière, vous avez été en mesure, à la lumière des travaux des ateliers et de l'expérience des participants, de réfléchir sur les stratégies choisies par les collectivités locales afin de définir leurs priorités et les territoires avec lesquels elles travaillent. Choix des partenaires étrangers, lisibilité des actions, visibilité des actions, dont dépend l'adhésion des populations ici et là-bas grâce à nos Ambassades qui peuvent encore plus se mobiliser sur cette question. Ce travail avait été bien préparé par le chantier de la CNCD animé par Jacques Auxiette, qui aujourd'hui préside le Comité de pilotage des Assises.
Enfin, nous nous sommes interrogés sur l'influence des collectivités territoriales sur les affaires du monde. Nous savons bien qu'elles ne peuvent, seules, décider de la paix ou de la guerre, résoudre les problèmes économiques communs, gagner le combat contre la pauvreté ou la peur. Nous savons que les Etats, leur diplomatie, ont un rôle qui reste, qui restera essentiel. Nous savons aussi que d'autres acteurs, non gouvernementaux, comme le monde de la science celui des idées, ont en eux des forces qui peuvent faire avancer le monde.
Oui, mais nous savons désormais, par expérience et intime conviction, que le monde local, qui s'organise et se fait maintenant entendre, a son message. En tant que ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, vous comprenez que je souhaite que cette influence s'exerce à la fois dans le sens de la diversité culturelle, et aussi, je le souligne, de la promotion de notre langue dans ces enceintes, dans ces débats. Je souhaiterais que les collectivités s'engagent davantage dans la coopération et la diffusion culturelle, ainsi que le rapport Daugé l'a proposé.
Je souhaiterais également que les collectivités puissent participer plus activement aux grands débats internationaux et je demande au ministère des Affaires étrangères de réfléchir à des actions de formation dont elles pourraient avoir besoin, notamment pour accéder à des financements multilatéraux.
Oui, je le crois, nous pouvons contribuer à "apprivoiser" la mondialisation. C'est une oeuvre qui demande de la constance. Partageons largement ce travail avec les universités, les hôpitaux, les laboratoires. Les acteurs locaux, les associations peuvent, à leur échelle, celle de la proximité, mais aussi de la durée, participer à l'administration de ces biens publics mondiaux, dont le Haut-Conseil de la coopération internationale, le HCCI, a fait à juste titre le thème de son séminaire de rentrée et dont nous parlerons beaucoup avant le sommet de Johannesburg.
Avoir une conception plus participative de la démocratie peut contribuer à apprivoiser la mondialisation, sans oublier toutefois que la démocratie représentative est en soi une chose précieuse et légitime, et qu'il ne faut en rien la déstabiliser, le mieux étant dans ce domaine, comme dans d'autres, l'ennemi du bien.
Parler des enjeux généraux sans perdre le sens du concret, telle est notre force. C'est pourquoi je me félicite du travail accompli par ces 3èmes Assises qui s'achèvent aujourd'hui. Plus qu'un rendez-vous d'étape, elles ont constitué une raison d'espérer et donc d'entreprendre. Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 novembre 2001)