Texte intégral
Monsieur le président, Mesdames les bâtonnières,
Messieurs les bâtonniers,
J'ai tenu à me libérer quelques instants pour être parmi vous à l'occasion de votre assemblée générale statutaire.
La conférence des bâtonniers a aujourd'hui un nouveau président. Je veux saluer l'action de Michel Bénichou, son engagement permanent pour la profession d'avocat et la qualité du dialogue qu'il a su maintenir avec le ministère de la justice.
Je souhaite la bienvenue à Bernard Chambel et ne doute pas que nos relations seront tout aussi fructueuses et constructives.
De nombreux sujets pourraient être abordés devant vous, la mise en cause de la justice, que vous avez évoquée, monsieur le président et beaucoup d'autres, mais, je ne voudrais pas monopoliser votre assemblée générale et je vous parlerai donc de deux sujets d'actualité, qui vous mobilisent : l'aide juridictionnelle et la présomption d'innocence.
AIDE JURIDICTIONNELLE
Vous avez tous montré votre mobilisation et vos attentes pour l'aide juridictionnelle.
A la fin de l'année 2000, nous avons tous partagé le même constat sur les insuffisances du dispositif et sur sa nécessaire remise à plat dans l'intérêt des justiciables.
C'est une réforme indispensable au respect de la protection des droits de chacun et à l'égalité d'accès à la justice des citoyens, principes fondamentaux dans une démocratie.
Je crois comprendre que vous me reprochez de ne pas avoir tenu les engagements issus du protocole du 18 décembre 2000.
Je voudrais rappeler que les engagements ont été tenus. Notamment la gratuité de la copie des pièces pénales, l'assistance des détenus au prétoire ou encore l'augmentation des unités de valeur d'un certain nombre de procédures en 2001 et au 1er janvier 2002.
Il faut bien que vous mesuriez l'effort consenti par l'Etat représente pour votre profession une augmentation de plus de 20%.
Quelle autre profession pourrait en dire autant ?
L'accord prévoyait également qu'un projet de loi réformant l'accès au droit et à la justice serait déposé à l'automne.
J'ai pour cela confié à une commission, présidée par Paul Bouchet, la mission d'établir un bilan de la situation existante et de faire des propositions de réforme.
Je m'étais engagée à tout mettre en uvre pour voir aboutir cette réforme pendant la session parlementaire :
Ainsi, dès la remise du rapport, j'ai organisé des groupes de travail avec les instances et organisations représentatives de votre profession afin d'examiner ses conclusions et afin que chacun puisse exprimer ses propositions sur la réforme à venir.
Les sujets abordés par le rapport étant complexes et les enjeux essentiels, les organisations professionnelles ont dû prendre un peu de temps pour faire parvenir leurs contributions et le ministère de la justice a élaboré un projet de loi en prenant également le temps de la réflexion et de la concertation.
Les délais prévus n'ont ainsi pas pu être tenus.
Je le regrette vraiment, mais je sais que ce retard n'empêchera pas l'adoption d'une réforme attendue non seulement de vous, mais aussi de nos concitoyens. Le texte sera déposé devant le Parlement dans les prochaines semaines.
Parallèlement à la finalisation du projet de loi, des discussions sur votre rémunération ont été engagées avec mes services. Je souhaite qu'elles se poursuivent, car je pense qu'il ne faudrait pas perdre la chance de voir enfin résolue une question essentielle pour vous et pour les justiciables qui ont besoin de vous et doivent pouvoir compter sur des professionnels motivés et pouvant offrir une prestation de qualité.
Le projet de loi fait l'objet de critiques dont vous m'avez fait part. Il est normal qu'un texte soit critiqué, car il est difficile, surtout sur de tels sujets, d'avoir un consensus. Je constate d'ailleurs que vous n'êtes pas toujours d'accord entre vous et que des dispositions acceptées par certains sont refusées par d'autres.
Certains vont même jusqu'à demander le retrait du texte !
Un certain nombre de ces critiques relèvent pourtant de malentendus sur le contenu du texte, dont il aurait été utile qu'ils puissent être levés par une discussion sur celui-ci.
C'est pourquoi je regrette qu'invitées par mes collaborateurs à discuter du projet de loi, les instances et organisations professionnelles aient toujours refusé ces échanges, pour n'aborder que la question de la rémunération, dont je parlerais tout à l'heure et qui est importante, mais doit être liée au reste de la réforme.
Aucune des dispositions de la loi n'est de nature à remettre en cause l'indépendance et l'équilibre de la profession ainsi que son contrôle par les ordres.
L'indépendance de la profession ne peut être atteinte par des dispositions destinées à permettre aux citoyens d'accéder à la justice, pas plus qu'elle ne l'est par les règles autorisant le salariat ou par celles permettant, à votre demande, de créer des holdings avec des capitaux extérieurs.
La possibilité d'accompagner des justiciables dépourvus des moyens nécessaires devant les juridictions dans des conditions dignes, apaisées et sereines me semble au contraire de nature à renforcer votre indépendance et votre rôle dans la société.
SUR LES SEUILS DE RESSOURCES :
Le Gouvernement s'est engagé dans une démarche permettant de faire bénéficier les personnes qui, compte tenu de leurs ressources, sont actuellement dans l'incapacité matérielle d'introduire une action en justice, de se défendre ou tout simplement, lorsque l'avocat n'est pas obligatoire, de se faire assister d'un professionnel compétent pour les aider dans des situations difficiles, et je pense là notamment à l'assistance éducative ou aux procédures locatives.
C'est sur cette base, je vous le rappelle, que vous vous êtes mobilisés l'année dernière. Vous ne pouvez pas la contester aujourd'hui, car elle est indispensable pour respecter nos valeurs, d'ailleurs protégées par la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen et inscrites dans la Charte des droits fondamentaux.
L'effort engagé par l'Etat dans ce domaine sera ainsi équivalent à celui consenti par nos partenaires européens.
SUR LA SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES :
Afin de remédier au constat d'inégalité sur le territoire, du à des critères d'attribution de l'aide juridictionnelle complexes et appréciées différemment selon les endroits, j'ai souhaité que la procédure soit radicalement simplifiée.
Je sais que certains d'entre vous ont vu dans la suppression des bureaux d'aide juridictionnelle, dans lesquels vous siégez, un signe de défiance à votre endroit.
Il s'agit au contraire d'une confiance renouvelée en vous : la suppression des bureaux d'aide juridictionnelle peut être envisagée, car les critères d'attribution de l'aide sont rendus objectifs. Ils peuvent surtout être supprimés parce qu'il n'y aura plus d'appréciation du caractère manifestement recevable ou irrecevable de la demande par ces bureaux.
Cette appréciation, ce sera vous, et vous seul, qui devrez la faire lors de la première consultation avec votre client. Vous voyez qu'il ne s'agit pas là de défiance, mais au contraire une marque de confiance envers votre profession.
SUR LES EXIGENCES DE QUALITÉ :
Vos inquiétudes portent également sur les dispositions mentionnant des exigences de qualité.
Je voudrais seulement vous dire à ce sujet que celles-ci sont applicables à tous les auxiliaires de justice susceptibles de prêter leur concours dans le cadre de l'aide juridictionnelle. Il ne s'agit pas, encore une fois, de défiance à l'égard de telle ou telle profession, mais du souci d'indiquer au justiciable bénéficiaire de l'aide qu'il a des garanties.
Ces exigences de qualité, qui correspondent à la déontologie des professionnels du droit, restent sous le contrôle de leurs instances professionnelles.
Il est normal, s'agissant de fonds publics importants, que l'Etat veuille assurer ces garanties aux citoyens et aux contribuables que nous sommes tous.
SUR LA RÉMUNÉRATION :
Vous avez eu hier après-midi une nouvelle séance de travail avec les services de la Chancellerie.
Je sais qu'enfin, les discussions sont bien engagées. Elles doivent se poursuivre.
Je voudrais seulement vous indiquer l'esprit de nos propositions et les objectifs recherchés.
1) Nous voulons tout d'abord travailler dans la durée et donc mettre en place un système stable qui évite les crises périodiques. Il faut pour cela une rémunération réaliste de l'AJ qui ne pénalise pas les professionnels qui traitent ce type de dossier. La modulation actuelle s'est révélée, à l'expérience, injuste.
2) Nous voulons maintenir une réelle liberté du choix de l'avocat, il faut donc éviter une concentration de l'AJ sur un groupe réduit d'avocats qui en deviendraient les spécialistes exclusifs.
3) Nous voulons également plus d'équité. Le système actuel de modulation de l'unité de valeur est inéquitable et nous proposons un système plus juste ou les contraintes de ceux qui font beaucoup d'aide juridique serons mieux prises en compte par rapport à ceux qui en font peu.
4) Nous voulons enfin prévenir les difficultés et les crises en mettant en place une évaluation du dispositif, avec un dialogue plus soutenu entre les partenaires de l'AJ, avec la présentation de statistiques régulières, plus riches et partagés.
Voilà le dispositif que nous proposons. Il est sur la table des discussion, avec des éléments chiffrés, depuis hier. On peut donc dissiper certains fantasmes et tordre le cou à des rumeurs infondées:
Non, il n'y aura pas de fonctionnarisation de la profession
Non, il n'y aura pas de contrôle des avocats par les greffiers
Non, il n'y aura pas de suppression du système des permanences gérées par les barreaux, au contraire nous souhaitons l'étendre.
Sur la proposition de loi complétant la loi du 15/06/00
déposée par Julien DRAY
La loi du 15/06/00 a fait l'objet de nombreuses critiques, certaines très injustifiées (le bogue annoncé avec gourmandise n'a pas eu lieu).
Pour évaluer et régler les difficultés signalées par les juridictions j'ai confié successivement 3 missions à l'inspection générale des services judiciaires (décembre 2000, juin 2001, janvier 2002).
Il fallait aussi évaluer les difficultés signalées par les services de police et de gendarmerie. A cette fin, le Premier ministre a confié une mission à Julien DRAY.
Ce rapport a connu des suites de deux ordres.
1. J'ai diffusé le 10 janvier 2002 une circulaire à l'attention des parquets pour les informer de certaines modalités pratiques d'application de la loi du 15 juin 2000, concernant notamment l'organisation de la garde à vue, l'avis au conseil de la personne gardée à vue ou les modalités de la notification du droit au silence à la personne gardée à vue.
2. Julien DRAY a déposé une proposition de loi qui a été examinée par l'Assemblée nationale les 22 et 23 janvier, et dont les dispositions ont été adoptées après quelques modifications.
Les principales modifications apportées sont les suivantes :
- une définition plus précise de la personne susceptible d'être placée en garde à vue a été donnée : il s'agit des personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Ainsi, la notion d'indice n'est pas limitée à l'existence de preuves matérielles comme semblaient le croire certains enquêteurs.
- Cette définition est conforme aux conditions requises par la Convention européenne des droits de l'homme pour prendre contre une personne une mesure privative de liberté.
En revanche, aucune disposition n'a été prise qui puisse consister en une mesure de garde à vue pour les simples témoins qui ne peuvent, comme auparavant, être retenus que le temps nécessaire à leur audition.
- Sur les conditions dans lesquelles les personnes gardées à vue peuvent exercer certains droits qui leur sont reconnus, la loi précise que cet exercice peut se faire dans un délai de trois heures à compter de la mise en garde à vue. Ce délai n'est pas applicable à la possibilité de demander un entretien avec un avocat qui doit intervenir dès le début, ni à l'avis au parquet de mise en garde à vue, qui doit intervenir, selon la nouvelle terminologie " aussi rapidement que possible ", expression conforme à la formule employée par le conseil constitutionnel.
- sur la formulation du droit au silence : contrairement à la proposition initiale, la personne gradée à vue est avisée qu'elle a le droit de se taire, de répondre aux question ou de faire des déclarations, sans autre commentaire. Il n'est pas ajouté que le fait de se taire peut nuire à ses intérêts.
- sur les critères de mise en détention, la proposition retenait comme nouveau critère le fait d'être poursuivi pour plusieurs délits punis d'une peine égale ou supérieure à deux ans. Un amendement de François Colcombet a permis de retenir une formulation plus précise : la détention provisoire peut être possible pour une personne qui, dans un délai de six mois a fait auparavant l'objet de poursuites judiciaires, même non encore jugées, pour un ou plusieurs délits punis d'une peine égale à deux ans, sauf si ces poursuites ont donné lieu à une décision de relaxe.
Cette disposition permet d'aggraver la situation des délinquants qui paraissent bénéficier d'une impunité lorsqu'ils commettent un nouveau délit après avoir été relâchés quelques jours plus tôt d'un commissariat.
- les dispositions de l'article 144-2 du CPP, applicables à la détention provisoire des personnes exerçant l'autorité parentale sur un mineur de 10 ans ont été modifiées : maintenant, la loi n'enjoint plus d'éviter la détention provisoire du parent poursuivi, mais de vérifier que cette éventuelle incarcération ne mettra pas en danger l'éducation la santé ou la moralité du mineur, non plus de 10 ans mais de 16 ans.
- Enfin, l'Assemblée nationale a restitué au ministère public le droit de faire appel de toutes les décisions d'acquittement, alors que ce droit était auparavant cantonné aux décisions de condamnations.
Le vote solennel de la loi aura lieu le 29 janvier, après quoi le texte sera transmis au Sénat.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 7 février 2002)
Messieurs les bâtonniers,
J'ai tenu à me libérer quelques instants pour être parmi vous à l'occasion de votre assemblée générale statutaire.
La conférence des bâtonniers a aujourd'hui un nouveau président. Je veux saluer l'action de Michel Bénichou, son engagement permanent pour la profession d'avocat et la qualité du dialogue qu'il a su maintenir avec le ministère de la justice.
Je souhaite la bienvenue à Bernard Chambel et ne doute pas que nos relations seront tout aussi fructueuses et constructives.
De nombreux sujets pourraient être abordés devant vous, la mise en cause de la justice, que vous avez évoquée, monsieur le président et beaucoup d'autres, mais, je ne voudrais pas monopoliser votre assemblée générale et je vous parlerai donc de deux sujets d'actualité, qui vous mobilisent : l'aide juridictionnelle et la présomption d'innocence.
AIDE JURIDICTIONNELLE
Vous avez tous montré votre mobilisation et vos attentes pour l'aide juridictionnelle.
A la fin de l'année 2000, nous avons tous partagé le même constat sur les insuffisances du dispositif et sur sa nécessaire remise à plat dans l'intérêt des justiciables.
C'est une réforme indispensable au respect de la protection des droits de chacun et à l'égalité d'accès à la justice des citoyens, principes fondamentaux dans une démocratie.
Je crois comprendre que vous me reprochez de ne pas avoir tenu les engagements issus du protocole du 18 décembre 2000.
Je voudrais rappeler que les engagements ont été tenus. Notamment la gratuité de la copie des pièces pénales, l'assistance des détenus au prétoire ou encore l'augmentation des unités de valeur d'un certain nombre de procédures en 2001 et au 1er janvier 2002.
Il faut bien que vous mesuriez l'effort consenti par l'Etat représente pour votre profession une augmentation de plus de 20%.
Quelle autre profession pourrait en dire autant ?
L'accord prévoyait également qu'un projet de loi réformant l'accès au droit et à la justice serait déposé à l'automne.
J'ai pour cela confié à une commission, présidée par Paul Bouchet, la mission d'établir un bilan de la situation existante et de faire des propositions de réforme.
Je m'étais engagée à tout mettre en uvre pour voir aboutir cette réforme pendant la session parlementaire :
Ainsi, dès la remise du rapport, j'ai organisé des groupes de travail avec les instances et organisations représentatives de votre profession afin d'examiner ses conclusions et afin que chacun puisse exprimer ses propositions sur la réforme à venir.
Les sujets abordés par le rapport étant complexes et les enjeux essentiels, les organisations professionnelles ont dû prendre un peu de temps pour faire parvenir leurs contributions et le ministère de la justice a élaboré un projet de loi en prenant également le temps de la réflexion et de la concertation.
Les délais prévus n'ont ainsi pas pu être tenus.
Je le regrette vraiment, mais je sais que ce retard n'empêchera pas l'adoption d'une réforme attendue non seulement de vous, mais aussi de nos concitoyens. Le texte sera déposé devant le Parlement dans les prochaines semaines.
Parallèlement à la finalisation du projet de loi, des discussions sur votre rémunération ont été engagées avec mes services. Je souhaite qu'elles se poursuivent, car je pense qu'il ne faudrait pas perdre la chance de voir enfin résolue une question essentielle pour vous et pour les justiciables qui ont besoin de vous et doivent pouvoir compter sur des professionnels motivés et pouvant offrir une prestation de qualité.
Le projet de loi fait l'objet de critiques dont vous m'avez fait part. Il est normal qu'un texte soit critiqué, car il est difficile, surtout sur de tels sujets, d'avoir un consensus. Je constate d'ailleurs que vous n'êtes pas toujours d'accord entre vous et que des dispositions acceptées par certains sont refusées par d'autres.
Certains vont même jusqu'à demander le retrait du texte !
Un certain nombre de ces critiques relèvent pourtant de malentendus sur le contenu du texte, dont il aurait été utile qu'ils puissent être levés par une discussion sur celui-ci.
C'est pourquoi je regrette qu'invitées par mes collaborateurs à discuter du projet de loi, les instances et organisations professionnelles aient toujours refusé ces échanges, pour n'aborder que la question de la rémunération, dont je parlerais tout à l'heure et qui est importante, mais doit être liée au reste de la réforme.
Aucune des dispositions de la loi n'est de nature à remettre en cause l'indépendance et l'équilibre de la profession ainsi que son contrôle par les ordres.
L'indépendance de la profession ne peut être atteinte par des dispositions destinées à permettre aux citoyens d'accéder à la justice, pas plus qu'elle ne l'est par les règles autorisant le salariat ou par celles permettant, à votre demande, de créer des holdings avec des capitaux extérieurs.
La possibilité d'accompagner des justiciables dépourvus des moyens nécessaires devant les juridictions dans des conditions dignes, apaisées et sereines me semble au contraire de nature à renforcer votre indépendance et votre rôle dans la société.
SUR LES SEUILS DE RESSOURCES :
Le Gouvernement s'est engagé dans une démarche permettant de faire bénéficier les personnes qui, compte tenu de leurs ressources, sont actuellement dans l'incapacité matérielle d'introduire une action en justice, de se défendre ou tout simplement, lorsque l'avocat n'est pas obligatoire, de se faire assister d'un professionnel compétent pour les aider dans des situations difficiles, et je pense là notamment à l'assistance éducative ou aux procédures locatives.
C'est sur cette base, je vous le rappelle, que vous vous êtes mobilisés l'année dernière. Vous ne pouvez pas la contester aujourd'hui, car elle est indispensable pour respecter nos valeurs, d'ailleurs protégées par la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen et inscrites dans la Charte des droits fondamentaux.
L'effort engagé par l'Etat dans ce domaine sera ainsi équivalent à celui consenti par nos partenaires européens.
SUR LA SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES :
Afin de remédier au constat d'inégalité sur le territoire, du à des critères d'attribution de l'aide juridictionnelle complexes et appréciées différemment selon les endroits, j'ai souhaité que la procédure soit radicalement simplifiée.
Je sais que certains d'entre vous ont vu dans la suppression des bureaux d'aide juridictionnelle, dans lesquels vous siégez, un signe de défiance à votre endroit.
Il s'agit au contraire d'une confiance renouvelée en vous : la suppression des bureaux d'aide juridictionnelle peut être envisagée, car les critères d'attribution de l'aide sont rendus objectifs. Ils peuvent surtout être supprimés parce qu'il n'y aura plus d'appréciation du caractère manifestement recevable ou irrecevable de la demande par ces bureaux.
Cette appréciation, ce sera vous, et vous seul, qui devrez la faire lors de la première consultation avec votre client. Vous voyez qu'il ne s'agit pas là de défiance, mais au contraire une marque de confiance envers votre profession.
SUR LES EXIGENCES DE QUALITÉ :
Vos inquiétudes portent également sur les dispositions mentionnant des exigences de qualité.
Je voudrais seulement vous dire à ce sujet que celles-ci sont applicables à tous les auxiliaires de justice susceptibles de prêter leur concours dans le cadre de l'aide juridictionnelle. Il ne s'agit pas, encore une fois, de défiance à l'égard de telle ou telle profession, mais du souci d'indiquer au justiciable bénéficiaire de l'aide qu'il a des garanties.
Ces exigences de qualité, qui correspondent à la déontologie des professionnels du droit, restent sous le contrôle de leurs instances professionnelles.
Il est normal, s'agissant de fonds publics importants, que l'Etat veuille assurer ces garanties aux citoyens et aux contribuables que nous sommes tous.
SUR LA RÉMUNÉRATION :
Vous avez eu hier après-midi une nouvelle séance de travail avec les services de la Chancellerie.
Je sais qu'enfin, les discussions sont bien engagées. Elles doivent se poursuivre.
Je voudrais seulement vous indiquer l'esprit de nos propositions et les objectifs recherchés.
1) Nous voulons tout d'abord travailler dans la durée et donc mettre en place un système stable qui évite les crises périodiques. Il faut pour cela une rémunération réaliste de l'AJ qui ne pénalise pas les professionnels qui traitent ce type de dossier. La modulation actuelle s'est révélée, à l'expérience, injuste.
2) Nous voulons maintenir une réelle liberté du choix de l'avocat, il faut donc éviter une concentration de l'AJ sur un groupe réduit d'avocats qui en deviendraient les spécialistes exclusifs.
3) Nous voulons également plus d'équité. Le système actuel de modulation de l'unité de valeur est inéquitable et nous proposons un système plus juste ou les contraintes de ceux qui font beaucoup d'aide juridique serons mieux prises en compte par rapport à ceux qui en font peu.
4) Nous voulons enfin prévenir les difficultés et les crises en mettant en place une évaluation du dispositif, avec un dialogue plus soutenu entre les partenaires de l'AJ, avec la présentation de statistiques régulières, plus riches et partagés.
Voilà le dispositif que nous proposons. Il est sur la table des discussion, avec des éléments chiffrés, depuis hier. On peut donc dissiper certains fantasmes et tordre le cou à des rumeurs infondées:
Non, il n'y aura pas de fonctionnarisation de la profession
Non, il n'y aura pas de contrôle des avocats par les greffiers
Non, il n'y aura pas de suppression du système des permanences gérées par les barreaux, au contraire nous souhaitons l'étendre.
Sur la proposition de loi complétant la loi du 15/06/00
déposée par Julien DRAY
La loi du 15/06/00 a fait l'objet de nombreuses critiques, certaines très injustifiées (le bogue annoncé avec gourmandise n'a pas eu lieu).
Pour évaluer et régler les difficultés signalées par les juridictions j'ai confié successivement 3 missions à l'inspection générale des services judiciaires (décembre 2000, juin 2001, janvier 2002).
Il fallait aussi évaluer les difficultés signalées par les services de police et de gendarmerie. A cette fin, le Premier ministre a confié une mission à Julien DRAY.
Ce rapport a connu des suites de deux ordres.
1. J'ai diffusé le 10 janvier 2002 une circulaire à l'attention des parquets pour les informer de certaines modalités pratiques d'application de la loi du 15 juin 2000, concernant notamment l'organisation de la garde à vue, l'avis au conseil de la personne gardée à vue ou les modalités de la notification du droit au silence à la personne gardée à vue.
2. Julien DRAY a déposé une proposition de loi qui a été examinée par l'Assemblée nationale les 22 et 23 janvier, et dont les dispositions ont été adoptées après quelques modifications.
Les principales modifications apportées sont les suivantes :
- une définition plus précise de la personne susceptible d'être placée en garde à vue a été donnée : il s'agit des personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Ainsi, la notion d'indice n'est pas limitée à l'existence de preuves matérielles comme semblaient le croire certains enquêteurs.
- Cette définition est conforme aux conditions requises par la Convention européenne des droits de l'homme pour prendre contre une personne une mesure privative de liberté.
En revanche, aucune disposition n'a été prise qui puisse consister en une mesure de garde à vue pour les simples témoins qui ne peuvent, comme auparavant, être retenus que le temps nécessaire à leur audition.
- Sur les conditions dans lesquelles les personnes gardées à vue peuvent exercer certains droits qui leur sont reconnus, la loi précise que cet exercice peut se faire dans un délai de trois heures à compter de la mise en garde à vue. Ce délai n'est pas applicable à la possibilité de demander un entretien avec un avocat qui doit intervenir dès le début, ni à l'avis au parquet de mise en garde à vue, qui doit intervenir, selon la nouvelle terminologie " aussi rapidement que possible ", expression conforme à la formule employée par le conseil constitutionnel.
- sur la formulation du droit au silence : contrairement à la proposition initiale, la personne gradée à vue est avisée qu'elle a le droit de se taire, de répondre aux question ou de faire des déclarations, sans autre commentaire. Il n'est pas ajouté que le fait de se taire peut nuire à ses intérêts.
- sur les critères de mise en détention, la proposition retenait comme nouveau critère le fait d'être poursuivi pour plusieurs délits punis d'une peine égale ou supérieure à deux ans. Un amendement de François Colcombet a permis de retenir une formulation plus précise : la détention provisoire peut être possible pour une personne qui, dans un délai de six mois a fait auparavant l'objet de poursuites judiciaires, même non encore jugées, pour un ou plusieurs délits punis d'une peine égale à deux ans, sauf si ces poursuites ont donné lieu à une décision de relaxe.
Cette disposition permet d'aggraver la situation des délinquants qui paraissent bénéficier d'une impunité lorsqu'ils commettent un nouveau délit après avoir été relâchés quelques jours plus tôt d'un commissariat.
- les dispositions de l'article 144-2 du CPP, applicables à la détention provisoire des personnes exerçant l'autorité parentale sur un mineur de 10 ans ont été modifiées : maintenant, la loi n'enjoint plus d'éviter la détention provisoire du parent poursuivi, mais de vérifier que cette éventuelle incarcération ne mettra pas en danger l'éducation la santé ou la moralité du mineur, non plus de 10 ans mais de 16 ans.
- Enfin, l'Assemblée nationale a restitué au ministère public le droit de faire appel de toutes les décisions d'acquittement, alors que ce droit était auparavant cantonné aux décisions de condamnations.
Le vote solennel de la loi aura lieu le 29 janvier, après quoi le texte sera transmis au Sénat.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 7 février 2002)