Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le bilan de sa politique en 2001 : le passage à l'euro, la mise en place des réductions d'impôts, les réformes du code des marchés publics, de l'épargne salariale et du Minéfi, Paris, le 15 janvier 2002.

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Circonstance : Présentation des voeux aux acteurs économiques à Paris, le 15 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
chers amis,
Je suis heureux de vous accueillir dans ce ministère qui est le vôtre. En mon nom et au nom de mes collègues et amis, Florence Parly, Christian Pierret, François Patriat et François Huwart, je forme des voeux très chaleureux pour la réussite de vos entreprises, de vos projets, de vos métiers. J'y associe les millions de Français qui à travers vous travaillent à la prospérité de notre pays. Pour vous, pour tous ceux que vous aimez, j'espère une année de santé, de joies et de passions, ces passions dont Victor Hugo, qui vous a salués à l'entrée de cette maison, disait dans La légende des Siècles qu'" elles reflètent les étoiles ".
La bonne étoile pour nous tous, mais pas facile à attraper et à conserver, s'appelle la croissance. Depuis 1997, nous avons fait des choix pour contribuer à la réveiller quand elle se profilait et à la soutenir quand elle s'essoufflait. Pour la première fois depuis longtemps, une dynamique de création nette d'emplois a prévalu, faisant ainsi fortement reculer le chômage. C'est un succès dont les entrepreneurs, les salariés et les pouvoirs publics partagent la paternité. Beaucoup cependant reste à faire, ce qui suppose - j'ai suffisamment l'occasion de le rappeler - de maintenir le cap du sérieux face aux dépenses publiques et sociales, et d'encourager en même temps la demande et l'offre afin que notre économie marche sur ses 2 jambes.
Depuis la fin de l'année 2000, l'environnement de l'économie mondiale s'est fortement dégradé. Amplifiée par le traumatisme des attentats, la secousse est évidemment sérieuse. La France a résisté. En 2001, notre croissance restera, malgré le fléchissement, l'une des plus fortes de la zone euro. Nous avons maintenu une consommation des ménages robuste et évité un recul trop brutal de l'activité. La modération des prix, le maintien jusqu'à l'automne d'un flux de créations nettes d'emploi, l'évolution des salaires individuels, le calendrier des baisses d'impôts ont contribué et devraient contribuer à maintenir notre pays hors de la récession qui touche les 3 plus grandes économies du monde.
Après le 11 septembre, nous avons rapidement réagi et mis en place un plan de consolidation de la croissance visant à stimuler l'investissement de nos entreprises, à soutenir les secteurs qui ont subi de plein fouet le contre coup économique des attentats - je pense en particulier aux transports aériens et à l'assurance -, et à favoriser le redémarrage des télécommunications avec notamment la redéfinition des règles concernant l'UMTS. Un État responsable, c'est un État qui agit en partenaire avec les acteurs économiques pour adapter, quand il le faut et de façon pragmatique, ses décisions à l'évolution de l'environnement. Au total, si l'on ajoute à cela l'évolution du prix du baril dans le monde, l'assouplissement de la politique monétaire en Europe, l'évolution des marchés financiers qui ont récupéré du choc des attentats et le sang-froid montré par la plupart des chefs d'entreprise dans les dernières enquêtes de conjoncture, tout cela devrait nous permettre, nous y travaillons tous, un rebond dans le courant de l'année. La France sera alors en bonne position pour en profiter.
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Les voeux de janvier sont propices aux bilans et à la prospective. 21 mois se sont écoulés depuis mon entrée en fonctions. Je me réjouis d'avoir mené à bien au cours de cette période, plusieurs réformes qui devraient contribuer durablement au développement de notre économie et à la modernisation de l'État.
La première, c'est bien sûr le passage à l'euro. C'est un honneur d'avoir pu préparer et coordonner la plus grande réforme économique et monétaire des 50 dernières années. Le pari logistique a été tenu. Nous devons ce succès aux Français et, au-delà, aux 304 millions d'Européens qui se sont appropriés la monnaie unique, à ceux qui l'ont diffusée, à ceux qui ont préparé tous les publics, en particulier les plus fragiles. Vous devez en être félicités et remerciés. Dans les semaines qui viennent, nous serons vigilants, notamment sur la sécurité et sur les prix. De ce passage réussi, je tire en tous cas une conclusion nette : quand la réforme est préparée, expliquée et partenariale, les Français y adhèrent.
Une deuxième grande réforme concerne l'allégement et la réforme des impôts. En supprimant des impôts comme la vignette, en baissant l'impôt sur le revenu pour tous avec une accentuation pour les plus modestes, en baissant l'impôt sur les société avec un effort plus grand en direction des PME, en baissant la TVA et en réformant la taxe professionnelle et la taxe d'habitation, on supprime des contraintes, on partage de la croissance, on rend du pouvoir d'achat, de la capacité d'investissement et de la capacité d'embauche. Au moment où les salariés aux plus faibles revenus reçoivent un versement doublé de la Prime pour l'emploi, je tiens à insister sur le rôle de soutien au pouvoir d'achat des allégements fiscaux.
La troisième réforme importante est celle du code des marchés publics. Là encore, la concertation a prévalu avec les élus, les associations et les entreprises. Le texte est entré en application le 9 septembre 2001, il s'articule autour de quelques objectifs : la simplification et la clarification des procédures, la modernisation des règles et le rapprochement avec le droit communautaire ; la levée des obstacles administratifs qui gênaient l'accès des PME et des artisans aux marchés publics.
Une quatrième réforme importante concerne l'épargne salariale. 2002 sera l'année de l'appropriation par le plus grand nombre de salariés et d'entreprises des outils qui sont désormais à leur disposition. Nous voyons la montée en régime des négociations et des accords visant à conclure des plans d'épargne inter-entreprises et des plans partenariaux d'épargne salariale volontaire. Une campagne sera lancée dans les tout prochains jours pour inciter salariés et employeurs à entamer les discussions. Je sais que les organisations syndicales travaillent à organiser l'appui et le conseil des salariés. Je m'en réjouis.
Quant à la réforme du Minéfi lui-même, elle est illustrée d'abord par la nouvelle Constitution financière adoptée à l'été 2001. C'est une novation essentielle. Parce qu'elle substitue une culture de résultats à une logique de moyens, ce sera la colonne vertébrale de la réforme de l'État. Mais la réforme-modernisation concerne aujourd'hui l'ensemble des missions du ministère. L'accueil et le service aux entreprises est l'un de ses axes forts. Mise en place du réseau des services Mininfo pour les entreprises, création d'une nouvelle Direction des grandes entreprises au sein de la DGI, fusion des réseaux extérieurs de la Direction du Trésor et de la DREE au sein de missions économiques extérieures, développement de l'e-ministère - les innovations ne manquent pas. Elles devront être poursuivies.
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Mesdames et Messieurs, au printemps, les Français seront appelés à désigner le prochain Président de la République. Je n'évoquerai pas ici l'ensemble des enjeux, je m'arrêterai seulement et brièvement sur le rôle et la place de la politique économique dans le quinquennat qui vient, singulièrement concernant les missions d'un ministère qui a en charge le développement de l'économie et des technologies.
Le Minéfi doit être au service des entreprises. Disant cela, mon souci est de maintenir ou d'amener la compétitivité de nos entreprises au meilleur niveau, de favoriser toutes les formes de créativité et d'innovation, de renforcer l'attractivité de notre territoire. Cela passe par des choix macro-économiques adaptés, une vraie stratégie industrielle et des réformes qui concilient modernité économique, progrès social et pérennité écologique. Ces différents choix, nous avons commencé, parfois non sans résistances, de les opérer. Nous devrons les approfondir dans les années qui viennent en gardant toujours à l'esprit que, pour répartir la richesse, il faut d'abord la créer et que pour obtenir une baisse du chômage, il faut donner confiance à nos entrepreneurs, les inciter à investir, les rassurer sur leur environnement réglementaire et fiscal. J'en profite - l'actualité nous y invite - pour indiquer clairement, s'agissant de la lutte contre le blanchiment à laquelle je suis comme vous profondément attaché, qu'il faut que notre arsenal juridique s'adapte sans cesse aux évolutions économiques afin d'éviter le contournement des règles, mais qu'il faut aussi prendre en compte la réalité de nos transactions financières et ne pas aboutir à une paralysie. J'ai demandé à mes services, en liaison avec la Commission bancaire, d'agir très rapidement en ce sens. Je sais que la place de Paris et ses acteurs sont fortement mobilisés en ce sens et je leur renouvelle toute ma confiance.
Une deuxième forme d'action économique auquel doivent contribuer le Minéfi et, au-delà, l'ensemble des pouvoirs publics, c'est la coordination économique de l'Union européenne et de la zone Euro. 2001 l'a montré, nous profitons déjà du fédéralisme monétaire qui a accompagné l'euro : inflation basse et monnaie stable, taux d'intérêt venant soutenir la conjoncture, l'euro nous a prémunis contre certains des effets négatifs qui dans le passé accompagnaient les périodes de ralentissement. Afin d'aller plus loin dans le soutien à la croissance et dans le financement de l'innovation, nous devons nous doter progressivement d'un fédéralisme budgétaire. Pour cela, il faudra avancer en matière d'harmonisation fiscale et mutualiser certaines ressources.
Ce faisant, nous participerons à la construction d'une autre coordination économique que j'appelle de mes vux, celle de la globalisation. Dans l'intérêt même du bon fonctionnement de nos économies, dans celui de nos entreprises, nous avons besoin de politiques commerciales et de politiques de la concurrence conçues au niveau international, selon des règles fortes et transparentes. Nous avons besoin d'une architecture financière internationale qui sécurise l'environnement des acteurs économiques. Nous avons besoin d'un ensemble d'actions qui garantissent le développement durable de nos grands pays industrialisés et de l'ensemble de la planète, en réduisant la pauvreté. La France s'est engagée sur l'un des enjeux forts de la gouvernance mondiale : la lutte contre l'argent sale. Après le 11 septembre, nous avons marqué des points en obtenant un élargissement du mandat du GAFI. Je remettrai bientôt deux contributions françaises : l'une aux instances européennes sur la politique de la concurrence, car je pense qu'elle doit évoluer notamment pour mieux tenir compte de la réalité européenne et mondiale, l'autre sur le régime international des faillites des États, car nous devons apporter davantage de stabilité et de clarté dans ce secteur.
Mesdames et Messieurs, ces 3 formes de coordination dessinent les contours d'un État partenaire, d'un État volontaire, capable à la fois d'écoute et d'impulsion, décidé à jouer collectif avec l'ensemble de ses interlocuteurs, tant à l'échelle nationale que dans un cadre plus vaste. Jouer collectif pour faire gagner notre équipe de France : en cette année de mondial de football, d'élection présidentielle et, je l'espère, de rebond économique, c'est sur ce vu que je vous souhaite le meilleur pour 2002.
(Sources http://www.minefi.gouv.fr, le 17 janvier 2002)