Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, sur les mesures gouvernementales d'incitation à la création d'entreprise, Brest, le 28 mai 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assises de la création d'entreprise, à Brest, le 28 mai 1999

Texte intégral

C'est évidemment avec beaucoup de plaisir que je suis à Brest pour ces premières rencontres de la création d'entreprise. Merci à vous tous d'avoir répondu aussi nombreux à mon invitation.
A vrai dire, je me réjouis de votre mobilisation sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui, mais je n'en suis pas surprise.
En effet, je sais, pour avoir rencontré bon nombre d'entre vous, représentants de l'Etat, des Collectivités territoriales et des réseaux consulaires et plus largement vous tous acteurs de la vie économique locale, que vous placez les créateurs d'entreprise et leurs projets au tout premier rang de vos priorités d'action.
Soyez assurés, qu'en ce qui me concerne, la création d'entreprise, la création-reprise d'entreprise devrais-je préciser, est une de mes premières priorités.
Avant toute chose, je souhaite remercier chaleureusement les créateurs et candidats créateurs d'entreprises pour leur présence, ceux qui sont dans la salle bien sûr et plus encore, ceux qui vont participer aux deux tables rondes prévues sur cette estrade dans quelques instants.
Pourquoi ces rencontres de la création d'entreprise ?
Convaincu de l'impérieuse nécessité de soutenir la création d'entreprise, le gouvernement a engagé un ensemble d'actions destinées à enrayer la décrue continue du nombre des créations, constatée depuis le début des années 90.
Au début de cette année, avec Dominique Strauss Kahn, nous avons décidé d'organiser les Assises de la création d'entreprise afin de faire le point sur les mesures déjà entrées en vigueur et de les compléter pour accroître encore l'efficacité de notre dispositif.
Très rapidement, l'organisation de rencontres préparatoires en régions s'est imposé à moi comme une évidence. En effet, et j'aurai l'occasion d'y revenir, la réussite des mesures d'aide et d'accompagnement à la création d'entreprise passe clairement par des solutions mises en uvre au plus près du créateur.
C'est donc tout naturellement que j'ai souhaité organiser des rencontres dans trois régions qui me paraissent particulièrement exemplaires pour leurs initiatives en faveur des créateurs.
Brest est la première de ces rencontres. C'est à Lille dans un mois, puis dans le Sud-Est en septembre que nous poursuivrons le dialogue que nous entamons ensemble aujourd'hui.
J'aimerais maintenant revenir un instant sur le contexte de notre rencontre.
Les enquêtes de conjoncture montrent que les PME dans leur majorité se portent bien. J'ai la faiblesse d'y voir l'effet des choix de politique économique du Gouvernement qui donnent une vigueur, sans précédent depuis 25 ans, en particulier à la consommation des ménages. Cependant la création d'entreprise connaît une diminution sensible depuis plusieurs années. En 1998, 166.000 entreprises ont été crées alors qu'on en comptait 195.000 en 1990. Cette tendance est d'autant plus inquiétante qu'on ne la retrouve pas chez nos principaux partenaires européens. L'Angleterre et l'Italie créent beaucoup plus d'entreprises, l'Allemagne, légèrement plus.
A titre d'exemple, si nous avions la même densité entrepreneuriale qu'en Grande-Bretagne, nous compterions plus d'un million d'entreprises supplémentaires.
Au-delà de ces chiffres, la création d'entreprise est un élément essentiel de la croissance de notre économie. Elle permet d'explorer de nouvelles activités, de répondre à de nouveaux besoins et donc, de dessiner l'économie de demain.
Dans une économie de marché de plus en plus ouverte, il va de soi que si les opportunités ne sont pas saisies par des entreprises françaises, d'autres s'en chargeront à leur place.
Pour en terminer sur ce point, rappelons-nous que chaque année, ce sont près de 500 000 emplois qui sont générés par des entreprises nouvelles.
Dans ce contexte, notre objectif est on ne peut plus clair : inverser la tendance et réunir les conditions pour inciter ceux de nos concitoyens qui le souhaitent, à franchir le pas de la création d'entreprise.
Car ne nous y trompons pas, ce n'est pas le désir qui manque :
Les résultats d'un sondage APCE/IFOP réalisé en Mars 1998 montrent que plus de 2 millions de personnes âgées de 20 à 57 ans disent avoir l'intention de créer ou reprendre une entreprise. 1,2 million ont une idée précise du secteur d'activité dans lequel ils souhaitent créer.
L'écart entre les 166 000 créations de 1998 et ces chiffres nous invite à nous poser une question simple :
Que faire pour améliorer le " taux " de passage à l'acte ?
Je compte sur vos débats pour contribuer à identifier les vrais freins à la prise d'initiative. J'ai quelques idées sur la question et j'aimerais en particulier recueillir le sentiment des intervenants sur deux points très concrets :
Le cas du créateur qui échoue : dans quelle mesure la perte des droits à indemnisation du salarié démissionnaire pour créer une entreprise constitue-t-elle un frein ? Même si la question de l'assurance chômage des chefs d'entreprise est complexe, il me semble souhaitable que l'on puisse améliorer la situation du salarié qui crée et échoue.
Les cotisations sociales au démarrage : c'est une évidence, la montée en puissance de l'activité d'une entreprise est très progressive. Or, les cotisations sociales sont prélevées au démarrage de l'activité et sur une base forfaitaire qui s'avère la plupart du temps supérieure au revenu engrangé. Je crois que nous pourrions chercher à mieux adapter les modalités d'appel de ces cotisations.
Cette réflexion sur les conditions à mettre en uvre pour sécuriser la démarche du créateur ou du repreneur me semble essentielle.
Au-delà, le rôle des pouvoirs publics est de contribuer à créer un environnement qui favorise la naissance ou la reprise d'entreprise. Il est notamment de sa responsabilité de :
- simplifier les conditions de démarrage d'une activité,
- faciliter l'accès au financement,
- réduire, grâce à un accompagnement approprié des porteurs de projets, les risques d'échec des jeunes entreprises dont près d'une sur deux disparaît dans les 5 années qui suivent leur création,
- faire converger et faciliter la coordination de l'ensemble des initiatives en matière de création d'entreprises.
Les mesures prises dans ce sens depuis que j'ai pris mes fonctions sont déjà très significatives :
La simplification des formalités de création
Le temps est une denrée rare, particulièrement pour le créateur qui est le plus souvent seul à la barre pour s'occuper de tout. Tout ce que nous pourrons faire pour lui permettre de penser à ses futurs clients et fournisseurs plutôt qu'à ses imprimés et à ses bordereaux, nous devrons le faire.
Dès décembre 1997, plusieurs mesures ont été adoptées. Citons :
L'inscription au Registre du Commerce et des Sociétés, par le greffe du tribunal de commerce, en un jour franc ouvrable, sauf cas complexe à justifier par le greffe.
La refonte et simplification du dossier d'immatriculation, en fonction du type d'entreprise créée.
Pour les activités réglementées, le créateur pourra justifier la délivrance de l'autorisation sans accord préalable à l'immatriculation par le greffe, après démarrage de son activité.
La généralisation du dispositif de transmission télématique du dossier entre Centre de Formalités des Entreprises et organismes paritaires, pour en assurer le traitement rapide.
Le droit de s'installer, pour des activités de service ou de commerce, sans accueil de clientèle ni échange de marchandises, dans le local d'habitation (télétravail, etc.).
L'accompagnement des créateurs
Le gouvernement a fait un choix fondamental : celui de construire sa politique d'appui aux créateurs sur les acteurs d'accompagnement, l'Etat se positionnant en garant de la cohérence et de la convergence des initiatives. Je me réjouis des progrès spectaculaires accomplis en 1998 dans le développement de l'ensemble des réseaux : plate formes d'initiatives locales, délégation de l'ADIE, boutiques de gestion, clubs de créateurs, pépinières d'entreprises, et d'autres que j'oublie certainement, qu'ils m'en excusent.
Je tiens à souligner le travail de partenariat exemplaire accompli par les organismes consulaires - chambres des métiers et chambres de commerce et d'industrie - ainsi que les associations de développement local pour faciliter et participer à l'essor de ces réseaux.
Le maillage du territoire n'est pas achevé, mais je sais que les projets de création de nouvelles structures sont très nombreux et je suis désormais convaincue que dans un avenir désormais proche, la plupart des créateurs pourront s'adresser à un interlocuteur professionnel proche de leur domicile.
La proximité des réseaux d'accompagnement est fondamentale, car leur appui est indispensable non seulement en amont et pendant la création, mais aussi et peut-être surtout après la création.
L'augmentation de près de 50% du taux de survie des entreprises accompagnées par rapport à celles qui ne le sont pas suffit à prouver leur efficacité.
Vos débats d'aujourd'hui, ne devraient pas me contredire sur ces points.
Au-delà de cet indispensable maillage territorial, ce que j'appelle de mes vux aujourd'hui, c'est le maillage des outils financiers et j'en viens naturellement au problème récurrent de l'accès au financement des créateurs.
L'accès au financement
Je ne m'attarderai pas sur les réticences désormais bien connues des banques à financer par voie de crédit la création d'entreprise. Le coût du risque au stade de la création, d'une part, et de l'instruction des petits dossiers d'autre part font que leur intervention est toujours très aléatoire. C'est un état de fait.
Le capital-risque est lui aussi mal adapté pour la grande majorité des projets. Une précision à ce propos : chaque année, environ 130.000 entreprises voient le jour avec 36.000 Francs en moyenne seulement, et seules quelques milliers de créations nécessitent plus de 500.000 Francs qui constituent le seuil d'intervention de nombreuses sociétés de capital-risque.
Le crédit ou l'épargne de proximité sont de nature à répondre à de nombreux besoins. Il faut y travailler.
Des mesures prises telles que le crédit d'impôt pour les dons aux associations d'aide à la création d'entreprise doivent permettre de développer ces micro- crédits.
Il va de soi que ces mesures n'ont de sens que dans la perspective où des acteurs locaux tels que les banques solidaires ou les clubs d'épargne de proximité seront présentes pour les mettre en uvre.
Mais je reviens au maillage des outils financiers qui me tient particulièrement à cur.
Le gouvernement a décidé de confier l'instruction des aides aux jeunes créateurs et aux chômeurs créateurs, aux structures d'accompagnement qui auront été sélectionnées au niveau départemental. Voilà un bon exemple de maillage des outils : un interlocuteur, deux outils.
Il existe aussi des accords entre les opérateurs financiers et les structures d'accompagnement qui montrent le chemin à suivre.
Je ne retiendrai que celui de la délégation de l'engagement de la garantie SOFARIS aux plates-formes d'initiative locale pour la couverture des prêts d'honneur. Cette mesure permettra aux plates-formes de réaliser plus de prêts d'honneur, à dotation financière équivalente.
Nous sommes ici en présence d'un cercle vertueux qui offre, en plus, l'avantage remarquable d'inciter les banquiers à intervenir plus volontiers dans les tours de table de financement des projets.
Voilà typiquement le genre de mesures et d'initiatives que je souhaite, personnellement encourager et appuyer.
Je m'en tiendrai là pour l'instant, ce qui bien sûr n'épuise pas tous les volets de l'action gouvernementale en faveur de la création d'entreprise.
L'objectif premier est d'abord de vous écouter afin d'améliorer encore notre action.
Voilà, le décor est planté et il est temps de laisser la parole aux intervenants des tables rondes.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite de riches rencontres de la création d'entreprise.
(Source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 01 juin 1999)