Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur le projet de loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie, notamment sur la répartition de son financement entre l'Etat et les départements, au Sénat le 19 juin 2001.

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Circonstance : 2ème lecture du projet de loi relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), au Sénat le 19 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs
Je suis dans la situation quelque peu paradoxale d'ouvrir un débat qui n'aura peut-être pas lieu. Tel serait en effet le cas si une question préalable devait être votée.
Mais le plus grands paradoxe serait sans doute que le Sénat, de sa propre initiative, prenne le risque politique d'annuler les espaces de concertation encore existants, dans un débat si important pour l'avenir des départements.
Je veux le réaffirmer aujourd'hui simplement et sans effets : le gouvernement souhaite un vrai débat avec vous, et pourrait faire preuve d'ouverture sur des propositions cohérentes avec la philosophie de son projet.
Si la concertation est restée limitée en première lecture, en dépit de la qualité de nos échanges, c'est notamment parce que le choix tactique d'un contre-projet réécrivant totalement le texte du gouvernement bridait singulièrement les possibilités d'ouverture. Sur les dispositions financières en particulier, le choix d'un système radicalement différent, appuyé sur la D.G.F., ne laissait pas de champ pour une négociation véritable.
Dans un esprit très concret d'ouverture, je souhaite revenir sur trois points :
Premier point, la mise en uvre des concours versés aux départements par le Fonds de financement de l'A.P.A.
J'avais dit, à la fin de la première lecture au Sénat, que j'étais sensible à vos demandes de précision sur le jeu des mécanismes de péréquation ou de compensation, et que le gouvernement chercherait à vous apporter des réponses. Un amendement gouvernemental voté à l'Assemblée Nationale en seconde lecture permet de progresser dans trois directions importantes :
- l'abaissement d'un tiers du plafonnement de l'effort maximal à la charge du département ;
- l'institution d'une clause de sauvegarde spécifique pour les départements qui seraient confrontés à une montée en charge nettement plus rapide que la moyenne ;
- l'instauration d'une clause de rendez-vous avant la fin des deux premiers exercices, articulée avec le processus d'évaluation globale.
Par ailleurs, le gouvernement dépose au Sénat un amendement inscrivant dans la loi la pondération entre les critères socio-démographiques. Il a retenu une hypothèse pondérant à 70 % le poids démographique des personnes âgées, à 25 % le potentiel fiscal et à 5 % le poids des bénéficiaires du RMI, hypothèse la plus favorable aux départements à forte population âgée et à potentiel fiscal faible ou moyen. Les onze départements à plus forte population âgée, qui représentent 5,5 % de la population globale, recevront 10,5 % des dotations. Les dix départements présentant le plus faible potentiel fiscal, qui représentent 4,39 % de la population globale, recevront 8 % des dotations du fonds. Il est difficile, mesdames et messieurs les Sénateurs, d'aller plus loin dans la redistribution au profit des départements pauvres à forte densité de personnes âgées.
Un deuxième point a trait aux assurances que le gouvernement a été pressé de donner sur un taux minimum de participation de la solidarité nationale au financement de l'A.P.A.
Tous d'abord, soyons clairs sur l'essentiel : c'est l'initialisation qui exige les règles du jeu les plus détaillées, puisque pendant cette période nous ne pourrons pas raisonner, avec le recul suffisant, en termes de dépenses réelles constatées, Notre ciblage macro-économique - 16,5 milliards à l'horizon 2003 - est à la fois volontariste et cohérent, et nous avons prévu des 2002 les moyens d'une compensation par la solidarité nationale du tiers de la dépense totale, assise sur des ressources dynamiques. L'affectation de 0,10 point de C.S.G., autorise à structure constante un bonus de 200 à 250 millions par an.
Après ces deux exercices initiaux, dans la période dite de croisière, nous pourrons nous appuyer solidement sur l'évolution des dépenses constatées, en fonction de règles de compensation que le rendez-vous inscrit dans la loi, avant la fin de l'exercice 2003, aura permis d'ajuster, si du moins le besoin s'en fait sentir.
On nous demande pourtant - Madame Elizabeth GUIGOU et moi même avons bien entendu les propositions de l'Association des Départements de France lorsque nous l'avons reçue - un engagement à long terme, une clause automatique de financement minimal comparable à ce qui caractérisait les financements croisés dans l'ancienne aide sociale.
On nous demande notamment un prise en charge partagée par moitié : 50 % pour les départements, 50 % pour la solidarité nationale. J'ai envie de répondre qu'un partage cinquante-cinquante appellerait une cogestion de l'ensemble du dispositif, solution que le gouvernement n'a pas retenue et que de très nombreux présidents de conseils généraux récuseraient.
Nous comprenons les préoccupations exprimées mais je crois qu'il serait hasardeux de figer des modalités de cet ordre à cinq ou dix ans. Nous avons accepté dans la loi un grand niveau de précision pour la période initiale, nous avons renforcé les clauses de redistribution ou de sauvegarde, mais nous ne pouvons valablement disposer pour le long terme qu' après avoir connu l'épreuve des faits.
Sur ce type de sujets la meilleure garantie est d'abord politique, et vous l'avez déjà dans le texte sous la forme de la clause de rendez-vous spécifique. Le gouvernement d'alors ne pourra, vous le savez bien, assurer moins que ce que le gouvernement d'aujourd'hui tient, c'est à dire une compensation au moins égale au tiers de la dépense totale.
D'ores et déjà, j'ai proposé à l'Association des départements de France une concertation sur la méthode, afin que nous puissions dès la fin de cette année commencer à préparer ce rendez-vous de 2003.
J'en viens maintenant au troisième point, peut être le plus crucial, celui de la commission départementale instituée auprès du Président du Conseil Général.
J'ai bien compris la position des présidents de conseils généraux sur cette question. J'ai revu une délégation de l'ADF ce matin, et je sais l'importance qui s'attache à ce point.
J'ai entendu les arguments politiques selon lesquels le collectivité qui financerait la majeure partie de la dépense ne peut avoir compétence liée. J'ai entendu les arguments techniques sur les risques d'engorgement ou d'embouteillage des commissions, d'abord préjudiciables aux demandeurs.
Le gouvernement fait preuve d'ouverture. Avec son accord, 0 l'Assemblée nationale en 2ème lecture, a supprimé la participation à la commission, sans voix délibérative, d'un représentant de l'Etat.
Le gouvernement dépose, aujourd'hui devant vous, un amendement qui remplace les mots "sur proposition", dans la phrase "l'allocation personnalisée d'autonomie est accordée par décision du président du conseil général et servie par le département sur proposition d'une commission", par les mots "après avis". La compétence n'est plus liée, le caractère consultatif de la commission est affirmée.
Il serait regrettable de fermer ce débat par l'adoption d'une question préalable. Ne serait-ce que sur ce point, le débat mériterait d'être mené à son terme normal.
Je voudrait vous redire une fois encore pourquoi le gouvernement est attaché à l'existence d'une commission de ce type. Elle est souhaitable pour deux raisons très fortes :
- la première, c'est qu'il paraît indispensable de disposer d'une instance de régulation associant aux élus et techniciens du département les représentants des autres parties prenantes au processus d'instruction des demandes, et notamment les organismes de protection sociale ;
- la seconde, c'est que pour une prestation nouvelle, personnalisée, que nous sommes en train de bâtir ensemble, nous aurons besoin d'un regard collégial sur des décisions individuelles sensibles. Je pense aux révisions ou aux suspensions de droits, où aux cas pour lesquels l'équipe médico-sociale aurait besoin d'une instance d'interprétation. Dans ce type de cas, l'intervention d'une commission constitue une garantie pour l'ayant droit, mais aussi une sécurité pour les décideurs.
Voilà quelle est l'utilité de cette commission, voilà quels sont les points auxquels le gouvernement ne souhaiterait pas renoncer s'il y a débat. S'il devait y avoir discussion, je l'aborderai de manière ouverte, avec en tête l'idée de modalités de fonctionnement souples, dans l'intérêt même des usagers.
En tout état de cause, c'est dans cet esprit pragmatique que le gouvernement continuera sur le terrain réglementaire la concertation amorcée avec l'Association des départements de France.
Au moment de conclure cette intervention, j'ai envie de vous dire que les personnes âgées ou les familles qui pourraient suivre nos échanges risquent de ne rien y comprendre. Nous sommes d'accord, du moins je l'espère, sur beaucoup de choses : l'urgence d'une réforme, l'idée d'un droit objectif et universel à gestion décentralisée. Sur certains sujets encore en suspens, j'ai l'impression qu'il s'en faudrait de peu pour que les positions s'harmonisent.
Pensons à la longue patience des personnes âgées et de leurs proches. Une réforme aussi importante pour la vie de centaines de milliers de français mérite, je le pense, un débat approfondi et constructif.


(source http://www.social.gouv.fr, le 3 janvier 2002)