Texte intégral
Je suis ravie que nous puissions nous voir aujourd'hui et je vous remercie d'être présent un 16 juillet.
Nous avons deux points à notre ordre du jour: préparer la campagne de communication sur la contraception qui sera prochainement réalisée et avoir un débat sur les propositions des rapports des Professeurs Nisand et Uzan afin de garantir les droits à la contraception et à l'IVG.
Si la contraception est aujourd'hui largement répandue en France et si l'IVG est pratiquée sans d'ailleurs être banalisée, nous savons que des risques pèsent pour préserver ces droits et que nous devons agir pour les rendre toujours plus effectifs.
Il est en effet de la responsabilité des pouvoirs publics d'assurer un recours effectif à la contraception et à l'IVG depuis que le législateur a inscrit ces deux avancées sociales majeures dans le droit. L'action de l'Etat, qui doit, en ce domaine, respecter les choix de vie des personnes et écarter toute démarche normative s'inscrit dans une triple dynamique.
- Faire progresser les droits des femmes en leur donnant les moyens de leur autonomie, leur liberté et leur responsabilisation en matière de maîtrise des naissances.
La contraception et l'accès à l'interruption volontaire de grossesse ont en effet profondément modifié les droits des femmes et notre société dans son ensemble. Ces droits ont été conquis il y a près de trente ans, grâce au combat des associations féministes et féminines, et je souhaite leur rendre hommage. La mobilisation qu'elles ont su organiser à tous les niveaux de la société a permis à notre pays de se doter d'une législation moderne, accompagnant l'évolution des hommes et des femmes qui la composent.
Je pense bien sûr au fameux manifeste dit des 343, publié le 5 avril 1971, par lequel de nombreuses femmes célèbres (S. De Beauvoir, G. Halimi, M. Duras, J. Moreau...) et anonymes ont revendiqué publiquement le droit à l'avortement ; je pense aussi au travail contre l'ignorance et les tabous mené par des associations comme le mouvement pour le planning familial.
Je pense enfin au courage des femmes et des hommes politiques qui ont soutenu cette transformation de notre société. Je n'en citerai que deux : Lucien Newirth, à qui nous devons la loi sur la contraception, et Simone Veil à qui nous devons la loi sur l'IVG.
Tous deux ont marqué notre histoire et en particulier l'histoire des femmes.
- Améliorer la Santé Publique en s'attachant à éviter que ne soient pris des risques sanitaires lors de relations sexuelles. Cette dimension a fondé le socle de l'intervention des pouvoirs publics en matière de lutte contre le sida. Elle justifie également une action volontariste pour prévenir les grossesses non désirées chez les adolescentes, dont on sait combien elles peuvent hypothéquer leur avenir. Ainsi, tout doit être fait pour faciliter l'information et l'accès à la contraception; mais il convient également d'améliorer les conditions de recours, en dernier ressort, à l'IVG qui constitue un progrès majeur de la santé publique qui a permis, faut-il le rappeler, d'obtenir une chute spectaculaire des complications et des décès liés aux avortements.
- Garantir une égalité d'accès à l'information et aux moyens de contraception et une prise en charge de qualité en matière d'IVG.
- L'Etat doit notamment lutter contre les inégalités sociales en matière de contraception et d'IVG. Or il faut bien constater que depuis plusieurs années, la contraception et l'IVG n'ont pas été au premier plan de la communication et de l'action publique, laissant ainsi un vide se créer et les inégalités se renforcer. L'excellent rapport du Pr Nisand a montré qu'il y avait d'une part un recul dans l'information sur la contraception et que d'autre part l'accès à l'IVG restait difficile dans les faits. Dans un domaine où les avancées sociales ne sont jamais totalement consolidées, il nous faut réaffirmer sans cesse la liberté d'accès aux droits et la qualité des prestations pour ne pas laisser place à une quelconque remise en cause des acquis de la loi de 1975.
C'est cette démarche et ces convictions qui conduisent aujourd'hui le gouvernement à vous présenter un plan d'information et d'action destiné à assurer un exercice effectif du droit à la contraception et à l'avortement. Car si d'importants progrès peuvent être réalisés en matière d'accès à la contraception afin de réduire le nombre d'avortements (la contraception d'urgence devrait ainsi avoir un impact significatif) le droit à l'IVG, qui est le dernier recours lorsque la contraception a échoué, est un droit fondamental pour les femmes dont il convient d'améliorer l'affectivité sur l'ensemble du territoire, en mobilisant notamment le service public hospitalier.
Ce plan s'articule autour de deux axes :
1. Mieux informer pour mieux maîtriser la contraception.
- Conduire une vaste campagne de communication sur la contraception.
- Permettre une mobilisation des associations, des professionnels du secteur sanitaire
et social et de l'Education Nationale.
- Mettre à disposition la contraception d'urgence.
2. Garantir le droit à l'IVG.
- Prévenir l'IVG.
- Améliorer l'application de la loi de 1975.
- Garantir l'accès à l'IVG à l'hôpital et notamment à l'hôpital public.
PARTIE I: Mieux informer pour mieux maîtriser la contraception au quotidien
I. La campagne de communication sur la contraception
A. Contexte
Le lancement d'une nouvelle campagne sur la contraception s'impose aujourd'hui:
Il n'y a pas eu de communication publique sur ce sujet depuis 1992, date à laquelle le secrétariat d'Etat au droit des femmes avait réalisé une campagne ciblée sur les jeunes intitulée : "la contraception ça devient simple quand on en parle". Cette campagne traitait à la fois de la contraception et de la prévention sida, et mettait principalement l'accent sur le préservatif. La dernière campagne grand public exclusivement centrée sur la contraception ("la contraception est un droit fondamental") remonte aux années 1981-82.
Plusieurs éléments nous montrent que la contraception, si elle est largement répandue dans notre pays, souffre encore d'un manque d'information et doit s'appuyer sur l'ensemble des moyens désormais disponibles:
La France se trouve dans une situation paradoxale où le nombre de femmes sous contraception est parmi le plus élevé des pays européens mais où subsiste un taux d'IVG stable et important (environ 220 000 pour 730 000 naissances par an) même s'il est moins élevé qu'en 1975. D'après le rapport Nisand, chaque femme connaît dans sa vie, en moyenne, une grossesse accidentelle. Une fois sur deux elle décide de l'interrompre. Surtout, le nombre de grossesses non désirées et d'IVG chez les adolescentes reste élevé (près de 10 000 grossesses non désirées d'après le rapport Uzan, plus d'une sur deux entraînant un avortement). Une meilleure connaissance et une meilleure utilisation des moyens de contraception doit permettre d'éviter une telle situation.
Si l'INED juge que globalement la contraception féminine est généralisée, deux problèmes persistent :
- celui des premières relations sexuelles sans aucune contraception,
- celui de la maîtrise sur le long terme de la contraception ("oublis de contraception").
Il existe un consensus sur le fait qu'il y a aujourd'hui non seulement une mauvaise connaissance des structures d'information et de consultation par les jeunes mais aussi un déficit de coordination des structures assurant l'information et l'orientation ainsi qu'une absence de documents d'information spécifiques pour cette population. Il y a parallèlement la persistance, chez les jeunes, d'un grand nombre d'interrogations sur la sexualité et la contraception.
En matière de contraception, les inégalités sociales sont manifestes : il y a un moindre accès des jeunes d'origine plus modeste à l'information et aux méthodes contraceptives qui entraîne un taux de grossesses non désirées et un recours à l'IVG plus fréquents. De même, il apparaît que le taux de recours à la pilule est lié au niveau d'éducation et d'insertion sociale.
Enfin, l'arrivée de la contraception d'urgence sur le marché français justifie un accompagnement et des messages d'information adaptés.
Le gouvernement a donc décidé que cette année, une campagne réaffirmerait l'importance de la contraception, en l'associant à des valeurs de liberté, de choix de vie, de responsabilité et d'épanouissement personnel. Le principal message de la campagne de communication de l'automne 99 sera d'intégrer la contraception dans la vie quotidienne et de présenter de manière objective l'ensemble des moyens de contraception.
Je souhaiterais d'emblée préciser qu'il ne s'agit en aucun cas d'introduire une concurrence entre un message contraception et un message sida, voire d'opposer ces deux sujets, en jouant, par exemple, la pilule contre le préservatif.
Très logiquement en effet, les pouvoirs publics ont mis l'accent depuis plusieurs années, en matière de communication, sur la prévention du sida et la promotion du préservatif. Cette priorité est une nécessité absolue en Santé Publique pour améliorer l'image, l'acceptabilité et l'usage de ce moyen de prévention qui est le seul à protéger à la fois des maladies transmissibles et du risque de conception non désirée. Cette double vocation du préservatif doit être réaffirmée avec constance et les campagnes de communication sur le sida comme celle sur la contraception s'y emploieront. Je vous informe d'ailleurs que la campagne d'été de prévention du sida débutera dès le 19 juillet sur les chaînes de télévision.
L'apport essentiel de la campagne en faveur de la contraception, à la rentrée 1999, sera de réaffirmer les avancées en matière de droit des femmes. Contrairement au choix effectué en 1992, le préservatif ne sera pas privilégié mais replacé dans le contexte plus large de la gamme des moyens de contraception et la campagne rappellera que l'éventualité d'une grossesse est une donnée qui doit être maîtrisée. Les Etats Généraux de la Santé nous ont apporté la confirmation que chacun souhaitait être acteur et responsable en matière de contraception. La campagne insistera sur ce point en expliquant qu'il revient à chacun, en fonction de sa situation personnelle, de choisir la contraception qu'il juge la plus adaptée.
B. Le cadre de la campagne de communication
Le cahier des charges de la campagne a été transmis en décembre 1998 aux agences ayant candidatées pour l'appel d'offres, sur la base des recommandations du "Comité d'orientation pour la campagne de communication sur la contraception".
Il donne un cadre précis pour la réalisation de cette campagne:
Quatre objectifs
- réaffirmer l'importance de la contraception en l'associant à des valeurs positives (liberté, protection, responsabilité), sans culpabiliser les femmes en "échec de contraception",
- lever les freins à l'utilisation de la contraception liés à certaines peurs ou "à priori" non fondés,
- améliorer et développer l'information sur les différents modes de contraception existants sans fixer un cadre normatif ni promouvoir un moyen privilégié. La connaissance de l'ensemble des moyens existants doit favoriser les choix individuels,
- favoriser l'accès à l'information par une meilleure connaissance des lieux, des structures et des points d'accueil où il est possible de se procurer de l'information ou un moyen de contraception.
Le coeur de cible de la campagne est le grand public, avec des déclinaisons pour les différents publics prioritaires, notamment les jeunes et les femmes ayant une mauvaise maîtrise de leur contraception.
Je souhaite que la campagne ait une tonalité informative, éducative, compréhensible par tous pour présenter la "palette" la plus large possible des moyens disponibles. Il ne s'agit pas de privilégier un moyen de contraception plus qu'un autre, mais de présenter le choix d'une contraception en fonction de l'âge, de la situation, des souhaits permettant une meilleure adhésion au principe même de la contraception.
C. Les propositions de l'agence BDDP
L'agence BDDP a été retenue, parmi cinq candidats, par la commission d'appel d'offres pour réaliser, à partir d'octobre 1999, une campagne de communication média et hors média dotée de 20 millions de francs.
L'agence doit s'attacher à s'adresser à la fois aux différents publics en fonction de leurs spécificités et de trouver un message fédérateur qui rassemble le grand public.
La campagne est conçue en deux temps.
Une campagne de communication télévisée qui réaffirme l'importance de la contraception.
Une campagne d'information qui sensibilise aux différents modes de contraception.
Elle comporte des actions médias et hors médias.
Les actions médias reposeront:
- sur la diffusion d'un spot TV de 30" pour le grand public et d'un spot de 20" pour des publics cibles (notamment les jeunes) qui rappelle le N° de téléphone de la plate-forme téléphonique,
- sur la diffusion de messages radio et la publication d'encarts presse.
Les actions hors médias seront principalement constituées :
- de la mise en place d'un service d'information par téléphone (numéro indigo), dès le lancement de la campagne et jusqu'à la fin 2000. Il permettra d'apporter des informations "techniques", et de renvoyer vers des structures d'informations, telles les associations...
- de la réalisation d'une brochure qui condensera l'information sur la contraception sans tomber dans le discours encyclopédique ou scientifique (Format "carte Z". De la taille d'une carte téléphonique, le support se déploie comme une carte routière.).
II. La mobilisation des associations, des professionnels du secteur sanitaire et social et de l'Education nationale
Un grand nombre de partenaires seront, vous le savez, associés à cette campagne pour qu'elle puisse atteindre tous ses objectifs :
- Les acteurs de terrain : associations, structures spécialisées dans l'accueil des jeunes, centres d'informations sur la contraception, mutuelles, PMI, CAF et professionnels de la santé.
- Les DDASS.
- L'Education Nationale (Collèges et Lycées).
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité qu'un comité de pilotage rassemblant tous ces acteurs puisse accompagner, dès l'amont, la préparation et le déroulement de cette campagne. Il appartient en effet aux membres de ce groupe de contribuer à la réalisation et à la réussite de cette campagne en relayant au plus près des publics concernés les messages et les outils qui seront élaborés.
Vous savez que le Ministère de l'éducation nationale et en particulier la ministre déléguée à l'enseignement scolaire effectuent un important travail pour améliorer l'éducation sexuelle et l'information sur la contraception dans les collèges et les lycées.
Lors de sa récente communication en conseil des ministres sur l'égalité entre les femmes et les hommes, Nicole Péry a ainsi indiqué que l'éducation sexuelle serait réorientée vers l'éducation au comportement, vers la lutte contre toutes les formes de violence subies par les femmes ainsi que vers la notion de parentalité. De même, la redéfinition du rôle des infirmières scolaires devrait permettre de renforcer l'écoute des jeunes filles et de mieux les informer sur la maîtrise de leur corps et sur la lutte contre les comportements sexistes.
Ce programme permettra d'améliorer l'accès à l'information et aux moyens de contraception et notamment d'apporter une réponse adaptée aux préconisations du rapport Uzan qui a montré la nécessité d'une véritable mobilisation en matière de prévention des grossesses non désirées chez les adolescentes
III. La contraception d'urgence
La contraception d'urgence est désormais disponible et c'est un progrès considérable. Vous savez que l'on peut se procurer ce médicament à la fois sur ordonnance (Tétragynon, depuis janvier 1999) et sans ordonnance (Norlevo depuis juin 1999). Il s'agit là d'un évènement majeur, susceptible de modifier profondément les comportements des femmes, qu'il convient d'accompagner.
Cette pilule devrait en effet intéresser au premier chef les femmes qui ont des rapports occasionnels : notamment les très jeunes femmes n'ayant pas encore de vie sexuelle régulière mais aussi celles qui ne rencontrent pas la nécessité d'une contraception orale régulière.
Cette contraception " du lendemain", doit garder, de façon générale, le caractère exceptionnel qui la justifie. Pour les femmes ayant une vie sexuelle, elle permet de pallier une absence accidentelle de contraception. Elle est l'occasion d'une prise de conscience sur la nécessité d'anticiper les situations et de choisir une contraception régulière pour acquérir une véritable autonomie. En aucun cas elle ne doit se banaliser et devenir une méthode de contraception classique.
Les médecins, les pharmaciens mais également l'ensemble des professionnels du secteur sanitaire et social auront donc un rôle de conseil et d'orientation déterminant pour les femmes qui voudront se renseigner ou se procurer ces pilule du lendemain.
De même, la campagne de communication s'attachera à présenter ce nouveau moyen au grand public tout en lui conférant un statut particulier qu'il ne doit pas abandonner: la contraception d'urgence est un moyen de gestion d'un échec de contraception
Ce plan d'information et d'action doit permettre de favoriser la maîtrise de la contraception dans notre pays afin de permettre aux femmes et aux couples d'avoir une meilleure connaissance de ce sujet, un accès facilité à des structures mieux identifiées et une égalité d'accès à tous les moyens de contraception afin d'aborder dans les meilleures conditions la décision d'avoir des enfants et de fonder une famille. Cette meilleure appropriation de la contraception doit notamment permettre d'éviter le terrible désarroi d'une grossesse non désirée ou non assumée, notamment chez les jeunes adolescentes, ou encore le traumatisme d'un avortement. Je pense notamment que nous pouvons réduire en France le nombre de grossesses non désirées chez les adolescentes ainsi que le nombre d'IVG qui reste élevé. Mais je suis également convaincue que ce droit à l'IVG qui est un dernier recours quand la contraception a échoué, reste indispensable pour nombre de femmes placées dans une situation terriblement difficile. Je rejoins le Pr Nisand lorsqu'il affirme qu'il ne faut en aucun cas opposer contraception et avortement. Le rôle des pouvoirs publics est de tout mettre en oeuvre pour que les femmes qui le décident puissent y avoir accès dans les meilleures conditions de délais, de qualité et de dignité.
PARTIE II: Garantir le droit à l'IVG
Le Pr Nisand a réalisé à la demande de Bernard Kouchner et de moi-même un rapport sur l'IVG en France dont la qualité a été unanimement appréciée. Je tiens à remercier de nouveau, ici, I. Nisand pour sa collaboration et lui renouveler tout mon soutien alors que des menaces ont été proférées à l'encontre de sa personne. Il n'est pas acceptable que l'on puisse aujourd'hui encore être insulté ou menacé pour le seul fait d'avoir défendu ce formidable acquis qu'est le droit d'accès à l'IVG.
Le rapport du Pr Nisand réalise un état des lieux indispensable sur les conditions d'accès et les pratiques de l'IVG, près de 25 ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 1975.
Il rappelle que l'IVG constitue un droit qui n'a pas entraîné la banalisation de l'avortement dans notre pays. Il souligne que ce droit à l'IVG reste indispensable, même si des avancées peuvent être réalisées en matière d'accès à la contraception. Nous n'accepterons pas que ce droit soit remis en cause dans les faits par des pressions et a fortiori par des menaces.
Il montre enfin que si globalement, la loi de 1975 est bien appliquée en France, des inégalités d'accès à l'IVG subsistent encore compte tenu d'une réponse parfois insuffisante du service public et des difficultés particulières qu'éprouvent certaines femmes à exercer cette liberté.
Le Pr. Nisand formule de nombreuses propositions en conclusion de son rapport pour améliorer l'accès à l'IVG dans notre pays. Certaines de ces propositions revêtent une importance particulière car elles impliquent une modification de la loi de 1975.
Deux de ces propositions doivent être particulièrement soulignées.
Je pense tout d'abord à la proposition du Professeur Nisand qui concerne les mineures. Il faudrait, dit-il, en arriver à affirmer un droit propre de la jeune fille d'accès à l'IVG en lui garantissant la confidentialité de sa décision par rapport à ses parents.
C'est un sujet qui me tient à coeur. Car même si elles ne sont pas nombreuses, il me paraît que nous ne pouvons pas laisser sans rien faire pour les aider ces quelques mineures en situation d'immense solitude et détresse face à une grossesse qu'elles ne désirent pas, mais qu'elles n'osent pas avouer à leurs parents, et dont elles savent pertinemment que s'ils en accepteront mal l'annonce, ils ne toléreront pas l'idée d'une IVG.
Les arguments que développe le Pr. Nisand doivent être entendus:
- il y a contradiction manifeste à considérer une mineure qui accouche comme suffisamment adulte pour détenir l'autorité parentale sur son enfant et insuffisamment pour décider elle-même de l'IVG ;
- il est difficile d'admettre qu'en cas d'échec de la contraception, une mineure soit davantage pénalisée qu'une adulte ;
- cette mesure viserait à protéger les mineures que je viens d'évoquer devant vous : celles qui évoluent dans un contexte familial où l'annonce d'une grossesse est irrecevable sans mettre en danger la jeune fille (risques de maltraitance psychologique, voire physique, pouvant conduire jusqu'à des conduites suicidaires) ;
- le recours possible dans ces cas aux juges pour enfants ne peut être la seule solution, car la position peut varier d'un juge à l'autre.
Je pense également à la question de l'allongement du délai légal de recours à l'IVG. Je constate en effet qu'il n'existe aucun obstacle, en terme de sécurité médicale, pour que des IVG puissent être réalisés jusqu'à 12 semaines de grossesse. D'ailleurs, la comparaison des législations européennes montre que c'est le délai retenu par la majorité de nos voisins. Enfin, nous ne pouvons pas ignorer que de nombreuses femmes (5 000 par an selon le Pr. Nisand) quittent encore la France pour réaliser à l'étranger une IVG hors délai légal.
Sur ces deux sujets notamment, le gouvernement n'écarte pas a priori la question d'un nouveau débat sur la loi de 1975 mais il estime qu'il faut d'abord se donner les moyens d'aller au bout des possibilités qu'offre le droit existant :
Il faut d'une part renforcer l'information sur la contraception, garantir une véritable égalité d'accès à l'ensemble des moyens de contraception et mesurer l'impact de la pilule du lendemain. Il me semble ainsi que les jeunes filles mineures sont celles à qui va s'adresser en premier lieu la campagne de prévention des grossesses non désirées et d'information sur la contraception que nous allons mettre en place ; qu'elles devraient être celles auxquels nos relais sur le terrain et particulièrement dans les établissements scolaires devront être le plus attentifs.
- Il faut d'autre part aller au bout de l'application de la loi de 1975, et le rapport du Pr Nisand formule d'importantes recommandations dont j'entends assurer l'application effective pour obtenir une meilleure réponse, notamment de la part du service public hospitalier.
Je suis d'ailleurs résolument optimiste sur la capacité du système hospitalier et de l'ensemble des acteurs de santé à détecter les femmes isolées en situation difficile, à raccourcir les délais de prise en charge des patientes et à réduire dans des proportions significatives ce taux de déplacement à l'étranger.
Nous ferons le point d'ici un an pour évaluer l'impact de cette mobilisation.
Mais si il s'avère que le dispositif d'information, de prévention et d'amélioration du recours à l'IVG est insuffisant, je serais personnellement favorable à ce que nous ouvrions un large débat de société pouvant conduire à une modification de la loi.
1. La priorité est à la prévention de l'IVG
Du rapport Nisand, je retiens d'abord le message principal qui conforte absolument ce que je pense : la priorité est à la prévention des IVG.
Notre souci est bien que l'interruption volontaire de grossesse reste pour les femmes un geste exceptionnel, auquel elles ne recourent qu'en dernière extrémité.
C'est du reste bien ainsi qu'elles le conçoivent, nous dit le Professeur Nisand dans son rapport: "Pour la très grande majorité des femmes, le recours à l'avortement est accidentel et unique. L'IVG en France ne s'est pas substituée à la contraception".
Il nous faut continuer de travailler en amont, faire en sorte que les femmes aient de moins en moins souvent besoin d'y recourir, en développant, nous l'avons dit, encore davantage qu'aujourd'hui, l'utilisation de la contraception.
2. Améliorer l'application de la loi de 1975
Je retiens aussi des conclusions du Professeur Nisand que nous avons encore fort à faire pour améliorer la mise en oeuvre effective des acquis de la loi de 1975 qui consacre le droit des femmes à l'IVG.
En effet, il est absolument anormal que l'accès à l'IVG reste encore souvent pour les femmes de notre pays une course d'obstacles, alors que nous avons collectivement décidé d'en faire un droit par voie législative il y a plus d'un quart de siècle. Pour y parvenir le programme retenu se propose:
- De renforcer l'information.
Il faut que les femmes sachent où s'informer lorsqu'elles ont besoin d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse.
Il faut qu'il y ait un lieu où soit centralisée l'information, par région probablement, et nous demanderons aux commissions régionales de la naissance, de veiller à ce que soit mise en place par région une structure capable de renseigner les femmes sur les dispositifs existant en matière d'IVG, de les accompagner dans leur démarche, et de les aider à faire un choix entre les différentes méthodes qui peuvent leur être proposées : IVG médicamenteuse ou chirurgicale, anesthésie locale ou anesthésie générale. J'insiste sur ce point car le premier droit des patients, notamment dans un domaine aussi difficile que celui des IVG, consiste à avoir les explications adaptées et la possibilité de choisir parmi ces différentes méthodes. Je veillerai donc à ce que les hôpitaux puissent répondre à chaque demande de RU 486.
En attendant que se mettent en place ces lieux d'information par région, ce sera l'un des rôles de la plate-forme téléphonique que nous allons ouvrir pendant un an dans le cadre de notre prochaine campagne de communication, que de donner aux femmes ces informations.
- De permettre la généralisation de l'accès aux soins pour les femmes sans couverture sociale.
Vous savez que ces femmes auront une couverture sociale de droit commun grâce à la loi portant création de la Couverture Maladie Universelle qui vient d'être adoptée par le Parlement. J'ajoute d'ailleurs que cette loi, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2000 permettra aux femmes qui le souhaitent d'avoir dès 16 ans une carte de sécurité sociale autonome et, pour celles dont les ressources sont limitées, un remboursement à 100 % de leurs soins de santé (consultation gratuite mais aussi remboursement total des pilules prises en charges par la sécurité sociale)
- De mieux former les soignants à ce que représente l'IVG pour les femmes pour mieux les accueillir et les prendre en charge.
Des modules de formation continue à l'IVG doivent être organisés pour les médecins ainsi que pour les autres soignants, auxquels doivent contribuer en bonne place notamment les associations actives en matière de planning familial. Par ailleurs, le Professeur Nisand suggère d'ajouter un enseignement théorique au cours du deuxième cycle de la formation initiale des étudiants en médecine sur l'orthogénie et les questions éthiques, juridiques, sociales et médicales qu'elle soulève. Ce type d'enseignement est parfaitement cohérent avec la réforme annoncée des études médicales qui vise, je vous le rappelle, à réorganiser l'enseignement de façon à davantage favoriser une approche globale de la personne malade et à insérer dans le cursus de formation notamment des notions d'éthique et de santé publique, désormais indispensables à l'exercice médical. Nous veillerons donc avec le Ministre de l'Education Nationale à faire en sorte que les nouvelles directives faites aux doyens dans le cadre de l'application de cette réforme abordent ce sujet de la formation des jeunes étudiants à ce qu'est l'orthogénie.
- De mettre au point un référentiel d'évaluation propre à l'IVG et le diffuser pour améliorer la qualité de la pratique, depuis l'accueil des femmes jusqu'à leur sortie de la structure d'orthogénie.
Nous avons déjà demandé à l'ANAES de travailler sur ces propositions avec les sociétés savantes, les associations impliquées dans ce domaine ainsi que les représentants ou les représentantes des usagers du système de santé.
3. Garantir l'accès à l'IVG à l'hôpital et notamment à l'hôpital public
Il n'est pas normal que dans certains endroits, encore beaucoup trop nombreux à la lecture du rapport Nisand, l'on refuse ou l'on fasse attendre des femmes, au risque d'allonger excessivement les délais d'accès à l'IVG, au motif que les capacités d'accueil sont insuffisantes ou que telle ou telle méthode n'est pas disponible : le RU 486 par exemple. Il n'est pas normal non plus que la continuité du dispositif hospitalier ne soit pas assurée parce que c'est l'été, qu'il n'y a qu'un seul médecin dans l'hôpital chargé de réaliser les IVG, et qu'il est parti en vacances.
Il nous faut ensemble avec le directeur des hôpitaux, les directeurs des agences régionales d'hospitalisation et les différents établissements concernés améliorer rapidement cette situation.
Pour cela:
- Je vais demander que soit rappelée aux hôpitaux publics l'impérieuse obligation de continuité du service public dans ce domaine : ils devront nous répondre sur la manière dont ils ont l'intention de s'organiser en pratique pour assurer cette continuité, au besoin en mettant en place des réseaux avec leurs voisins hospitaliers publics ou privés.
- Les agences régionales d'hospitalisation devront intégrer le bon fonctionnement et notamment la suffisante accessibilité de la structure d'orthogénie dans les contrats d'objectifs et de moyens qu'ils signent avec les établissements, à chaque fois que ceux-ci disposent d'un service de gynéco-obstétrique ou d'un CIVG.
- Les hôpitaux publics devront intégrer cette activité d'orthogénie dans leur service de gynéco-obstétrique. J'estime en effet qu'il s'agit d'une mission comme une autre de ces services et qu'il n'y a plus les mêmes raisons qu'il y a vingt cinq ans de la considérer à part, de la stigmatiser. Bien sûr, il ne faut pas que cette intégration dans les services fragilise l'orthogénie, il faut au contraire que cela lui permette de bénéficier de l'ensemble des moyens du service.
- Pour les aider et consolider cette activité encore trop souvent "précaire" dans certains hôpitaux publics 20 postes de praticiens hospitaliers contractuels supplémentaires ont été créés cette année. Nous continuerons notre effort dans ce sens au cours des prochaines années.
- Comme le suggère le Professeur Nisand, je demanderai à l'ANAES de retenir dans sa procédure d'accréditation des établissements des critères relatifs à l'IVG.
- Par ailleurs, j'ai demandé au directeur des hôpitaux d'entreprendre des concertations avec les représentants du corps médical hospitalier pour inclure un volet orthogénie dans la fiche de structure des postes de chef de service de gynéco-obstétrique mis au concours : il s'agit par là de vérifier avant de le nommer que le futur chef d'un service de gynéco-obstétrique prend bien l'engagement qu'il organisera l'accueil et la prise en charge des IVG, et qu'il considère cette activité comme faisant partie à part entière de la mission de son futur service.
- Enfin, je rappellerai par une circulaire à tous les établissements hospitaliers publics et privés disposant d'un centre d'orthogénie qu'ils doivent proposer aux femmes l'ensemble des méthodes d'IVG qui existent, les informer sur chacune d'entre elles et respecter le choix qu'elles auront fait. En particulier, je souhaite que l'avortement médicamenteux soit systématiquement proposé aux femmes puisque la mifépristone (ou RU 486) est maintenant disponible dans toutes les pharmacies hospitalières. Et je souhaite aussi que les femmes qui le demandent puissent choisir une méthode ou l'autre d'IVG chirurgicale, au regard de leur propre appréciation, et non en fonction de ce qui arrange plus ou moins l'établissement auquel elles s'adressent, sous prétexte de ses propres impératifs structurels ou financiers. L'hôpital se doit d'être au service de la femme qui y a recours et non l'inverse. C'est bien là le sens dans lequel nous voulons oeuvrer et qui nous a été rappelé comme une revendication entêtante des Français au cours des récents Etats Généraux de la Santé. La réalité de ce libre choix expliqué et assuré aux femmes devra faire partie des critères de bon fonctionnement des structures hospitalières d'orthogénie.
Pour suivre la mise en oeuvre de l'ensemble de ce dispositif, j'ai l'intention de missionner les Commissions régionales de la naissance qui viennent d'être créées dans le cadre des derniers décrets périnatalité pour suivre l'application concrète des mesures destinées à favoriser l'accès à l'IVG dans leur région.
Une circulaire complémentaire va leur être adressée qui complètera celle récente qui précise leurs modalités de mise en place.
Elles devront recenser les difficultés rencontrées dans leur région dans la pratique des IVG et inclure un chapitre spécial sur l'IVG dans leur rapport annuel d'activité.
C'est elles aussi qui seront chargées de vérifier qu'un recueil de données exhaustif existe qui permette de mieux savoir quels sont les besoins en matière d'IVG, comment ils évoluent, qui ils concernent et comment il y est répondu. En effet, les informations dont nous disposons aujourd'hui pour suivre l'état des lieux en matière d'IVG sont notoirement insuffisantes.
Enfin, ce seront aussi ces commissions régionales de la naissance qui devront vérifier qu'il existe dans la région un lieu qui centralise l'information en matière de contraception et d'IVG, connu des femmes et facilement accessible par elles. Elles pourront organiser elles-mêmes cette structure d'accueil, d'information et d'orientation ou en déléguer la responsabilité à l'intervenant de leur choix.
Conclusion
Dans un an, lorsque nous disposerons d'un nouvel état des lieux qui nous permettra de savoir comment les choses ont progressé concrètement sur le terrain, nous verrons si des difficultés persistent encore qui nécessitent d'améliorer notre cadre législatif.
Nous ne pouvons accepter aucun recul en matière de droit pour les femmes à choisir leur contraception et avoir recours à l'IVG.
Soyez assurés de ma détermination à ce que, dans les faits, les femmes puissent bénéficier pleinement de leurs droits : droit à la contraception et droit à l'IVG, qui doit rester l'ultime recours.
Je serais, pendant toute cette année, particulièrement attentive à ce que partout sur notre territoire chacune puisse disposer de la meilleure information possible et d'une contraception adaptée à ses besoins et que l'hôpital puisse assurer pleinement sa mission de service public dans ce domaine.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 28 juillet 1999)
Nous avons deux points à notre ordre du jour: préparer la campagne de communication sur la contraception qui sera prochainement réalisée et avoir un débat sur les propositions des rapports des Professeurs Nisand et Uzan afin de garantir les droits à la contraception et à l'IVG.
Si la contraception est aujourd'hui largement répandue en France et si l'IVG est pratiquée sans d'ailleurs être banalisée, nous savons que des risques pèsent pour préserver ces droits et que nous devons agir pour les rendre toujours plus effectifs.
Il est en effet de la responsabilité des pouvoirs publics d'assurer un recours effectif à la contraception et à l'IVG depuis que le législateur a inscrit ces deux avancées sociales majeures dans le droit. L'action de l'Etat, qui doit, en ce domaine, respecter les choix de vie des personnes et écarter toute démarche normative s'inscrit dans une triple dynamique.
- Faire progresser les droits des femmes en leur donnant les moyens de leur autonomie, leur liberté et leur responsabilisation en matière de maîtrise des naissances.
La contraception et l'accès à l'interruption volontaire de grossesse ont en effet profondément modifié les droits des femmes et notre société dans son ensemble. Ces droits ont été conquis il y a près de trente ans, grâce au combat des associations féministes et féminines, et je souhaite leur rendre hommage. La mobilisation qu'elles ont su organiser à tous les niveaux de la société a permis à notre pays de se doter d'une législation moderne, accompagnant l'évolution des hommes et des femmes qui la composent.
Je pense bien sûr au fameux manifeste dit des 343, publié le 5 avril 1971, par lequel de nombreuses femmes célèbres (S. De Beauvoir, G. Halimi, M. Duras, J. Moreau...) et anonymes ont revendiqué publiquement le droit à l'avortement ; je pense aussi au travail contre l'ignorance et les tabous mené par des associations comme le mouvement pour le planning familial.
Je pense enfin au courage des femmes et des hommes politiques qui ont soutenu cette transformation de notre société. Je n'en citerai que deux : Lucien Newirth, à qui nous devons la loi sur la contraception, et Simone Veil à qui nous devons la loi sur l'IVG.
Tous deux ont marqué notre histoire et en particulier l'histoire des femmes.
- Améliorer la Santé Publique en s'attachant à éviter que ne soient pris des risques sanitaires lors de relations sexuelles. Cette dimension a fondé le socle de l'intervention des pouvoirs publics en matière de lutte contre le sida. Elle justifie également une action volontariste pour prévenir les grossesses non désirées chez les adolescentes, dont on sait combien elles peuvent hypothéquer leur avenir. Ainsi, tout doit être fait pour faciliter l'information et l'accès à la contraception; mais il convient également d'améliorer les conditions de recours, en dernier ressort, à l'IVG qui constitue un progrès majeur de la santé publique qui a permis, faut-il le rappeler, d'obtenir une chute spectaculaire des complications et des décès liés aux avortements.
- Garantir une égalité d'accès à l'information et aux moyens de contraception et une prise en charge de qualité en matière d'IVG.
- L'Etat doit notamment lutter contre les inégalités sociales en matière de contraception et d'IVG. Or il faut bien constater que depuis plusieurs années, la contraception et l'IVG n'ont pas été au premier plan de la communication et de l'action publique, laissant ainsi un vide se créer et les inégalités se renforcer. L'excellent rapport du Pr Nisand a montré qu'il y avait d'une part un recul dans l'information sur la contraception et que d'autre part l'accès à l'IVG restait difficile dans les faits. Dans un domaine où les avancées sociales ne sont jamais totalement consolidées, il nous faut réaffirmer sans cesse la liberté d'accès aux droits et la qualité des prestations pour ne pas laisser place à une quelconque remise en cause des acquis de la loi de 1975.
C'est cette démarche et ces convictions qui conduisent aujourd'hui le gouvernement à vous présenter un plan d'information et d'action destiné à assurer un exercice effectif du droit à la contraception et à l'avortement. Car si d'importants progrès peuvent être réalisés en matière d'accès à la contraception afin de réduire le nombre d'avortements (la contraception d'urgence devrait ainsi avoir un impact significatif) le droit à l'IVG, qui est le dernier recours lorsque la contraception a échoué, est un droit fondamental pour les femmes dont il convient d'améliorer l'affectivité sur l'ensemble du territoire, en mobilisant notamment le service public hospitalier.
Ce plan s'articule autour de deux axes :
1. Mieux informer pour mieux maîtriser la contraception.
- Conduire une vaste campagne de communication sur la contraception.
- Permettre une mobilisation des associations, des professionnels du secteur sanitaire
et social et de l'Education Nationale.
- Mettre à disposition la contraception d'urgence.
2. Garantir le droit à l'IVG.
- Prévenir l'IVG.
- Améliorer l'application de la loi de 1975.
- Garantir l'accès à l'IVG à l'hôpital et notamment à l'hôpital public.
PARTIE I: Mieux informer pour mieux maîtriser la contraception au quotidien
I. La campagne de communication sur la contraception
A. Contexte
Le lancement d'une nouvelle campagne sur la contraception s'impose aujourd'hui:
Il n'y a pas eu de communication publique sur ce sujet depuis 1992, date à laquelle le secrétariat d'Etat au droit des femmes avait réalisé une campagne ciblée sur les jeunes intitulée : "la contraception ça devient simple quand on en parle". Cette campagne traitait à la fois de la contraception et de la prévention sida, et mettait principalement l'accent sur le préservatif. La dernière campagne grand public exclusivement centrée sur la contraception ("la contraception est un droit fondamental") remonte aux années 1981-82.
Plusieurs éléments nous montrent que la contraception, si elle est largement répandue dans notre pays, souffre encore d'un manque d'information et doit s'appuyer sur l'ensemble des moyens désormais disponibles:
La France se trouve dans une situation paradoxale où le nombre de femmes sous contraception est parmi le plus élevé des pays européens mais où subsiste un taux d'IVG stable et important (environ 220 000 pour 730 000 naissances par an) même s'il est moins élevé qu'en 1975. D'après le rapport Nisand, chaque femme connaît dans sa vie, en moyenne, une grossesse accidentelle. Une fois sur deux elle décide de l'interrompre. Surtout, le nombre de grossesses non désirées et d'IVG chez les adolescentes reste élevé (près de 10 000 grossesses non désirées d'après le rapport Uzan, plus d'une sur deux entraînant un avortement). Une meilleure connaissance et une meilleure utilisation des moyens de contraception doit permettre d'éviter une telle situation.
Si l'INED juge que globalement la contraception féminine est généralisée, deux problèmes persistent :
- celui des premières relations sexuelles sans aucune contraception,
- celui de la maîtrise sur le long terme de la contraception ("oublis de contraception").
Il existe un consensus sur le fait qu'il y a aujourd'hui non seulement une mauvaise connaissance des structures d'information et de consultation par les jeunes mais aussi un déficit de coordination des structures assurant l'information et l'orientation ainsi qu'une absence de documents d'information spécifiques pour cette population. Il y a parallèlement la persistance, chez les jeunes, d'un grand nombre d'interrogations sur la sexualité et la contraception.
En matière de contraception, les inégalités sociales sont manifestes : il y a un moindre accès des jeunes d'origine plus modeste à l'information et aux méthodes contraceptives qui entraîne un taux de grossesses non désirées et un recours à l'IVG plus fréquents. De même, il apparaît que le taux de recours à la pilule est lié au niveau d'éducation et d'insertion sociale.
Enfin, l'arrivée de la contraception d'urgence sur le marché français justifie un accompagnement et des messages d'information adaptés.
Le gouvernement a donc décidé que cette année, une campagne réaffirmerait l'importance de la contraception, en l'associant à des valeurs de liberté, de choix de vie, de responsabilité et d'épanouissement personnel. Le principal message de la campagne de communication de l'automne 99 sera d'intégrer la contraception dans la vie quotidienne et de présenter de manière objective l'ensemble des moyens de contraception.
Je souhaiterais d'emblée préciser qu'il ne s'agit en aucun cas d'introduire une concurrence entre un message contraception et un message sida, voire d'opposer ces deux sujets, en jouant, par exemple, la pilule contre le préservatif.
Très logiquement en effet, les pouvoirs publics ont mis l'accent depuis plusieurs années, en matière de communication, sur la prévention du sida et la promotion du préservatif. Cette priorité est une nécessité absolue en Santé Publique pour améliorer l'image, l'acceptabilité et l'usage de ce moyen de prévention qui est le seul à protéger à la fois des maladies transmissibles et du risque de conception non désirée. Cette double vocation du préservatif doit être réaffirmée avec constance et les campagnes de communication sur le sida comme celle sur la contraception s'y emploieront. Je vous informe d'ailleurs que la campagne d'été de prévention du sida débutera dès le 19 juillet sur les chaînes de télévision.
L'apport essentiel de la campagne en faveur de la contraception, à la rentrée 1999, sera de réaffirmer les avancées en matière de droit des femmes. Contrairement au choix effectué en 1992, le préservatif ne sera pas privilégié mais replacé dans le contexte plus large de la gamme des moyens de contraception et la campagne rappellera que l'éventualité d'une grossesse est une donnée qui doit être maîtrisée. Les Etats Généraux de la Santé nous ont apporté la confirmation que chacun souhaitait être acteur et responsable en matière de contraception. La campagne insistera sur ce point en expliquant qu'il revient à chacun, en fonction de sa situation personnelle, de choisir la contraception qu'il juge la plus adaptée.
B. Le cadre de la campagne de communication
Le cahier des charges de la campagne a été transmis en décembre 1998 aux agences ayant candidatées pour l'appel d'offres, sur la base des recommandations du "Comité d'orientation pour la campagne de communication sur la contraception".
Il donne un cadre précis pour la réalisation de cette campagne:
Quatre objectifs
- réaffirmer l'importance de la contraception en l'associant à des valeurs positives (liberté, protection, responsabilité), sans culpabiliser les femmes en "échec de contraception",
- lever les freins à l'utilisation de la contraception liés à certaines peurs ou "à priori" non fondés,
- améliorer et développer l'information sur les différents modes de contraception existants sans fixer un cadre normatif ni promouvoir un moyen privilégié. La connaissance de l'ensemble des moyens existants doit favoriser les choix individuels,
- favoriser l'accès à l'information par une meilleure connaissance des lieux, des structures et des points d'accueil où il est possible de se procurer de l'information ou un moyen de contraception.
Le coeur de cible de la campagne est le grand public, avec des déclinaisons pour les différents publics prioritaires, notamment les jeunes et les femmes ayant une mauvaise maîtrise de leur contraception.
Je souhaite que la campagne ait une tonalité informative, éducative, compréhensible par tous pour présenter la "palette" la plus large possible des moyens disponibles. Il ne s'agit pas de privilégier un moyen de contraception plus qu'un autre, mais de présenter le choix d'une contraception en fonction de l'âge, de la situation, des souhaits permettant une meilleure adhésion au principe même de la contraception.
C. Les propositions de l'agence BDDP
L'agence BDDP a été retenue, parmi cinq candidats, par la commission d'appel d'offres pour réaliser, à partir d'octobre 1999, une campagne de communication média et hors média dotée de 20 millions de francs.
L'agence doit s'attacher à s'adresser à la fois aux différents publics en fonction de leurs spécificités et de trouver un message fédérateur qui rassemble le grand public.
La campagne est conçue en deux temps.
Une campagne de communication télévisée qui réaffirme l'importance de la contraception.
Une campagne d'information qui sensibilise aux différents modes de contraception.
Elle comporte des actions médias et hors médias.
Les actions médias reposeront:
- sur la diffusion d'un spot TV de 30" pour le grand public et d'un spot de 20" pour des publics cibles (notamment les jeunes) qui rappelle le N° de téléphone de la plate-forme téléphonique,
- sur la diffusion de messages radio et la publication d'encarts presse.
Les actions hors médias seront principalement constituées :
- de la mise en place d'un service d'information par téléphone (numéro indigo), dès le lancement de la campagne et jusqu'à la fin 2000. Il permettra d'apporter des informations "techniques", et de renvoyer vers des structures d'informations, telles les associations...
- de la réalisation d'une brochure qui condensera l'information sur la contraception sans tomber dans le discours encyclopédique ou scientifique (Format "carte Z". De la taille d'une carte téléphonique, le support se déploie comme une carte routière.).
II. La mobilisation des associations, des professionnels du secteur sanitaire et social et de l'Education nationale
Un grand nombre de partenaires seront, vous le savez, associés à cette campagne pour qu'elle puisse atteindre tous ses objectifs :
- Les acteurs de terrain : associations, structures spécialisées dans l'accueil des jeunes, centres d'informations sur la contraception, mutuelles, PMI, CAF et professionnels de la santé.
- Les DDASS.
- L'Education Nationale (Collèges et Lycées).
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité qu'un comité de pilotage rassemblant tous ces acteurs puisse accompagner, dès l'amont, la préparation et le déroulement de cette campagne. Il appartient en effet aux membres de ce groupe de contribuer à la réalisation et à la réussite de cette campagne en relayant au plus près des publics concernés les messages et les outils qui seront élaborés.
Vous savez que le Ministère de l'éducation nationale et en particulier la ministre déléguée à l'enseignement scolaire effectuent un important travail pour améliorer l'éducation sexuelle et l'information sur la contraception dans les collèges et les lycées.
Lors de sa récente communication en conseil des ministres sur l'égalité entre les femmes et les hommes, Nicole Péry a ainsi indiqué que l'éducation sexuelle serait réorientée vers l'éducation au comportement, vers la lutte contre toutes les formes de violence subies par les femmes ainsi que vers la notion de parentalité. De même, la redéfinition du rôle des infirmières scolaires devrait permettre de renforcer l'écoute des jeunes filles et de mieux les informer sur la maîtrise de leur corps et sur la lutte contre les comportements sexistes.
Ce programme permettra d'améliorer l'accès à l'information et aux moyens de contraception et notamment d'apporter une réponse adaptée aux préconisations du rapport Uzan qui a montré la nécessité d'une véritable mobilisation en matière de prévention des grossesses non désirées chez les adolescentes
III. La contraception d'urgence
La contraception d'urgence est désormais disponible et c'est un progrès considérable. Vous savez que l'on peut se procurer ce médicament à la fois sur ordonnance (Tétragynon, depuis janvier 1999) et sans ordonnance (Norlevo depuis juin 1999). Il s'agit là d'un évènement majeur, susceptible de modifier profondément les comportements des femmes, qu'il convient d'accompagner.
Cette pilule devrait en effet intéresser au premier chef les femmes qui ont des rapports occasionnels : notamment les très jeunes femmes n'ayant pas encore de vie sexuelle régulière mais aussi celles qui ne rencontrent pas la nécessité d'une contraception orale régulière.
Cette contraception " du lendemain", doit garder, de façon générale, le caractère exceptionnel qui la justifie. Pour les femmes ayant une vie sexuelle, elle permet de pallier une absence accidentelle de contraception. Elle est l'occasion d'une prise de conscience sur la nécessité d'anticiper les situations et de choisir une contraception régulière pour acquérir une véritable autonomie. En aucun cas elle ne doit se banaliser et devenir une méthode de contraception classique.
Les médecins, les pharmaciens mais également l'ensemble des professionnels du secteur sanitaire et social auront donc un rôle de conseil et d'orientation déterminant pour les femmes qui voudront se renseigner ou se procurer ces pilule du lendemain.
De même, la campagne de communication s'attachera à présenter ce nouveau moyen au grand public tout en lui conférant un statut particulier qu'il ne doit pas abandonner: la contraception d'urgence est un moyen de gestion d'un échec de contraception
Ce plan d'information et d'action doit permettre de favoriser la maîtrise de la contraception dans notre pays afin de permettre aux femmes et aux couples d'avoir une meilleure connaissance de ce sujet, un accès facilité à des structures mieux identifiées et une égalité d'accès à tous les moyens de contraception afin d'aborder dans les meilleures conditions la décision d'avoir des enfants et de fonder une famille. Cette meilleure appropriation de la contraception doit notamment permettre d'éviter le terrible désarroi d'une grossesse non désirée ou non assumée, notamment chez les jeunes adolescentes, ou encore le traumatisme d'un avortement. Je pense notamment que nous pouvons réduire en France le nombre de grossesses non désirées chez les adolescentes ainsi que le nombre d'IVG qui reste élevé. Mais je suis également convaincue que ce droit à l'IVG qui est un dernier recours quand la contraception a échoué, reste indispensable pour nombre de femmes placées dans une situation terriblement difficile. Je rejoins le Pr Nisand lorsqu'il affirme qu'il ne faut en aucun cas opposer contraception et avortement. Le rôle des pouvoirs publics est de tout mettre en oeuvre pour que les femmes qui le décident puissent y avoir accès dans les meilleures conditions de délais, de qualité et de dignité.
PARTIE II: Garantir le droit à l'IVG
Le Pr Nisand a réalisé à la demande de Bernard Kouchner et de moi-même un rapport sur l'IVG en France dont la qualité a été unanimement appréciée. Je tiens à remercier de nouveau, ici, I. Nisand pour sa collaboration et lui renouveler tout mon soutien alors que des menaces ont été proférées à l'encontre de sa personne. Il n'est pas acceptable que l'on puisse aujourd'hui encore être insulté ou menacé pour le seul fait d'avoir défendu ce formidable acquis qu'est le droit d'accès à l'IVG.
Le rapport du Pr Nisand réalise un état des lieux indispensable sur les conditions d'accès et les pratiques de l'IVG, près de 25 ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 1975.
Il rappelle que l'IVG constitue un droit qui n'a pas entraîné la banalisation de l'avortement dans notre pays. Il souligne que ce droit à l'IVG reste indispensable, même si des avancées peuvent être réalisées en matière d'accès à la contraception. Nous n'accepterons pas que ce droit soit remis en cause dans les faits par des pressions et a fortiori par des menaces.
Il montre enfin que si globalement, la loi de 1975 est bien appliquée en France, des inégalités d'accès à l'IVG subsistent encore compte tenu d'une réponse parfois insuffisante du service public et des difficultés particulières qu'éprouvent certaines femmes à exercer cette liberté.
Le Pr. Nisand formule de nombreuses propositions en conclusion de son rapport pour améliorer l'accès à l'IVG dans notre pays. Certaines de ces propositions revêtent une importance particulière car elles impliquent une modification de la loi de 1975.
Deux de ces propositions doivent être particulièrement soulignées.
Je pense tout d'abord à la proposition du Professeur Nisand qui concerne les mineures. Il faudrait, dit-il, en arriver à affirmer un droit propre de la jeune fille d'accès à l'IVG en lui garantissant la confidentialité de sa décision par rapport à ses parents.
C'est un sujet qui me tient à coeur. Car même si elles ne sont pas nombreuses, il me paraît que nous ne pouvons pas laisser sans rien faire pour les aider ces quelques mineures en situation d'immense solitude et détresse face à une grossesse qu'elles ne désirent pas, mais qu'elles n'osent pas avouer à leurs parents, et dont elles savent pertinemment que s'ils en accepteront mal l'annonce, ils ne toléreront pas l'idée d'une IVG.
Les arguments que développe le Pr. Nisand doivent être entendus:
- il y a contradiction manifeste à considérer une mineure qui accouche comme suffisamment adulte pour détenir l'autorité parentale sur son enfant et insuffisamment pour décider elle-même de l'IVG ;
- il est difficile d'admettre qu'en cas d'échec de la contraception, une mineure soit davantage pénalisée qu'une adulte ;
- cette mesure viserait à protéger les mineures que je viens d'évoquer devant vous : celles qui évoluent dans un contexte familial où l'annonce d'une grossesse est irrecevable sans mettre en danger la jeune fille (risques de maltraitance psychologique, voire physique, pouvant conduire jusqu'à des conduites suicidaires) ;
- le recours possible dans ces cas aux juges pour enfants ne peut être la seule solution, car la position peut varier d'un juge à l'autre.
Je pense également à la question de l'allongement du délai légal de recours à l'IVG. Je constate en effet qu'il n'existe aucun obstacle, en terme de sécurité médicale, pour que des IVG puissent être réalisés jusqu'à 12 semaines de grossesse. D'ailleurs, la comparaison des législations européennes montre que c'est le délai retenu par la majorité de nos voisins. Enfin, nous ne pouvons pas ignorer que de nombreuses femmes (5 000 par an selon le Pr. Nisand) quittent encore la France pour réaliser à l'étranger une IVG hors délai légal.
Sur ces deux sujets notamment, le gouvernement n'écarte pas a priori la question d'un nouveau débat sur la loi de 1975 mais il estime qu'il faut d'abord se donner les moyens d'aller au bout des possibilités qu'offre le droit existant :
Il faut d'une part renforcer l'information sur la contraception, garantir une véritable égalité d'accès à l'ensemble des moyens de contraception et mesurer l'impact de la pilule du lendemain. Il me semble ainsi que les jeunes filles mineures sont celles à qui va s'adresser en premier lieu la campagne de prévention des grossesses non désirées et d'information sur la contraception que nous allons mettre en place ; qu'elles devraient être celles auxquels nos relais sur le terrain et particulièrement dans les établissements scolaires devront être le plus attentifs.
- Il faut d'autre part aller au bout de l'application de la loi de 1975, et le rapport du Pr Nisand formule d'importantes recommandations dont j'entends assurer l'application effective pour obtenir une meilleure réponse, notamment de la part du service public hospitalier.
Je suis d'ailleurs résolument optimiste sur la capacité du système hospitalier et de l'ensemble des acteurs de santé à détecter les femmes isolées en situation difficile, à raccourcir les délais de prise en charge des patientes et à réduire dans des proportions significatives ce taux de déplacement à l'étranger.
Nous ferons le point d'ici un an pour évaluer l'impact de cette mobilisation.
Mais si il s'avère que le dispositif d'information, de prévention et d'amélioration du recours à l'IVG est insuffisant, je serais personnellement favorable à ce que nous ouvrions un large débat de société pouvant conduire à une modification de la loi.
1. La priorité est à la prévention de l'IVG
Du rapport Nisand, je retiens d'abord le message principal qui conforte absolument ce que je pense : la priorité est à la prévention des IVG.
Notre souci est bien que l'interruption volontaire de grossesse reste pour les femmes un geste exceptionnel, auquel elles ne recourent qu'en dernière extrémité.
C'est du reste bien ainsi qu'elles le conçoivent, nous dit le Professeur Nisand dans son rapport: "Pour la très grande majorité des femmes, le recours à l'avortement est accidentel et unique. L'IVG en France ne s'est pas substituée à la contraception".
Il nous faut continuer de travailler en amont, faire en sorte que les femmes aient de moins en moins souvent besoin d'y recourir, en développant, nous l'avons dit, encore davantage qu'aujourd'hui, l'utilisation de la contraception.
2. Améliorer l'application de la loi de 1975
Je retiens aussi des conclusions du Professeur Nisand que nous avons encore fort à faire pour améliorer la mise en oeuvre effective des acquis de la loi de 1975 qui consacre le droit des femmes à l'IVG.
En effet, il est absolument anormal que l'accès à l'IVG reste encore souvent pour les femmes de notre pays une course d'obstacles, alors que nous avons collectivement décidé d'en faire un droit par voie législative il y a plus d'un quart de siècle. Pour y parvenir le programme retenu se propose:
- De renforcer l'information.
Il faut que les femmes sachent où s'informer lorsqu'elles ont besoin d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse.
Il faut qu'il y ait un lieu où soit centralisée l'information, par région probablement, et nous demanderons aux commissions régionales de la naissance, de veiller à ce que soit mise en place par région une structure capable de renseigner les femmes sur les dispositifs existant en matière d'IVG, de les accompagner dans leur démarche, et de les aider à faire un choix entre les différentes méthodes qui peuvent leur être proposées : IVG médicamenteuse ou chirurgicale, anesthésie locale ou anesthésie générale. J'insiste sur ce point car le premier droit des patients, notamment dans un domaine aussi difficile que celui des IVG, consiste à avoir les explications adaptées et la possibilité de choisir parmi ces différentes méthodes. Je veillerai donc à ce que les hôpitaux puissent répondre à chaque demande de RU 486.
En attendant que se mettent en place ces lieux d'information par région, ce sera l'un des rôles de la plate-forme téléphonique que nous allons ouvrir pendant un an dans le cadre de notre prochaine campagne de communication, que de donner aux femmes ces informations.
- De permettre la généralisation de l'accès aux soins pour les femmes sans couverture sociale.
Vous savez que ces femmes auront une couverture sociale de droit commun grâce à la loi portant création de la Couverture Maladie Universelle qui vient d'être adoptée par le Parlement. J'ajoute d'ailleurs que cette loi, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2000 permettra aux femmes qui le souhaitent d'avoir dès 16 ans une carte de sécurité sociale autonome et, pour celles dont les ressources sont limitées, un remboursement à 100 % de leurs soins de santé (consultation gratuite mais aussi remboursement total des pilules prises en charges par la sécurité sociale)
- De mieux former les soignants à ce que représente l'IVG pour les femmes pour mieux les accueillir et les prendre en charge.
Des modules de formation continue à l'IVG doivent être organisés pour les médecins ainsi que pour les autres soignants, auxquels doivent contribuer en bonne place notamment les associations actives en matière de planning familial. Par ailleurs, le Professeur Nisand suggère d'ajouter un enseignement théorique au cours du deuxième cycle de la formation initiale des étudiants en médecine sur l'orthogénie et les questions éthiques, juridiques, sociales et médicales qu'elle soulève. Ce type d'enseignement est parfaitement cohérent avec la réforme annoncée des études médicales qui vise, je vous le rappelle, à réorganiser l'enseignement de façon à davantage favoriser une approche globale de la personne malade et à insérer dans le cursus de formation notamment des notions d'éthique et de santé publique, désormais indispensables à l'exercice médical. Nous veillerons donc avec le Ministre de l'Education Nationale à faire en sorte que les nouvelles directives faites aux doyens dans le cadre de l'application de cette réforme abordent ce sujet de la formation des jeunes étudiants à ce qu'est l'orthogénie.
- De mettre au point un référentiel d'évaluation propre à l'IVG et le diffuser pour améliorer la qualité de la pratique, depuis l'accueil des femmes jusqu'à leur sortie de la structure d'orthogénie.
Nous avons déjà demandé à l'ANAES de travailler sur ces propositions avec les sociétés savantes, les associations impliquées dans ce domaine ainsi que les représentants ou les représentantes des usagers du système de santé.
3. Garantir l'accès à l'IVG à l'hôpital et notamment à l'hôpital public
Il n'est pas normal que dans certains endroits, encore beaucoup trop nombreux à la lecture du rapport Nisand, l'on refuse ou l'on fasse attendre des femmes, au risque d'allonger excessivement les délais d'accès à l'IVG, au motif que les capacités d'accueil sont insuffisantes ou que telle ou telle méthode n'est pas disponible : le RU 486 par exemple. Il n'est pas normal non plus que la continuité du dispositif hospitalier ne soit pas assurée parce que c'est l'été, qu'il n'y a qu'un seul médecin dans l'hôpital chargé de réaliser les IVG, et qu'il est parti en vacances.
Il nous faut ensemble avec le directeur des hôpitaux, les directeurs des agences régionales d'hospitalisation et les différents établissements concernés améliorer rapidement cette situation.
Pour cela:
- Je vais demander que soit rappelée aux hôpitaux publics l'impérieuse obligation de continuité du service public dans ce domaine : ils devront nous répondre sur la manière dont ils ont l'intention de s'organiser en pratique pour assurer cette continuité, au besoin en mettant en place des réseaux avec leurs voisins hospitaliers publics ou privés.
- Les agences régionales d'hospitalisation devront intégrer le bon fonctionnement et notamment la suffisante accessibilité de la structure d'orthogénie dans les contrats d'objectifs et de moyens qu'ils signent avec les établissements, à chaque fois que ceux-ci disposent d'un service de gynéco-obstétrique ou d'un CIVG.
- Les hôpitaux publics devront intégrer cette activité d'orthogénie dans leur service de gynéco-obstétrique. J'estime en effet qu'il s'agit d'une mission comme une autre de ces services et qu'il n'y a plus les mêmes raisons qu'il y a vingt cinq ans de la considérer à part, de la stigmatiser. Bien sûr, il ne faut pas que cette intégration dans les services fragilise l'orthogénie, il faut au contraire que cela lui permette de bénéficier de l'ensemble des moyens du service.
- Pour les aider et consolider cette activité encore trop souvent "précaire" dans certains hôpitaux publics 20 postes de praticiens hospitaliers contractuels supplémentaires ont été créés cette année. Nous continuerons notre effort dans ce sens au cours des prochaines années.
- Comme le suggère le Professeur Nisand, je demanderai à l'ANAES de retenir dans sa procédure d'accréditation des établissements des critères relatifs à l'IVG.
- Par ailleurs, j'ai demandé au directeur des hôpitaux d'entreprendre des concertations avec les représentants du corps médical hospitalier pour inclure un volet orthogénie dans la fiche de structure des postes de chef de service de gynéco-obstétrique mis au concours : il s'agit par là de vérifier avant de le nommer que le futur chef d'un service de gynéco-obstétrique prend bien l'engagement qu'il organisera l'accueil et la prise en charge des IVG, et qu'il considère cette activité comme faisant partie à part entière de la mission de son futur service.
- Enfin, je rappellerai par une circulaire à tous les établissements hospitaliers publics et privés disposant d'un centre d'orthogénie qu'ils doivent proposer aux femmes l'ensemble des méthodes d'IVG qui existent, les informer sur chacune d'entre elles et respecter le choix qu'elles auront fait. En particulier, je souhaite que l'avortement médicamenteux soit systématiquement proposé aux femmes puisque la mifépristone (ou RU 486) est maintenant disponible dans toutes les pharmacies hospitalières. Et je souhaite aussi que les femmes qui le demandent puissent choisir une méthode ou l'autre d'IVG chirurgicale, au regard de leur propre appréciation, et non en fonction de ce qui arrange plus ou moins l'établissement auquel elles s'adressent, sous prétexte de ses propres impératifs structurels ou financiers. L'hôpital se doit d'être au service de la femme qui y a recours et non l'inverse. C'est bien là le sens dans lequel nous voulons oeuvrer et qui nous a été rappelé comme une revendication entêtante des Français au cours des récents Etats Généraux de la Santé. La réalité de ce libre choix expliqué et assuré aux femmes devra faire partie des critères de bon fonctionnement des structures hospitalières d'orthogénie.
Pour suivre la mise en oeuvre de l'ensemble de ce dispositif, j'ai l'intention de missionner les Commissions régionales de la naissance qui viennent d'être créées dans le cadre des derniers décrets périnatalité pour suivre l'application concrète des mesures destinées à favoriser l'accès à l'IVG dans leur région.
Une circulaire complémentaire va leur être adressée qui complètera celle récente qui précise leurs modalités de mise en place.
Elles devront recenser les difficultés rencontrées dans leur région dans la pratique des IVG et inclure un chapitre spécial sur l'IVG dans leur rapport annuel d'activité.
C'est elles aussi qui seront chargées de vérifier qu'un recueil de données exhaustif existe qui permette de mieux savoir quels sont les besoins en matière d'IVG, comment ils évoluent, qui ils concernent et comment il y est répondu. En effet, les informations dont nous disposons aujourd'hui pour suivre l'état des lieux en matière d'IVG sont notoirement insuffisantes.
Enfin, ce seront aussi ces commissions régionales de la naissance qui devront vérifier qu'il existe dans la région un lieu qui centralise l'information en matière de contraception et d'IVG, connu des femmes et facilement accessible par elles. Elles pourront organiser elles-mêmes cette structure d'accueil, d'information et d'orientation ou en déléguer la responsabilité à l'intervenant de leur choix.
Conclusion
Dans un an, lorsque nous disposerons d'un nouvel état des lieux qui nous permettra de savoir comment les choses ont progressé concrètement sur le terrain, nous verrons si des difficultés persistent encore qui nécessitent d'améliorer notre cadre législatif.
Nous ne pouvons accepter aucun recul en matière de droit pour les femmes à choisir leur contraception et avoir recours à l'IVG.
Soyez assurés de ma détermination à ce que, dans les faits, les femmes puissent bénéficier pleinement de leurs droits : droit à la contraception et droit à l'IVG, qui doit rester l'ultime recours.
Je serais, pendant toute cette année, particulièrement attentive à ce que partout sur notre territoire chacune puisse disposer de la meilleure information possible et d'une contraception adaptée à ses besoins et que l'hôpital puisse assurer pleinement sa mission de service public dans ce domaine.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 28 juillet 1999)