Déclaration commune de chefs de Gouvernements et de représentants de Gouvernements socialistes participant à la réunion tenue à Paris le 19 mai 1983.

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Média : Bulletin d'information du ministère des relations extérieures

Texte intégral

Déclaration commune publiée à l'issue de la réunion des chefs de Gouvernement de Finlande, de France, de Grèce, du Sénégal et de Suède ainsi que du représentant du Gouvernement d'Espagne et de M. Mario Soares.
- Comme ils en étaient convenus lors de la rencontre des acteurs du changement qui s'est tenue le 23 janvier 1983 à Paris, à l'initiative du parti socialiste français, les chefs de Gouvernement de Finlance, de France, de Grèce, du Sénégal et de Suède ainsi que le représentant du Gouvernement d'Espagne et M. Mario Soares se sont réunis à nouveau à l'hôtel Matignon, à l'invitation du Premier ministre français Pierre Mauroy les 18 et 19 mai 1983.
- Ils ont arrêté des propositions d'actions communes en vue d'un retour à la croissance économique et au plein emploi, dans une économie mondiale plus équitable.
- Le monde traverse la crise économique la plus sérieuse depuis la seconde Guerre mondiale. Aucun pays n'est épargné. Des centaines de millions de personnes sont sans travail. L'ac croissement dramatique du chômage menace les valeurs de nos sociétés. Dans les pays industrialisés, la croissance du revenu réel est stoppée, le niveau des investissements industriels régresse, les systèmes de protection sociale sont mis à l'épreuve.
- Dans le Tiers-Monde où le développement était déjà, en période de coissance, chaotique et inégal, la situation continue de se détériorer. Nombre de pays y sont menacés d'asphyxie par le poids du service de leur dette extérieure. La détérioration brutale des termes de l'échange leur pose un problème de survie.
- Face à cette situation, les chefs de Gouvernement expriment leur détermination à mettre en oeuvre des solutions fondées sur les principes de solidarité et de justice sociale car la démocratie est aussi pour eux un engagement commun en faveur de la liberté, de l'épanouissement de l'homme et du bien-être de la société.
- Ils proposent des actions concertées pour assurer la reprise de l'économie mondiale. La situation ne s'améliorera pas en effet de manière automatique. Il ne suffit pas d'attendre la relance, il faut créer les conditions d'une expansion assainie et durable, et procéder à un transfert de ressources vers les pays du Sud.
- Refusant le faux dilemne chômage-inflation, qui sert de pretexte pour écarter les avancées sociales, les participants affirment leur conviction que la mise en oeuvre d'une expansion économique non inflationniste est possible.
- Une telle politique passe par un effort général de modernisation des appareils de production, de formation des hommes et de développement des technologies d'avenir, de la recherche et de l'innovation.
- Seule une harmonisation des politiques économiques, conçue à l'échelle la plus large possible, peut donner aux solutions proposées l'effet escompté et rendre efficace l'effort de chacun des pays.
- Placés face à la crise d'un système qu'ils ont toujours critiqué, mais dont ils subissent les conséquences dans l'exercice de leurs responsabilités, les chefs de Go uvernement socialistes et démocratiques, en vue de favoriser le retour à une croissance économique soutenue et non inflationniste, proposent six orientations.
1.- Une gestion concertée de la demande pour soutenir la reprise :
- Il conviendrait de se fixer pour objectif commun, dans le cadre d'une responsabilité conjointe, un taux de croissance plus élevé. Cela suppose une orientation internationale moins restrictive des politiques économiques. Une stimulation de la demande est nécessaire pour soutenir la reprise, en particulier celle des investissements productifs.
- La baisse des taux d'intérêt, d'abord aux Etats-Unis, revet une importance capitale. Elle permettrait notamment aux pays en développement d'atténuer, par une diminution du service de leur dette, les contraintes qui pèsent sur leurs échanges extérieurs.
- Les chefs de Gouvernement soulignent l'importance des efforts qu'ils ont consentis pour rétablir les équilibres internes de leurs économies. Ils s'attendent donc à ce que leurs partenaires industriels, particulièrement les Etats-Unis, apportent à leur tour leur contribution à la relance mondiale. Une réduction de l'important défi cit budgétaire des Etats-Unis, qui provoque une hausse excessive des taux d'intérêt et de la parité du dollar, est une condition indispensable pour favoriser une relance non inflationniste et permettre à l'industrie mondiale de s'adapter aux mutations technologiques en cours.
- 2.- Les politiques en faveur de l'emploi :
- Complétant l'effort positif de la croissance sur l'emploi, ces politiques doivent occuper une place essentielle dans la stratégie globale de sortie de crise.
- Il importe à cet égard de tout mettre en oeuvre pour assurer dans des délais rapides, à tous les jeunes qui se présentent pour la première fois sur le marché du travail, le bénéfice d'une formation professionnelle ou d'une première expérience du travail.
- Dans le même temps, l'évolution de l'emploi exige qu'une attention particulière soit désormais portée à la question du temps de travail.
- 3.- La modernisation de nos appareils industriels et la lutte contre l'inflation :
- Afin de répondre de façon non inflati onniste à la demande que l'on s'efforce de stimuler, il convient de renforcer les capacités de production et d'améliorer la productivité. Des projets de coopération Nord-Nord et Nord-Sud pourraient être mis au point entre nous et avec d'autres partenaires pour faciliter la maîtrise des technologies d'avenir dans la ligne des conclusions du groupe "technologie, croissance, emploi", dont la mise en place avait été décidée lors du sommet de Versailles.
4.- La stabilisation des taux de change et le renforcement du système financier international.
- Le besoin monétaire international stable et organisé s'impose davantage chaque jour comme le montre l'expérience du système monétaire européen. Les monnaies, au premier chef le dollar doivent cesser leurs variations erratiques et refléter la compétitivité réelle des économies.
- L'organisation, proposée par la France, d'une Conférence Monétaire Internationale, soigneusement préparée, constituerait, dans ce contexte, une étape souhaitable.
- A court terme, l'accroissement des ressources du FMI permettrait d'aider les pays débiteurs les plus démunis. Mais il importe de veiller à ce que les interventions du Fonds comme celles de la Banque Mondiale respectent pleinement les options politiques et économiques des pays bénéficiaires.
- 5.- La défense du système commercial :
- Afin de préserver un marché mondial ouvert et dynamique, résister aux tentations protectionnistes et à la détérioration des ter mes de l'échange des produits de base des pays en développement devient une nécessité absolue.
- C'est le seul moyen d'assurer un équilibre des intérêts de chacun en même temps qu'un environnement commercial stable et reconnu. Seule une reprise mondiale, une remise en ordre du système monétaire international et une ouverture simultanée des grands marchés pourront favoriser un véritable redémarrage du commerce mondial et éviter le repli protectionniste.
- La coopération économique Est-Ouest ne doit pas être remise en cause dès lors qu'elle se fonde sur le principe de l'avantage mutuel.
- 6.- Le renouveau de la Coopération Nord-Sud :
- Sans une croissance des pays en développement, la relance concertée des économies occidentales se trouvera compromise.
- Afin d'en créer les conditions, des solutions doivent être trouvées aux problèmes les plus graves qui affectent l'économie de ces pays, notamment à l'occasion de la VIème CNUCED, dont les travaux commencent au début du mois prochain. Des pogrès significatifs peuvent être réalisés sur certains points :
- La stabilisation des cours des matières premières pourrait être obtenue par la mise en place effective du Fonds Commun, par la négociation d'accords de produits, par l'amélioration des systèmes de compensation des recettes d'exportation.
- L'amélioration des conditions de financement extérieur des pays en développement exige un renforcement de la coopération monétaire et financière internationale.
- Le FMI et la Banque Mondiale doivent rechercher une meilleure adaptation des procédures de pret aux besoins des pays bénéficiaires.
- Un effort de solidarité s'avère nécessaire de la part des pays industrialisés. En matière d'aide publique au développement, l'objectif de 0,7 % du PNb doit être atteint dans des délais raisonnables. Il représenterait un doublement par rapport au niveau actuel et bénéficierait d'abord aux pays les moins avancés.
- Un effort exceptionnel doit être engagé en faveur des pays d'Afrique au sud du S ahara qui sont confrontés à de multiples problèmes économiques et sociaux et souffrent en outre des conséquences de la désertification et de la sécheresse.
- Les chefs de Gouvernement conviennent de faire régulièrement le point sur l'état d'avancement des négociations internationales Nord-Sud. Ils sont également prêts à examiner, chacun selon ses procédures des projets de coopération spécifiques.
- Les chefs de gouvernement estiment que ces orientations, qui traduisent leurs idéaux communs, sont de nature à ouvrir de nouvelles perspectives aux peuples victimes, depuis une décennie, de la récession mondiale.
- Ils souhaitent que les orientations qu'ils préconisent soient prises en compte à tous les niveaux et permettent de retrouver, avec une croissance saine et stable, les voies de la paix et d'un développement harmonieux de l'ensemble des pays du globe.