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André Santini : "Il aurait fallu faire plus"
Entretien. – Le maire UDF d'Issy-les-Moulineaux juge les mesures adoptées trop fragmentaires. – Elles laissent de côté trop de segments du marché et beaucoup reste à faire pour le logement social.
La Tribune : Quel est votre sentiment général sur les dispositions concernant le logement et l'immobilier figurant dans le collectif budgétaire, après leur adoption par le Parlement ?
André Santini : Je crains que ce plan concerne avant tout les rentiers et les ménages qui sont déjà propriétaires alors qu'il fallait viser l'ensemble de la classe moyenne. Il fallait une opération psychologique pour provoquer le déclic chez 100 000 couples qui à devraient s'endetter pour acheter ou construire. L'idée fondamentale est d'enrayer la destruction de 14 000 emplois tertiaires, 50 000 dans le bâtiment et 110 000 dans l'industrie. Pour y aboutir, il fallait viser tous les segments, favoriser l'accession sociale et privée, le locatif aidé et privé, relancer la construction neuve, sauver le logement social de fait (les locations peu chères) et ne pas oublier l'immobilier d'entreprise. Les 5 millions de mètres carrés de stocks de bureaux que doit porter le système bancaire pèsent finalement sur les PME à qui on refuse des crédits. Il manque notamment un dispositif essentiel d'aide à celui qui voudrait acquérir un logement pour la première fois. Je préconisais une mesure de réduction d'impôt liée au coût des emprunts qu'il doit contracter, ce qui aurait coûté 400 millions de francs et aurait été très efficace. En définitive, ce plan procède d'une vision disparate du secteur et comprend des mesures complexes dans leur intitulé et qui sont aussi trop encadrées et écrêtées pour produire pleinement leur effet.
La Tribune : Quelles sont les améliorations les plus significatives introduites par les députés ou les sénateurs ?
André Santini : Nous avons d'abord obtenu pour les mesures d'abattement de 300 000 francs sur les droits de succession et de 600 000 francs pour la première mutation à titre onéreux, qui devaient s'appliquer du 1er juin 1993 au 1er juillet 1994, qu'elles soient prolongées de deux mois supplémentaires, au 1er septembre 1994. En ce qui concerne le droit d'imputer le déficit foncier sur le revenu global pour les locations, l'engagement demandé est un bail de trois ans au lieu de six. C'est un vrai levier mais encore faut-il que cette mesure soit rédigée de manière non équivoque. Le relèvement de 8 à 10 % du déficit forfaitaire déductible est insuffisant, 15 % était un minimum pour que la mesure soit perceptible.
La Tribune : Qu'attendez-vous des mesures concernant le logement social ?
André Santini : Les prêts aidés supplémentaires qui ont été accordés accompagnés d'un relèvement des plafonds de ressources de 5 %, et d'une baisse des taux d'intérêt que paieront les ménages entrant dans les logements aidés ‘ont dans le bon sens. Mais il ne faudrait pas que ces mesures n'aient que les vertus d'un effet d'annonce. En zone urbaine, il faudrait augmenter les plafonds de 15 %. Maintenir des plafonds de ressources aussi bas a pour conséquence ou de lancer dans l'aventure de l'acquisition des gens qui s'engagent à la limite de leurs possibilités ou d'empêcher que ces prêts soient utilisés. Si l'on parle maintenant d'autres plafonds de ressources, ceux fixés pour être admis dans des logements HLM neufs, on est dans l'absurde : un maximum de 77 000 francs par an de ressources pour un célibataire et de 110 000 francs pour un couple. En tant que maire, je constate que les candidats aux logements sociaux que je dois attribuer sont ou trop riches ou trop pauvres. Ainsi 70 % des fonctionnaires municipaux gagnent moins de 6.000 francs par mois ; si leur conjoint travaille, ils n'ont pas accès aux HLM neufs et doivent se rabattre sur l'ancien. Il faut impérativement revoir ces grilles. Il faut aussi s'attaquer au problème fondamental du financement du logement social donc au sauvetage du livret A.
La Tribune : Quel est votre pronostic sur l'efficacité du dispositif adopté ?
André Santini : Il aurait fallu faire plus que ces 6 milliards. La relance de l'immobilier sera difficile. Nous assisterons à un simple écoulement du stock d'immeubles de logement tandis que rien n'est fait pour résoudre le déséquilibre du marché de l'immobilier de bureaux.