Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Apres une sélection rigoureuse et une formation de 18 mois dans cette école, vous allez rejoindre dans quelques jours votre première affectation au sein de la Police nationale.
Vous entamez un parcours professionnel très exigeant. Vous êtes au seuil d'une vocation autant que d'un métier.
Ce moment tout particulier dans la carrière professionnelle ou l'on rejoint son premier poste – dont on se souviendra toujours – j'ai voulu le passer avec vous.
Élèves de la deuxième promotion de lieutenants de police, vous représentez l'avenir d'un jeune corps. Je compte donc sur votre capacité d'initiative, votre esprit d'équipe, votre enthousiasme.
Notre rencontre offre une heureuse occasion pour rappeler la nature et les devoirs de votre profession, pour vous faire part des objectifs du Gouvernement pour la Police nationale, et des grands projets en cours, qui vous concernent directement.
I. – L'officier de police
Vous appartenez au nouveau corps de commandement et d'encadrement de la police nationale, créé en 1996 par l'unification des fonctions d'inspecteur de police et d'officier de paix. Vous contribuerez ainsi à insuffler un esprit nouveau, celui de la modernité de la République, ce quelque chose de radicalement nouveau dont parlait jadis Clémenceau, dans un corps promis dans les prochaines années a un important renouvellement de générations.
Avec le même souci de faire prévaloir l'éthique républicaine, vous serez ainsi amenés à connaître aussi bien des questions concernant l'ordre public que de ce qui touche à la police judiciaire. Ces deux domaines me paraissent complémentaires, comme l'illustrent tout à la fois le traitement de la délinquance de voie publique et des violences urbaines et la nécessité de consolider l'Etat de droit, menacé dans certains de nos quartiers.
Je vous invite donc à prendre pleinement conscience des responsabilités particulières découlant de votre qualité d'officier de police judiciaire. Vous l'exercerez sous le contrôle du Procureur de la République ; vous devrez faire preuve de la plus grande rigueur dans le difficile exercice de la procédure pénale. L'écharpe tricolore que je vais remettre aux dix premiers de votre promotion symbolise cette autorité qui vous est aujourd`hui reconnue.
Il vous appartiendra également de veiller – dans votre comportement professionnel, mais aussi personnel – au strict respect des règles de déontologie. Le code insiste sur la loyauté du policier envers les institutions républicaines, sur son intégrité, son impartialité et la dignité en toutes circonstances de son comportement. La police nationale se doit d'être irréprochable car c'est la condition de son efficacité. Le strict respect de la déontologie, auquel je suis attaché, a pour contrepartie la protection qui vous est due, face aux attaques injustifiées.
Sous l'autorité des commissaires de police, que vous seconderez ou suppléerez, vous assurerez enfin le commandement des fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application. À ce titre, vous devrez être exemplaires. L'autorité ne se décrète pas. Elle se mérite.
Le repyramidage de votre corps s'accompagnera de la reconnaissance de nouvelles responsabilités, notamment dans le commandement effectif de services de police. D'ores et déjà, des commandants de police, et parfois même des capitaines, occupent des fonctions de chefs de service. Et ce mouvement va s'amplifier.
II. – Les principes de l’action gouvernementale
1) Trois principes simples ont été dégagés par le colloque de Villepinte : la citoyenneté, la proximité et l'efficacité de la chaîne pénale.
Une meilleure efficacité des services de police, en liaison avec les autorités judiciaires, passe au niveau de la police par un traitement rapide et conclusif des affaires, une formation améliorée sur le plan technique et professionnel, une assistance et une attention soutenues aux victimes et aux plaignants, et une attitude policière toute empreinte de conscience professionnelle, fondement de la confiance de nos concitoyens. Bien entendu, elle doit être relayée par la justice.
La proximité de l'action de police passe par une plus grande écoute de la population, une meilleure perception de ses attentes, un accueil attentif et compréhensif des plaignants dans les commissariats et une connaissance en profondeur des quartiers pour prévenir les violences urbaines et les incivilités.
Enfin, l'idéal citoyen et la force du sentiment républicain doivent être, sans cesse, réaffirmés. Nos concitoyens nés des dernières vagues de l'immigration doivent être traités avec le même respect et la même courtoisie que les autres. L'ordre républicain est fondé sur la liberté mais la République n'est pas un régime de faiblesse. Elle est le règne de la loi.
2) Ces principes doivent trouver leur application. Dans son discours de politique générale le 19 juin 1997, le Premier ministre a réaffirmé le principe d'une sécurité « égale pour tous ». Lors du colloque de Villepinte, la détermination du gouvernement a été clairement affirmée : faire de la sûreté un droit pour chacun, réduire la petite délinquance, rétablir la paix civile dans les quartiers où elle est menacée et apporter à tous nos concitoyens, à commencer par les plus fragiles et les plus démunis, la protection de la loi républicaine.
Je vous invite à tout mettre en œuvre pour la réussite des contrats beaux de sécurité (CLS), L'effort à réaliser sur ce point demeure considérable. Il faut commencer par un diagnostic préalable solide, résultat d'une démarche concertée de l'ensemble des partenaires locaux et outil d'analyse de l'insécurité telle qu'elle est ressentie.
Aux responsables que vous êtes, je demande aussi un effort particulier pour accueillir les jeunes adjoints de sécurité et pour faciliter leur intégration professionnelle. Les uns et les autres peuvent vous apporter beaucoup. De même, vous devez vous attacher à coopérer étroitement avec les agents locaux de médiation sociale mis en place par les collectivités locales, les associations ou les bailleurs sociaux.
3) Comme vous le savez, le Conseil de sécurité intérieure a prévu de renforcer l’action préventive des services de police et de gendarmerie et la politique pénale, dans le domaine préoccupant de la délinquance des mineurs.
Celle-ci constitue à mon sens un des principaux défis que nous aurons à relever ensemble. La délinquance des mineurs représente en effet près du quart de la délinquance globale et 37 % de la délinquance de voie publique. Bien entendu, il faut assécher le terreau de cette délinquance : chômage, désespérance, crise de l'éducation et de la transmission des valeurs. Mais il faut oser dire que la sanction peut aussi avoir une valeur éducative.
Dans les 26 départements les plus touchés par la délinquance, la compétence des brigades des mineurs sera étendue au traitement de certains actes commis par les mineurs et notamment aux violences survenant en milieu scolaire.
Dans chaque circonscription de sécurité publique sera mis en place un « correspondant local police-jeunes » chargé notamment de tenir le « tableau de bord » de la délinquance liée aux mineurs. Ce correspondant sera l'interlocuteur privilégié des différents partenaires, et participera à l'action des dispositifs locaux de sécurité.
En outre, au niveau départemental, sera institué « un référent police-jeunes » issu de votre corps ou de celui des commissaires de police. Il centralisera les informations départementales sur la délinquance des mineurs, coordonnera l’action des correspondants locaux et développera les partenariats.
Pour donner sa pleine efficacité à ce dispositif, 18 000 policiers (tous corps confondus) recevront dans les deux ans une formation spécifique. Je souhaite que beaucoup d'entre vous la suivent.
III. – La relance de la politique sociale et de la formation professionnelle
Je terminerai maintenant en insistant sur deux grands projets des mois à venir, lesquels concourront à un nouveau dialogue social au sein de la police : la relance de la politique sociale et un nouvel élan pour la formation, notamment en matière de formation continue.
1) La relance d’une politique sociale correspond à une aspiration profonde et maintes fois exprimée.
Certaines mesures avaient déjà été prises, comme le recrutement de psychologues ou le développement d'une médecine de prévention, dans la perspective de sa généralisation en 1999 ; ou la mise en place des Comités d'hygiène et de Sécurité.
Il conviendra maintenant de s'intéresser aux conditions de vie des policiers.
J'ai confié à Monsieur Jean-Marie ALEXANDRE, président du Crédit Social des Fonctionnaires, une mission d'analyse et de propositions. Quatre thèmes ont retenu mon attention : le renforcement de la protection juridique, médicale et sociale des policiers, les conditions de travail et de vie dans les services, les conditions de vie familiale ainsi que la place et le rôle de la police dans la société.
2) Dans le domaine de la formation, des efforts importants out déjà été entrepris et vous en êtes les exemples. Vous, les élèves de la deuxième promotion, avez bénéficié d'une formation plus longue, intégrant une pédagogie de l'alternance et une polyvalence adaptée à la nouvelle dimension de votre métier. Je remercie la direction de l'école et l'ensemble des personnels d'avoir pleinement réussi dans cette tâche.
J'entends organiser, à la fin de l'année, des assises nationales de la formation et de la recherche dans la police nationale, et créer une direction de la formation. Il y a là un enjeu majeur, s'agisse de la formation initiale ou de la formation continue.
Tous ces efforts doivent naturellement tendre vers une amélioration et un déroulement plus harmonieux de vos carrières. Il importe en effet de lier plus étroitement recrutement, formation, débouchés, carrières et revalorisation professionnelle dans le cadre d'une plus grande mobilité fonctionnelle et géographique.
Je vous engage cependant fortement à accomplir durant toute votre carrière l'effort personnel de remise à niveau de vos connaissances professionnelles. C'est un impératif dans un monde qui change de plus en plus vite, au plan social comme au plan technologique.
Pour la très grande majorité d'entre vous, vous allez être affectés en sortie d'école dans les services de la Direction Centrale de la Sécurité Publique et de la Préfecture de Police. Vous exercerez vos missions en uniforme ou en civil. Une palette très riche de métiers s'ouvrira vous car la police nationale permet l'épanouissement de tous les talents et vous pourrez évoluer vers les directions spécialisées dans la police judiciaire, les compagnies républicaines de sécurité, le renseignement, le contrôle des frontières ou la formation. Je tiens donc à vous dire, à toutes et à tous, bonne chance pour vos missions nouvelles.
Le métier de policier est exaltant mais l n'est pas facile. Je suis sensible au lourd tribut payé chaque année par la Police Nationale. Des événements récents viennent nous rappeler, à Lens particulièrement, que la tâche des forces de l'ordre est pleine de risques. Ayons une pensée émue pour le gendarme David NIVEL et pour les siens.
En 1997, la police nationale a eu à compter 4 570 blessés lors d'actions de police, et plusieurs morts dont celle du capitaine Robert DREANO, que vous avez choisi comme éponyme de votre promotion.
Robert DREANO, policier dynamique, courageux, d'une haute conscience professionnelle et d'un dévouement exemplaire a trouvé la mort à Saint-Nazaire le 27 mars 1997 sous les balles d'un délinquant qu'il venait appréhender. Cite à l'ordre de la Nation, Robert DREANO a été promu au grade de commissaire de police.
Devant son épouse et ses familles ici présentes, et que je salue respectueusement, je veux que vous vous rappeliez du nom de Robert DREANO. Inspirez-vous, tout au long de votre vie professionnelle, de son courage. Il ne sera pas mort en vain si son exemple nourrit le dévouement et l'action de vous tous, qui êtes comptables du magnifique héritage de la Police Nationale, au service de nos concitoyens, au service de la France