Interview de M. Hervé de Charette, président du PPDF et vice-président de l'UDF, dans "Le Figaro" le 24 avril 1998, sur la politique audiovisuelle extérieure de la France.

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LE FIGARO. - Pourquoi les gouvernements successifs ne font-ils pas de l'audiovisuel extérieur leur priorité ?

Hervé de CHARETTE. - L'audiovisuel extérieur concerne les conditions dans les quelles la France participe à la révolution mondiale à grande vitesse qui affecte l'audiovisuel. Est-ce que la France veut en être ou est-ce que ça ne l'intéresse pas ? Le marché mondial de l'audiovisuel, je vous le rappelle, est formé de trois entités : quatre milliards de téléspectateurs, 100 millions de téléspectateurs francophones et des centaines de milliers de Français expatriés. Bien évidemment, il faut en être pour des raisons économiques et sociales. Ce secteur est générateur d'emplois. L'audiovisuel et les nouvelles technologies accompagnent les mutations sociales. En outre, comment oublier que la promotion de l'audiovisuel extérieur nous permettra d'affirmer notre présence politique et culturelle dans le monde ?

Prenons un exemple : autre fois, le symbole de la présence française en Amérique latine c'était l'arrivée de la Jeanne d'Arc dans la baie de Rio, désormais le plus fort symbole sera la présence des chaînes françaises sur les bouquets numériques qui vont être retransmis en Amérique latine.

Voilà pourquoi lorsque j'étais ministre des Affaires étrangères, je ressentais de façon très désagréable cette façon de traiter par le petit bout de la lorgnette, l'audiovisuel extérieur.

LE FIGARO. - Ne pensez-vous pas que vous noircissez le tableau ?

- L'audiovisuel extérieur vit avec des économies de bouts de chandelle. La France investit peu dans ce secteur : à peine un milliard de francs. Notre politique reste sous la dépendance des luttes de clans qui empêchent son développement et les principaux dirigeants de ce pays n'y attachent, à de rares exceptions près, que peu d'intérêt. L'audiovisuel extérieur est pourtant un grand enjeu économique et stratégique dans lequel l'État garde une grande responsabilité. L'Etat doit donc savoir prendre des engagements financiers et les respecter. Il ne le fait que très rarement.

LE FIGARO. - Que préconisez-vous ?

- Je plaide d'abord pour l'unité de la tutelle. L'audiovisuel extérieur doit relever du ministre des Affaires étrangères. Dans le domaine culturel, c'est le Quai d'Orsay qui représente la culture française dans le monde afin de mieux coordonner les initiatives des ministres de la Culture, de la Coopération et des Finances.

L'audiovisuel extérieur a besoin d'une unité d'action de l'Etat qui lui permettra d'échapper à la politisation et d'être plus efficace.

LE FIGARO. - L'audiovisuel extérieur doit-il concerner les opérateurs privés comme publics ?

- Il est très important que les grandes chaînes françaises privées comme publiques élaborent une politique internationale. Nous devons avoir le souci de vendre à l'étranger notre production audiovisuelle. Tous les acteurs doivent ressentir cette nécessité.

Il faut reconnaître qu'en la matière des progrès évidents ont été faits au cours des dernières années. Dans le secteur public c'est sur TV 5 qu'il faut s'appuyer. Elle devance en Europe BBC World et la Deutschewelle, ce qui n'est pas si mal. Elle s'appuie sur une excellente équipe de journalistes et de techniciens, en revanche ses programmes sont insuffisants. Je propose que TV 5 soit adossée à France Télévision qui dispose, elle, d'une capacité, d'un stock de programmes lui permettant d'avoir une ambition internationale.

Tant que TV 5 sera sous le contrôle quasi direct du cabinet du premier ministre, on pourra la comparer à un unijambiste engagé dans le marathon de New York.

Il faut en faire, je le répète, la filiale internationale de France Télévision. L'idée de créer une CNN à la française est, à juste titre, abandonnée. C'est au-dessus de nos moyens, en réalité nous avons surtout besoin de diffuser un vrai journal international qui puisse intéresser la clientèle mondiale. J'encourage tous les efforts qui sont en cours dans ce domaine évidemment capital.

Enfin, Canal France Inter national doit développer son rôle de banque de programmes étant précisé qu'il s'agira non de céder gratuitement des programmes médiocres mais de vendre de bons programmes.

Enfin, nous devons attacher beaucoup d'importance à notre présence sur les bouquets satellitaires. Si la langue française doit être défendue, il ne faut pas oublier que la meilleure défense c'est l'attaque. Quand ils parient les langues étrangères, les Français sont beaucoup plus influents. La diffusion de programmes français dans la langue du pays où ils sont reçus ne doit donc pas être négligée. C'est ainsi que nous intéresserons les quatre milliards de téléspectateurs.