Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les priorités des volets urbanisme et logement de la politique de la ville, avec notamment l'installation du nouveau Conseil national de la ville et la mise en oeuvre de partenariats entre l'Etat et les agglomérations pour la gestion urbaine, Paris La Défense le 5 juin 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontre nationale du logement au CNIT La Défense, Paris le 5 juin 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,

Il ne m’a pas été donné de pouvoir participer aux travaux de la Rencontre Nationale du Logement, dès la séance de ce matin. Je le regrette d’autant plus que la synthèse qui vient de nous être présentée par les rapporteurs atteste de la qualité des échanges et des réflexions dans chacun des ateliers.

Ne m’en veuillez pas, Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs d’entrer dans le vif du sujet par un truisme : la politique du logement est une dimension forte de la politique de la ville.

Michel Delebarre et Louis Besson sont spécialement qualifiés pour mesurer cette complémentarité, eux qui ont eu — en tant que membres du gouvernement — la responsabilité de l’une comme de l’autre de ces deux politiques.

Ministre délégué depuis deux mois, j’ai l’occasion de constater très concrètement chaque jour à quel point la politique de la ville est un enjeu pour notre pays, pour sa population, pour notre démocratie. Cet enjeu est au cœur des préoccupations du gouvernement qui peut d’ores et déjà se prévaloir de plusieurs mesures fort significatives dans ce domaine. De façon non exhaustive, je mentionnerai les contrats locaux de sécurité, les emplois jeunes, le dispositif de lutte contre l’exclusion, l’effort particulier consenti pour assurer le service public de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis ou bien encore les actions impulsées par Louis Besson, actions qui ont été évoquées tout à l’heure. Je souhaite inclure dans cette énumération le travail commandé par Martine Aubry et Jean-Pierre Sueur, qui a accompli un travail remarquable. Son rapport nous permet de disposer aujourd’hui d’un outil performant, notamment en termes d’évaluation d’une politique de la ville qui, je tiens à le rappeler, a désormais vingt ans d’existence.

Je souhaite, à ce stade de mon propos, vous faire part de quelques considérations qui me semblent essentielles au regard de ce que je qualifie de « nouvelle ambition pour les villes ». J’insisterai tout d’abord sur les notions de transversalité et d’horizontalité de la politique gouvernementale. Je citais précédemment des exemples d’intervention de plusieurs ministères importants. La politique de la ville n’est nullement un domaine réservé de mon ministère. C’est la conjugaison de l’effort de tous les secteurs ministériels concernés — ils sont nombreux — et la coordination au niveau central, mais aussi au niveau local entre toutes les interventions, qui doit créer les conditions de la réussite.

Je crois, ensuite, que la qualité du partenariat avec les collectivités locales est une des clés de la politique de la ville. A mon sens, le bon partenariat, c’est celui qui associe des collectivités auxquelles on donne la possibilité — notamment financière — de réaliser leurs projets et un Etat qui assure pleinement les responsabilités qui lui incombent. De ce point de vue, je crois indispensable de réexaminer les modalités actuelles de la contractualisation. J’y reviendrai.

Je considère également que la politique de la ville doit s’appuyer sur un double niveau d’intervention. Je résumerai, en l’espèce, cette problématique par une formule : il nous faut tout à la fois avoir « la tête dans les agglomérations et les villes de demain, et les mains dans la réalité des quartiers ». L’agglomération est, à l’évidence, l’échelle pertinente pour tout ce qui relève des politiques structurantes en termes d’habitat, de développement économique, d’aménagement de l’espace ou de transports.

Dans le même temps nous devons prendre en considération le périmètre du quartier pour des actions dites de proximité, par exemple en matière de gestion urbaine ou de participation des habitants.

Plusieurs rendez-vous importants auront lieu ce mois-ci. A la mi-juin, se déroulera une réunion des ministres consacrée à la politique de la ville.

Le 25 juin, le Premier ministre installera le nouveau Conseil National de la Ville.

Le 30 juin, il présidera un Comité Interministériel des villes et du développement social urbain. Au cours de ce C.I.V., sera examinée la prolongation des contrats de ville d’un an, jusqu’en 1999. Ceci nous permettrait d’harmoniser la prochaine génération de contrats de la politique de la ville avec celle des contrats de plan Etat-région ainsi qu’avec celle des prochains fonds structurels européens.

Les dimensions logement, habitat, cadre de vie sont, comme je l’évoquais précédemment particulièrement importantes pour la politique de la ville. C’est pourquoi, j’entends inscrire mon action dans le cadre d’un travail en commun très étroit avec les ministres du Logement et de l’Equipement.

Nous aurons, cher Louis, cher Jean-Claude, à travailler ensemble pour faire progresser des dossiers qui nous concernent tous. Quelques thèmes fondamentaux et pour lesquels il nous faut apporter des réponses peuvent être identifiés.

Je souhaite évoquer quatre priorités dans le volet urbanisme et logement de la politique de la ville :

1 - Les copropriétés en grande difficulté ;
2 - La gestion urbaine ;
3 - La recomposition urbaine ;
4 - La mixité sociale.

1. Je commencerai par celui des copropriétés très dégradées. Il s’agit d’un des défis que nous devons relever en cette fin de siècle. J’observe, dans certains cas, qu’une partie du parc privé se trouve confrontée à une impasse, voire à un véritable péril. Accédants « étranglés » par le surendettement, absence d’opérateur susceptible de structurer les copropriétés, apparition de « marchands de sommeil » : ceci génère des situations réellement dramatiques qui appellent — bien qu’il ne s’agisse pas du secteur public — des réponses de la part des pouvoirs publics sur un certain nombre de sites.

2. Le second thème identifiable concerne la gestion urbaine. Nous ne pouvons tolérer qu’au sein de certains quartiers la population puisse éprouver un sentiment d’abandon. J’ai eu l’occasion, depuis ma nomination et avant, de vérifier que dans certains quartiers — je ne souhaite pas les citer afin de ne pas contribuer davantage à leur stigmatisation — ou les limites de l’inacceptable ont été atteintes. Dans ces lieux caractérisés par une absence de gestion urbaine, nous devons intervenir plus et mieux. Se pose, dès lors, la question de l’égalité devant le service public et le rôle central des collectivités locales. Je constate parfois une véritable rupture d’égalité induite par certains traitements spatiaux différenciés selon qu’il s’agit de zones pavillonnaires ou de quartiers à dominante HLM. Je demanderais, par conséquent, que soit intégré dans les futurs contrats de la politique de la ville un volet qui conditionnera les crédits contractuels à un engagement local de gestion urbaine. Ceci dans le cadre d’une stratégie convergente avec celle de l’Etat. J’ajoute, en incidence, que la population et les bailleurs sociaux devraient être associés à ces engagements contractuels dans le cadre d’une véritable gouvernance urbaine de proximité. Il me semble, en effet, nécessaire que chacun puise savoir qui fait quoi, qui est responsable de la gestion des différents espaces dans la ville. J’ai déjà évoqué cette question avec Louis Besson et nous allons œuvrer ensemble pour apporter des solutions.

3. Je suis par ailleurs convaincu de la nécessité, dans certains quartiers, d’engager de véritables programmes de recomposition urbaine associés à des actions sociales, culturelles, éducatives et économiques. La problématique de construction/démolition est courageusement abordée par Louis Besson. La démolition n’est jamais une fin en soi, mais, dans certains cas, un moyen de « refaire la ville dans la ville ». En tout état de cause, il est hors de question de laisser se développer des stratégies de démolition dont nous savons qu’elles n’obéissent qu’à une seule motivation : changer la population en la transférant ailleurs, c’est-à-dire exclure davantage, notamment les populations d’origine étrangère. Je souhaite vivement qu’aucun organisme HLM ne s’associe par le jeu d’une vacance organisée à de telles stratégies antirépublicaines. Ceci appelle de notre part une véritable réflexion sur la requalification urbaine : désenclaver, restructurer, dédensifier ou redensifier certains quartiers. Là encore se pose la question de la relation entre espaces publics et espaces privés. C’est le cas, par exemple, de la gestion des parties communes des immeubles. Trop souvent, elles ne sont pas vécues comme un espace privé que les habitants s’approprient. La réflexion sur le bâti physique devra être au cœur des futurs projets de ville. L’outil « PLA construction/démolition » devra être utilisé dans les périmètres de la géographie prioritaire de la politique de la ville et intégré dans des projets plus larges, à l’échelle de la ville ou de l’agglomération.

4. Il y a plusieurs manières d’aborder le thème de la nécessaire mixité sociale. Le bilan de la loi d’orientation sur la ville est riche d’enseignement. Je souhaite notamment insister sur le fait que la mixité est avant tout une mixité urbaine. La notion d’échange au sein de la population dans la ville me paraît essentielle. L’expression du vouloir vivre collectif doit pouvoir se manifester à travers des transports urbains adaptés aux tarifs bien étudiés, les initiatives culturelles, les manifestations sportives, l’accès facilité aux services publics dans la ville toute entière. Penser cette dimension de la mixité urbaine et la transcrire dans les futurs contrats afin qu’elle puisse être mise en œuvre s’avère essentiel.

Je souhaite, avant de conclure cette intervention, revenir l’espace d’un instant sur la question du partenariat et de son support qui, pour moi, doit être la contractualisation. J’insiste particulièrement sur cet aspect de la politique de la ville parce que je suis convaincu — et je suppose que vous l’êtes tout autant que moi — que, par exemple, sans l’intervention de l’Etat, sans celle des collectivités locales, un bailleur social est dans l’impossibilité totale de garantir la sécurité des personnes et des biens au sein du patrimoine dont il a la responsabilité. C’est pourquoi je souhaite réaffirmer qu’il est aujourd’hui fondamental que chaque partenaire concerné assure pleinement les missions qui lui sont dévolues. Pour ce qui concerne l’Etat, chacun des ministres avec lesquels j’ai l’occasion de travailler est pleinement conscient de cette nécessité et agit en conséquence. J’ai cité l’exemple de la sécurité, mais j’aurais pu mentionner d’autres domaines ministériels, tels, par exemple l’Education nationale ou la Justice. Dans la perspective des futurs contrats de la politique de la ville, je souhaite que l’ensemble des services déconcentrés participe, tous ensemble, à l’élaboration du point de vue global de l’Etat. Ceci, bien entendu, avant les discussions avec les partenaires locaux.

Monsieur le Président, Messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs, je crois qu’il est essentiel de pouvoir se rencontrer et d’échanger points de vues et propositions.

J’aurai, au demeurant, l’occasion de susciter moi-même des opportunités de même nature que l’initiative de ce jour. J’espère, Messieurs les Ministres, que vous pourrez vous y joindre et apporter votre contribution, comme je viens d’essayer de le faire dans cette table ronde de synthèse.

Soyez toutes et tous remerciés par votre aimable attention.