Texte intégral
RTL : La réforme de la taxe professionnelle : peut-on la concevoir comme un allègement des charges pour les entreprises, et quelles entreprises ?
Marylise Lebranchu : C'est objectivement et sûrement un allègement des charges qui correspond en fait à une diminution du coût du travail, puisque la taxe professionnelle a une base qui comprend aujourd'hui 18 % de la masse salariale des entreprises, quel que soit le nombre des salariés. Nous nous sommes engagés – le gouvernement, par la voix de Dominique Strauss-Kahn qui l'a annoncé ce matin – à ce que cette base – masse salariale – disparaisse en cinq ans. Ce qui est intéressant, c'est que pour la première année, il va y avoir un allègement de 100 000 francs qui correspond à 550 000 francs de masse salariale et qui va concerner 69 % des entreprises. C'est extrêmement important : le coût du travail va donc diminuer pour les petites entreprises via la taxe professionnelle.
RTL : De quel pourcentage ? Est-ce qu'on peut avoir une idée ?
Marylise Lebranchu : La part de la masse salariale prise en compte dans la taxe professionnelle en France, globalement, sur le territoire, c'est 35 %. Vous aurez donc globalement 35 % de diminution de la taxe professionnelle. Mais vous savez bien qu'elle est répartie sur les territoires en fonction des taux communaux. C'est vrai que les taux restent de la responsabilité des collectivités locales. Ce qui est essentiel à dire et à redire, c'est que quand on emploiera quelqu'un, quand on augmentera les salaires, la taxe professionnelle n'augmentera pas. C'est cela le plus important.
RTL : Cet argent allait aux collectivités locales. Il va donc bien falloir remplacer cet argent. Que va-t-il se passer ?
Marylise Lebranchu : Rappelons que cet argent allait aux collectivités locales, mais nous avions déjà des décrètements en fonction de la situation des entreprises. L'État, à chaque fois qu'il décidait un décrètement, lui remboursait et le compensait intégralement aux collectivités locales. De la même manière, c'est l'État qui décide d'enlever un morceau de l'assiette de la taxe professionnelle. C'est donc l'État qui va intégralement compenser le manque à gagner des collectivités locales. Donc celles-ci ne perdront pas un centime dans l'opération.
RTL : Ce n'est pas souvent que l'on entend, Ernest-Antoine Seillière adresser un satisfecit au gouvernement. Il n'empêche qu'une partie de son propos est quelque chose qu'on commence à entendre : profitant de l'environnement économique, le gouvernement aurait pu faire plus pour les entreprises.
Marylise Lebranchu : Toujours plus, c'est facile à dire, ce n'est pas forcément facile à faire. Je pense que ce qu'il faut retenir, en-dehors de la taxe professionnelle dont M. Seillière reconnaît que c'est un premier pas – c'est la première fois depuis vingt-et-un ans qu'on l'attendait. C'est fait. Ce qu'il faut dire, c'est que le gouvernement a choisi de redonner, de repartager les fruits de la croissance – vieux débat qu'on a depuis quelques mois – en particulier en direction de l'emploi d'une part, de la solidarité d'autre part. Je pense que le choix est un choix d'équilibre, puisque justice sociale il y a dans ces mesures, mais en plus, on met l'accent et la force de ce manque à gagner que l'État se donne – 16 milliards de francs, ce n'est pas anodin – sur les entreprises pour alléger le coût du travail et leurs charges. C'est effectivement une réponse à ce qui était demandé. Ce n'est pas une somme anodine : c'est une somme qui marquera, j'espère.
RTL : Vous espérez créer combien d'emplois ?
Marylise Lebranchu : Il faut être toujours prudent sur les chiffres, mais comme on en demande toujours, on en donne effectivement. À peu près 150 000 emplois. Très honnêtement, j'espère plus, parce que ça va se conjuguer avec une mesure qui va concerner les toutes petites entreprises : comme celles-ci – souvent une ou deux personnes salariées – n'étaient pas touchées par cette mesure de taxe professionnelle, le gouvernement a décidé de prendre aussi une mesure pour les toutes petites entreprises. C'est une mesure de simplification qui apparaît anodine ; pour celles qui font de la prestation de services et qui sont en-dessous de 175 000 francs de chiffre d'affaires, il n'y aura plus de déclaration de TVA, plus de TVA ; pour celles qui font du commerce à vendre et qui sont en-dessous de 500 000 francs de chiffre d'affaires, plus de déclaration de TVA, plus de TVA. Je pense qu'avec les toutes petites entreprises, on aura en plus un impact emploi qu'on peut difficilement quantifier aujourd'hui. Mais vous avez vu que dans les autres pays, comme dans le nôtre, c'est sur les toutes petites entreprises que l'emploi se gagne.
RTL : Le gazole va augmenter de 7 centimes par litre. On entend déjà les entreprises de transport routier demander quelque chose.
Marylise Lebranchu : Bien sûr. Si elles n'avaient rien dit, nous aurions été très surpris. Dès ce matin, avec Dominique Strauss-Kahn, Jean-Claude Gayssot a annoncé que la négociation s'ouvrait avec les professionnels du transport, que ce soient les camionneurs, bien sûr, ou bien les transports du public – pour voir comment prendre en compte ces entreprises qui ont de fortes immobilisations et de forts coûts salariaux.
RTL : On va donc dédommager au moins partiellement les entreprises de transport routier.
Marylise Lebranchu : En fait, il y aura une fiscalité différenciée entre la fiscalité du gazole particuliers, touristiques, et celle des professionnels. C'était cela qui était attendu : c'est qu'on puisse prendre en compte un outil de travail particulier, même si à terme nous espérons par d'autres mesures, en particulier sur les véhicules à double carburant, y compris les cars, que ces véhicules abandonnent à terme le gazole pour d'autres formes de carburants beaucoup moins polluants parce que, dans nos villes, derrière un poids lourd ou un car, ce n'est pas forcément agréable.