Article de M. Jacques Barrot, vice-président du groupe UDFC à l'Assemblée nationale et président de la Commission des finances, dans "Démocratie moderne" du 7 avril 1994, sur le bilan de l'action de la Commission des finances.

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  • Jacques Barrot - vice-président du groupe UDFC à l'Assemblée nationale et président de la Commission des finances

Média : DEMOCRATIE MODERNE

Texte intégral

La commission des Finances doit pouvoir, à la faveur de la revalorisation du rôle du Parlement, jouer un rôle accru : elle peut être une force de propositions particulièrement utile au gouvernement, avant même qu'il ait fait ses choix, qu'il ait arrêté ses projets. Elle peut-être aussi l'instance la plus qualifiée pour exercer un véritable contrôle des dépenses publiques, non seulement des nouvelles dépenses mais aussi des dépenses votées les années précédentes et dont la nécessité mérite d'être réexaminée quant à leur plus ou moins grande utilité.

Cinq grands combats

C'est dans cet esprit que, depuis un an, j'ai essayé d'orienter notre commission des Finances : proposer et contrôler. Je l'ai fait à l'occasion de cinq grands combats. Le premier a concerné la réorganisation des prélèvements fiscaux et sociaux. C'est sans doute la clé d'une réforme en profondeur de la société française. Comment fallait-il combler les déficits sociaux hérités des gouvernements précédents ? Augmenter les cotisations pénalisait le travail : faire appel à la TVA sollicitait tout le monde d'une façon injuste. J'ai conseillé le recours à la CSG, parce qu'elle concerne tous les revenus d'une manière proportionnelle. Lorsque, pour des raisons de justice, la déductibilité de celte CSG a été abandonnée, nous avons alors sollicité, en contrepartie, une réforme de l'impôt sur le revenu, de façon à rendre le barème de l'impôt moins progressif et plus familial. À terme, c'est le rapprochement entre l'impôt sur le revenu et la CSG qui est en jeu. L'impôt sur le revenu de demain doit avoir une assiette plus large mais des taux et une progressivité plus modérés.

Il va falloir maintenant faire de nouveaux choix. Faut-il, d'ores et déjà, programmer une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu ou, au contraire, consacrer de nouvelles ressources fiscales pour gager l'abaissement de cotisation patronale d'assurance maladie, afin de réduire le coût du travail et favoriser l'emploi ? … Ce sera l'une des grandes questions du budget à venir.

Deuxième axe de notre action : dynamiser l'économie française, et en particulier les petites et moyennes entreprises qui porteront demain les chances de la France et les emplois nouveaux. C'est d'abord une affaire de financement.

Par rendements, j'ai obtenu l'extension d'une exemption fiscale des sommes engagées dans les SICAV et transférées aux comptes bloqués d'associés. Nous avons, avec la commission des Finances, sollicité une extension du remboursement du décalage de TVA à la plupart des entreprises, alors que le projet initial du gouvernement limitait ce remboursement aux très petites entreprises.
Lorsque le gouvernement a voulu — à juste titre — abaisser la fiscalité sur les produits bancaires, j'ai sollicité un véritable partenariat avec les banques, pour leur demander de prêter plus facilement aux petites et moyennes entreprises.

Enfin, j'ai déposé un projet destiné à mettre en place, au côté et en complément des régimes par répartition, un dispositif de retraites par capitalisation, qui permettra à la fois de compléter les retraites par répartition et de mettre à la disposition des petites et moyennes entreprises des fonds pour de longues périodes, en quelque sorte des quasi-fonds propres. Avec la détermination d'Edmond Alphandéry, j'espère que nous pourrons mettre en œuvre ce système indispensable. Dès lors, nos petites et moyennes entreprises, assurées de fonds propres suffisants, seront beaucoup moins tributaires des données monétaires et des taux d'intérêt parfois trop élevés pour leurs investissements.

Le troisième axe correspond à offrir aux familles de nouvelles chances et soutenir par là-même la consommation. Je me suis attaché à convaincre le gouvernement de faire plus dans le domaine du logement, avec un allongement de la durée de déductibilité des intérêts des accédant à la propriété, avec une exonération momentanée et exceptionnelle des droits de mutation pour les logements acquis ou construits cette année. C'est désormais l'ensemble de la fiscalité pesant sur le logement qu'il faut remettre en cause progressivement nous avons à nouveau augmenter le taux de la déduction forfaitaire que le propriétaire-bailleur peut utiliser pour mieux rentabiliser son investissement… La France doit moderniser son parc privé ancien à un rythme beaucoup plus rapide et construire plus de logements, afin de modérer les dépenses d'habitation. C'est la véritable clé de la maîtrise des prix et de la qualité de la vie familiale.

S'agissant de qualité de vie, nous avons eu à connaître de la fiscalité locale les commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, avec notre ami Jean Arthuis, ont beaucoup œuvré pour que le dispositif trop rigoureux prévu par le gouvernement soit assoupli, notamment pour ce qui concerne le remboursement de la TVA. Il faut, tout à la fois, laisser aux collectivités locales le fruit des impôts locaux et mieux répartir les fruits de ce prélèvement. Nous avons ouvert quelques chemins. Mais ce sera le cœur des réformes touchant l'aménagement du territoire. Pour que la qualité des services rendus dans l'ensemble des collectivités françaises soit relativement homogène, il faudra une répartition de ressources fiscales plus justes.

Quatrième axe remettre en ordre les dépenses publiques. Toutes ces réformes concernant les prélèvements, aussi bien sur l'entreprise que sur les ménages, ne sont possibles que s'il y a une remise en ordre des dépenses déjà consenties, c'est-à-dire des services votés.

La commission des Finances de l'Assemblée nationale, sous mon impulsion, a décidé cette année de se pencher plus particulièrement sur cinq budgets : Affaires sociales avec Adrien Zelter ; Formation professionnelle avec Jean-Jacques Jegou ; Charges communes avec Yves Fréville ; et Fonction publique avec Charles de Courson.

C'est à l'intérieur d'une masse de 635 milliards de francs que les rapporteurs spéciaux vont essayer de faire la chasse au gaspillage… Il y va de la maîtrise des dépenses publiques et de la réduction des déficits publics indispensables pour réaliser l'Union économique et monétaire.

Car le cinquième axe de notre action concerne la reconstruction de l'Union économique et monétaire. Pour cela il faut privilégier les relations franco-allemandes. En un an, trois rencontres, deux à Bonn et une à Paris, nous ont permis d'engager un dialogue très fructueux avec les Parlementaires du Bundestag. Nous avons évoqué avec eux la négociation du GATT, en cherchant à leur faire comprendre les positions françaises. Nous leur avons demandé d'accepter que, parallèlement à la signature du GATT les Européens mettent en place un dispositif destiné à sauvegarder leurs intérêts en cas d'agression commerciale caractérisée. C'est aujourd'hui chose faite. Désormais lorsque des pays du sud-est asiatique par exemple, ne respectent plus les règles du commerce international les clauses anti-dumping ou les clauses de sauvegarde peuvent être mises en œuvre à la majorité simple et non plus seulement à la majorité qualifiée. Les Douze peuvent ainsi se défendre.

Nous avons évoqué aussi les problèmes monétaires : après avoir soutenu Edmond Alphandéry pour cette grande réforme qu'a été la création d'une Banque de France véritablement indépendante, nous avons tenté de faire comprendre aux Allemands nos préoccupations concernant la politique monétaire allemande en précisant que nous étions pour la stabilité monétaire mais pas nécessairement pour une surévaluation de la future monnaie européenne…

Ce dialogue est sans doute l'un des apports les plus significatifs de la commission des Finances à la politique française et européenne.

Sans doute, l'essentiel des choix est-il fait par le gouvernement. Mais l'expérience montre que plus ces choix ont été débattus, notamment au sein des commissions des Finances, plus ils peuvent s'avérer judicieux et, à coup sûr plus ils auront les meilleures chances d'être appliqués dans de bonnes conditions Plus le gouvernement comprendra que les parlementaires peuvent, en remplissant leur fonction de contrôle, l'aider à remettre de l'ordre dans notre pays et à provoquer les réformes nécessaires plus vite notre pays pourra s'adapter aux grands défis de demain… Oui je crois au rôle du Parlement et à ses commissions des Finances !