Interview de M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, à France-Inter le 22 avril 1994, sur le questionnaire à destination de la jeunesse annoncé par Édouard Balladur, la politique de l'audiovisuel, et le projet de loi de défense de la langue française.

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Média : France Inter

Texte intégral

M. Denoyan : Bonsoir. Édouard Balladur a-t-il davantage convaincu les 9 millions de téléspectateurs qui l'ont regardé hier soir que les 12 Français qui étaient face à lui sur TF1 ? En tout cas, il aura essayé d'insuffler un peu d'optimisme au pays, en disant que si cela n'allait pas encore bien, c'était déjà mieux.

Mais cet espoir, sur le terrain, les Français ne paraissent pas le voir. Ils lui ont répondu d'ailleurs qu'il faudrait peut-être que ses conseillers et techniciens viennent un peu sur place… Difficulté de communiquer, difficulté aussi d'expliquer les réformes mises en œuvre, Édouard Balladur en a convenu, et pour essayer de retrouver cette confiance des Français, notamment des jeunes, confiance qui paraît l'avoir quitté depuis l'affaire du contrat d'insertion professionnelle, le fameux CIP, il va lancer un sondage auprès des jeunes de 15 à 25 ans. Mais le temps de faire le sondage, de le dépouiller, d'en tirer les enseignements, ne serons-nous pas déjà rendus à l'échéance présidentielle ?

Invité d'Objections ce soir : monsieur Jacques Toubon, ministre de la Culture et de la Francophonie. Monsieur le ministre, bonsoir.

J. Toubon : Bonsoir.

M. Denoyan : Nous allons vous interroger bien sûr sur cette émission de monsieur Balladur, sans oublier que vous êtes ministre de la Culture et que vous revenez d'Athènes où il s'est décidé un certain nombre de choses en réponse à la défense que doivent avoir les Européens face aux images américaines, et puis aussi sur votre projet de loi concernant la défense de la langue française, qui ne paraît pas faire l'unanimité.

Nous allons vous interroger avec Dominique Brocard et Jean-Marc Stricker pour France-Inter, Fabien Roland-Lévy et Raphaëlle Bacqué pour Le Parisien-Aujourd'hui.

Revenons sur les propos du Premier ministre hier soir. La principale annonce qui a été faite au cours de cette émission, c'est cette fameuse consultation de la jeunesse française, avec un questionnaire adressé à tous les jeunes Français de 15 à 25 ans ; cela fait quand même beaucoup, parce que cela va faire à peu près 7 millions de Français concernés.

N'est-ce pas quand même l'aveu qu'aujourd'hui le Gouvernement reconnaît qu'il n'est plus en phase avec les jeunes, qu'il ne sait plus par quel biais attaquer le problème ?

M. Toubon : Je vous répondrai d'abord ceci : est-ce que ce Gouvernement, si l'on dit qu'il n'est pas en phase avec les jeunes, fait exception ? Est-ce que le Gouvernement précédent était en phase avec les jeunes ?

M. Denoyan : Cela ne retire pas le problème.

M. Toubon : Cela ne retire pas le problème, mais je veux dire par là qu'il est évident que dans une situation extrêmement difficile, où beaucoup de gens sont frappés par le malheur actuel ou l'angoisse pour demain, il y a des incompréhensions, des impatiences ; on a bien vu hier soir les interlocuteurs du Premier ministre qui étaient là : d'abord, c'est l'impatience qui frappe et puis il peut même y avoir des révoltes.

À partir de là, il est clair que les réponses qui sont données par l'action gouvernementale peuvent apparaître, par rapport à cette impatience, ou à ces révoltes, ces angoisses, comme décalées. Je crois qu'il ne faut pas confondre les calendriers. Par exemple, vous parliez tout à l'heure de l'élection présidentielle à propos du questionnaire adressé aux jeunes. Je crois qu'il ne faut pas confondre naturellement du tous les calendriers. L'idée de demander aux jeunes leurs aspirations, globalement, et de manière un peu exacte à travers un grand, grand, grand questionnaire – plus de 7 millions d'exemplaires – me paraît être une idée très juste. Hier soir, dans l'émission, si je peux y revenir une seconde, ce qui m'a frappé, c'est que les Français qui étaient devant le Premier ministre ont, comme je l'ai dit il y a un instant, manifesté indiscutablement beaucoup d'impatience et le souhait que les problèmes soient réglés tout de suite. Je les comprends très bien.

M. Denoyan : Ils n'ont pas participé à l'optimisme du Premier ministre.

M. Toubon : Mais en même temps, j'ai vu le Premier ministre, et j'ai entendu le Premier ministre, répondre à leurs questions. Il y a eu hier soir un dialogue : il y a eu des questions et il y a eu des réponses…

M. Denoyan : Ce n'est pas ce qu'ils disent, Jacques Toubon, quand on les interroge après l'émission.

M. Brocard : Il y avait quand même d'un côté des questions abruptes : "Comment feriez-vous pour vivre avec 2 600 francs par mois ?", et de l'autre des réponses un peu convenues de la part du Premier ministre.

M. Toubon : Non, elles n'étaient pas convenues. Elles étaient les réponses du Gouvernement… Une seconde de réflexion: on passe d'un certain nombre de situations individuelles, de questionnements individuels qui, comme c'est le cas par exemple pour le chômage, sont de véritables phénomènes de société, des problèmes collectifs, à la réponse qui est donnée par l'action politique ou par les autres, mais là en l'occurrence par l'action politique, celle du Gouvernement, celle du Parlement. Il est évident que vous ne pouvez pas avoir le même niveau entre la question et la réponse. La réponse n'est pas convenue ; la réponse est celle de l'action que mène le Gouvernement qui décide par des lois, par des règlements, par des mesures de toutes natures. Par exemple, l'affaire des 5 000 francs pour les voitures, est-ce que ce n'est pas une réponse concrète ? Naturellement, ce n'est pas une réponse à tous ceux qui craignent d'être chômeurs dans l'automobile. La réponse n'est pas : "Non, monsieur, vous ne serez pas au chômage" ; elle est : 5 000 francs qui sont injectés dans le système font que l'usine Peugeot de Sochaux, au lieu de faire du chômage technique, fait travailler les gens un samedi et deux samedis de plus. C'est une réponse concrète, mais c'est une réponse qui n'est pas au même niveau, tout simplement parce que l'action politique globale ne se situe pas, malheureusement ou heureusement je ne sais pas – c'est le propre de la démocratie-, au niveau de ces interrogations individuelles. Et je crois justement que, hier soir, le Premier ministre, face à ces interrogations et à ces impatiences, a apporté de vraies réponses, mais au niveau de l'action gouvernementale.

M. Denoyan : Nous allons essayer de vous poser de vraies questions.

M. Roland-Levy : Revenons sur cette idée de questionnaire. Est-ce qu'un sondage bien fait n'aurait pas été moins cher et plus rapide ? On a un peu l'impression que la réponse de ces jeunes, que Matignon évalue à 7 millions, va être qu'ils ont besoin d'un emploi. Pourquoi un questionnaire et pas un sondage ?

M. Toubon : Je pense que c'est plus compliqué que cela, c'est plus compliqué que simplement "ce qu'on veut, c'est du travail". C'est le fond du paysage.

M. M. Roland-Levy : Je résume en disant cela.

M. Toubon : Cela ressortira de ces questionnaires. J'étais, il y a 3 ou 4 jours, à Amiens et, dans le cadre de l'explication de la politique gouvernementale, un an après l'installation du Gouvernement, j'ai rencontré pendant un bon moment un groupe de jeunes à la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Nous avons discuté essentiellement de la question de l'éducation, de la formation, de l'insertion professionnelle.

Autrement dit, ces jeunes avec qui j'ai discuté, ils avaient tout à fait conscience, et ils avaient d'ailleurs des propositions à faire sur ce point, qu'il ne suffit pas de dire : "Il faut que les entreprises nous donnent du travail, il faut qu'il y ait moins de chômeurs, etc.", mais qu'il y a un chemin à faire et que ce chemin, qui est celui de l'insertion professionnelle, de la formation qualifiante, etc., pose de vraies questions.

Je pense, moi, que sur ce point le questionnaire aux jeunes va nous apporter des réponses qui seront autres que celles par exemple que l'on a vues récemment à propos des manifestations du CIP et qui consistent en gros à dire: tous ceux qui ont bac +2 ou bac +3, un BTS ou un DUT, il faut leur donner un travail bien payé, etc. C'est vrai que c'est ce qu'il faudrait faire, mais je pense que la question qui se pose est une question en amont : c'est de savoir si l'orientation vers ces formations est une bonne orientation. C'est là où s'adresser aux jeunes consiste en particulier à parler, comme je le fais, moi par exemple comme maire, aux jeunes encore plus jeunes…

M. Denoyan : Du 13ème arrondissement.

M. Toubon : Je ne suis pas le seul à le faire, et pas seulement dans le 13ème arrondissement. Je crois beaucoup qu'aujourd'hui les jeunes plus jeunes, c'est-à-dire 12, 13, 14 ou 15 ans, ceux qui sont en 4ème, 5ème, 3ème, doivent être "mis dans le coup", parce que c'est là que se font souvent des orientations décisives : des orientations familiales, des orientations personnelles ou simplement l'échec scolaire. Je crois qu'à travers ce questionnaire par exemple ces jeunes beaucoup plus jeunes devraient pouvoir s'exprimer et devraient pouvoir entrer dans un système où ils prendront davantage de responsabilités.

M. Denoyan : Ce n'est pas pour votre Gouvernement. Édouard Balladur a rappelé hier que ce gouvernement était à mi-chemin, qu'il lui restait à peu près un an, disons jusqu'à la fin de l'année…

M. Toubon : Gilbert Denoyan, quand on parle des jeunes, on parle forcément de l'avenir, à plusieurs années.

M. Denoyan : Donc le travail qui va être entrepris à travers ce questionnaire servira au gouvernement prochain.

M. Toubon : Je ne sais pas exactement quel va être le calendrier des réponses et du traitement de ces réponses, mais pourquoi voulez-vous qu'un gouvernement ne travaille pas pour le gouvernement suivant ? L'État, la Nation, la France, etc.

M. Denoyan : Je situe le résultat de ce questionnaire dans le temps.

M. Toubon : Je ne suis pas sûr que cela soit après notre gouvernement. Je pense simplement que c'est un élément concret, très important pour des décisions dans des domaines qui sont essentielles éducation, formation, entrée dans le travail.

M. Roland-Levy : À quel niveau de participation situez-vous le test ? Cela ne va pas être obligatoire, la réponse aux questionnaires…

M. Toubon : Encore heureux !

M. Roland-Levy : Il y a 7 millions de jeunes de 15 à 25 ans ; combien en faudrait-il pour que cela soit significatif ?

M. Toubon : Je n'ai aucune idée, je n'ai vraiment aucune idée. Je crois, encore une fois je me réfère à mon expérience…

M. Roland-Levy : Combien en espérez-vous ?

M. Toubon : Fabien Roland-Lévy, parler avec 3 classes d'un lycée, dans ma mairie, pour savoir par exemple ce qu'ils pensent des métiers du bâtiment, comment on peut s'orienter dans les métiers du bâtiment où il y a de l'avenir bien qu'il ait une mauvaise image souvent auprès des jeunes, etc. 3 classes, c'est combien ? C'est 80 ou 90 gosses. Est-ce que ce n'est pas aussi significatif que s'il y en avait 3 000 ?

Mon sentiment, c'est qu'on ne peut pas poser la question en termes, comme vous le faisiez tout à l'heure, de sondages d'opinion où l'on prend un échantillon représentatif. Je crois que la première chose importante, c'est que le Gouvernement se tourne vers les jeunes, qu'il leur propose un questionnaire concret, qu'on attende des réponses concrètes. Nous verrons bien, mais mon sentiment est qu'il y en aura beaucoup parce que les jeunes, c'est très frappant, ont envie de s'exprimer, et ont envie de s'exprimer de manière très précise. Les slogans, cela marche très bien dans les manifestations, c'est sûr, mais ils ont vraiment envie de dépasser les slogans.

M. Denoyan : Certains diront qu'il est dommage que vous n'y ayez pas pensé avant le CIP…

M. Brocard : Question complémentaire : ce questionnaire est confié à un comité, mais il semble que la représentation nationale, les députés, soit exclue de ce comité, en tout cas n'y participe pas. Est-ce que cela ne risque pas de mécontenter les députés qui sont les élus du peuple ?

M. Toubon : Oh non, ce n'est pas cela le problème. Si j'ai bien compris, ce que souhaite le Premier ministre, c'est que le comité qui va gérer donc ce questionnaire soit fait de personnalités indépendantes ; par définition, les parlementaires, ce sont des personnalités qui ont des attachements partisans, politiques. L'idée, c'est d'avoir des personnalités indépendantes, complètement indépendantes. De ce point de vue, ce n'est donc pas injustifié qu'il n'y ait pas de parlementaires. Ce n'est pas une manifestation de défiance à l'égard de la représentation nationale, c'est simplement parce qu'on veut prendre des personnes qui sont indépendantes sur le plan politique, indépendantes de la Gauche, indépendantes de la Droite.

Mme Bacqué : Hier soir, on a été assez frappé de voir certains dialogues se nouer. Je pense notamment à cette jeune femme qui habitait en banlieue et qui a interpellé le Premier ministre sur la drogue.

M. Denoyan : Qui habitait Asnières.

Mme Bacqué : Le Premier ministre avait l'air assez déstabilisé et il ne lui a pas vraiment répondu. C'est un vrai problème de dialogue, non ?

M. Toubon : Ce qui s'est passé, c'est que…

Mme Bacqué : Le questionnaire ne suffira pas à les mettre à l'aise face à ce problème.

M. Denoyan : Au niveau du langage, il y avait un énorme décalage.

M. Toubon : Ce qui s'est passé simplement, c'est que quand on est à Asnières, ou n'importe où, dans une commune, dans un quartier, dans un ensemble de logements où peuvent se poser ces problèmes, c'est vrai qu'elle a exprimé un sentiment qui est la vérité, que nous voyons tout le temps sur le terrain. Il y a d'un côté les consommateurs et je dirais les petits dealers d'une part, et d'autre part il y a, derrière, ce que tout le monde connaît bien, c'est-à-dire le trafic international.

La question qu'elle a posée, et c'est la vraie réalité, c'est que ce n'est pas seulement en allant au bout de la chaîne qu'on résoudra le problème. Mais le Premier ministre, de l'autre côté, a parfaitement répondu qu'il y a effectivement deux niveaux : le niveau qui consiste, à la fois par une politique de prévention, pas seulement pour les jeunes mais une politique de prévention en général en matière de drogues, une politique de substitution – méthadone, etc. – et une politique aussi, quand c'est nécessaire, de répression, à essayer sur le terrain de contrecarrer le développement de 12 drogues, par exemple des drogues terribles comme le crack. Et de l'autre côté, sur un deuxième niveau, on mène avec tous les autres pays, avec les États-Unis, avec les pays du Proche-Orient, avec l'Allemagne, etc., une action contre le grand trafic international. Quand on fait des opérations comme la douane ou la gendarmerie en ont fait encore récemment, très importantes, on porte atteinte à ce trafic international. Cela m'a beaucoup frappé, cet épisode parce qu'il est tout à fait évident que, si j'ose dire, si le Premier ministre vivait à Asnières aux côtés de cette dame…

Mme Bacqué : On l'imagine mal…

M. Toubon : … et s'il allait demain à la télévision parler au Premier ministre, il parlerait comme cette personne a parlé, c'est évident.

Mme Bacqué : C'est une transformation…

M. Toubon : Mais non, pas du tout. Je veux dire par là qu'il faut bien… Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure : je crois qu'il faut se mettre dans la situation. Chacun est à sa place. Honnêtement, je suis un ceux qui depuis des années et des années, est le plus préoccupé par ces questions de toxicomanie, de drogue ; à divers endroits, j'ai essayé de m'en occuper. Je crois que ce Gouvernement fait vraiment une action sérieuse aux deux niveaux.

C'est clair, je le dis comme je le pense : cette action est et restera insuffisante. Nous avons là devant nous un fléau local et international, devant lequel pour l'instant nous n'avons pas encore trouvé de véritable réponse.

J'ajoute aussi qu'il y a un phénomène qui est un phénomène de société, qu'il faut bien entendu prendre en compte aussi : si la situation économique et sociale s'améliore, si l'angoisse des uns et des autres s'atténue, à ce moment-là, vous verrez qu'il y aura moins de raisons de s'échapper par exemple vers la drogue ou vers la violence, bien entendu.

M. Denoyan : Vous avez rencontré le Premier ministre, Jacques Toubon, ce matin, au cours d'une réunion sur la politique audiovisuelle extérieure de la France. Il est content de son émission d'hier soir, Édouard Balladur ? Vous avez dû en parler quand même.

M. Toubon : La réponse est oui. Venant à cette émission et sachant que nous parlerions naturellement de l'émission d'hier soir, je lui ai posé la question. Il est content, il considère qu'il a dialogué avec les personnes qui étaient en face de lui ; il considère aussi, je dois le dire et il me l'a dit, que c'est une émission extrêmement difficile, justement parce que…

Revenons à la réalité : qu'est-ce que c'est que l'émission d'hier soir ? Un élu, un député-maire peut vous le dire facilement : c'est ce que nous faisons jour après jour, ou dimanche après dimanche comme vous voulez, sur les marchés, dans les rues. Nous sommes toujours en face de personnes qui viennent nous dire : "Sur tel problème, il faut faire cela" et nous n'avons, face à cela, qu'une réponse insuffisante. Ce dialogue se noue en permanence. Simplement, devant 9 millions de téléspectateurs, cela prend une autre valeur. Mais je considère que le Premier ministre a répondu, encore une fois, dans le cadre de l'action gouvernementale, c'est-à-dire au niveau des décisions de caractère général, à ces questions, à ces impatiences…

M. Denoyan : On le verra, les sondages nous le diront dans quelques jours.

Vous étiez justement avec le Premier ministre ce matin. Je rappelle que vous êtes le ministre de la Culture et de la Francophonie, on y vient. Le ministre de la Culture, ce n'est pas seulement un ministre qui a la responsabilité de regarder que tout fonctionne sur le plan culturel et intellectuel ; c'est aussi un homme qui doit participer au rayonnement de la France à travers la culture française. Chacun se souvient du débat à propos du GATT sur la fameuse exception culturelle française, de la nécessité de faire rayonner un peu nos images et de maintenir notre identité culturelle.

On sait que pour les États-Unis, par exemple, le négoce de l'image représente leur deuxième poste exportateur. C'est quand même considérable.

M. Toubon : Sur l'Europe.

M. Denoyan : Sur l'Europe, oui. Vous étiez à Athènes, hier encore. Vous avez commencé à mettre en œuvre, avec vos collègues des Douze, une politique de réponse à la présence et à l'inondation d'images américaines. Qu'est-ce qu'il en est sorti et comment allez-vous également – c'est une question à deux niveaux – à travers les dispositions prises ce matin à l'Hôtel Matignon, donner les moyens à la France de se véhiculer en termes d'images, en termes de culture, en termes de produits audiovisuels à travers le monde ?

M. Toubon : Je réponds aux deux questions.

Il est clair, de manière générale, que l'audiovisuel, c'est-à-dire la radio et la télévision telles que nous les connaissons aujourd'hui, ou la radio et la télévision avec les nouvelles technologies telles que nous les connaîtrons dans 5 ou 10 ans, car il ne faut jamais oublier cela : beaucoup de choses vont changer, l'audiovisuel donc est le moyen essentiel d'expression aujourd'hui dans tous les domaines, y compris bien entendu pour ce qui est de notre langue, notre culture, notre personnalité et notre image.

À partir de là, en ce qui concerne l'action audiovisuelle extérieure de la France, le Premier ministre a effectivement aujourd'hui pris des orientations qui me paraissent importantes. Il a été décidé que nous allions faire un plan de 5 ans, qui va être au point très rapidement, dans les semaines qui viennent. Ce plan de 5 ans, est fondé sur l'idée que nous devons travailler avec trois principaux instruments, en ayant une stratégie commune à ces trois :

1) La chaîne TV5, chaîne francophone. Elle est actuellement reçue, pour donner une idée, par 30 millions de téléspectateurs dans le monde. D'une part donc TV5, chaîne francophone, représentative de la culture et de la langue française, francophone ;

2) CFI, Canal-France International, qui est d'une part une banque d'images, des images qui sont données notamment aux pays qui ont des télévisions plus faibles, et qui est d'autre part, dans un certain nombre de pays, sur un certain nombre de continents, une véritable chaîne de télévision diffusée en direct, les deux marchant de pair, CFI ayant notamment pour vocation de pouvoir éventuellement être diffusé dans la langue du pays, contrairement à la télévision francophone TV5.

3) Enfin Radio-France Internationale, pour laquelle dans ce plan de 5 ans aussi le Premier ministre a souhaité que nous assurions un certain nombre de développements, notamment en direction de l'Asie.

M. Denoyan : En ce qui concerne les rapports entre la SOFIRAD et RFI, j'ai cru entendre monsieur Dutaret qui est le Président de la SOFIRAD tenir des propos un peu dévastateurs sur RFI ?

M. Toubon : Nous avons décidé de ne pas faire ce qui, à un moment, avait été éventuellement imaginé, c'est-à-dire un seul organisme, une seule société, nous avons envisagé, Alain Juppé, Ministre des Affaires étrangères, fera des propositions dans les semaines qui viennent sur ce point, de faire une coordination, un groupement entre les différents opérateurs pour une stratégie commune. Ceci est notre action extérieure audiovisuelle.

Plus important peut-être encore me paraît être ce que nous avons entamé hier à Athènes. Nous avons eu, à Athènes, une réunion des ministres de la Culture, de l'Audiovisuel et de la Communication, des 12 pays de l'Union européenne, nous avons, dans les négociations commerciales multilatérales, obtenu, à travers ce qu'on appelle l'exception culturelle, la liberté pour l'Europe de continuer à réglementer, soutenir le cinéma, l'audiovisuel, les nouvelles technologies, librement, sans que les Américains ou les Japonais puissent nous imposer un certain nombre de règles.

Cette liberté, nous avons commencé à l'utiliser, c'est-à-dire que sur la base d'un livre vert qui a été fait par la Commission, dans des délais très rapides, nous avons commencé à imaginer les principes :

Premièrement, d'une réglementation adaptée aux nouvelles technologies, paiement à la séance, vidéo à la demande, satellite numérisé, etc. de façon que nous puissions continuer à assurer notamment une certaine part de production européenne sur les nouveaux médias.

Deuxièmement, nous avons envisagé aussi les principes d'une politique européenne audiovisuelle consistant à soutenir, à aider, à financer les productions et notamment les productions multimédia, c'est-à-dire les CD Rom, les CDI et, d'autre part, à favoriser la distribution et la diffusion. Ce qui est frappant, c'est qu'en matière d'audiovisuel, le marché européen existe pour les Américains et pour les Japonais, c'est un marché, mais en revanche, pour nos propres pays, il n'existe pas, c'est-à-dire que la France n'exporte pas en Allemagne, l'Allemagne n'exporte pas la France et inversement.

M. Denoyan : Nous ne savons pas vendre nos produits.

M. Toubon : Il faut donc que nous fassions ce marché. Je crois que cette réunion a été une réunion qui marque une volonté de la part des Européens, elle sera suivie au début du mois de juillet par une conférence européenne de l'audiovisuel à laquelle participeront essentiellement tous les professionnels, les douze pays de l'Union européenne. Je crois qu'il y a là, véritablement, un chemin d'espoir sur lequel nous nous sommes engagés.

Un exemple pour montrer ce que signifie une bonne politique en matière de cinéma : à Cannes, dans quelques jours, plus de la moitié de la compétition officielle va être composée de films soit directement français, trois, soit pour neuf d'entre eux qui sont en fait des coproductions françaises, c'est-à-dire qu'en réalité le cinéma français fait en sorte que le cinéma européen existe parce que nous avons une bonne politique du cinéma.

M. Denoyan : Vous essayez pour que tout cela fonctionne de vous battre pour la préservation d'une certaine utilisation de la langue française. Nous pouvons dire que, là, vous ne faites pas véritablement un tabac, – je ne sais pas si l'expression est française – …

M. Toubon : … Elle est tout à fait française.

M. Denoyan : Elle est tout à fait française, alors c'est bien, parce qu'à la lecture des magazines, de la presse, des réactions publiées ici ou là, on peut dire qu'on vous tombe dessus à bras raccourcis, tout de même ?

M. Toubon : Oui. Je suis tout de même frappé de voir qu'il y a beaucoup de réactions qui viennent de ce qu'on a appelé, d'une expression bien française, d'ailleurs, la Gauche-caviar. Quand on sait où la Gauche-caviar nous a menés, je ne suis pas sûr qu'elle puisse être dans ce domaine comme dans d'autres la meilleure référence.

M. Denoyan : Vous pensez sans doute à la publication d'un magazine, cette semaine ?

M. Toubon : Non, je ne pense pas spécialement, elle est assez répandue. Nous avons, dans cette affaire de la promotion de la langue française, une réflexion d'ensemble qui n'est pas seulement un projet de loi dont je dis et je répète qu'il est un projet de loi de service et pas du tout une police de la langue. Nul n'obligera les Français, quiconque qui vit en France, à parler le français ou une autre langue d'une certaine manière ou d'une autre manière, on continuera à parler et à écrire comme on veut. C'est l'Académie française, l'usage, le temps qui fixent les mots et les règles, ce que nous proposons dans le projet, c'est que, dans un certain nombre de circonstances qui sont importantes pour le citoyen, pour le consommateur, pour le salarié, on ne puisse pas interdire de parler français, d'une part et, d'autre part, on soit obligé d'employer le français pour que 95 % des gens puissent comprendre.

Cela part d'une réflexion plus large qui n'est pas seulement la réflexion sur la langue française, qui est la réflexion sur la francophonie. Quelles sont les trois données de cette affaire ?

La première, c'est que nous sommes dans un nouveau Monde où il n'y a plus d'Est-Ouest, les pays ne se classent plus en capitalistes, en communistes, etc., et il y a dans le Monde un certain nombre de pays qui ont envie d'un destin qui ne soit pas seulement de se laisser aller au modèle américain. La francophonie, la culture française, son influence, la démocratie, la liberté, l'universalité que nous transportons sont une des réponses à ceux qui cherchent à avoir un destin propre.

La deuxième, c'est qu'il y a dans le Monde, aujourd'hui et encore plus demain, nous l'avons dit tout à l'heure pour l'audiovisuel, des changements profonds qui vont se produire, des changements de société à partir des nouvelles technologies. Cela aura une influence formidable sur la diffusion culturelle et, moi, je veux utiliser ces nouvelles technologies pour démocratiser encore davantage la Culture. Être ministre de la Culture, cela ne consiste pas à gérer ce qu'il y a aujourd'hui, cela consiste à savoir ce qui va se passer dans l'an 2000, c'est ce que j'essaie de faire.

Ces nouvelles technologies transporteront-elles une part de notre culture ou non ? C'est un enjeu formidable. Pour cela, bien entendu, il faut que nous fassions le nécessaire, par exemple, pour que la langue française soit une langue qui soit utilisée dans les industries de la langue, dans l'informatique, dans la numérisation.

La troisième, c'est que dans le Monde entier, en France comme ailleurs, chacun recherche son identité, ses racines, ce qui lui permet, en quelque sorte, de savoir où il va parce qu'il sait d'où il vient. Pour ce qui nous concerne, la langue française est tout de même le capital, – je me tue à le dire –, de tous ceux qui vivent dans notre pays, aussi pauvres soient-ils sur le plan matériel, sur le plan spirituel, même s'ils n'ont rien, ils ont la langue française.

M. Denoyan : On a bien compris votre philosophie.

M. Toubon : Gilbert Denoyan, ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas un projet pour faire la police de la langue au détriment de tel ou tel ou de telle ou telle autre langue, c'est véritablement la conséquence d'une réflexion fondamentale sur l'état du Monde et sur l'évolution du Monde.

M. Stricker : Avez-vous pris le problème par le bon bout ? Parce que je suis frappé, pour revenir sur le terrain de la vie quotidienne, par le fait que beaucoup de jeunes bardés de diplômes, futurs technocrates brillants, s'expriment mal en français, ont un vocabulaire pauvre, une syntaxe défaillante. N'est-ce pas cela le vrai problème plutôt que de créer une nouvelle loi qui, de toute façon, devra être transgressée pour que la langue progresse, les lois sont faites pour ça, et la langue progresse par transgression des codes et des règles ?

M. Toubon : Je crois qu'il y a deux questions ? Je réponds "oui" sur votre première question mais je reviens une seconde en arrière.

La loi n'est pas faite pour empêcher la langue de vivre, elle est faite au contraire pour que, par une espèce de facilité, une espèce de mode et peut-être même une sorte de rouleau compresseur sur lequel d'ailleurs un certain nombre de gens sont tout prêts à passer tout seuls, volontairement, la langue française ne devienne pas une langue morte, c'est-à-dire qu'elle ne devienne pas à l'anglais ce que, aujourd'hui, le latin est au français, donc, par tous les moyens, je veux qu'elle vive et je l'ai déjà dit dix fois, je veux, par exemple, qu'elle s'enrichisse du langage de Saint-Denis mais pourquoi de celui de Brooklyn ?…

M. Stricker : Et pourquoi pas de Brooklyn ?

M. Toubon : C'est exactement ce que je suis en train de dire, je dis "choisissons que notre langue évolue et reste vivante aussi par elle-même et que son évolution ne se fasse pas seulement, comme c'est le cas aujourd'hui, parce que cela fait chic, parce que c'est à la mode, à partir d'emprunt étranger". Nous-mêmes, nous trouvons l'enrichissement et il suffit d'ailleurs de voir ce qui se passe et ce qui se dit. Ceci est le premier point : une langue vivante, c'est tout à fait clair.

La loi, dans cette affaire, n'est qu'un petit élément, encore une fois, qui règle un certain nombre de circonstances de la vie publique : l'affichage. les biens servis aux consommateurs, les marques, le contrat de travail, etc., c'est-à-dire des choses dans lesquelles il vaut mieux arriver à se comprendre de manière générale, de la même façon qu'on pourrait s'étonner que des colloques scientifiques tenus en France soient des réunions dans lesquelles on interdise de parler le français, et ma loi essaie de l'éviter.

Par ailleurs, sur le fond des choses, il est évident que c'est à travers l'éducation et l'enseignement que le français peut se défendre et se développer. Dans les réactions qui sont celles d'un certain nombre de linguistes ou d'hommes politiques, j'ai observé souvent cette insistance mise sur l'enseignement, ils ont parfaitement raison et il faudrait que nous accordions à l'enseignement du français, ce qu'on appelle les classes de français, aux collèges ou aux lycées…

M. Stricker : … Les humanités.

M. Toubon : Plus d'importance aujourd'hui. Il ne suffit pas d'apprendre une qualification professionnelle, il faut aussi apprendre à s'exprimer et, je crois, à le faire en français.

Mme Bacqué : On revient à ce qu'on disait tout à l'heure, les jeunes en banlieue parlent souvent une langue qui vous est totalement étrangère, quand leurs inspirations s'expriment en "Nique ta mère" ou "les keums, c'est la galère", comment leur répondez-vous ? Les comprenez-vous déjà ?

M. Toubon : Le verlan est assez facile à comprendre puisque c'est une inversion, donc il faut faire simplement…

Mme Bacqué : … Cela demande une certaine gymnastique.

M. Toubon : Il faut faire juste une petite gymnastique mentale, "Meufs" et tout cela… pour le reste, il y a surtout une utilisation de la collision entre les mots et d'utiliser ensemble des mots qui, le plus souvent, ne sont pas ensemble, mais je trouve que cela est absolument formidable.

Mme Bacqué : Ne croyez-vous pas que cela pénalise leur formalisation, ils ne peuvent pas formuler leurs aspirations parce que cela se réduit à "Nique ta mère".

M. Toubon : On revient à la question de Jean-Marc Stricker, c'est-à-dire que la langue française, à travers l'enseignement, est un élément essentiel d'intégration. Si l'on me propose aujourd'hui, comme certains qui nous critiquent le proposent, de laisser faire n'importe quoi, on accentuera encore, vous le dites très justement, les ségrégations entre ceux qui pourront s'exprimer et ceux qui ne pourront plus s'exprimer. À travers les efforts que je fais à mon avis ou ce que fait le ministre de l'Éducation ou ce que font les collectivités locales, c'est tout un travail d'intégration sociale qu'il faut faire. C'est pour cela que j'ai dit aux socialistes qui me critiquaient : "Ma loi est faite pour le peuple alors que vos critiques viennent de l'élite".

M. Denoyan : On peut écouter quelqu'un qui est peut-être un peu critique sur votre loi.

Objections

M. Denoyan : Objections d'Alain Rey qui est, comme vous le savez, le directeur du Petit Robert et qui est le directeur du travail qui a consisté à l'édition du dictionnaire historique de la langue française, il a tout de même qualité pour vous interroger. Bonsoir, Alain Rey.

M. Rey : Bonsoir.

M. Denoyan : Vous vous êtes exprimé à plusieurs reprises sur la loi Toubon et vous la trouvez pas très utile voire dangereuse ?

M. Rey : Je me suis exprimé… entre-parenthèses, bonsoir, monsieur le ministre…

M. Toubon : … Bonsoir, monsieur Rey, et bravo pour le dictionnaire historique.

M. Rey : Merci infiniment.

Bien que je me sente plutôt de gauche et que j'adore le caviar, je ne me suis pas senti visé par votre allusion de tout à l'heure à la Gauche-caviar à laquelle je n'appartiens pas.

Il me semble tout de même que la loi est un petit peu en divergence avec un certain nombre de propos, tels que ceux que vient de tenir Jacques Toubon à l'instant même et auxquels je dois dire que rien ne m'a choqué dans ses propos. Cela m'a paru tout à fait juste et tout à fait exact, la volonté de lutter contre la ségrégation, donc d'améliorer le niveau de communication dans une Société, tout cela est parfait. Mais il y a peut-être une certaine distorsion entre des propos généraux et généreux et une loi qui ne l'est pas toujours.

Je m'explique : parlons, par exemple, du fonctionnement de la langue française en matière scientifique et technique, j'entends dire qu'il ne faut pas que le français soit interdit dans des réunions en France, et je suis tout à fait d'accord, mais le phénomène qui se passe en effet n'est pas que le français est interdit, c'est que les scientifiques choisissent pour des questions de communication internationale et mondiale, – ils ont souvent tort, je le pense –, de s'exprimer en anglais. En fait, il me semble que plutôt que de demander aux organisateurs de congrès une sorte de quota du français, parce que cela va aboutir à ça, il vaudrait mieux, c'est sans doute dans l'intention du législateur aussi, stimuler la traduction et notamment la traduction simultanée et faire en sorte que tous ceux qui peuvent s'exprimer en français, bien entendu, puissent le faire. Cette attitude conduirait à des frais considérables et à des complications d'organisation assez fortes.

En outre, suivant les sciences et les domaines scientifiques, la situation est très différente. Dans les Sciences humaines, le français fonctionne bien, en mathématiques aussi et il est vrai qu'en biologie moléculaire, j'ai des amis qui sont biologistes et qui seraient tout à fait ravis de s'exprimer en français parce qu'ils sont pénalisés dans le fait de ne pas s'exprimer spontanément dans leur langue maternelle mais qui sont quasiment contraints de le faire, et contraints non pas par une attitude mauvais vouloir de la part des partenaires appartenant à d'autres communautés linguistiques mais simplement par le fait que la Communauté internationale a organisé les choses de cette façon.

M. Denoyan : Alain Rey, je crois qu'on vous a bien entendu, bien compris, finalement, il n'y a pas grand-chose qui vous sépare de Jacques Toubon.

M. Toubon : Je fais une très courte réponse à Alain Rey.

Premièrement, il est évident que la loi, – c'est le principe même de la loi –, est un texte qui en porte des conséquences juridiques précises et forcément quand on la lit, comme malheureusement le font certains, ce n'est pas le cas d'Alain Rey, de mauvaise foi, quand on la lit avec mauvaise foi, on peut naturellement lui faire dire n'importe quoi et notamment, par exemple, que, à travers la loi, je veux obliger à traduire systématiquement les mots anglais aux mots français, ce qui n'est pas du tout le cas. Quand on m'explique, y compris l'un de mes collègues du Gouvernement, qu'on ne pourra plus dire "pizzeria", eh bien non, ce n'est pas vrai, "pizzeria" c'est, si j'ose dire, une appellation d'origine et on continuera à avoir des pizzerias, c'est même tout à fait dit dans la loi.

Ceci est le passage de la politique générale a la loi, quand elle emporte des considérations juridiques, il est évident qu'elle a une précision qui peut être utilisée de mauvaise foi alors qu'en réalité elle correspond parfaitement à nos intentions.

Sur les scientifiques, le texte de l'article 5 du projet a justement pour but de faire en sorte que l'on fasse de la traduction et les objections matérielles ne doivent pas être tout à fait exagérées, une journée de traducteur, c'est 3 000 francs, ce n'est tout de même pas des millions et des millions.

Enfin, troisième réponse, en ce qui concerne le langage scientifique, bien entendu qu'il n'y a pas seulement que la loi, il y a aussi d'autres actions et, par exemple, ce que, à la demande d'un certain nombre de scientifiques, Je vais faire pour favoriser la diffusion, l'édition, l'exportation de revues et de manuels français dans les domaines scientifiques, y compris les plus pointus car, effectivement, il faut que notre langue soit là où se fait le Monde aujourd'hui et en particulier dans les Sciences.

M. Denoyan : On remercie Alain Rey. Alain Rey qu'on peut retrouver, comme chacun le sait, sur France Inter dans une chronique tous les matins.

Merci, Jacques Toubon. Êtes-vous un ministre heureux ?

M. Toubon : Je suis un ministre heureux. Gilbert Denoyan, vous me connaissez depuis très longtemps, je suis d'abord un homme heureux au sens où j'ai une certaine capacité au bonheur et une certaine capacité à construire plutôt qu'à détruire, à faire plutôt qu'à regretter. Je crois que ce sont des caractéristiques qui sont vraiment utiles dans la fonction ministérielle parce que, comme vous le voyez, on en prend pas mal sur la figure.

M. Denoyan : Vous l'avez dit. Merci Jacques Toubon.