Texte intégral
Françoise Laborde : Nous allons revenir, d’abord, sur l’élection de F. Bayrou à la présidence de l’UDF. Vous avez été un des proches, un des amis de F. Bayrou. Vous le félicitez de cette présidence ?
Claude Goasguen : Je crois que c’est bien qu’une famille de l’opposition, importante comme l’UDF, ait trouvé une stabilisation et un nouveau président. Je crois que maintenant, nous allons pouvoir passer, après les règlements de comptes personnels qui ont un peu gâché l’été, au vif du sujet, c’est-à-dire aux projets de l’opposition. Je crois que, maintenant, nous allons nous mettre autour d’une table et discuter.
Françoise Laborde : Alors, Démocratie libérale, où vous êtes, n’est plus à l’UDF : cela se passe comment ?
Claude Goasguen : Je crois que ce sont maintenant des formations tout à fait différentes sur des idées différentes. Il y a une formation centriste, une formation libérale, une formation gaulliste : il faut qu’elles se mettent autour de la table et qu’elles discutent du projet d’alternance. Je crois qu’il faut aller assez vite. Je notais tout à l’heure la baisse spectaculaire de la Bourse. Je crois que le Gouvernement ne se rend pas suffisamment compte que le contexte international a changé, que la situation économique, qui était favorable, peut tourner assez vite. Je crois qu’il est souhaitable que l’on prépare une alternance pour la France. Cela peut aller plus vite que prévu.
Françoise Laborde : Vous avez le sentiment, aujourd’hui, que la conjoncture économique peut basculer ? On a vu, hier, que les marchés boursiers subissaient de forts chocs en France, mais aussi à l’étranger, aux États-Unis comme en Asie ?
Claude Goasguen : Il est évident que nous sommes dans un contexte économique international et boursier et financier difficile et que je trouve que le Gouvernement n’en tient pas suffisamment compte dans ses perspectives, et notamment dans la loi de Finances qu’il va nous proposer.
Françoise Laborde : Ce matin, dans Le Parisien. J.-L. Debré, lui, interpelle, en quelque sorte, le Gouvernement sur l’affaire de la MNEF de façon assez musclée. Que pensez-vous de cette affaire ?
Claude Goasguen : J’en pense que c’est une mauvaise affaire pour le Gouvernement, qui s’y est mal engagé. Nous avons été les premiers à interpeller le Gouvernement sur ce sujet, puisque j’avais, moi-même, avec un certain nombre de mes collègues, déposé une commission d’enquête au mois de juillet. Depuis plusieurs mois, nous demandons au Gouvernement de s’expliquer ; les journaux, semaine après semaine, attaquent des personnalités proches du Gouvernement, voire des membres du Gouvernement. Nous n’avons eu aucune réponse. Ce qui me frappe, c’est qu’on a le sentiment vrai que ce Gouvernement essaye d’étouffer une affaire qui n’est pas une petite affaire, mais une affaire grave. Parce que la MNEF, ce n’est pas une PME, ce n’est pas quelque chose de mineur, c’est la gestion de la Sécurité sociale des étudiants, des restaurants universitaires des étudiants, des cités universitaires.
Françoise Laborde : Et cela brasse beaucoup d’argent ?
Claude Goasguen : Cela brasse énormément d’argent et on voit que cela part dans tous les sens. Alors, on ne se contentera pas, bien entendu, d’un administrateur provisoire. Je trouve que le Parquet ne fait pas diligence. Il y a quelque chose d’étonnant : on n’arrête pas d’enquêter depuis le mois de juillet 1997 – puisque M. Kouchner a été saisi, semble-t-il, d’un dossier explicite – on enquête et on continue d’enquêter, et le Parquet nous annonce qu’il vient de faire une enquête préliminaire, c’est-à-dire qu’on va encore perdre plusieurs semaines sur une enquête préliminaire, c’est-à-dire qu’on va encore perdre plusieurs semaines sur une enquête préliminaire alors que toute la presse se gorge d’informations. Qu’est-ce que le Parquet attend pour saisir un juge d’instruction ? Je trouve que si le Gouvernement voulait étouffer cette affaire, il ne s’y prendrait pas autrement. Il a tort : nous sommes sensibilisés et nous ne lâcherons pas le Gouvernement. Nous voulons des explications. Il y aura des interpellations à l’Assemblée nationale, c’est notre devoir d’opposition.
Françoise Laborde : Vous avez quel sentiment : que cela a servi à financer le Parti socialiste, à enrichir personnellement certains ? Vous avez, vous, des informations là-dessus ?
Claude Goasguen : Non, l’enrichissement personnel est un problème différent, il appartient aux juges d’en décider, mais, nous, parti politique d’opposition, nous souhaitons qu’il y ait une explication solennelle. De toute évidence, la MNEF est très liée au Parti socialiste. D’ailleurs, le Parti socialiste, qui répète à peu près toutes les heures qu’il n’a aucun lien avec la MNEF, si on n’en était pas persuadé, arriverait à nous persuader exactement du contraire. Pourquoi mettre tant d’acharnement à discuter ce que le directeur de la MNEF a dit dans une interview récemment, à savoir que de toute façon, il était proche du Parti socialiste. Les explications les plus claires et pas un administrateur provisoire pour étouffer une affaire ; les explications les plus claires ! Nous sommes à quelques jours de la rentrée des étudiants. Je crois qu’il est de l’intérêt de tout le monde qu’on fasse la clarté dans cette affaire.
Françoise Laborde : Vous n’avez pas le sentiment qu’il y a un petit côté « règlement de comptes » aussi dans cette affaire-là ?
Claude Goasguen : Qu’il y ait des difficultés internes au Parti socialiste, cela me paraît tout à fait évident, c’est leur problème. Moi, je suis membre d’un parti d’opposition. Je souhaite qu’avant la rentrée, nous ayons toutes les explications nécessaires pour les étudiants et pour la vie démocratique de ce pays.
Françoise Laborde : Alors un autre thème d’actualité, c’est le Pacs, sur lequel les évêques de France, hier, se sont prononcés. Vous en pensez quoi, vous, de cette sorte de nouvelle institution, qui est un pacte de non-mariage, comme dirait G. Brassens ?
Claude Goasguen : Vous savez que le Pacs va venir en débat à l’Assemblée nationale le 9 octobre, c’est un des premiers textes. J’ai lu, avec beaucoup d’attention, le texte des évêques, qui a été publié hier : c’est un texte mesuré, intelligent, qui ne ferme pas la porte. Ce n’est pas un texte réactionnaire. Je crois qu’il y a des évolutions sociales évidentes. Qu’on soit de droite ou de gauche, il faut les constater, il ne s’agit pas de perturber, mais il y a des affaires privées. Alors est-ce qu’il faut aider ? Oui. Je crois que donner des avantages fiscaux, il faut en discuter. Des avantages sociaux, sûrement. Je crois que l’opposition, dans sa grande majorité, est prête à discuter de ce type de mesures.
Françoise Laborde : Que ce soit pour les concubins, les couples homosexuels ou pas qui vivent ensemble ?
Claude Goasguen : Je crois que nous n’avons pas le souhait d’aller contre une évolution. Mais vraiment, était-il nécessaire de créer un pacte, c’est-à-dire une nouvelle institution dont on voit bien quelle va être la dérive – et les évêques l’ont marqué avec justesse.
Françoise Laborde : Mais comment faire autrement ? II y a un vide juridique pour l’instant ?
Claude Goasguen : Pas du tout. Il y a des tas de situations : le concubinage, cela existe, cela à un statut juridique, l’union libre.
Françoise Laborde : Il fallait renforcer alors ces formules ?
Claude Goasguen : Si on avait vraiment voulu régler cette question, qui est préoccupante dans un certain nombre de cas – car il y a, effectivement, des situations difficiles – il aurait suffi de proposer à l’Assemblée nationale des dispositions sur le transfert du droit au bail, sur la simultanéité des congés, sur les ayants-droits de la Sécurité sociale, des mesures qui, évidemment, ne sont pas très populaires. Or, le gouvernement socialiste veut en faire une espèce de débat théologique, que les Français affectionnent, d’ailleurs, mais qui me paraît complètement superflu.
Françoise Laborde : Mais les français ne sont pas opposés à ce projet.
Claude Goasguen : J’ai vu et c’est pour cela qu’on en débat, parce qu’il faut éclairer les Français. Le Pacs est inutile. Nous avons des dispositions juridiques pour régler ce type de situation. Je crois qu’il est tout à fait
saugrenu de nous inventer une institution supplémentaire. Donc, nous nous y opposerons, mais nous nous y opposerons dans un esprit qui n’est pas hostile à l’évolution de la société."