Déclarations de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur le développement économique et social de la Réunion, les problèmes de sécurité et l'agriculture, à La Réunion le 25 novembre 1994.

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Circonstance : Voyage de M. Balladur à Mayotte et à La Réunion, du 23 au 26 novembre 1994

Texte intégral

Déclaration à la presse, le vendredi 25 novembre 1994, à 11 h 40

Mesdames,
Messieurs,

À l'occasion de ma visite, je voudrais dire aux Réunionnaises et aux Réunionnais l'honneur et le plaisir, que j'éprouve à me rendre dans leur département, accompagné de trois ministres : monsieur Perben, Monsieur Fillon et monsieur Douste-Blazy.

Je sais combien la Réunion est une île belle et attachante.

Je connais la fidélité de ce département aux valeurs que fondent la République. Je rendrai à Saint-Denis hommage dans quelques instants à ceux de ses enfants qui sont mort pour notre Patrie.

Je sais combien La Réunion a réussi, au cours de son histoire, à intégrer de façon harmonieuse des hommes et des femmes qui viennent d'horizons différents, d'Europe, d'Afrique ou d'Asie. Cette richesse humaine constitue le plus grand atout de cette terre française.

Ces deux journées me permettront de les rencontrer. J'aurai aussi l'occasion de mieux cerner les défis que nous devons relever, qu'il s'agisse de la politique de la ville, de la sécurité de l'agriculture, du logement, de l'aménagement du territoire, et surtout de la politique de l'emploi.

Ma visite a principalement cet objet : dire aux Réunionnais qu'ils doivent avoir confiance dans leur avenir et dans celui de la France.

Qu'ils sachent que le Gouvernement partage cette espérance ! Le Gouvernement donnera à la Réunion tous les moyens nécessaires à son progrès économique et social. Que les Réunionnais et les Réunionnaises sachent enfin, qu'ils peuvent compter sur ma totale détermination, ainsi que sur celle de Dominique Perben pour œuvrer à leurs côtés !


Allocution prononcée par le Premier ministre, à la mairie de Saint-Denis

Réponse à monsieur Tamaya maire, conseiller général de Saint-Denis, le 25 novembre 1994, à 12 h 15

Monsieur le Maire, 
Mesdames, messieurs,

J'ai très naturellement souhaité, dès mon arrivée dans l'île, réserver ma première visite à Saint-Denis, chef-lieu du département, et qui est en même temps la plus grande ville de l'outre-mer française.

J'ai été sensible, monsieur le maire, à vos paroles d'accueil et de bienvenue, ainsi qu'à la courtoisie républicaine qui les inspirait.

Votre ville, monsieur le maire, est passée en cinquante ans de moins de 35 000 habitants à plus de 125 000. Les constructions se sont multipliées sur des espaces qui, il n'y a pas si longtemps, avaient une vocation agricole. De très nombreux équipements publics ont été créés, faisant de Saint-Denis une ville moderne qui peut exercer, dans cette vaste zone de l'Océan Indien, un véritable rayonnement international.

Un travail considérable a donc déjà été accompli pour répondre aux préoccupations essentielles des Réunionnais que sont la sécurité, le logement et l'emploi. Il reste beaucoup à faire, et nous aurons, monsieur le maire, au cours de cette journée l'occasion de nous en entretenir.

Les visites que nous effectuerons cet après-midi nous permettront en effet d'illustrer trois thèmes sur lesquels l'engagement du Gouvernement et la volonté municipale ne peuvent que se rejoindre :

– la politique de la ville tout d'abord, qui se traduit dans le contrat de ville récemment signé, et qui fait de la lutte contre les exclusions une priorité ; 
– l'éducation et la formation ensuite, pour lesquelles l'ensemble des collectivités territoriales réunionnaises consacrent des moyens importants ; 
– la sécurité enfin, qui constitue le premier des droits fondamentaux de chaque citoyen.

Vous le constaterez, M. le maire, le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger est animé d'une très grande ambition pour les départements d'outre-mer, pour la Réunion et pour Saint-Denis.

M. Dominique Perben, qui a su notamment associer à l'élaboration de la loi qui porte désormais son nom l'ensemble des forces vives de votre département, a montré talent et efficacité dans la défense des intérêts de la Réunion.

Il s'agit à présent pour nous tous d'appliquer ces textes nouveaux, dont l'intégralité des décrets d'application rentrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 1995.

J'ai pleine confiance dans la réputation que la Réunion mérite : de solidité, de sérieux et de dynamisme.

Certes la crise économique n'a pas épargné votre département qui néanmoins a su créer de nombreux emplois. Nous sentons bien cependant qu'un nouvel élan est maintenant nécessaire ; il est à notre portée pour peu que sans esprit partisan, nous rassemblions nos forces au profit de l'essentiel : donner du travail à notre jeunesse, mieux la former, assurer son avenir.

L'heure n'est donc pas au découragement, mais doit être à l'optimisme. Je souhaite que les Réunionnais, dans cet effort national de redressement auquel je me suis attelé depuis plus de dix-huit mois, se trouvent aux avant-postes.

Voilà, monsieur le maire, ce que je voulais très simplement vous dire, en vous remerciant, une nouvelle fois, de votre accueil.


Allocution prononcée par le Premier ministre à l'occasion de l'inauguration du nouvel Hôtel de police de Saint-Denis de la Réunion, le 25 novembre 1994

Mesdames, Messieurs,

Je sais combien la Réunion est exemplaire par son attachement aux valeurs qui fondent la République. La référence à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen inscrite à l'entrée de ce nouvel hôtel de police, que je suis heureux d'inaugurer aujourd'hui, en apporte le témoignage.

L'édification de cet immeuble, bien adapté aux attentes du public, ainsi qu'aux besoins des fonctionnaires de la police nationale, répondait à une nécessité.

Dans toute société moderne comme à la Réunion, la population attend que soient trouvées des solutions aux problèmes nés de la violence et de la délinquance.

Au premier rang des droits essentiels de l'individu, la sécurité doit être préservée. Elle est nécessaire au bon déroulement des actes de la vie quotidienne. La liberté ne peut s'épanouir que dans un État de droit affermi.

C'est tout le sens de l'action conduite sous mon autorité par le ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire dont chacun connaît la détermination.  

Depuis le début de 1994, dans le département de la Réunion, le niveau de la criminalité et de la délinquance a pu être stabilisé, dans l'ensemble de ses manifestations.

Cela se traduit en particulier par une baisse de la délinquance de voie  publique, celle-là même qui affecte le plus directement la vie quotidienne.

Ces premiers résultats encourageants, qu'il faudra consolider et amplifier, ont été obtenus grâce à la capacité d'innovation des responsables de la sécurité dans le département et au dévouement des personnels. Ils l'ont été aussi grâce à l'effort très important que l'État a fourni à la suite des événements qui avaient secoué l'île en 1991 et 1992, ici même à Saint-Denis.

Depuis dix-huit mois la police réunionnaise a fait l'objet d'importantes transformations.

La présence policière a été accrue sur la voie publique. Une compagnie départementale d'intervention a été créée qui a largement contribué, par sa présence permanente, à instaurer une relation suivie avec l'ensemble de la population et à rendre plus sûrs les quartiers les plus sensibles de Saint-Denis.

L'affectation d'une douzaine de fonctionnaires de la compagnie départementale d'intervention à la circonscription de police de Saint-Pierre depuis la fin de l'an dernier a, là aussi, permis d'y faire baisser le niveau de la délinquance. Les mêmes effets sont attendus de l'arrivée d'une quatrième section qui depuis deux mois permet de multiplier les patrouilles, en particulier nocturnes, dans les circonscriptions de Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Paul et du Port.

À ces dispositions se sont ajoutées la création récente d'un Groupe d'intervention de la Police Nationale, (le GIPN) et d'une unité canine, la remise à niveau des effectifs en civil et une importante dotation en véhicules pour répondre plus efficacement aux actes de délinquants très mobiles.

Comme nous venons de le voir, la Réunion va connaître une expérience originale avec la possibilité offerte aux victimes d'infractions de voie publique de déposer leur plainte par minitel. C'est, pour les plaignants, une facilité nouvelle qui leur évitera de longues attentes. Cette procédure allègera les tâches d'enregistrement des inspecteurs qui pourront consacrer plus de temps aux missions de police proprement dites.

Il est également prévu, de diversifier le dialogue permanent que doivent entretenir les citoyens et la police nationale, par la mise en place d'un serveur vocal pour fournir des informations concernant par exemple la circulation ou les services de garde.

En s'appuyant sur l'innovation, la police renforcera encore son efficacité.

Il est essentiel que la mission qu'elle assure s'exerce partout et au profit de tous.

Il ne saurait y avoir de zones de non droit, où l'autorité de l'État serait absente.

Ce qui vaut pour la métropole, vaut aussi pour le département d'outre-mer de La Réunion.

Ainsi, le quartier du Chaudron bénéficiera prochainement d'un îlotage complet. Depuis, à compter du 1er février prochain, un commissariat y sera installé à titre permanent : 40 policiers en tenue et 10 en civil y seront affectés ; l'aménagement des locaux nécessaires sera poursuivi en 1995.

Ceci viendra s'ajouter à l'investissement considérable qu'a déjà constitué l'édification de cet hôtel de police de Saint-Denis dont, je rappelle qu'il a représenté pour l'État un effort global de 70 millions de francs.

Ces mesures et ces réalisations témoignent de la détermination du Gouvernement d'assurer sur l'ensemble du territoire national, de façon équitable, tangible et bien répartie, la sécurité des Françaises et des Français.

Cela s'inscrit dans le plan d'ensemble vaste et ambitieux qu'a entrepris de définir monsieur Charles Pasqua. Il s'agit d'élaborer et de mettre en œuvre une réforme globale et cohérente de la sécurité sur le territoire national.

Le Parlement est actuellement saisi, en seconde lecture, du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité qui doit constituer l'acte essentiel de modernisation de la police nationale.

Ce texte avait déjà été précédé d'un certain nombre de mesures législatives et réglementaires dans le domaine de la sécurité. J'en rappelle les principales : rétablissement des contrôles d'identité, adaptation de la procédure pénale, renforcement de la lutte contre le travail clandestin et les infractions à la législation sur le séjour des étrangers, amélioration du dispositif de prévention et de répression des violences perpétrées à l'occasion des manifestations sportives.

La nouvelle loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité se traduira dès l'an prochain, par un effort budgétaire supplémentaire sans précédent qui se monte pour les cinq années à venir à quelque 10 milliards de francs. Le projet de loi de finances pour 1995 prévoit, d'ores et déjà, un accroissement de plus de 3 % des crédits affectés à la police nationale, alors que l'augmentation de l'ensemble des dépenses de l'État ne dépasse pas 2 %.

Les moyens supplémentaires dégagés par la loi de programmation pour les années 1995 à 1999 permettront en particulier de moderniser les équipements de transmission dont la police nationale a le plus grand besoin, et de remplacer les policiers qui sont encore affectés à des tâches administratives ou techniques par des agents administratifs afin de renforcer les effectifs de voie publique. Sur ces deux points, la Réunion aura naturellement sa juste part.

Je tiens à saluer l'effort mené ici pour donner plus de cohérence à une politique globale de sécurité. Ainsi le plan départemental de sécurité adopté au printemps dernier par le préfet de la Réunion et les procureurs de la République de Saint-Denis et de Saint-Pierre traduit-il bien cette mobilisation que le Gouvernement attend de tous. Bien évidemment, la justice joue un rôle éminent dans cette politique de sécurité. Elle doit pouvoir agir avec les moyens nécessaires.

La modernisation de la Justice s'inscrit dans les orientations que je me suis assignées en avril 1993.

La République ne peut être forte si elle ne se fonde sur une démocratie équilibrée où les règles de la morale et les principes de tolérance et d'impartialité soient mieux respectés.

J'ai tenu à ce que la Justice puisse accomplir sa mission en toute indépendance et à ce que son fonctionnement soit amélioré.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature a été réformé. Le Parquet n'applique plus, émanant de la Chancellerie, que des instructions écrites versées au dossier.

Ce sont les premières dispositions que nous avons prises pour dissiper l'impression de malaise qui pèse sur notre vie publique.

Après avoir rendu sa complète indépendance à la Justice, nous lui avons, avec le Garde des Sceaux, donné les moyens matériels qui lui faisaient défaut, grâce à une loi-programme actuellement en discussion au Parlement.  

Enfin, je n'oublie pas que l'efficacité des forces de sécurité repose d'abord sur des hommes et des femmes, dont l'engagement personnel est irremplaçable. Leur esprit d'initiative, leur sens du devoir, l'exemple qu'ils doivent donner, sont indispensables pour assurer la tranquillité et la paix publique que sont en droit d'attendre nos concitoyens. Détenteurs d'une parcelle de l'autorité de l'État, les policiers en assument les charges et la grandeur.

Ils sont avec les magistrats et les militaires de la gendarmerie nationale les principaux acteurs auxquels incombe cette mission difficile de gardiens de la paix publique. Je tenais à leur rendre ici publiquement l'hommage qu'ils méritent.


Réunion allocution du Premier ministre à Saint-Denis pour l'inauguration de la faculté des lettres,  le 25 novembre 1994, à  15 h 30

Messieurs les Parlementaires, 
Monsieur le Président, 
Mesdames, Messieurs,

Je tenais, monsieur le Président, à visiter ce campus universitaire pendant mon séjour à la Réunion. Au-delà de l'occasion représentée par l'ouverture de ces nouveaux locaux de la Faculté des lettres, je tenais à rendre hommage à l'Université de la Réunion.

Je suis heureux de venir en compagnie de M. Fillon, ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, de M. Dominique Perben, ministre des DOM-TOM et de M. Douste-Blazy, ministre de la Santé et universitaire lui-même, à Moufia, à la rencontre de ses 7 860 étudiants, ses 220 enseignants chercheurs et 128 autres agents. Ces chiffres prouvent que le défi que constituait sans doute à l'origine la création de cette université à 10 000 km de la Métropole, au cœur de l'Océan Indien, n'a pas été lancé en vain.

Que de chemin parcouru en effet depuis la transformation du centre universitaire dépendant d'Aix-Marseille, avec moins de 2 000 étudiants, en université de plein exercice ! Quel succès quand on précise, au regard des études faites par le Comité National d'Évaluation, que ce développement quantitatif a été accompagné d'un souci constant de la qualité des formations. Je ne le dis pas ici par politesse, mais votre Université, me souligne-t-on, est, parmi les universités récentes, l'une des plus appréciées par la Communauté universitaire et Scientifique.

L'université de la Réunion, plus que ses aînées métropolitaines, a dû en tout premier lieu se doter de structures d'accueil destinées à accueillir des effectifs étudiants présentant une croissance rapide et constante de 13 % en moyenne. La plupart des bâtiments administratifs, d'enseignement et de recherche a été édifié dans le cadre du Xème plan et du schéma de développement de l'Enseignement supérieur « Université 2000 » qui ont étroitement associé l'État et les collectivités locales. Dans le cadre du Xème contrat de plan, 147 MF ont été investis pour des constructions universitaires de 1989 à 1993. Au cours de cette même période, près de 10 MF supplémentaires ont été consacrés aux premiers équipements de ces locaux. Ces crédits ont notamment permis de réaliser ces bâtiments de la première tranche de l'Unité de Formation et de Recherche (UFR) de lettres et sciences humaines que nous inaugurons aujourd'hui après ceux du Droit et des Sciences Economiques l'an dernier et diverses autres réalisations ou extensions que j'ai pu apercevoir en arrivant ici. Par ailleurs, le schéma Université 2000 est venu compléter le Xe plan dans le cadre d'une convention signée entre l'État et la Région en novembre 1992, l'investissement total prévu a été porté à 354 MF dont 60,5 % à la charge de l'État. Je remercie toutes les collectivités de leur effort, et particulièrement la Région.

Je puis vous assurer que l'effort financier consenti par l'État et les collectivités locales ne se relâchera pas dans les années à venir puisque le XIe plan reprend les opérations du schéma « Université 2000 » non réalisées à la fin de 1993, et prévoit des opérations nouvelles, soit un investissement total de 420 MF. Pour 1995, l'Etat apportera près de 40 MF permettant les constructions d'un restaurant universitaire sur ce site, une extension de l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres et la réalisation d'un amphithéâtre au Tampon où votre université est désormais présente et où je tiens à me rendre demain matin.

Au total ce seront plus de 600 MF que l'État et les collectivités locales auront apporté en 10 ans.

Mais ces réalisations, pour considérables qu'elles soient ne seraient que des coquilles vides si elles n'étaient animées par des personnels qui représentent les forces vives de cette université. Face à une très rapide croissance de cette université, le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche a su répondre en temps réel aux besoins dus, d'une part à l'arrivée de plus en plus importante de nouveaux bacheliers et au développement de nombreuses filières et, d'autre part, au développement d'un campus dont les surfaces bâties ont triplé en 4 ans, atteignant 35 000 m2 en 1994. Cette réponse, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, a été facilitée par les contrats entre l'État et l'Université.

Au cours du premier contrat d'établissement ont été créés 75 postes d'enseignants et 25 postes de personnels Ingénieurs, Administratifs, Techniciens et Ouvriers de Service. En 1995, l'effort de l'Etat sera poursuivi. Un minimum de 10 emplois sera créé, 5 de statuts universitaires et 5 d'IATOS, sans oublier les créations qui bénéficient à l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres, aux nouveaux Instituts Universitaires de Technologie de Saint-Pierre, ou qui sont nécessaires pour faciliter la délocalisation au Tampon. Au total le ministère créera au moins 22 postes en 1995 à la Réunion, 12 emplois d'enseignants et 10 emplois de personnels IATOS. En matière de fonctionnement, les dotations de l'État continueront à progresser rapidement. Elles ont déjà doublé de 1993 à 1994 pour atteindre 4,25 MF.

Plus généralement, je veux féliciter le ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche qui a décidé d'accorder une vraie priorité au développement des universités dans les DOM-TOM (La Réunion, Antilles Guyane et Pacifique) en leur reconnaissant une spécificité, et avec la volonté d'en faire des centres d'excellence placés au service des étudiants, du développement culturel, scientifique et économique des départements et territoires d'Outre-Mer. C'est à ce prix que l'influence de la France dans la zone géographique où ils se situent sera renforcée et restera conforme à la vocation de notre pays.

Je félicite également le ministre des DOM-TOM qui a souhaité, à juste titre, que soient jetées les bases d'une véritable politique de mobilité en faveur des étudiants des DOM désireux de poursuivre un cursus en Métropole ou en Europe. Il faut aider cette mobilité qui ne doit pas être vécue comme une concurrence pour une université telle que la vôtre mais bien comme une complémentarité, à la fois sur le plan technique et en termes d'épanouissement de la jeunesse.

Je tiens à rendre hommage aux femmes et aux hommes qui ont façonné cette université. Je songe particulièrement à ses Présidents successifs, et salue le Président Hervé qui est à la fois un gestionnaire avisé et un avocat de la Réunion à Paris.

Certes ce dynamisme du monde universitaire n'est pas propre à la Réunion mais vous en êtes une illustration forte. Il est de bon ton de se plaindre de notre système universitaire, de le critiquer. Pour ma part, je suis au contraire frappé par la capacité de nos universités à avoir pu, au cours des vingt dernières années, passer d'un système conçu pour une élite à une université ouverte au plus grand nombre tout en restant un haut lieu de la recherche, comme le montre la continuité des distinctions scientifiques obtenues ces dernières années, telles que les deux médailles Fields cet été saluant les mathématiques françaises. Peu de gens se rendent compte combien ceci a nécessité de la part de la communauté universitaire d'efforts, de volonté et de courage. Bien souvent confrontée à de redoutables arbitrages de moyens, cette communauté a pu se sentir un peu seule face à ses devoirs. Ici à la Réunion comme ailleurs, je veux remercier chacun de vous et vous dire combien la Nation attend de vous, car vous avez en charge sans doute les deux missions parmi les plus importantes pour notre avenir : la formation des jeunes et le maintien de nos performances scientifiques.

Bien sûr, votre succès est étroitement dépendant du bon fonctionnement de l'éducation nationale en général et de l'enseignement secondaire en particulier. Le système éducatif réunionnais est soumis à une forte pression démographique. Des retards dans l'encadrement de l'Académie de la Réunion ont été pris au cours des années 1980.

Mais, plus récemment, un effort considérable de rattrapage a été engagé qui n'est pas toujours perçu, mais qui exige de l'Éducation nationale un effort très important. C'est ainsi qu'entre 1990 et 1994, près de 2 000 emplois ont été créés à la Réunion. Cet effort sera poursuivi et amplifié dans les prochaines années ; ainsi, en 1995, 450 emplois seront créés à la rentrée, dont un certain nombre permettant évidemment d'employer de jeunes diplômés réunionnais issus de votre université.

L'existence d'une université à la Réunion permet désormais de mieux répondre à l'attente de chaque bachelier d'obtenir un diplôme reconnu, qui lui ouvre ensuite les portes de la vie professionnelle. L'Université recrute ici ses étudiants sur une base sociale et culturelle extrêmement ouverte et la richesse de ce recrutement, complété par des étudiants venant des pays limitrophes est un atout qu'il faudra mettre à profit pour renforcer le rayonnement de notre pays. Votre université doit également développer ses activités en matière de formation continue. Je vous y encourage vivement, M. le Président, car cela permettra avec les représentants du monde économique, de développer des formations à vocation professionnelle dont votre département a besoin. De même, je me réjouis des efforts faits pour que les laboratoires de recherche de votre université jouent leur rôle en matière de transfert de technologies vers le tissu économique local. Je me félicite enfin – comment ne pas le souligner dans une Faculté de Lettres –, que vous n'ayez jamais oublié votre vocation d'animation culturelle, particulièrement indispensable dans un contexte insulaire.

L'Université de la Réunion apparaît bien aujourd'hui comme une réussite exemplaire qui témoigne de la volonté commune de l'État, de la Région, du Département, de bâtir un superbe outil d'enseignement supérieur, qui soit à la mesure des espoirs que porte en elle l'île de la Réunion. L'effort de l'État sera maintenu afin de vous permettre de vous préparer à accueillir en l'an 2000 les quelque 11 000 étudiants prévus. Oui, vous pouvez être fiers de votre Université et je tenais à venir le dire moi-même.


Allocution prononcée par le Premier ministre à Saint-André, le 25 novembre 1994, à 17 h 15

Monsieur le Député-Maire, 
Mesdames, Messieurs,

C'est avec beaucoup de plaisir, monsieur le député-maire, que j'ai répondu à votre invitation en me rendant à Saint-André. À de multiples reprises, j'ai pu mesurer la qualité de votre travail parlementaire, en tant que Président de l'Intergroupe DOM-TOM, votre connaissance précise des dossiers. J'apprécie tout particulièrement la part personnelle que vous prenez à l'effort de redressement engagé par mon Gouvernement. Je sais aussi le soutien que vous avez apporté au MR. Dominique Perben, à l'occasion de la discussion de la loi sur l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les DOM.

Vous avez apporté à ce texte votre contribution personnelle en déposant avec M. Thien Ah Koon un amendement prévoyant l'exonération complète des charges sociales des exploitants agricoles jusqu'à 20 hectares pondérés. Le Gouvernement a décidé de l'accepter. Il s'agit en effet d'une mesure capitale, sans précédent dans notre pays, et qui au-delà de son incidence financière – près de 40 millions de francs par an pour le seul département de la Réunion – manifeste concrètement l'importance que le Gouvernement attache au développement d'une agriculture compétitive dans les départements d'outre-mer.

Pourquoi cette volonté ?

Parce que l'agriculture façonne les paysages, les mentalités, et r économie de l'île.

Parce que l'agriculture peut et doit rester pour une économie et pour une société insulaire comme la vôtre un des facteurs déterminants du progrès économique et de l'équilibre social.

S'agit-il alors de maintenir, au besoin dans des conditions artificielles, des modes de production dépassés ?

Certainement pas.

La visite que nous venons de faire illustre, s'il en était besoin, l'orientation qu'a su prendre avec succès l'agriculture réunionnaise : l'efficacité croissante résultant d'un effort de modernisation et de recherche ; la Réunion occupant sur ce dernier point une position internationalement reconnue et qui est le résultat d'un engagement collectif, qui a associé l'ensemble des partenaires de la filière : planteurs, industriels, chercheurs et techniciens.

L'usine sucrière et la centrale électrique de Bois-Rouge que je viens de visiter, attestent en effet d'une manière exemplaire la vitalité de la filière « canne », qui occupe, et continuera d'occuper une place centrale dans votre agriculture.

La centrale bagasse/charbon constitue d'ores et déjà une référence technologique à l'étranger. Dans quelques mois une installation identique fonctionnera à l'usine du Gol, ces deux unités couvrant alors 40 % des besoins en électricité de l'île.

Ces succès ne doivent pas désarmer notre vigilance pour défendre l'économie sucrière et cannière dans l'avenir. Trop de terres à canne ont été sacrifiées à une urbanisation mal maîtrisée, alors qu'il nous faudrait utiliser toutes les possibilités offertes à cette production qui n'atteint pas le quota qui lui est alloué à prix garantis.

L'élaboration du schéma d'aménagement régional a été pour vous une première occasion de manifester la volonté de préserver les meilleures terres agricoles. Il faut à présent traduire cette volonté dans les faits, Je souligne la responsabilité qui incombe aux maires, que ce soit à l'occasion de l'instruction des demandes de permis de construire ou dans l'étude des projets d'aménagement.

L'effort collectif engagé avec le plan de modernisation, puis avec le plan de consolidation de l'économie sucrière ne doit pas être relâché. L'amélioration des structures foncières, la mécanisation, la replantation, l'effort permanent de recherche et d'expérimentation restent des exigences auxquelles il nous faut répondre.

Par ailleurs, la production locale de fruits et légumes connaît une croissance très forte : plus de 10 % par an, permettant désormais, pour nombre de productions, de satisfaire la demande locale aussi bien en quantité qu'en qualité. Encore convient-il d'organiser, et de structurer davantage la commercialisation des produits. L'importance très rapidement prise par le marché de gros de Saint-Pierre, peu de mois après sa création, nous montre la direction à suivre. L'État encouragera bien entendu les actions, notamment interprofessionnelles, qui pourront être conduites dans ce sens, à l'instar de ce qui a été si remarquablement réussi pour les productions animales.

Dans ce domaine, la Réunion a su en effet se doter d'un système coopératif discipliné et efficace et d'une filière complète, de l'alimentation animale à la distribution. La construction en cours de l'abattoir bovin de Saint-Pierre, après l'abattoir porcin qui fonctionne dans d'excellentes conditions depuis l'an dernier, complétera d'une manière très efficace le pôle agro-alimentaire du Sud, qui affirme d'année en armée son excellence.

Je ferai enfin une mention particulière du projet en cours de réalisation du transfert d'eau de l'est vers l'ouest, dont l'un des objectifs premiers est l'irrigation de quelque 7 000 hectares.

La Réunion bénéficie du dispositif européen d'aide à l'agriculture instauré dans le cadre du programme « Poséïdom ». Ce dispositif a déjà commencé à produire ses effets positifs. Son adaptation fait l'objet d'une proposition de règlement actuellement en cours de négociation au Conseil européen. Le Gouvernement français veillera bien entendu à défendre vos intérêts.

Je sais également l'importance que la profession agricole attache à l'allégement de la fiscalité sur le foncier non-bâti. Cette préoccupation a déjà été prise en compte par le Gouvernement qui y a répondu concrètement en ce qui concerne la part régionale et la part départementale de la taxe.

La poursuite de ce processus d'allégement se heurte bien sûr à des contraintes budgétaires, mais le Gouvernement a néanmoins décidé dans le cadre du projet de loi sur la modernisation de l'agriculture, qui s'appliquera intégralement aux départements d'Outre-Mer, une mesure d'allégement de 50 % de la part communale de la taxe sur le foncier non bâti en faveur des jeunes agriculteurs pendant les 5 premières années qui suivent leur installation. Cette mesure profitera à vos jeunes agriculteurs, nombreux dans ce département.

Pour ce qui est de la mise en œuvre de la loi Perben et d'adoption des décrets d'application, j'ai bien compris l'attente des milieux professionnels agricoles qui souhaitent une application des mesures d'exonérations des charges sociales concomitantes avec celles prévues pour les autres secteurs.

Il m'est agréable de vous annoncer que j'ai décidé à d'accepter cette demande pour l'ensemble des DOM, et que l'exonération des charges sociales agricoles prévues par la loi sera applicable dès le 1er octobre 1994.

Enfin, je demande au Préfet de réunir la commission compétente pour étudier une modification des coefficients de pondération qui existent aujourd'hui entre les différentes productions agricoles afin de permettre à l'agriculture réunionnaise d'utiliser au mieux le dispositif d'exonération des charges sociales prévu par la loi Perben. Cette démarche répond aux demandes que les professionnels avaient formulées.

Par ailleurs, l'économie de la Réunion a été gravement affectée en 1993 et à nouveau en 1994 par des calamités naturelles et je fais allusion au cyclone « Hollanda » : je souhaite vous dire que la solidarité nationale jouera pour vous permettre de restaurer au mieux les équilibres financiers Je vos activités.

C'est ainsi qu'à la demande du ministre des DOM-TOM, monsieur Perben, j'ai décidé d'engager globalement un crédit de 30 millions de francs, tenant compte des pertes subies tant par la canne à sucre que par les cultures maraîchères et de diversification.

Parallèlement, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'un crédit exceptionnel de 2 MF sera engagé pour contribuer à la restructuration du Centre Technique Interprofessionnel de la Canne et du Sucre, dont l'activité a été durement affectée par le cyclone « Hollanda ».

Pour ce qui est du financement de l'agriculture et conformément à la demande pressante des milieux professionnels, je peux vous confirmer que le ministère de l'Agriculture a pris les dispositions nécessaires pour porter de 9 à 15 millions de francs l'enveloppe des prêts bonifiés de l'année 1994.

L'agriculture à la Réunion, bien loin de n'être qu'une activité subsidiaire ou marginale, doit donc pleinement jouer, dans les années qui viennent, son double rôle : continuer à contribuer au développement économique et social de l'île ; être un outil efficace de l'aménagement du territoire. Ce qui a été entrepris et réussi depuis une quinzaine d'années pour le développement des Hauts de l'île – et que j'aurai l'occasion de voir demain – a valeur de symbole. Avec l'aide de l'État, de l'Europe et des collectivités territoriales l'agriculture jouera ainsi demain un rôle de premier plan pour la cohésion sociale, la solidarité et l'emploi.

Monsieur le député-maire, mesdames, messieurs, ce n'est pas un hasard si j'ai choisi Saint-André pour consacrer mon propos à l'agriculture car, monsieur le député-maire, je sais tout l'intérêt que vous portez aux questions agricoles.

Il me faut aussi dire à la population de Saint-André combien nous apprécions son maire, le rôle politique éminent qu'il joue ici à la Réunion mais aussi à Paris en tant que député et président de !'Intergroupe DOM-TOM. Vous êtes un ardent défenseur de la politique du Gouvernement et il est normal que le Premier ministre dise publiquement combien il apprécie, avec les ministres, cet appui.  

Merci encore une fois mon cher Jean-Paul Virapoulle.

Merci à la population de Saint-André pour la chaleur de son accueil.

Vive Saint-André. Vive la Réunion. Vive la République. Vive la France.