Texte intégral
Les mesures conjoncturelles prise en 1993 ont porté leurs fruits, mais la relance reste artificielle car l'initiative privée n'a pas pris le relais des crédits publics. Pour sortir vraiment de la crise, estiment les représentants des professionnels du bâtiment et des propriétaires privés, il faut rééquilibrer en profondeur la fiscalité pour rendre aussi attractifs placements immobiliers et placements mobiliers.
Plusieurs indications récentes suggèrent que la crise du logement serait derrière nous : tel n'est hélas ! pas le cas. La reprise du rythme des mises en chantier, la réduction du stock des invendus, l'évolution maîtrisée des loyers signifient seulement que les mesures conjoncturelles prises par le gouvernement en 1993 portent leurs fruits. Ces signes ne révèlent en rien que la crise structurelle qui affecte profondément la situation du logement en France est en voie de règlement.
Le constat des éléments constitutifs de la « crise du logement » qui frappe, depuis plusieurs années, notre pays a été bien souvent dressé : désintérêt massif pour l'investissement locatif, forte baisse de l'accession sociale à la propriété, accroissement du nombre des mal-logés, mises en chantier atteignant en 1993 leur niveau le plus bas depuis quarante ans, fiscalité privilégiant ouvertement la Bourse contre la pierre.
Ces phénomènes sont connus de tous. Ils sont liés à une conjoncture économique difficile mais aussi à des choix effectués dans le passé par les administrations et les pouvoirs publics, méfiants vis-à-vis du placement immobilier, longtemps suspecté d'être « improductif ». Face aux effets dévastateurs de ces décisions du passé, et après les études éclairantes menées par des experts venant des horizons les plus variés, cette prévention contre l'investissement pierre parait désormais dépassée.
Un premier signe de ce changement d'attitude a été donné par les mesures prises, dès le printemps 1993, par le nouveau gouvernement, et complétées par la loi de finances pour 1994. L'adoption du prochain budget révélera s'il s'agissait d'un feu de paille ou si, comme nous l'espérons, une volonté politique opiniâtre animait ces premières mesures de redressement. Notre propos est ici de guider la réflexion en évitant deux écueils : le pessimisme définitif et l'optimisme excessif.
C'est parce que nous sommes inquiets que nous avons décidé, représentants des professionnels du bâtiment et des propriétaires privés, de joindre nos réflexions et de proposer ensemble des pistes d'action. Mais notre volonté commune est guidée par une confiance résolue dans l'avenir persuadés que nous sommes de ce qu'on ne peut sacrifier durablement une activité économique et sociale, si décisive pour la vie de tous.
Crainte et confiance
Crainte et confiance, ces deux sentiments sont à l'image de l'évolution du secteur immobilier : l'effort budgétaire réalisé par le gouvernement a permis, en effet, une relance certaine de la construction neuve et un développement sans précédent de la réhabilitation dans le parc ancien. Mais ne nous y trompons pas cette relance est largement pas « artificielle », car l'initiative privée n'a pas encore, contrairement aux objectifs affichés, pris le relais des crédits publics. Elle est pourtant la seule à pouvoir pérenniser la reprise de l'investissement, car elle signifie le retour des investisseurs à la confiance. Elle a, pour l'État, le grand avantage de moins solliciter le budget. C'est pour nous une certitude : on ne peut construire une vraie politique du logement sur les seuls fonds publics. Mais une telle reprise ne se décrète pas. L'environnement international, les marchés financiers et monétaires pèsent de tout leur poids sur les taux d'intérêt. De surcroît, les conséquences de quinze ans de « matraquage fiscal » sur la pierre ne peuvent être annihilées en quelques mois, et ses répercussions dans les esprits poussent les particuliers à l'attentisme.
Quel est alors, dans ce contexte difficile, le rôle que peuvent jouer les pouvoirs publics ? Il est essentiel et double : d'une part, une volonté active de conserver aux crédits publics en faveur du logement aidé un niveau d'effort important, tant que l'initiative privée n'aura pas pris le relais ; mais aussi, d'autre part, des décisions significatives de mise en place progressive de la « neutralité fiscale » que le ministre du logement, Hervé de Charette, appelle justement de ses vœux.
L'État doit donc impérativement reconduire en 1995 son action budgétaire en faveur de l'accession sociale à la propriété, du parc locatif social et de l'amélioration de l'habitat. Ce soutien encore nécessaire de la production et l'amélioration des logements permettra de surcroît aux entreprises (grandes et petites) du bâtiment, si durement éprouvées ces dernières années, de retrouver le chemin de l'activité et donc de l'embauche. Les conséquences positives de ces mesures sur l'emploi ne peuvent laisser le gouvernement indifférent. Ce redémarrage, dans des secteurs où un retard considérable a été pris, est, par ailleurs, une condition nécessaire à l'harmonie générale de la chaîne du logement. Si, demain, le secteur social occupe pleinement sa place, le parc privé pourra retrouver la sienne.
Relancer l'initiative privée
Mais, parallèlement à cet effort budgétaire maintenu, il convient, sans tarder, d'engager la véritable relance, celle de l'initiative privée. Personne en effet ne peut imaginer ou appeler de ses vœux une poursuite trop prolongée de l'action budgétaire massive de l'État. Il est donc urgent de se préoccuper résolument de l'accession privée, des futurs investisseurs, comme des détenteurs actuels du parc locatif privée. Il serait, bien sûr, illusoire de croire à une relance durable dans ce secteur sans un rééquilibrage en profondeur de la fiscalité immobilière.
Le renversement de tendance à cet égard doit être clair, définitif et marquant. Le temps des demi-mesures ou des dispositions symboliques est maintenant dépassé. Il ne s'agit pas ici de dresser le catalogue des mesures fiscales à prendre ; elles sont largement connues pour avoir été proposées depuis des années par nos organisations comme par les divers rapports publics commandés à ce propos. Mais pour redonner confiance durablement en la pierre, pour attirer cette nouvelle génération d'investisseurs qui est encore si absente, il faut aujourd'hui avoir la détermination d'œuvrer vers la neutralité fiscale entre placements immobiliers et placements mobiliers. L'objectif est clair ; la méthode l'est aussi : celle d'un plan qui, sur trois à cinq ans, permette par étapes successives d'arriver au but. Nous n'ignorons pas, toutefois, les lourdes contraintes qui pèsent sur les finances publiques. Mais nous savons aussi que l'enjeu des dispositions à prendre par le gouvernement, lors de la discussion budgétaire au Parlement, concerne clairement l'avenir du logement de tous les Français et l'emploi de milliers de travailleurs du bâtiment et des industries connexes. Il s'agit de redonner durablement à la chaîne du logement une efficacité et une souplesse qu'elle a perdues. Il s'agit de permettre à chacun d'acquérir ou de louer un logement correspondant au mieux à ses aspirations. Ce qui suppose à la fois le maintien en l'état de l'effort budgétaire actuel et la mise œuvre immédiate de la prochaine étape vers la neutralité fiscale. C'est sûrement beaucoup demander, la reprise de de demain se décide aujourd'hui.