Déclaration de M. Philippe Séguin, président du RPR, principalement sur l'effort de recomposition du RPR, l'élection de Christian Poncelet à la présidence du Sénat et ses conséquences sur l'Alliance, le renforcement du contrôle parlementaire sur les actes communautaires et le rôle des commissions parlementaires, Menton le 11 octobre 1998.

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Circonstance : Journées parlementaires du RPR, à Menton, les 10 et 11 octobre 1998

Texte intégral

Mes Chers Compagnons,

Au terme de ces journées parlementaires qui auront été riches et denses, marquées en particulier par les interventions d'Édouard Balladur, d'Alain Juppé, de Nicolas Sarkozy, de Christian Poncelet, puis des présidents de nos groupes, je voudrais à mon tour adresser des remerciements à notre ami Jean-Claude Guibal, maire de Menton, pour la qualité de l'accueil qu'il nous a réservé.

Je tiens à y associer tous ceux et celles qui ont contribué à la bonne organisation de ces journées parlementaires, qu'il s'agisse de nos militants et sympathisants, dont nous avons apprécié la réception chaleureuse, ou des collaborateurs de nos trois groupes, de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Parlement européen, qui, autour de leurs secrétaires généraux, on fait preuve d'un sens de l'organisation est d'un dévouement toujours aussi remarquables.

Je m'en voudrais de ne pas saluer aussi nos parlementaires des Alpes-Maritimes qui nous ont fait l'amitié de leur présence constante : Christian Estrosi, Lionel Luca, ainsi que nos deux sénateurs brillamment élu ou réélu il y a deux semaines : Charles Ginesy, président du conseil général, et Jacques Peyrat, maire de Nice, venu ici en voisin et dont nous attendons qu'il prenne toute sa part dans la campagne de l'élection législative partielle à venir, élection que nous entendons bien gagner.

J'ai le souvenir d'avoir assisté à de précédentes journées parlementaires de Menton, en 1977, que présidait Jacques Chirac, avec le regretté Claude Labbé à ses côtés. J'y avais alors moi-même accompagné Christian Poncelet, qui venait d'être élu au Sénat. Élu sénateur.

A quelques mois d'élections législatives qui s'annonçaient difficiles, ces journées parlementaires avaient donné le signal d'une mobilisation qui, déjouant toutes les prévisions, devait finalement s'avérer victorieuse.

Je forme le voeu que, vingt et un an ans plus tard, ces journées aient un effet similaire… Il me semble déjà acquis qu'elles auront constitué une étape marquante du processus de remontée en puissance de notre Mouvement et, par là même, de l'ensemble de l'opposition.


Mes Chers Compagnons,

Il y a un an, à Saint-Jean-de-Luz, nous étions encore sous le coup des résultats des élections législatives. Et nous nous étions accordés sur la nécessité d'en prendre l'exacte mesure, d'en tirer toutes les conséquences nécessaires.

Il ne s'agissait pas de « s'autoflageller ». Il s'agissait de faire face. Il s'agissait de se mettre en position de retrouver progressivement l'écoute des Français.

J'ai le sentiment que cette phase indispensable, quoique souvent douloureuse, de notre parcours, est sur le point de s'achever. Que l'effort que nous avons fait sur nous-mêmes pour nous réconcilier, pour rénover nos méthodes, nous ouvrir sur l'extérieur, commence à porter ses fruits. Il n'est que de voir les conditions dans lesquelles se sont déroulés la mise en place des nouvelles instances de notre Mouvement, le profond renouvellement de ses cadres, si perceptible lors de leur réunion du 19 septembre dernier, ou encore la haute tenue des débats de notre toute récente Convention sur l'Europe…

Le Mouvement a réussi à surmonter une des plus terribles épreuves qui lui ait été donné de vivre depuis sa création par Jacques Chirac en 1976. Il s'est forgé les moyens, grâce aux efforts accomplis par chacun, de renouer avec son ambition originelle : constituer cette grande formation politique moderne capable d'incarner la société française dans sa richesse, dans sa diversité, voir même dans ses contradictions.

Durant cette année de tâtonnements, de doutes, d'incertitudes, nous avons moins été des soldats en campagne, prêts à endosser des slogans faciles pourvu qu'ils assurent un succès éphémère, que des militants exigeants, déterminés à créer les conditions d'une alternance durable.

Si certains ont pu s'en émouvoir, au point de douter the la pertinence de cette démarche, je me réjouis que la plupart des parlementaires, députés, sénateurs et députés européens, y aient pleinement adhéré.

Sans vous, rien de tout ce que nous avons fait cette année n'eut été possible. Et je tenais aujourd'hui à vous en dire ma gratitude.

Je vous l'avais invité l'an dernier. Je ne conçois pas l'exercice de l'allocution de clôture de nos journées parlementaires comme l'occasion d'un discours politique qui eût pu être prononcé à l'identique, en d'autres circonstances et d'autres lieux.

Je crois trop en effet au rôle éminent qui revient à chacun de nos trois groupes pour ne pas souhaiter concentrer mon propos sur leur contribution respective au progrès de nos idées.

Et justement - l'aura-t-on assez dit ! - les mois qui viennent seront placés sous le signe de l'Europe. Nos groupes de l'Assemblée et du Sénat seront ainsi confrontés à deux rendez-vous importants : celui de la réforme constitutionnelle d'abord, celui du débat de ratification du traité d'Amsterdam, ensuite. Et en juin - il devient décidément difficile de l'ignorer - auront lieu les élections européennes.

C'est pour moi l'occasion d'exprimer notre reconnaissance à nos députés européens. Ils savent que je n'ai eu de cesse de toujours mieux les associer aux activités du Mouvement et que je me suis efforcé de suivre au jour le jour leurs initiatives. Je n'en suis que mieux placé pour saluer leur action.

Il était de bon ton, surtout d'ailleurs - comme par hasard - aux veilles de renouvellement de notre représentation, de brocarder l'absentéisme supposé de nos députés européens et de mettre en doute l'efficacité de leur présence à Strasbourg et - hélas - à Bruxelles.

Je voudrais m'inscrire en faux contre cette manière de voir.

Le groupe Union pour l'Europe, présidé par notre compagnon Jean-Claude Pasty, a remarquablement contribué à développer l'influence française au sein du Parlement, qu'il s'agisse des débats qu'il a su imposer, de la composition des commissions ou missions d'enquête, et parfois même de celle de l'administration parlementaire. Nos amis ont su occuper des positions stratégiques au sein de l'institution, à la présidence de la commission des transports et du tourisme avec Jean-Pierre Bazin, à la présidence de l'office d'évaluation des choix scientifiques avec Alain Pompidou, à la vice-présidence de la commission du budget avec Jean-Antoine Giansily, à la commission des affaires étrangères avec Hélène Carrère d'Encausse, à la Commission juridique avec Anne-Marie Schaffner, à la culture avec Armelle Guinebertière, aux affaires sociales avec Marie-Thérèse Hermange, à l'agriculture avec Anne-Christine Poisson et Philippe Martin, à la pêche avec Gérard d'Abboville, au développement avec Blaise Aldo, à la politique régionale avec Jean Baggioni, à l'environnement et à la santé publique avec le professeur Cabrol, aux relations extérieures avec Roger Karoutchi, aux problèmes institutionnels avec Pierre Lataillade…

Je porte témoignage que l'action de nos députés a permis d'infléchir les prises de position et les amendements du Parlement européen dans un sens favorable à la défense de nos intérêts nationaux, qu'il se soit agi d'exception culturelle, d'ouverture des services publics à la concurrence, de protection des inventions bio-technologiques, de libre accès aux grands événements sportifs, de bien d'autres domaines encore…

Le groupe a fait également preuve d'une vigilance extrême en ce qui concerne les questions budgétaires afin de garantir notamment le financement de la politique agricole et celui des actions structurelles pour nos zones géographiques les plus défavorisées.

Il a contribué à l'ouverture du Parlement européen vers le Maghreb, le Moyen-Orient et l'Afrique. C'est sur son initiative que le président de l'Organisation de l'unité africaine a pu s'exprimer devant le Parlement européen. C'est grâce à lui que la dernière réunion paritaire avec les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique a pu se tenir à Lomé malgré l'hostilité initiale des socialistes et d'une partie non négligeable d'autres groupes.

C'est dire que l'hommage que je veux rendre ici à nos compagnons, devant vous tous, est un hommage mérité.

Chacun sait que l'extension du champ de la co-décision ouvre au Parlement européen des perspectives nouvelles. Raison de plus pour y confirmer la qualité de notre représentation et y accroître, si faire se peut, nos effectifs.

Mais, j'ai déjà eu l'occasion de le dire : les problèmes de constitution de la liste européenne sur laquelle nous figurerons seront traités le moment venu. Ce qui signifie, vous l'aurez compris, que le moment n'en est pas encore venu.

Pour l'heure, les trois grands rendez-vous européens qui nous attendent doivent être pour nous l'occasion d'un approfondissement de notre réflexion.

Ce fût tout le sens de la Convention que nous avons tenu, cette semaine, sur l'Europe ; Convention qui fut à la fois passionnante et utile, et qui a été pour nous tous une puissante invite à renouer avec un discours positif, centré sur l'exposé de notre projet politique pour l'Europe.

Nos militants seront invités, dans les jours qui viennent, à prendre toute leur part à cet effort de retour à l'essentiel. Et nos instances compétentes se détermineront en temps voulu, dans la logique des orientations définies par nos Assises.

En tout cas, et cela aura été le grand mérite de cette convention, alors même qu'on pronostiquait une fois encore notre implosion à son occasion, la preuve est faite que nous pouvons et savons débattre ; et, surtout, que nous pouvons nous doter d'un projet européen fort, exaltant, convaincant, qui soit susceptible de rassembler le plus grand nombre d'entre nous et même, je veux le croire, l'ensemble de notre Mouvement. Mais, après tout, comment s'en étonner dès lors que cette Europe que nous voulons se situer dans la ligne droite
 de ce qui a fondé notre engagement commun.

Tirons-en déjà les premières conséquences. N'attendons pas pour nous efforcer de ne plus nous cantonner à nos débats franco-français, pour changer d'échelle et porter nos idées dans toute l'Europe.

Pour ce faire, la stratégie de notre mouvement doit être claire qu'il s'agisse du cadre de notre action au Parlement européen ou de nos relations avec les partis européens amis. Elle le sera.

Cette stratégie, elle découle d'un constat. Treize pays européens sur quinze sont aujourd'hui dirigés par des socialistes ou des gouvernements à participation socialiste. J'y range encore, l'Italie qui n'est peut-être plus celle de Monsieur Prodi. Seules l'Espagne, conduite par le Parti populaire de José Aznar, et l'Irlande, gouvernée par nos amis du Fianna Fail, leur échappent encore.

Il est donc temps que toutes les formations politiques du centre et de la droite qui luttent en Europe pour la liberté, la responsabilité et la solidarité, bref qui combattent les socialistes, unissent leurs efforts.

Entre d'un côté les socialistes et leurs alliés habituels, communistes et verts, et de l'autre l'extrême-droite, dont le FN constitue le noyau dur avec les débris du Vlams Blok, du Front national belge ou encore la Ligue du Nord, il y a un espace, un vaste espace qu'il faut organiser, et organiser d'urgence. Et en particulier au sein du Parlement européen. Le RPR et ses amis irlandais, portugais, grecs, hollandais, réunis au sein de l'Union pour l'Europe, est prêt à rendre toute sa part à cet effort dont d'autres, en France, ont déjà souligné l'opportunité.

Mais, pour être crédible et efficace, ce regroupement devra évidemment savoir conjuguer - et nous sommes experts en la matière - union et respect des spécificités.

Je n'en retiendrai qu'une raison, parmi beaucoup d'autres : certains de nos partenaires potentiels sont dans leur pays les alliés des socialistes : voilà ce qui n'irait pas poser quelques problèmes dans un mouvement et un groupe qui seraient organisés sur un mode monolithique.

Il faudra donc s'appuyer sur des structures nouvelles dont la nature et la portée devront pouvoir être débattues librement. D'autant qu'on ne peut sérieusement contesté qu'au centre et  à droite, en Europe, aucun des grands courants de pensée, libéral, démocrate-chrétien, national et républicain n'est en situation aujourd'hui de dicter sa loi aux autres et de montrer quelque arrogance que ce soit.

Et il serait évidemment hors de question pour nous, de revêtir une robe de bure, de nous mettre la corde au cou et d'aller demander pardon, individuellement de surcroît, afin d'obtenir l'éventuelle absolution de nos erreurs passées.

Il faut, en revanche, se mettre autour de la table et construire un ensemble neuf et puissant qui, au demeurant, devra pouvoir d'ores et déjà accueillir, pour une réflexion et une action communes, les partis démocratiques d'Europe centrale et orientale.

Dès lors, nous serons en position d'élaborer un projet commun pour l'Europe, reprenant les principes que nous avons en partage et - pourquoi pas ? - de le défendre ensemble dès les prochaines élections européennes.

Car nous ne saurions plus longtemps nous satisfaire d'une situation où les incertitudes nées de l'après-guerre froide et l'insuffisance des réponses politiques de l'Union européenne conduisent au retour des communistes à Moscou et ailleurs, et à celui des forces du passé à l'ouest du continent.

Ce rapprochement est donc pour nous une nécessité.

Nous y travaillons d'ailleurs depuis des mois et le communiqué, publié à Salzbourg le 25 avril dernier par les chefs de partis de l'UDE, en pose les bases. Nous attendons avec confiance la réponse de nos partenaires européens. Avec confiance et sérénité.

C'est avec la même confiance et la même sérénité, d'ailleurs, que nous abordons l'ensemble des échéances européennes.

D'autant que nous sommes d'ores et déjà en situation d'aborder la toute première d'entre elles. Je suggère donc dès aujourd'hui à nos présidents de groupes de l'Assemblée et du Sénat de constituer rapidement le ou les groupes de travail qui seront chargés de l'élaboration de nos amendements au projet de loi constitutionnelle.

Il y aura lieu d'abord de s'y interroger sur la nature des précautions à prendre pour faire obstacle à l'application d'un acte communautaire qui serait éventuellement contraire à la Constitution française.

Il conviendra de procéder ensuite, conformément à l'invitation implicite du Président de la République, à une refonte de l'article 88-4 de la Constitution, qui tendra à étendre et renforcer le contrôle parlementaire sur l'élaboration de la norme communautaire. Plus précisément, il s'agira d'inclure les deuxième et troisième piliers dans le champ du contrôle, de poser solennellement le principe de la réserve parlementaire - déjà acceptée en pratique grâce à Édouard Balladur, de régler les problèmes que posent aujourd'hui les délais de transmission des actes, en supprimant le détour par le Conseil d'État et en réservant à l'ordre du jour des Assemblées une priorité pour l'examen des propositions de résolution.

Restera à se demander s'il ne faudrait pas, plutôt que de laisser chaque Assemblée voter concurremment sa propre résolution, d'organiser une navette permettant l'adoption d'un texte commun à l'ensemble du Parlement, ce qui renforcerait singulièrement l'impact de l'intervention parlementaire. Une formule originale devrait pouvoir être trouvée respectant le pied d'égalité sur lequel sont, en la matière, les deux Assemblées.

Il faudra enfin envisager les modalités de la mise en oeuvre du traité.

Il me semble que les travaux de la Convention sur l'Europe ont fait ressortir très clairement que le support de l'éventuel référendum que certains réclament ne pourrait être valablement constitué ni par la réforme constitutionnelle - puisque la prérogative présidentielle est exclusive - ni par la loi de ratification - dans la mesure où, comme nous l'a rappelé le Conseil constitutionnel, celui-ci ne fait qu'envisager une éventuelle et ultérieure délégation de souveraineté. Il conviendra donc de fixer par voie d'amendement au projet de loi constitutionnelle que le transfert de compétences qu'il rend possible - j'insiste sur le mot - se fera par voie législative. Et, le moment venu, d'apprécier si c'est au peuple ou à ses représentants qu'il revient de trancher.

Pourquoi dis-je, pourquoi ai-je déjà dit : par voie législative ? Tout simplement parce qu'il existe plusieurs sortes de lois, que je cite en vrac, sans m'attarder à en détailler les critères : les lois constitutionnelles, les lois organiques, les lois simples, les lois de finances, les lois d'habilitation, les lois de financement de la sécurité sociale et même - et même ! - les lois référendaires. Ce qui signifie une loi peut être votée par le Parlement, par le Congrès ou par le peuple.

A toutes fins utiles - et qu'on n'y voit nulle malice -, je précise que cette formule nous permettra de mettre nos règles en accord avec l'idée que les gens et les médias s'en font généralement. Je m'explique : chacun imagine bien qu'à l'heure d'un éventuel passage à la majorité qualifiée en matière d'asile et d'immigration, il aurait été fait application, en tout état de cause, de l'article 88-4 de la Constitution et les Assemblées auraient eu à émettre un avis. Un simple avis. Un avis dont pourtant chacun a pu constater lors du vote de la fameuse résolution sur l'euro qu'on le confondait avec une décision en bonne et due forme.

Eh bien pour le coup, ce sera désormais une vraie décision et j'imagine - après tout ce que nous avons entendu à l'époque - que cela ne choquera personne…


Mes Chers Compagnons,

Je ne doute pas que notre groupe du Sénat prendra toute sa part à l'effort auquel j'appelle. J'en suis d'autant plus convaincu que, sous l'impulsion de Josselin de Rohan, il a déjà joué un rôle majeur dans le travail très positif de contre-proposition accompli par la Haute Assemblée.

Je l'avais souhaité l'an dernier : dans une Chambre où l'opposition est majoritaire, avais-je dit, il ne s'agit point « seulement de procéder à la critique ou au rejet d'un texte, mais d'élaborer, ou de voter un véritable contre-projet qui constituera aux yeux de l'opinion l'alternative que nous incarnons ».

C'est en liaison constante avec les députés du Mouvement, et grâce à des procédures coordination renforcées, que nos sénateurs se sont attelés à cette tâche, imaginant notamment un contre-budget 98 qui a illustré, si besoin était, qu'une autre voie pour la France était possible et souhaitable.

Cela dit, il n'a échappé à personne que le Sénat s'est retrouvé au cours des dernières semaines au coeur de l'actualité politique. En raison d'abord de son renouvellement triennal, qui a eu lieu le 27 septembre, et dont nous avons tout lieu d'être satisfaits.

Si la majorité sénatoriale a dans l'ensemble maintenu ses positions, la situation relative de notre groupe s'est en effet trouvée renforcée, puisque ses effectifs avoisinent aujourd'hui la centaine. Les recompositions qui ont eu lieu chez nos partenaires de l'opposition fond de surcroît que le groupe RPR n'est plus seulement le groupe le plus nombreux du Sénat, il est de surcroît la première force politique de la Haute Assemblée.

Si nous avons connu quelques rares déconvenues à l'occasion de ce scrutin - aucune n'atteignant en ampleur celle que l'opposition a connu dans le Finistère, où la victoire de notre ami Gérard est, du coup, d'autant plus méritoire - nous avons eu de belles satisfactions.

Avec nombre de réélections très méritées, et l'arrivée au Palais du Luxembourg de jeunes sénateurs comme nos compagnons Pierre André, Gérard Cornu, Serge Lepeltier, Bernard Murat ou Henri de Richemont.

Ces divers changements n'ont pas manqué d'avoir des conséquences.

La toute première est évidemment l'élection à la
 présidence du Sénat de notre ami Christian Poncelet.

Je voudrais lui redire aujourd'hui combien nous nous en sommes réjouis et combien nous en sommes fiers.

A la suite de cette élection, beaucoup se sont interrogés sur les répercussions qu'elle aurait sur le fonctionnement, voir sur l'existence même de l'Alliance.

On a dit et on a entendu beaucoup de choses à ce sujet. Les commentaires les plus étonnants, les pronostics les plus sombres ont été développés.

J'ai déjà eu l'occasion d'en faire justice. Néanmoins je voudrais reprendre très brièvement une argumentation qui me paraît à la fois simple et incontestable.

Cette victoire, je le redis, est d'abord une victoire personnelle de Christian Poncelet. Sa candidature était personnelle. Ses voix sont donc personnelles, même s'il n'est pas interdit de supposer qu'aux deux premiers tours un grand nombre d'entre elles sont venues des compagnons du groupe auquel il appartient. Dès lors, l'élection de Christian Poncelet est bien la décision du Sénat. Ce n'est pas la décision du RPR.

L'Alliance n'a été impliquée ni de près ni de loin dans cette affaire. Nul ne l'a souhaité, ni demandé. Le vote ne fut donc pas une affaire politique.

Rendons donc, de grâce, leurs justes proportions aux choses.

Dois-je rappeler que, si j'en crois les livres d'histoire, le général de Gaulle lui-même n'était pas parvenu à imposer sa préférence lors du choix du président de la première Assemblée de la Ve République ?

Je ne crois pas, pour ma part - et Je pense avoir quelque expérience en la matière - que les groupes parlementaires acceptent jamais que l'élection du président d'une assemblée soit arbitrée dans un sens ou dans un autre par les états-majors des formations politiques - ces états-majors parisiens, dont chacun sait qu'ils ne comprennent rien à rien.

Et si certains songent - ce qui n'est pas mon cas - qu'il y a eu dysfonctionnement de l'intergroupe concerné, eh bien nous sommes ouverts à leurs propositions éventuelles sur toute réforme à envisager…

Pour dire vrai, que crois que le bruit excessif qui a entouré cette élection n'est qu'une nouvelle illustration des coups que certains veulent porter à l'union de l'opposition.

Mais que l'Alliance soit ainsi attaquée et brocardée depuis sa création par tous ceux qui ont choisi de servir de garde rapprochée à la coalition hétéroclite de la gauche est, à mes yeux, une des meilleures justifications de la démarche entreprise.

Qu'on nous explique, jour après jour, et à l'occasion de chaque événement politique que l'Alliance vient de se vider de son sens, exercice dont la régularité étonne d'autant plus qu'elle était censée n'en avoir aucun dès l'origine, en dit finalement beaucoup sur le potentiel qu'elle représente. Et c'est cela que nous devons retenir.

Pour autant, nul n'a jamais songé que l'organisation de l'opposition serait un chemin parsemé de roses. Si cela avait été si facile, on s'y serait probablement lancé plus tôt.

Or, pour la première fois, un tel effort est accompli. Et il est accompli, de surcroît, hors période électorale, c'est-à-dire hors le prétexte d'une consultation à venir…

Pour la première fois, on s'engage très avant dans la détermination de structures communes auxquelles on se décide à donner de vrais moyens…

Alors, qu'il y ait parfois des hésitations, des incompréhensions voir des frictions, ne saurait étonner, d'autant que la nouvelle donne qui résulte de la recomposition de l'ancienne UDF, les décalages entre les calendriers de réorganisation des uns et des autres, suffisaient à expliquer tel ou tel soubresaut.

Il reste que le bilan de l'Alliance est déjà largement positif. A-t-on jamais songé à l'état dans lequel eût pu se retrouver l'opposition au terme de divers événements que l'on sait, si n'avait existé ce lieu de dialogue obligé ? On aurait tort, par ailleurs, de sous-estimer le travail considérable qui s'annonce en terme de programme et que la première convention de l'Alliance, à Levallois, les 13, 14 et 15 novembre, permettra de commencer à concrétiser ?…

Et Alain Juppé qui a mis ce thème au coeur de son propos sera satisfait de savoir qu'elle sera consacrée au problème de l'État et du citoyen… Je me réjouis d'autant plus que nos amis de l'UDF aient su adopter une attitude responsable. Et nous sommes évidemment prêts à discuter avec eux et nos amis de Démocratie libérale des suggestions qu'ils ont avancées. Avec une prudence qu'ils ne manqueront pas de partager : rien ne serait pire, en effet, que d'accréditer l'impression d'une approche patrimoniale de la politique, et d'une distribution de territoires ou de fiefs.

En tout cas, nous serons ouverts. Tant il est vrai qu'il n'est aucune autre voie possible que l'organisation et le bon fonctionnement de l'Alliance. Parce qu'il est des réalités qui sont têtues.

Ces réalités nous les connaissons : aucune des formations politiques de l'opposition ne pourra gouverner seule. Aucune ne pourra gagner les élections à elle seule. Alors autant anticiper et au plus vite sur l'incontournable travail en commun.

A cet égard, j'ai pris acte avec beaucoup d'intérêt des initiatives de l'intergroupe de l'Alliance à l'Assemblée nationale.

L'organisation de sessions de réflexion - les mardis de l'Alliance parlementaire s'ajouteront ainsi aux réunions régulières déjà tenues sur l'activité législative - de même que l'effort de coordination sur les question d'actualité, ou le projet d'inscription de propositions communes lors des séances ouvertes à l'initiative parlementaire, vont incontestablement dans le bon sens…

L'année écoulée a déjà donné l'occasion à notre groupe de contester les orientations générales de la politique gouvernementale. Nos députés sont montés au créneau pour critiquer un budget ignorant des réalités de la mondialisation, pour dénoncer le leurre des 35 heures et la « bombe à retardement » des emplois déguisés, pour stigmatiser les atteintes répétées à la politique familiale, du démantèlement de la garde d'enfant à domicile au plafonnement des allocations.

Ils ont également bataillé ferme pour démontrer la nocivité manifeste des projets du gouvernement sur la nationalité et l'immigration qui sont autant de coups boutoir portés à une juste conception de l'intégration républicaine.

Ils ont enfin dégonflé les baudruches du cumul des mandats et de la réforme du mode de scrutin européen, à propos desquels le gouvernement espérait faire trébucher l'opposition, mais qui, en définitive, ne l'auront conduit qu'à se prendre lui-même les pieds dans le tapis multicolore de la majorité…

Mais pourquoi ne pas reconnaître aussi que nous avons connu deux moments difficiles au cours de cette session ? Avec la fameuse résolution sur l'euro, d'une part, le texte CSM, d'autre part. Le nier serait encourir l'accusation de pratiquer la langue de bois, accusation qui pourrait, du coup, s'étendre à tout le reste de mon propos.

D'autant que je veux revendiquer ma responsabilité pleine, entière et consciente dans ces deux difficultés, qui ont été, je ne l'ai pas oublié, à l'origine de tensions.

Tensions dont certains ont fait grand cas pour nourrir leurs élucubrations vipérines sur la bataille rangée qui opposerait le RPR à Jacques Chirac. Comme si, depuis l'origine, nous n'avions d'autres objectifs que de rendre une majorité à Jacques Chirac et de contribuer à sa réélection nécessaire. Dans la première de ces deux occurrences, j'ai estimé pour ma part, qu'au lendemain des régionales, après que le Président se fut exprimé comme l'on sait, après que nous avions pris nous-mêmes les positions fermes et dépourvues d'ambiguïté que chacun connaît, alors que le trouble dans une partie de notre électorat était à son comble et que nous connaissions un risque maximum d'hémorragie d'adhérents et d'électeurs, il était vital, en contre-partie, de durcir notre opposition. Et que nous ne devions pas nourrir fût-ce l'esquisse d'un soupçon de connivence avec le gouvernement. Nous l'avons fait. Et je l'assume. Je n'en ai aucun regret. Car l'essentiel du risque a pu être conjuré. Et je m'en honore.

Quant au problème du CSM et de la justice en général, je confesse - en demandant qu'on pardonne mon audace et mon immodestie - une différence d'analyse avec ceux dont l'opinion a finalement prévalu. Cela peut arriver. Et dès lors que je confesse cette différence, on comprendra qu'il n'en est pas d'autre, parce que je la confesserais de la même manière. Je ne crois pas, pour ma part, que les propositions de la commission de réflexion sur la justice soient à la hauteur du problème posé. Elles relèvent du replâtrage, alors que l'on a besoin d'une refondation. Je suis de ceux qui ne font plus guère confiance à… l'organisation de la justice de leur pays. Et je ne varierais pas. Aucune fonction ni responsabilité ne mérite - à mes yeux - qu'on lui sacrifie ce qu'on croit essentiel. Et si je dis cela, c'est bien parce que, à la tête du Mouvement, je me suis attachée à ne jamais sacrifier l'essentiel, y compris au début de cette semaine.


Mes chers compagnons,

Notre groupe s'est donné les moyens d'aborder dans les meilleures conditions cette nouvelle session.

Grâce à un long et sérieux travail de préparation, qui a débouché sur une présence nombreuse et constante dans l'hémicycle, il a remporté vendredi avec les autres groupes de l'Alliance, une splendide victoire parlementaire. Qui doit beaucoup, il est vrai, à la médiocrité, dans cette circonstance, de nos adversaires.

Le rejet du PACS n'a pas manqué, en effet, de frapper légitimement les esprits. Il est une défaite personnelle pour le Premier ministre, qui a fait montre d'une faiblesse coupable vis-à-vis des éléments les plus turbulents de sa majorité, qui s'est laissé imposer une procédure qui était à l'évidence inadaptée, qui accorde sa confiance à des gens peu capables et qui au lieu de nous inviter à traiter sereinement des cas douloureux
 que le développement du sida avait révélé, a cherché à retirer un avantage politicien de l'opération. C'est donc un juste retour des choses.

Car de bien mauvais procès nous avaient été fait. On a même eu l'impudence de voir dans notre position un effet de la « lepenisation des esprits » qui, à en croire certains, frapperait l'ensemble de l'opposition. Je remercie Patrick Devedjian d'avoir su, jour après jour, démontrer le réalisme et la cohérence de notre position, l'esprit de liberté, de tolérance et de responsabilité qui avaient présidé à nos choix contre cet « objet juridique non identifié », pour reprendre sa formule, contre ce projet qui n'atteignait pas les buts qu'il prétendait atteindre…

Et pour montrer notre sincérité, je demande à nos groupes de déposer dans les meilleurs délais les amendements à la loi de finances nécessaires pour régler les problèmes fiscaux et (...) qui ont été relevés. Nul ne pourra nous accuser de manquer de cohérence.

Me permettra-t-on au passage de me réjouir, d'avoir il y a quelques années, rétabli le vote personnel à l'Assemblée nationale ? Car, auparavant, la difficulté dans laquelle se sont trouvés les socialistes aurait été aisément résolue : on aurait fait tourner toutes les clés de l'hémicycle… Ce n'est plus possible aujourd'hui. On ne peut plus désormais imposer à une Assemblée un texte dont elle ne veut manifestement pas… Car on aura beau dire et beau faire, on ne nous convaincra pas que tous les députés socialistes absents avaient des affaires si urgentes à régler.

Sa fonction critique, notre groupe l'a donc assumée avec un rare bonheur, et bien du mérite, dans une Assemblée dont les jeux de pouvoir au sein du parti socialiste et d'autres circonstances ont singulièrement perturbé le fonctionnement et qui se trouve trop fréquemment dans une situation de soumission tout à fait excessive.

Et il ne faudra surtout pas se laisser prendre aux initiatives qui sont annoncées pour donner le change…

Le président de l'Assemblée nationale a ainsi fait savoir à notre président de groupe, Jean-Louis Debré, qu'il souhaitait obtenir l'accord du gouvernement et l'assentiment du chef de l'État pour une nouvelle réforme constitutionnelle concernant le Parlement.

Cette réforme aurait un double objet : créer une commission spécialisée dans les affaires européennes qui se substituerait dans chacune des deux Chambres à l'actuelle délégation ; augmenter le nombre des commissions permanentes actuellement limité à six pour le porter à huit, neuf, dix ou davantage.

Je voudrais donc faire savoir aujourd'hui, de la manière la plus claire, que je recommanderais à nos groupes de se prononcer contre cette réforme si jamais elle devait voir le jour.

Cette recommandation se fonde d'abord sur une position de principe.

Je sais que toute Constitution est l'oeuvre du temps. Ce n'est pas une raison pour prendre le chemin de Versailles à tout bout de champ.

En quatre ans, j'ai du moi-même présider le Congrès à quatre reprises ce qui était un record dans l'histoire de la République. Le Congrès a été réuni à nouveau en janvier dernier. Nous nous apprêtons à récidiver dans les tous prochains mois. C'est trop. Beaucoup trop.

Laissons donc un peu en paix notre Constitution. Ce n'est pas elle qui crée des problèmes, c'est l'usage qu'on en fait.

Cette frénésie de réforme constitutionnelle et d'autant plus regrettable quand on veut faire du neuf sans véritable réflexion préalable. Ainsi, l'idée d'une commission spécialisée dans les problèmes européens est une fausse bonne idée. C'est même un contre-sens. Quel serait l'effet d'une telle création ? Il serait de réserver désormais l'accès aux dossiers européens à une minorité de parlementaires.

En d'autres termes, on aurait quelques dizaines d'initiés qui concentreraient entre leurs mains toute la capacité d'information, d'analyse, de réponse ou de proposition de leur Assemblée.

On peut d'ailleurs prévoir que, compte-tenu de la fréquente technicité de la matière européenne - qui confine trop souvent à l'ésotérisme - leur sémantique deviendrait vite totalement inaccessible à leurs collègues…

Et ce, alors même que l'idée prévaut aujourd'hui que le premier des handicaps de l'Europe est de n'être accessible et compréhensible que par les socialistes…

Singulière façon d'appréhender l'Europe !

Par la force des choses, tous les problèmes ont aujourd'hui une dimension européenne. Et pourtant, on tronçonnerait contre toute raison les dossiers, en se promettant ainsi, de surcroît, toutes les incohérences et bien des contradictions.

En vérité, la seule bonne formule est celle qui permet à chaque commission de connaître à la fois des dimensions nationale et européenne des problèmes de sa compétence et qui confie à une délégation, composée de représentants de chacune des commissions, le soin d'assurer la coordination et le travail de pré-instruction nécessaire.

C'est très précisément le système que nous avons élaboré, au fil des années. Sous réserve de lui apporter les extensions et améliorations que j'ai évoquées, nous pourrons considérer que nous disposons avec lui d'un des tout meilleurs systèmes des quinze Parlements de l'Union.

Nous n'avons donc pas besoin d'une commission spécialisée dans les affaires européennes. Et plus généralement nous n'avons pas besoin, non plus, de commissions supplémentaires.

Il y a bien longtemps, déjà, que Michel Debré nous a mis en garde contre une telle tentation.

« Trop de commissions, et des commissions trop puissantes » nous a-t-il dit « voici deux phénomènes incompatibles avec le régime parlementaire ».

Et il ne fut pas le seul.

Ainsi Léon Blum, allant encore plus loin, s'était prononcé contre l'examen obligatoire des textes législatifs par des commissions permanentes, voir contre l'existence même de telles instances. A la même époque, Poincaré et Tardieu avaient, eux aussi, préconisé leur suppression. Marquant ainsi que, pour le moins, des risques existaient de dérapage… Il n'y a donc rien de surprenant à ce que la Constitution de la Ve République dont l'ambition était, toujours selon les termes de Michel Debré, d'établir le régime parlementaire que la République n'avait jamais réussi à instaurer, comporte, à son article 43, une disposition limitant à six le nombre des commissions permanentes pouvant être formées au sein de chaque assemblée.

Force est d'ailleurs de constater que cet article 43, qu'on voudrait aujourd'hui nous voir modifier, est un texte de compromis et d'équilibre. Si la capacité des assemblées de définir leur organisation interne se trouve limitée, si l'objectif du plafonnement du nombre des commissions permanentes est bien de leur faire perdre au moins en partie la puissance qu'elles avaient acquise sous les régimes précédents, leur existence même se trouve pour la première fois reconnue, et donc garantie, par le texte constitutionnel lui-même - les assemblées conservant, par ailleurs, la liberté de définir elles-mêmes les compétences de leurs commissions.

Il n'est donc pas légitime d'y voir un moyen parmi d'autres d'abaisser le Parlement ou encore une sorte d'anachronisme constitutionnel qu'il n'y aurait aucun inconvénient à éliminer…

En fait, la création de huit ou dix commissions se substituant aux six actuelles aurait à l'évidence plus d'inconvénients que d'avantages.

Des commissions plus nombreuses, et donc plus spécialisées, retomberaient forcément dans le travers de leurs devancières, que Michel Debré dénonçait en 1958, en observant que des commissions trop spécialisées « se substituent à l'administration ou exercent sur les services une influence ce n'est pas d'une bonne nature ». Quant aux présidents de ces commissions, ne risqueraient-t-ils pas de mériter à nouveau le reproche que Léon Blum adressait à leurs prédécesseurs, « d'avoir érigé peu à peu leur poste en ministère au petit pied, toutes prêts à le changer d'ailleurs en ministère véritable » ?

Il est à craindre aussi que des commissions dont le champ de compétence recouvrirait plus ou moins exactement les intérêts de telle ou telle catégorie n'offrent un cadre particulièrement favorable à l'action des lobbies en tout genre. Cela s'est déjà vu… Nous le savons tous… Sans qu'il soit nécessaire de retomber très loin dans le temps.

J'ajoute qu'il n'est déjà par rare, à l'heure actuelle, que le champ d'un texte soit plus large que le domaine imparti à la commission reconnue compétente pour son examen. Le phénomène serait évidemment encore plus fréquent si les commissions étaient plus nombreuses donc dotées de compétences moins larges.

On pourra alors redouter une multiplication des conflits de compétences et des saisines pour avis qui alourdiront encore le déroulement des procédures. On peut même imaginer que, dans certains cas, ces difficultés ne pourront être surmontées que par la constitution d'une commission spéciale, ce qui serait un résultat paradoxal pour une réforme dont l'objectif présumé est de revaloriser les commissions permanentes.

En vérité, si l'on veut vraiment revaloriser le Parlement, les moyens en existent déjà dans le règlement des Assemblées, et ses prétendues lacunes ne sauraient constituer un alibi. Ainsi, avant de se lancer dans une nouvelle réforme constitutionnelle, il faudrait peut-être songer à appliquer d'abord la précédente. Or, la session unique perd tout son sens, puisqu'on se contente d'appliquer sur trois mois supplémentaires les pratiques antérieures, alors qu'il s'agissait précisément de se donner les moyens de les changer… Quant aux offices, force est de constater que les espoirs qu'ils avaient fait naître sont restés lettre morte.

Non, décidément, nos Assemblées n'ont pas besoin de gadgets et il ne faut pas non plus se méprendre sur les objectifs à atteindre…

La revalorisation du Parlement n'a jamais signifié, dans mon esprit, remise en cause des équilibres institutionnels fondés en 1958.

Elle
 signifie tout au contraire la recherche des moyens permettant au Parlement d'exercer au mieux toutes les responsabilités qui lui ont été conférées à l'origine et qui, précisément, garantissaient et devraient garantir l'équilibre institutionnel.


Mes chers compagnons,

Décidément, les opérations de diversion se font de plus en plus nombreuses… C'est qu'elles trompent de moins en moins de monde.

Certes, quelques hirondelles n'ont jamais fait le printemps. Il est toutefois encourageant de contempler désormais un ciel où ne volent pas seulement des oiseaux de mauvais augure…

Nous venons de loin. Nous savions ce que serait le chemin.

En réponse à toutes les impatiences, à toutes les frustrations, à toutes les déceptions, il n'y avait qu'un langage à tenir.

Par la force des choses, et les choses étant ce qu'elles étaient, ce n'était que progressivement que notre Mouvement et, au-delà, l'ensemble de l'opposition pourrait redevenir audible…

Et ce, quelle que fût la vigueur de nos critiques, la sincérité de nos intentions, la pertinence de nos interventions.

Je l'ai souvent dit, je vous le répète : nous étions d'abord promis aux quolibets et aux sarcasmes. Ils n'ont pas manqué. Et pour être une des cibles principales, je puis vous assurer que leur temps n'est pas encore définitivement révolu. Mais il passera…

On s'est d'abord gaussé de notre décomposition supposée…

On a raillé ensuite nos efforts de reconstitution. Après avoir célébré notre disparition, on annonce désormais périodiquement nos échecs. Quand j'en aurai le loisir, je dresserai le florilège de clichés dont on nous a accablés, au risque de perdre tout sens de la mesure…

Propension à nous déchirer, craquements tectoniques, ambitions sauvagement contradictoires, dissensions, implosions, explosions…, j'en passe… Il faudrait plus de mille vies pour justifier tous les actes de décès qui ont été dressés…

Nous avons poursuivi notre chemin.

Et d'abord celui de notre Mouvement qui aura su préserver son unité et son intégrité au travers de tous les obstacles : lendemains des législatives, suites des régionales, divisions à Paris, mises en cause judiciaire, que sais-je encore ?

Notre Mouvement qui aura su se souvenir que lorsqu'on traverse le désert, il ne faut céder à l'affolement mais tirer parti des circonstances pour forger les armes de demain.

C'est bien ce qui a été fait.

Nous avons actualisé nos valeurs, mis à jour notre projet. Car nous avons un projet, je le rappelle à ceux qui pourraient l'avoir oublié. Nous nous sommes réorganisées, nous avons démocratisé notre fonctionnement, nous avons créé les conditions du rajeunissement et de la féminisation. Quoi qu'il ait pu en coûter.

Il n'est pas jusqu'à l'organisation matérielle de notre Mouvement qui n'ait fait l'objet d'un effort aussi nécessaire que patient. Sous deux ou trois semaines, au terme de très longues négociations, je serai en mesure de faire des propositions complètes sur le plan immobilier. De même, nous aurons lancé le processus de constitution de la Fondation qui faisait tant défaut. Cette structure nouvelle sera chargée de promouvoir la réflexion et la prospective ainsi que la formation et l'éducation citoyenne ; à l'image de celles qui existent dans tous les grands pays occidentaux, elle mènera également des actions internationales d'aide au développement de la démocratie.

Sur le fond, nous avons adopté une ligne ferme et claire, et j'ai veillé à ce qu'elle soit tenue sans faiblesse.

Il devra en aller de même encore dans les temps qui viennent. Quand il s'agira de l'Europe. J'ai rappelé devant le comité politique la règle du jeu : chacun peut et doit s'exprimer en toute liberté. La liberté de vote est également reconnue. Et comment d'ailleurs ces deux libertés pourraient-elles être contestées quand ceux qui sont en cause son non seulement parmi nos amis les plus chers, mais aussi parmi les meilleurs d'entre nous ? En revanche, lorsqu'il est fait appel au suffrage universel, une fois que le choix du Mouvement démocratiquement arrêté, chacun doit s'y conformer, sauf à se retrouver en dehors du Mouvement.

J'ai, depuis quinze mois, appliqué ce principe sans fléchir.

C'est bien pourquoi j'entends qu'il ne souffre aucune ambiguïté ni exception. Je n'ai aucun goût à jouer les procureurs. Si je le fais, c'est pas respect pour nos militants qui attendent une discipline minimale, par respect pour les électeurs dont nous avons pour mission constitutionnelle d'éclairer le choix, et pour éviter des écarts dont la multiplication signifierait à terme notre mort.

Rien ne serait donc pire que de voir la crédibilité de cette attitude affectée en quoi que ce soit, par qui que ce soit. Notre ligne est donc ferme. Nous nous sommes refusé, de surcroît, à nous laisser enfermer dans les pièges qu'on nous tendait, s'agissant de nos prétendues relations avec l'extrémisme.

Tant il est vrai qu'avec les socialistes - et ce qui est vrai pour le problème du FN l'est aussi pour la modernisation de la vie publique - chaque fois qu'ils se lancent dans une leçon de morale, il faut sortir sa calculette ; car en termes électoraux, ça n'est jamais gratuit et c'est toujours à leur bénéfice.

Mais, malgré tous leurs efforts, j'ai bon espoir dans le déclin progressif de l'extrémisme de droite. Et je discerne une première étape de ce déclin non point tant dans ses déchirements internes que dans sa transformation progressive en PME familiale.

Nous avons une ligne ferme. Nous avons évité les pièges. Et nous nous sommes rassemblés autour du Président de la République, Jacques Chirac, qui incarne, plus que jamais, les objectifs dans lesquels, avec la grande majorité de nos compatriotes, nous nous reconnaissons.

Nous avons démontré notre résolution à le servir, quel que soit notre rang, notre place, nos fonctions, pour lui rendre l'assise politique indispensable à la maison en oeuvre du grand dessein sur lequel il fut élu en 1995.

Et nous nous sommes refusés à entretenir ces querelles byzantines sur la nature de l'opposition à conduire que d'aucuns souhaitaient, alternativement ou simultanément d'ailleurs, compréhensive, constructive, pugnace, moderne ou systématique.

Notre proposition ne saurait évidemment être globale. Dès lors qu'elle combat un projet dont l'inspiration est intrinsèquement mauvais. Et dès lors que nous avons l'ambition de traduire, demain, concrètement, une autre inspiration.


Mes chers compagnons,

Les yeux finissent toujours par se dessiller…

L'heure vient où notre discours va finir par porter.

Les Français comprennent que la conjoncture économique internationale se tend, que les prévisions de croissance sont trop optimistes, que la France devrait se mettre en mesure de parer à toute les éventualités. Mais que rien ne vient.

Nous percevons tous, confusément, que nous sommes dans l'oeil du cyclone. L'oeil du cyclone, ce n'est pas, contrairement à ce qu'on a fini par nous faire croire, le plus fort de la perturbation.

C'est même carrément l'inverse. Nos compagnons des DOM pourraient nous l'expliquer : c'est une zone où la masse d'air s'affaisse, où le vent est faible et le ciel clair. Situé au coeur des couronnes principales et extérieures, il donne une impression de sérénité et de calme toujours trompeurs qui ne sont que le prélude à de terribles bourrasques.

Et c'est bien la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Depuis un peu plus d'un an, nous bénéficions de conditions favorables. Le gouvernement n'en a pas profité pour conduire la politique de vraies réformes qui s'imposaient. Ce qui est d'autant plus coupable que ces réformes étaient rendues nécessaires, en tout état de cause, par la mondialisation ; qu'elles étaient rendues urgentes, de surcroît, du fait des évolutions de conjoncture trop aisément prévisibles au vu des dysfonctionnements de l'économie mondiale dont on savait bien que, pas davantage que le nuage de Tchernobyl, leurs effets n'étaient susceptibles de s'arrêter net à nos frontières.

Il y a pire : le gouvernement a creusé lui-même la dépression, alimenté les vents contraires, par une politique de dépenses publiques tous azimuts.

A contre-courant de ce que font les autres pays, il a fait assaut d'imagination pour mettre en place les projets les plus coûteux et les plus aléatoires en termes d'efficacité.

Les avis de tempête se succèdent, se rapprochent. Et pourtant, rien ne se passe…

Ainsi en est-il du budget 99, plus tendu à trouver les ressources nécessaires à la couverture des promesses démagogiques que sont les 35 heures ou les vrais faux emplois publics, qu'à baisser les impôts, à désendetter l'État, à endiguer l'accroissement des dépenses publiques. De sorte que d'après Eurostat, la France bat le record d'Europe des prélèvements obligatoires avec 46,3 % du PNB.

Ainsi en est-il aussi du financement de la sécurité sociale, que le gouvernement n'a pas eu le courage de prévoir et d'assurer en temps utile. Et voilà qu'on s'oriente aujourd'hui vers un dispositif comptable coercitif et injuste de maîtrise de la dépense, qu'avec Nicolas Sarkozy nous avons justement dénoncé…

Ainsi en est-il encore de l'avenir des retraites qui ne sauraient être garanties par le piteux fonds de réserve annoncé.

Fallait-il multiplier les tables rondes, les rapports d'experts, les colloques pour que la montagne accoucha d'une si maigre souris ?

Depuis les décisions d'Édouard Balladur sur la durée des cotisations et d'Alain Juppé sur les fonds de pension, il ne se sera rien passé… Ce ne sont plus seulement les retraités qui sont menacées. C'est la capacité même de nos entreprises à décider.

Ne rien faire qui fâche, se concilier les clientèles, se donner l'apparence d'un modernisme de bon aloi, afin d'aborder les rives de l'élection présidentielle intact. Telle est la véritable ambition du Premier ministre. Même ses alliés s'en sont aperçus…

Il n'est pas jusqu'aux domaines où le gouvernement
 avait fondé ses plus grands espoirs de réussite où les réalités ne fassent leur grand retour.

Dans le domaine de l'éducation, le gouvernement avait cru s'en tirer à peu de frais en désignant les enseignants à l'opprobre populaire tout en faisant du chiffre avec les emplois jeunes, quitte à assécher les crédits indispensables au bon fonctionnement des établissements.

Eh bien les résultats sont là. Tout se délite !

Nombre de nos lycées, nous en percevrons chaque jour l'écho, sont à la dérive !

A la trappe l'expérimentation des rythmes scolaires mis en place sous le précédent gouvernement par notre collègue Guy Drut, une expérimentation qui n'avait qu'un défaut, celui de venir de nous !

Oubliée, la réforme du collège ! Enterrée celle du premier cycle universitaire ! Supprimés, les crédits des heures supplémentaires, mais aussi les missions de formation permanente, alors même que la formation des enseignants est un chantier ouvert, pour reprendre l'expression favorite du ministre !

On n'arrivera pas non plus à se persuader que la réforme du mode d'élection des sénateurs soit la seule grande pensée de la législature… Comme on n'arrivera pas à nous persuader de l'intérêt des propositions incohérentes et hypocrites en matière de cumul des mandats.

… Quand les ministres peuvent continuer à diriger leurs mairies depuis leur bureau qu'ils n'ont même pas voulu céder à leur successeur depuis qu'ils se sont bombardés premier adjoint à compétence générale, ou quand on nous annonce que les parlementaires ne pourront être maires mais pourront prendre la tête d'organismes intercommunaux, c'est-à-dire des institutions même qui, demain, concentreront l'essentiel des pouvoirs locaux, comment croire à la sincérité et au sérieux des intentions ?


Mes chers compagnons,

Les textes qui vous seront proposés cet automne sont autant de leurres destinés à masquer les embarras de la majorité et l'immobilisme, mais ils ne répondent en rien aux priorités de la France et des Français. Pas plus le pacte civil de solidarité que la reconstitution de l'ORTF…

Il va vous revenir de vous y opposer.

La session qui s'ouvre doit être l'occasion d'utiliser cette irremplaçable tribune que constituent les Assemblées parlementaires.

Je vous invite à être pugnaces et imaginatifs dans la critique et la proposition, à être présents et actifs, également, dans les instances du Rassemblement, constructifs et ouverts dans les structures de l'Alliance, et persuasifs sur le terrain.

Ne vous y trompez pas : c'est à vous qu'il revient d'être les porteurs de l'idée de changement.

Nous sommes sortis - je le disais - d'un faux débat sur la vocation de l'opposition. Surtout n'en lançons pas un autre, tout aussi vain, entre retour en arrière et innovation.

Notre action passée, nous devons savoir l'apprécier au prisme des mutations de la société et du message de nos électeurs. Nous devons montrer que nous n'abdiquons rien de nos principes, mais que nous avons une volonté de changement.

Bref, derrière Jacques Chirac, nous devons avoir deux maîtres-mots : fidélité et changement.

C'est ce que je retiendrai de nos travaux.

Au terme de ces journées parlementaires, nous avons bien des motifs à une confiance raisonnable. A vous donc de travailler, de persévérer.

Il n'est pas d'autre voie. Pas d'autre voie pour une reconquête plus que jamais nécessaire.