Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la politique de la pêche, la loi d'orientation sur la pêche maritime et des cultures marines, le volet social, les mesures relatives au filet maillant dérivant et la position de la France dans le cadre de la politique commune de la pêche, Nantes le 16 septembre 1998.

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Circonstance : Salon PROMER à Nantes le 16 septembre 1998

Texte intégral

Je veux en tout premier lieu féliciter le Commissaire général de PROMER, M. Haddad pour la fidélité qu’il marque à l’égard de la pêche, la 10ème édition de ce salon en est l’illustration. Il bénéficie de l’appui constant des Chambres de commerce de Nantes et de Saint Nazaire. J’en félicite aussi le Président du groupement des Chambres, M. Batard.

La visite des stands m’a permis d’apprécier les progrès technologiques constants dans le domaine de la pêche. Le développement de l’informatique comme de l’électronique et plus généralement des techniques d’information tant pour la conduite du navire que pour l’amélioration de la précision des pratiques de la pêche, constituent des atouts certains pour assurer une meilleure efficacité, mais aussi une meilleure sécurité des navires et des marins. En outre, ces techniques sont de nature à permettre une meilleure gestion de la pêche, voire une plus grande sélectivité, nécessaires à un développement durable de l’activité.

Mais à côté des nouveaux équipements, PROMER favorise nombre de conférences, de réunions professionnelles de rencontre avec des délégations étrangères. Je tiens à souligner la présence très appréciées des délégations du Maroc et du Sénégal, pays pour laquelle la pêche constitue une activité tout à fait importante. Voilà autant d’occasions de dialogue et de coopération qui nous réunissent.

PROMER bénéficie de la présence nombreuse des partenaires de la filière pêche. Tous ces éléments m’incitent à faire le point sur les principaux dossiers de la rentrée. Il s’agit notamment :
• de la mise en place de la loi d’orientation sur la pêche maritime et les cultures marines,
• des conséquences du plan de sortie flotte,
• des mesures relatives au filet maillant dérivant,
• de l’organisation commune des marchés et enfin du contrôle des pêches.

Ces questions suivies, au quotidien par mes services, vont connaitre des grands développements dans les tous prochains mois, tant au plan national que communautaire et je sais l’importance qu’elles ont pour l’avenir de l’interprofession.

La loi d’orientation sur la pêche maritime et les cultures marines du 18 novembre 1997 nécessite, pour entrer en vigueur, la publication de 28 décrets d’application, des arrêtés et des circulaires.

Sur les 17 décrets concernant le volet économique, 3 sont d’ores et déjà parus. Ce sont les décrets concernant la SOFIPECHE, l’inscription des pêcheurs au registre du commerce et des sociétés et celui relatif à l’interdiction de certains engins de pêche (décret “anchois”). Le décret relatif à la situation des conjoints de chef d’entreprise au regard de l’ENIM devrait, pour sa part, être publié dans les prochains jours.

La circulaire sur la captation des quotas est également sortie et le décret concernant le conseil supérieur d’orientation, en cours de signature.

Les autres décrets sont, soit dans le circuit interministériel, soit au conseil d’Etat, c’est le cas des décrets “marchés” (CORECODE, OFIMER, première mise en marché, organisations de producteurs) ou de celui prévoyant une exonération partielle de l’impôt sur les BIC pour les jeunes pêcheurs.

Enfin, les décrets ressources (licences, quotas) sont actuellement soumis au conseil de la concurrence pour avis avant d’être transmis à la Commission européenne puis au Conseil d’Etat.

C’est ainsi qu’à la fin de l’année, l’essentiel des dispositions de la loi seront effectivement en place.

Le volet social de la loi pêche répond à un souci de plus grande parité avec la situation des travailleurs terrestres. Dix mesures nécessitent des dispositions d’ordre réglementaire.

Trois d’entre elles font encore l’objet d’études (elles concernent le fonds d’assurance formation, la pré retraite et l’apprentissage) et sept projets sont actuellement en phase finale de demande d’avis des ministères concernés, avant d’être soumis au Conseil d’Etat.

La loi d’orientation prévoit, en outre, une étude sur le chômage. Le rapport de Mme Simon-Rovetto vient d’être remis au Parlement. Il met en évidence l’existence d’un chômage à la pêche qui coexiste avec la difficulté de recruter certaines spécialités de marins. Il fait des propositions relatives à l’extension des mesures de protection à l’ensemble de la pêche. Ce rapport sera remis aux responsables professionnels dans les prochaines semaines. Aussi je demande au directeur des affaires maritimes et des gens de mer, d’engager le dialogue avec les professionnels pour mettre au point des solutions appropriées.

S’agissant de la construction des navires, question essentielle pour laquelle vous attendez, je le sais des précisions. Je ne reviendrai pas sur le retard de la France au titre du troisième programme d’orientation pluriannuel, ni sur le 4ème POP décidé avant mon arrivée. Vous en connaissez parfaitement les données.

Pour être en mesure de réaliser l’objectif essentiel qui est de gérer la ressource tout en renouvelant l’outil de production, j’ai décidé début mars de mettre en œuvre un plan de sortie de flotte d’envergure, avec l’aide des collectivités territoriales doté de moyens financiers conséquents (30 MF). La date de dépôt des candidatures a été fixée au 31 juillet 1998. Le bilan des intentions de sortie de flotte s’élève à plus de 24 000 kw. Les objectifs fixés au plan sont donc atteints, dès lors que ces intentions seront transformées en sorties réelles avant le 1er novembre 1998. Dans ces conditions, le retard pris au traitre du POP III sera donc globalement apuré et les objectifs intermédiaires du POP IV, au 31 décembre 1998 seront atteints. Les sorties de flotte sont en cours de réalisation. Aussi, je m’emploie activement à obtenir l’accore rapide de la Commission sur le principe du rétablissement des autorisations de construction et des aides publiques correspondantes. Sans attendre, et afin d’accéder le processus, il convient que, de façon concertée, nous commencions à travailler sur le programme de renouvellement de la flotte. Celui-ci devra, bien sûr, être élaboré dans le respect des objectifs communautaires, de façon à établir un cadre durable à l’investissement dans la flotte française.

En terme de calendrier, les COREMODE devront se réunir dès le mois d’octobre, afin que les décisions relatives aux entrées en flotte puissent être prises avant la fin de l’année. Les précisions relatives aux critères permettant d’instruire les demandes seront établies dans les toutes prochaines semaines.

Compte tenu du contexte, il va de soi que seront privilégiées les opérations n’entraînant pas une augmentation de capacité, sachant que des arbitrages seront nécessaires quant à l’utilisation des enveloppes de kilowatts publics mises à disposition au plan régional. C’est dans cet esprit qu’il conviendra, notamment de prendre en compte la nécessité absolue d’installer des jeunes patrons pêcheurs.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue qu’une partie des objectifs du POP IV peut être réalisée par la voie de la gestion de l’effort de pêche. Cette nouvelle voie doit être utilisée. Je ne méconnais pas les difficultés que présente sa mise en œuvre, celle-ci doit prendre en compte des critères.

Ceux-ci doivent être simples, généralisables à un port ou à un ensemble plus vaste, et facilement contrôlables. Je demande au directeur des pêches en étroite concertation avec les professionnels de faire des propositions dans les tous prochains mois relatives aux critères à présenter à la commission. La gestion de l’effort de pêche est un moyen de consolider l’existence de certaines de nos flottilles et je souhaite que toutes les possibilités soient explorées dans les prochaines semaines avec l’objectif d’aboutir. Il s’agit en effet d’une intéressante alternative à une politique systématique de destruction de flotte que je considère peu convaincante.

Au Conseil pêche prévu le 22 octobre prochain, trois sujets importants seront évoqués. Ils concernent le filet maillant dérivant, le contrôle des pêches et l’organisation commune des marchés.

S’agissant des mesures d’accompagnement de l’interdiction du filet maillant dérivant, les premières propositions, dont vous avez eu connaissance, viennent d’être élaborée par la Commission et adressées aux Etats membres. Elles s’inspirent, comme l’avait souhaité la France, du dispositif du plan italien qui prévoyait des mesures d’indemnisation aux propriétaires de navires et aux marins s’engageant à renoncer à cette activité. Elles comportent en outre des aides aux investissements pour la reconversion des navires vers d’autres techniques de pêche ou d’autres activités. Ces premières propositions font actuellement l’objet d’un examen interministériel. Elles seront discutées au cours de plusieurs réunions déjà prévues avec les services de la Commission au cours des prochaines semaines. Il convient, dès à présent, de définir les critères qui nous permettront d’attribuer cette indemnisation de manière équitable en tenant compte du niveau de dépendance de chacun vis-à-vis de cette activité. Si la mesure d’interdiction du filet maillant dérivant (FMD) affecte la pêche du thon germon sur la façade atlantique, elle a des conséquences également sur la Méditerranée. Je fais référence à cet égard à la Thonaille qui, comme vous le savez, est une activité de pêche traditionnelle de Méditerranée, s’apparentant sur le plan technique au filet maillant dérivant.

Lors de mon déplacement à Sète le 1er septembre dernier, j’ai fait part aux professionnels des difficultés que nous rencontrerions à la préserver dans le contexte très défavorable que vous connaissez (l’Espagne et l’Italie qui ont en Méditerranée une pêcherie de même type sont explicitement visées par l’interdiction) et ce malgré les arguments solides que nous persistons à faire valoir devant la Commission, en particulier le fait que ce soit une pêcherie traditionnelle.

Il faut donc en tirer les conséquences et prévoir l’incorporation des navires ayant une antériorité avérée dans l’utilisation de ce moyen de capture à l’intérieur du plan d’accompagnement qui vient de faire l’objet d’une proposition de commission. J’ai demandé au directeur des pêches d’organiser la concertation avec les professionnels concernés pour faire le point sur tous les aspects de cette question. Une première réunion s’est tenue le 11 septembre à Paris. Elle a été l’occasion d’un premier échange de vues. Une nouvelle réunion de travail est déjà programmée.

J’entends que les pêcheurs méditerranéens dont l’activité est dépendante de cette méthode de pêche, puissent, comme de leurs collègues de la façade atlantique, bénéficier des mesures d’accompagnement afin d’assurer leur avenir dans les meilleurs conditions.

Je veux évoquer aussi le recours contentieux des pêcheurs de l’Ile d’Yeu. Lors de l’assemblée générale du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins du 10 juillet dernier, il avait été indiqué que les conditions d’un recours contentieux direct ou indirect de l’Etat n’étaient pas réunies. Les éléments d’appréciation recueillis depuis cette date, tant au plan juridique qu’au plan économique m’ont conduit à proposer au Premier ministre que l’Etat français se porte partie prenante à l’action contentieuse engagée par les pêcheurs professionnels de l’Ile d’Yeu. Ainsi, le Gouvernement français déposera dans les délais prévus par les textes, auprès de la juridiction compétente, la requête en soutien du recours en annulation formé par les professionnels.

12ème sujet du Conseil pêche d’octobre  l’amélioration du dispositif de contrôle des pêches. La Commission a saisi les Etats membres d’un projet de modification du règlement relatif au contrôle applicable à la politique commune de la pêche. Cette proposition répond, dans une certaine mesure, aux préoccupations maintes fois exprimées par la France.

C’est le cas notamment du contrôle de l’activité des navires des pays tiers dans les eaux communautaires pour lequel la Commission a fait des propositions intéressantes. En revanche, les propositions de renforcement du contrôle du marché des produits de la pêche restent insuffisantes. Je considère pourtant que le renforcement de ces contrôles est indispensable pour garantir le bon fonctionnement de ce marché et une concurrence loyale entre produits communautaires et produits importés. La délégation française cherchera donc à obtenir un renforcement de ces dispositions à la hauteur des enjeux.

La réforme de l’Organisation Commune des Marchés, (l’OCM) constitue le troisième dossier communautaire d’importance. La Commission devrait présenter ses propositions réglementaires avant la fin de l’année. Je compte bien qu’elles prennent en compte les positions défendues par la France dans ce débat, que j’ai à plusieurs reprises exposées à la Commission. Elles concernent l’amélioration de la qualité des produits et la mise en place d’une identification et d’un étiquetage précis des produits jusqu’à la vente au consommateur, le renforcement de l’organisation de la filière par une reconnaissance accrue du rôle des organisations de producteurs et la reconnaissance d’organismes interprofessionnels, la révisions des outils d’intervention sur le marché qui, tout en confirmant le rôle indispensable du mécanisme de retrait, permette de favoriser la non-destruction des produits, la préservation de la préférence communautaire et le renforcement des contrôles et moyens financiers suffisants. Soyez assurés de ma détermination à défendre les intérêts de la France dans cette réforme de l’OCM que nous avons tant attendue. La relance modérée de l’investissement après une période d’arrêt de la construction de nouveau bateaux, la réforme de l’organisation des marchés dans le sens de ce que nous avons mis en place en France avec les professionnels, constituent des axes majeurs de ma politique.

Je tenais à les rappeler clairement au cours de cette journée où de nombreux partenaires, équipementiers et professionnels aux différents stades de la filière, sont réunis par ce Salon Promer auquel je souhaite le plus grand et le plus mérité des succès.