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"Attention à ne pas remettre en question le caractère prioritaire de l'aménagement du territoire"
Jacques Chirac devait recevoir, lundi 17 juillet, Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture puis, mardi 18 juillet les dirigeants de syndicats agricoles Luc Guyau (FNSEA) et Christiane Lambert (CNJA). Secrétaire d'État au développement rural et maire (RPR) de Tulle (Corrèze), RaymondMax Aubert insiste sur le du "caractère prioritaire" de l'aménagement du territoire.
Le Monde : La loi de finances rectificative vous apporte une bien mauvaise nouvelle avec la suppression de 150 millions de francs sur les 500 millions du Fonds de gestion de l'espace rural (FGER).
Raymond-Max Aubert : C'est vrai, il s'agit d'une amputation sévère, mais ce n'est pas un drame. Nouveauté dans le budget 1995, ce fonds est dans une phase de montée en puissance. On a encore un ou deux mois devant nous pour connaître le détail des projets départementaux qui ne prendront corps qu'à la fin de l'année ; Il y aura assez de crédits pour les financer.
Le Monde : À cela s'ajoute la diminution de 250 millions de francs (sur 597 millions) de l'enveloppe de la dotation de développement rural (DDR)…
Raymond-Max Aubert : Demandez ses propres commentaires à mon collègue Claude Goasguen ! [ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la citoyenneté, les NDLR]. C'est lui qui a en charge les questions de péréquation de ressources entre collectivités locales.
Le Monde : Le budget pour 1996 sera-t-il plus généreux pour votre secteur ?
Raymond-Max Aubert : C'est toute la question. Le niveau de la dotation du FGER aura une valeur hautement symbolique. J'ai indiqué clairement au secrétaire d'État au budget, avec lequel les discussions en ce moment sont extrêmement serrées, vous l'imaginez, que ce serait une grave erreur que le gouvernement ne marque pas nettement ses orientations et ses priorités et ne marque pas nettement ses orientations et ses priorités et ne reconduise pas l'enveloppe de 500 millions de francs au moins. Si, pour des raisons de maîtrise des déficits que je comprends, il fallait trouver d'autres ressources, je demande qu'on étudie la mise en place d'une taxe payée systématiquement par les constructeurs d'équipements (bâtiments, routes, infrastructures diverses) qui utilisent – et donc modifient la destination – des terres agricoles. Quant au Fonds national d'aménagement du territoire (FNADT) qui, en 1995, a bénéficié d'un coup de fouet très appréciable, on ne comprendrait pas qu'il soit victime de coupes sévères. Attention à ne pas remettre en question le caractère prioritaire de l'aménagement du territoire, que le président de la République réaffirme régulièrement.
Le Monde : En somme, vous voulez une application claire, nette, et vigoureuse de la loi Pasqua du 4 février ?
Raymond-Max Aubert : Avec Bernard Pons, nous nous inscrivons dans la logique de cette loi même si sur certains points, comme les schémas certains sectoriels, points, il faut peut-être la simplifier, la "détechnocratiser" l'alléger. L'essentiel, ce sont les moyens effectifs pour l'appliquer. Méfions-nous, d'une manière générale, des grands exercices abstraits !
Le Monde : À propos de cette loi, beaucoup de décrets tardent à venir…
Raymond-Max Aubert : Celui sur le Fonds national venir de développement des entreprises est très important. Il prévoit des prêts à taux réduit pour les petites entreprises, des systèmes de garanties et contre-garanties. La direction du Trésor a préparé un projet de décret. Je l'attends. Il faudra que soit respecté le principe d'équité pour ne pas favoriser, par exemple, les entreprises agricoles davantage que les artisans ou les commerçants ou les PME, ou l'inverse.
Le Monde : Et, sur le plan fiscal, que préconisez-vous ?
Raymond-Max Aubert : La taxe sur le foncier non bâti, qui a déjà été substantiellement allégée, est appelée à évoluer progressivement, surtout dans les zones rurales les plus fragiles, qu'on dénomme zones de revitalisation rurale. Sur ce point aussi, les décrets d'application sont quasiment prêts. Le premier délimite la carte de ces zones ultra prioritaires qui concernent notamment 4,4 millions de Français, notamment dans le de Massif central. J'attends pour début septembre le "feu vert" de Bruxelles et je suis optimiste. Le second texte concerne le détail des mesures financières de nature à attirer des entreprises dans ces zones menacées de désertification : exonération de taxe professionnelle pendant cinq ans, exonération de cotisations sociales et des charges d'allocations familiales. Tout le dispositif avait été approuvé par le gouvernement Balladur. Il n'y a pas de raison de le remettre en cause.
Le Monde : Il est prévu aussi d'élaborer, sous forme de projet de loi, un schéma national d'aménagement…
Raymond-Max Aubert : Oui, pour le printemps prochain. Ce sera un cadrage, pas un pour corset qui fige toute évolution pour vingt-cinq ans. J'engage la consultation des régions sur cinq points : le développement économique et l'emploi, l'environnement, l'organisation de l'espace, les services collectifs, le développement rural. Loin de moi l'idée d'un monstre juridique !
Le Monde : Vous avez annoncé une prochaine loi spécifique sur l'aménagement rural. Cette accumulation de projets législatifs est-elle nécessaire ?
Raymond-Max Aubert : C'est une commande du premier ministre, dans le but d'affirmer une priorité. Cette loi d'orientation rurale sera une loi de société. Il faut que les Français décident ce qu'ils veulent faire de leur territoire et de leurs campagnes, de leur agriculture, et des cultures, richesses et valeurs qui s'y rattachent. Il y a une hémorragie qu'il faut faire cesser. J'exclus une vision passéiste et nostalgique. Le monde rural est un cadre de vie pour une modernité nouvelle, avec création d'emplois à la clé. Les organisations professionnelles agricoles sont en train d'accomplir, dans leur vision de l'avenir, une véritable révolution intellectuelle. Mon ambition est de démontrer tout cela par une loi simple et claire.
Le Monde : Quel est le calendrier ?
Raymond-Max Aubert : J'ai commencé mes consultations politiques. Je vois aussi les présidents des grandes entreprises publiques, comme la SNCF. Je vais entamer des tournées en province. Je m'entourerai d'une sorte de "conseil de sages" composé de sociologues, d'écrivains, de géographes, de chefs d'entreprise, d'animateurs de fondations sur le monde rural, qui, à chaque sur étape d'élaboration de la loi, me donneront un avis critique, constructif et différent de celui de l'administration ou des élus politiques.