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Plus personne ne saurait nier le fait que la sécurité est aujourd’hui - avec l’emploi - une des préoccupations majeures des Français. Les récents mouvements de grève dans les transports publics, comme les manifestations lycéennes, ont bien montré qu’il s’agissait d’une revendication sociale forte. Car l’insécurité est une réalité vécue au quotidien par nos concitoyens et la multiplication des actes de délinquance connus, dont le nombre est passé de 500 000 au début des années 60 à plus de 3 500 000 ces dernières années, ne constitue qu’une traduction partielle de cette réalité. Les incivilités en tout genre - petit vandalisme, agressions verbales, occupations abusives de l’espace public… - qui se développement, contribuent aussi grandement au sentiment d’insécurité.
Délinquance des mineurs
De plus, la croissance explosive de la délinquance des mineurs est un terrible défi à relever, qui concerne tous les citoyens, parce que c’est là la manifestation d’une impuissance à faire respecter les plus élémentaires règles nécessaires à la vie en société.
Les chiffres sont éloquents : entre 1986 et 1997, le nombre des mineurs mis en cause est passé de 90 501 à 154 437, le nombre de ceux qui l’ont été pour des affaires de stupéfiants a augmenté de 274 % ! Les mineurs représentent aujourd’hui 36 % de la délinquance de voie publique et près de 24 % de la délinquance générale. Il faut savoir par exemple qu’un vol avec violence sur deux est commis par un mineur. Ce phénomène s’étend partout, en ville et à la campagne. Il s’agit d’une contestation aveugle, désespérée, d’un rejet violent des « autres », des nantis qui habitent le centre-ville, mais aussi du voisin salarié, qui n’est pas mieux loti.
Ce sont en effet d’abord les couches sociales les plus démunies qui souffrent de la délinquance quotidienne, dans les quartiers urbains défavorisés, là où les services publics ne remplissent plus ou remplissent mal leur rôle, là où l’État s’est fait trop discret, où la loi ne protège plus.
Les français demandent donc à pouvoir circuler tranquillement dans leurs quartiers ou dans les transports en commun sans encourir d’agressions, ils veulent protéger leurs enfants du « racket » à la sortie des écoles, mettre leurs véhicules à l’abri des déprédations quotidiennes qui sont le lot commun des ensembles de logements sociaux.
Lorsque au chômage, à la pauvreté et à la solitude s’ajoute l’insécurité, il y a danger pour la démocratie, car il faut craindre des réactions irrationnelles de la part de ceux qui se sentent abandonnés de la puissance publique.
C’est la mission première d’un État républicain que d’assurer la sûreté des personnes et des biens, de répondre à cette légitime aspiration. Pas plus que l’immigré, la sécurité ne peut donc être un simple objet d’affrontements politiciens.
Ce n’est pas un hasard si Jean-Pierre Chevènement a été choisi pour mener une politique de sécurité dont le Premier ministre a fait une priorité dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Quelques mois plus tard, à Villepinte, Jean-Pierre Chevènement définissait des orientations claires, afin que les services de police soient plus proches des citoyens, plus disponibles et donc plus efficaces.
A Paris, une réforme de la préfecture de police, qui sera effective au début de l’année prochaine, va dans ce sens, avec la nomination d’un seul fonctionnaire responsable de l’ensemble des services par arrondissement.
Les moyens
Des moyens ont également été dégagées, avec la décision de créer 35 000 emplois dans le cadre du plan emplois jeunes, d’ici à 1999, qui se répartiront en 20 000 prévus à Paris, et 15 000 emplois d’agent locaux de médiation sociale. D’autres moyens seront encore mis en œuvre, pour assurer l’égalité de tous les citoyens devant la sécurité, lorsque le plan de réorganisation territoriale de la police et de la gendarmerie sera appliqué.
Ce plan vise, non pas à réduire les effectifs des forces de sécurité, mais à renforcer leur présence dans les zones les plus touchées par la délinquance. La France a changé, et la délinquance n’est plus de même nature qu’il y a cinquante ans, ce qui implique une adaptation, à la ville comme à la campagne, des effectifs de police et de gendarmerie. Enfin, les contrats locaux de sécurité, qui ont été signés un peu partout en France, impliquent les services déconcentrés de l’État, les services de la justice, les communes, et tous les partenaires publics ou privés concourant à la sécurité.
Inculquer le civisme
Je fonde en particulier de grands espoirs sur la volonté affichée par le Gouvernement de lutter contre la délinquance des mineurs en rendant un rôle central à l’école, à la famille, à l’instruction civique.
La situation actuelle souligne l’inadaptation du dispositif légal et réglementaire en vigueur. Il faut donc aller vers une réforme de l’ordonnance de 1945, créer des structures d’accueil appropriées, afin d’éloigner les jeunes délinquants multirécidivistes de leurs quartiers, ne pas hésiter à responsabiliser les familles, y compris en envisageant à leur encontre des poursuites ou la suspension du versement des prestations familiales.