Texte intégral
Q - « En tant qu'ancien ministre de la Culture, que pensez-vous du, projet de loi sur l'audiovisuel ?
– Deux choses sont positives : l'engagement personnel du premier ministre en faveur du service public, et la volonté de baisser le volume publicitaire, ce qui donne aux chaînes publiques un caractère moins dépendant des préoccupations marchandes. La bonne volonté est évidente mais sa traduction pose quelques questions. Je ne pense pas que l'on puisse réformer la télévision par morceaux, faire une réforme-salami ». Le bombardement des images, qu'elles soient publiques ou privées, façonne l'imaginaire, notamment celui des enfants. La télé forme un tout. Il est illusoire de vouloir établir des cloisons. D'autant plus que toute décision sur les chaînes publiques à une incidence sur les chaînes privées et réciproquement. Si l'on baisse la publicité sur les chaînes publiques, personne n'est capable de dire exactement à qui cela profitera : aux chaînes privées, un peu à la presse ? En tout cas, traiter le sujet par petits bouts, ce n'est pas une bonne méthode. Je regrette que le gouvernement n'ait pas imaginé une loi globale.
Q - Y a-t-il suffisamment de garanties pour le financement de l'audiovisuel public ?
– La baisse de la publicité n'était pas l'urgence numéro un.
La vraie question, c'est le sous financement du service public. Les gouvernements n'ont pas eu le courage d'augmenter fortement la redevance, comme nous l'avions fait en 1982-1983, puis en 1988-1989.
Il faut réévaluer la contribution publique par la redevance, qui est une source de revenus bien plus sûre que les crédits budgétaires. Le projet de loi n'apporte aucune garantie quant aux ressources futures du service public alors que l'État ne tient pas toujours ses engagements budgétaires, surtout à long terme.
Là, la compensation [pour pallier les recettes publicitaires NDLR] est incertaine, partielle et n'apporte pas les ressources supplémentaires qui faisaient déjà défaut. Au total les chaînes privées auront davantage de ressources et la concurrence risque d'être très fâcheuse pour les télévisions publiques, notamment en termes d'achats de droits.
Q - Quelles mesures vous semblent urgentes pour rénover le secteur ?
– Pour que l'audiovisuel public fonctionne mieux, il faut apporter des ressources supplémentaires et non pas en soustraire.
Enfin, à l'instar des plans de relance pour les dessins animés ou les programmes en faveur de la jeunesse, il faudrait affecter une fraction des ressources à un fonds destiné aux magazines scientifiques, artistiques ou littéraires des chaînes publiques. Beaucoup de questions urgentes ne sont pas réglées dans le projet de loi, comme la composition et les pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel ou le vide juridique de la télévision numérique.
Q - Êtes-vous favorable à l'adoption de ce projet de loi ?
– Ce texte pourra être voté si certains préalables sont levés.
En premier lieu, on ne peut pas légiférer à l'aveugle. Il faut que l'on sache ce que le gouvernement veut faire dans le second volet de la loi, consacré aux chaînes privées. J'espère que cette seconde partie sera présentée en conseil des ministres avant le débat parlementaire sur la première partie.
En second lieu, des garanties absolues doivent être données sur le financement de la télévision publique. La réévaluation de la redevance, qui est aujourd'hui une des plus faibles d'Europe, pourrait être éventuellement complétée par des prélèvements sur certains jeux, comme le propose Didier Mathus. Je m'interroge enfin sur l'organisation de la holding. Évitons de construire une usine à gaz qui dévorerait les crédits destinés aux programmes. »