Déclaration de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation, sur le projet de budget du ministère et le projet de BAPSA (budget annexe des prestations sociales agricoles), au Sénat le 28 novembre 1995.

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Intervenant(s) : 
  • Philippe Vasseur - ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation

Circonstance : Présentation du projet de budget du ministère de l'agriculture (BAPSA) pour 1996 au Sénat le 28 novembre 1995

Texte intégral

L’examen que nous faisons aujourd’hui du projet de budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) pour 1996 vient quelques jours après le grand débat qu’a mené le Parlement sur notre protection sociale.

A l’issue de ce débat, le Premier ministre a présenté un plan de réforme dont le Parlement a reconnu tout à la fois l’urgence, l’ampleur et le courage. Car l’enjeu est bel et bien de préserver pour l’avenir notre système de sécurité sociale.

Cet ensemble de réformes, qui seront progressivement mises en œuvre dès le début de l’an prochain, auront, naturellement, des incidences sur le régime social agricole et donc sur certains aspects de ce projet de BAPSA.

C’est pourquoi je m’efforcerai surtout, dans la présentation de ce BAPSA, de souligner les points forts et les évolutions significatives qu’il marque pour la protection sociale des agriculteurs, actifs ou retraités.

Tout d’abord, les dépenses

Les prestations de vieillesse constituent le principal poste de dépenses, représentant plus de la moitié du montant total du BAPSA. Leur progression traduit le renforcement de la solidarité, qui s’exerce à l’égard des anciens agriculteurs et agricultrices.

Les retraites proprement dites (retraites forfaitaires et proportionnelles y compris les majorations pour enfants et les pensions de réversion) progresseront, en 1996, de 5 % malgré la légère diminution des effectifs. Conséquence de l’amélioration des retraites, les allocations supplémentaires du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) continueront de diminuer en dépit de l’effet en année pleine du fort relèvement du minimum vieillesse intervenue au 1er juillet dernier.

La progression des retraites que nous constatons ainsi l’an prochain, s’explique par le taux de revalorisation des pensions, par l’augmentation des droits des agriculteurs partant à la retraite et par la montée en charge de la réforme des pensions de réversion prévue par la loi de modernisation agricole.

L’an prochain, sera, en effet, franchie la deuxième étape de cette réforme de la réversion programmée sur trois ans, de 1995 à 1997. Ainsi, les 340 000 veuves ou veufs dont la pension de réversion a été liquidée avant 1995, bénéficieront, l’année prochaine, d’une nouvelle majoration de leur pension de 2 000 francs, soit une augmentation de 4 000 francs sur deux ans depuis la fin de 1994. Cette deuxième étape représente, dans le BAPSA qui vous est soumis, un coût supplémentaire de près de 800 millions de francs qui s’ajoute à celui déjà entraîné par la première étape pour le BAPSA de 1995.

Cette réforme qui s’achèvera en 1997, se traduira alors par des dépenses supplémentaires nettes de plus de 1,7 milliard de francs pour le BAPSA. Elle améliorera d’une manière décisive la situation d’une catégorie de retraités qui percevaient des pensions particulièrement faibles et constitue, pour l’avenir, une avancée majeure pour le régime agricole.

Avec le relèvement des plus petites pensions des anciens chefs d’exploitation qui a été réalisée en 1994 et qui a bénéficié à 170 000 retraités, et avec cette réforme de la réversion, vous pouvez mesurer l’effort qui, en quelques années, est accompli en faveur des retraités agricoles.

Pour autant, je suis conscient comme vous, des progrès qui restent à faire. Mais, vous connaissez aussi l’ampleur des enjeux financiers : une majoration de 10 % des retraites agricoles entraîneraient des dépenses supplémentaires annuelles de plus de 4 milliards de francs.

Les déficits des comptes sociaux que le gouvernement s’est engagé à supprimer en 2 ans obligent à une grande prudence.

Tout de peut être fait en même temps : il nous faut prendre en compte les contraintes qu’imposent la situation des finances publiques et des régimes sociaux, mais aussi le surcroît de dépenses qu’impliquera encore sur les deux prochaines années la mise en œuvre de la réforme de règles de réversion. En même temps, dans les évolutions à prévoir, nous ne devrons pas perdre de vue la nécessaire harmonisation des règles à respecter entre nos régimes d’assurance vieillesse, notamment en ce qui concerne le rapport entre les cotisations et les prestations ou la durée d’activité.

C’est dans cet esprit que nous reprendrons ce dossier des retraites agricoles lors de la conférence agricole annuelle.

Les dépenses d’assurance maladie, maternité et invalidité sont évaluées, dans ce projet de BAPSA, à 34,8 milliards de francs, en progression d’un peu plus de 3 % par rapport aux dépenses effectives de 1995. Ces évaluations ne tiennent pas compte de l’effet des mesures qui viennent d’être annoncées par le Premier ministre et qui seront mises en œuvre pour renforcer la maîtrise des dépenses en santé. Il va de soi, cependant, que toutes ces mesures sont directement applicables aussi au régime social agricole.

Les dépenses de prestations familiales (évaluées à 4,6 milliards de francs), diminueront en raison, hélas, de l’évolution démographique de la population agricole.

Enfin, il est prévu de reconduire, l’an prochain, les crédits de 170 millions de francs qui permettent les prises en charge partielles et les étalements de cotisations sociales en faveur des exploitants en difficulté.

J’en viens maintenant au financement du BAPSA et, tout d’abord, aux contributions professionnelles.

A cet égard, 1996 marquera, conformément à la loi de modernisation de l’agriculture, l’achèvement de la réforme des cotisations sociales des agriculteurs engagés en 1990 : celles-ci seront intégralement calculées sur les revenus professionnels.

Les cotisations sont évaluées, dans le projet de BAPSA pour 1996, à 14,1 milliard de francs. Ce montant est équivalent à celui des cotisations qui devraient être effectivement appelées cette année. La stabilisation des cotisations sur ces deux années 1995 et 1996 fait suite à la forte baisse, de près d’un milliard sur les seules cotisations finançant le BAPSA, constatée en 1994 par rapport aux années précédentes.

Avec l’achèvement de la réforme des cotisations, les taxes BAPSA sur les productions agricoles (céréales, betteraves et oléagineux) seront intégralement démantelées en 1996. Vous avez voté, à l’issue de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un article de ce projet (l’article 25) qui supprime ces trois taxes, alors que, rappelons-le, elles s’élevaient annuellement à environ 1,5 milliard de francs lors du démarrage de la réforme.

La disparition de ces taxes, le lien qui existe dorénavant entre le montant global des cotisations des exploitations et l’évolution du revenu agricole, et, au niveau individuel, la meilleure adéquation entre les cotisations et les capacités contributives constituent des acquis obtenus grâce à cette importante réforme et aux perfectionnements successifs qui y ont été apportés.

Cette réforme trouvera son prolongement dans la réflexion qui est engagé pour mieux définir le revenu fiscal des exploitants et notamment distinguer dans celui-ci les bénéfices réinvestis. Cette réflexion devrait permettre, lors de la conférence annuelle à la mi-décembre, de tracer de nouvelles perspectives pour les prochaines années.

Au total, en 1996, les contributions professionnelles financeront, un peu moins de 16 % des prestations légales servies aux agriculteurs actifs et retraités, au lieu de 20 % avant 1994.

Les recettes provenant de la solidarité interprofessionnelle et de la solidarité nationale assureront ainsi la majeure partie du financement du BAPSA.

Dans ces ressources, la plus importante est constituée par les transferts de compensation démographique qui sont fournis pour les autres régimes et qui sont évalués à 33,5 milliards de francs dans ce projet de BAPSA. La forte progression de ces transferts résulte, pour l’essentiel, de la dégradation particulièrement marquée du rapport entre actifs et retraités dans le régime agricole.

Les recettes de TVA et les autres taxes affectées au BAPSA devraient s’élever, hors restitutions de TVA, à 25,7 milliards de francs contre un peu plus de 25 milliards de francs en 1995.

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait verser au BAPSA 4,5 milliards au titre des allocations supplémentaires. Par ailleurs, conformément à la disposition adoptée par le Parlement lors du vote de la première partie du projet de loi de finances, le Fonds de solidarité vieillesse financera directement les bonifications de pensions pour enfants servies aux retraités agricoles. La modalité ainsi prévue vise à tenir compte des objections du Conseil constitutionnel à l’encontre de celle qui avait été retenue par la loi de finances pour 1995, étant souligné qu’il est pleinement justifié sur le fonds que le FSV prenne en charge les bonifications pour enfants pour les retraités relevant du régime agricole comme pour ceux du régime général et des régimes de commerçants et d’artisans.

Enfin, la subvention du budget de l’État qui constitue une subvention d’équilibre, diminuera, en 1996, à 6,4 milliards de francs du fait de l’évolution des autres ressources du BAPSA.

A travers le BAPSA, une solidarité de grande ampleur, nous l’avons vu, s’exerce en faveur de la population agricole et active.

Le plan de réforme de la Sécurité sociale qu’a tracé le Premier ministre aura des conséquences pour le régime agricole et pour les agriculteurs eux-mêmes. Je ne doute pas qu’ils sachent comprendre la nécessité de ces chargements et participer à l’effort demandé à l’ensemble des catégories sociales.

Mais au-delà de cette juste participation, les agriculteurs actifs ou retraités doivent être assurés de notre détermination de maintenir cette solidarité à leur égard et à réaliser de manière progressive et réaliste de nouvelles améliorations dans leur protection sociale.