Texte intégral
Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les ministres, Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Sachant combien ces rencontres annuelles sont un moment fort de la vie des agences d'urbanisme, je suis heureux de clôturer leur 19e édition avec vous. En revanche, je me dois de vous dire que Jean-Claude Gayssot m'a demandé de vous faire part de son regret de n'avoir pu répondre à votre invitation, alors que le thème même de vos travaux est au coeur de ses préoccupations.
Le sujet que vous avez judicieusement choisi de traiter cette année « stratégies urbaines et transports » est en effet un des thèmes majeurs concernant la ville à l'aube du XXIe siècle. C'est un enjeu de réflexion fondamental pour une société devenue, au cours de ce siècle, majoritairement urbaine.
La prédominance des questions qui porte sur ce lien entre les transports et la ville et leurs interférences récurrentes ont d'ailleurs conduit le ministère de l'équipement, à repenser son organisation :
• Un comité des directeurs pour le développement urbain vient d'être créé : sa tâche, dès sa prochaine mise en place, sera de coordonner les interventions urbaines de l'État, notamment celles qui sont à l'interface des politiques urbaines et des politiques de transport.
• Pour cette raison également, une mission mobilité urbaine a été créée, au sein de la nouvelle direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction que dirigent Pierre-René Lemas et Paul Schwach.
• Les évolutions de ce ministère portent également sur le plan « urbanisme construction architecture » qui développe des axes de recherche, en relation avec le PREDIT, sur les morphologies urbaines et la mobilité, sur le stationnement résidentiel, sur les quartiers de gares et prochainement sur les déplacements et les inégalités.
• Enfin le CERTU, de création un peu plus ancienne puisqu'il va fêter ses cinq ans, poursuit l'approfondissement des approches techniques sur ce même sujet.
L'allongement des déplacements du fait de l'accroissement de l'usage de la voiture particulière provoque un élargissement de la zone dans laquelle chaque citoyen exerce son activité. La croissance démographique des villes a, dans l'ensemble, cessé mais leur croissance spatiale se poursuit. Les villes se distendent alors même que l'économie urbaine se polarise sur des lieux où se concentre un maximum de relations.
Au-delà de ce constat, il apparaît aussi que les différents acteurs économiques ou institutionnels n'ont, trop souvent, qu'une vision partielle des enjeux du développement urbain, en fonction de leurs centres d'intérêt prioritaire : nombre de ménages ont une préférence pour la maison individuelle ; des propriétaires sont bien souvent sensibles à la valorisation de leurs biens que favorise une amélioration des dessertes ; des communes périphériques, sous la pression de la demande, sont conduites à urbaniser leur territoire ; l'État lui-même met en oeuvre des politiques sectorielles qu'il a parfois du mal à harmoniser.
Cette approche fragmentée de la ville et du développement urbain rend encore plus nécessaire une mise en commun de toutes ces attentes pour les ordonner dans une vision cohérente et forcément plus globale à l'échelle du territoire de l'agglomération.
Nous avons à concilier au mieux :
- un rythme de vie marqué par une course économique toujours plus vigoureuse et qui repose pour partie sur la rapidité et la fiabilité des systèmes de transport, de voyageurs et de marchandises ;
- des préoccupations environnementales à toutes les échelles, qui interpellent fortement les transports ;
- des préoccupations sociales qui ne peuvent ignorer la mobilité des personnes et l'équité des politiques publiques à cet égard.
Nous devons inscrire notre action dans un cadre législatif dont la diversité appelle des efforts de mise en cohérence. N'oublions pas la loi d'orientation sur les transports intérieurs de 1982 qui disait déjà beaucoup de choses, pas toujours appliquées, la loi sur l'air et les plans de déplacements urbains qu'elle impose aux agglomérations de plus de 100 000 habitants (la LOTI les avait inventés), les schémas directeurs et les POS, mais aussi les dossiers de voiries d'agglomération ; les schémas d'urbanisme commercial, les PLH et enfin les futurs contrats de villes, contrats d'agglomération et contrats de plan, qui seront des occasions d'engagements concrets et partenariaux.
Il y a six ans, votre rencontre nationale tirait la sonnette d'alarme de « la ville en miettes », aujourd'hui vous lancez des pistes d'action pour mettre la ville en mouvement :
• Vous avez rappelé dans vos travaux cette spirale de la transformation des villes qui enchaîne l'accroissement des capacités des infrastructures, l'étalement urbain et l'augmentation de la demande de déplacements qui en découle.
• Vous vous êtes interrogés sur les articulations entre les politiques des transports et le développement des autres politiques qui modèlent nos villes, plaçant justement le problème au-delà de la nécessaire mais insuffisante articulation des procédures.
• Vous avez cherché à mettre en évidence les clés de la réussite de certains projets urbains qui ont su mettre chaque politique sectorielle au service de toutes les autres.
• Vous avez prôné un renouveau de vos travaux, les enrichissements nécessaires à la complémentarité de nos réflexions sur l'urbanisme et la mobilité qui est le thème du débat national que Jean-Claude Gayssot a annoncé.
J'attends des comptes rendus de vos travaux, les enrichissements nécessaires à la complémentarité de nos réflexions sur l'urbanisme et la mobilité qui est le thème du débat national que Jean-Claude Gayssot a annoncé.
Je souhaite développer devant vous les rôles qui tiennent, à mes yeux aujourd'hui, les agences d'urbanisme parmi l'ensemble des acteurs qui interviennent sur le devenir de nos agglomérations.
Les agences d'urbanisme, vous le savez mieux que moi, ont une longue histoire et permettez-moi de regarder un peu en arrière : c'est au moment de la préparation du Ve plan qu'a été retenu l'objectif prioritaire de la création d'agences dans chaque agglomération de plus de 150 000 habitants. C'est en 1967 que la loi d'orientation foncière fonde ces organismes au service des différents acteurs de l'aménagement dans les agglomérations. Il ne s'agissait pas d'imposer ces nouveaux outils, comme le précisait Pierre Mayet lors de votre première rencontre nationale, à Rouen, en 1973.
C'est ainsi que les agences qui existent aujourd'hui se sont créées au fil du temps : certaines ont maintenant plus de 25 ans, d'autres ont vu le jour tout dernièrement comme l'agence d'urbanisme Adour-Pyrénées et l'agence de développement de Clermont-Ferrand métropole. Enfin l'atelier parisien d'urbanisme (APUR) vient de rejoindre le réseau de la FNAU et je m'en félicite. Il semble que d'autres projets puissent encore voir le jour avant l'an 2000 ; je suis ouvert, bien sûr, à ces perspectives.
Ce sont donc maintenant 40 agences d'urbanisme, en métropole et outre-mer, qui font partie de votre fédération nationale. Le concept, loin d'être éculé, répond toujours aux préoccupations des collectivités locales et de l'État. J'en veux pour preuve les accords qui ont conduit deux nouvelles agglomérations à se doter d'un tel outil cette année.
Les agences sont devenues aujourd'hui des instances importantes dans la connaissance des phénomènes urbains, dans la réflexion conjointe que mènent l'État et les collectivités locales sur les politiques urbaines et sur les programmations. Leurs missions dépassent amplement l'élaboration des seuls schémas directeurs et plans d'occupation des sols, pour laquelle elles avaient été mises en place à l'origine.
Ce concept, unique au niveau européen, est un maillon important des partenariats qui doivent désormais se nouer pour aborder la complexité des phénomènes urbains qui préoccupent de plus en plus nos citoyens, toujours plus nombreux à habiter en ville.
Les villes, les agglomérations évoluent, se construisent, se modifient chaque jour, par telle ou telle décision d'implantation de bâtiments, d'infrastructure, de logement, par la mise en place de nouveaux services urbains. La prise en compte d'éléments nouveaux comme le développement durable, la limitation de l'étalement urbain, le renouveau de la ville sur la ville sont des missions qui se mènent sur la durée et dont les effets sont lents à se faire sentir.
La ville est l'exemple même des questions de société où les solutions ne peuvent être trouvées qu'ensemble, à partir de ces lieux d'échanges, de débats et de propositions dont les agences d'urbanisme sont une illustration.
Ceci est d'autant plus vrai que les lois sur la décentralisation ont confié les responsabilités en matière de procédures d'urbanisme aux collectivités locales, depuis 1983.
Ainsi les agences d'urbanisme tiennent un rôle essentiel au travers de leur triple mission d'observation, de concertation et d'études urbaines ayant pour but de préparer les décisions des autorités compétentes en matière d'urbanisme.
Ce qui fait leur force c'est avant tout leur composition pluridisciplinaire regroupant des urbanistes, des architectes, des géographes, des écologistes, des économistes, des juristes, des ingénieurs… Certaines d'entre elles sont devenues des agences de « développement et d'urbanisme » marquant ainsi le souhait des collectivités locales d'agir de concert sur leur aménagement et sur leur fonctionnement social et économique. C'est ensuite leur périmètre d'action qui met en relation souvent plusieurs territoires distincts. C'est aussi leur autonomie intellectuelle, c'est-à-dire leur force de propositions qui permet un dialogue réel entre les responsables de l'aménagement.
Les agences d'urbanisme sont un cadre de concertation entre l'État et les collectivités locales : c'est ensemble qu'ils procèdent à leur création, qu'ils en choisissent le directeur, qu'ils en définissent les financements au sein d'un conseil d'administration composé d'un commun accord.
Je ne suis cependant pas sans connaître les difficultés que certaines d'entre elles ont pu traverser récemment du fait de ce positionnement, surtout lorsque l'un des partenaires remet en cause ses financement et, parmi eux, quelquefois l'État n'a pas su donner le meilleur exemple. Le moment est donc venu de clarifier certains points.
C'est pourquoi, j'ai proposé au président Rossinot l'élaboration d'une charte qui lierait le ministère de l'équipement en charge des questions d'urbanisme et la fédération nationale des agences d'urbanisme. Ce document aurait pour but de « sceller » en quelque sorte nos relations pour les prochaines années.
Cette charte affirmera le caractère partenarial des agences d'urbanisme dont l'État est partie prenante, tant dans leur fonctionnement, que dans leurs missions, leurs programmes de travail et leurs territoires d'études. Elle explicitera le rôle que jouent ces instances associatives vis-à-vis de l'ensemble des partenaires qui la constituent et qui sont la raison de leur existence. Elle précisera aussi la place que l'État tient dans ces organismes en assurant la continuité de son appui, notamment financier et en formulant en retour des exigences.
Je sais que la rédaction de ce document est très avancée. Ce projet fait l'objet d'un accord de principe, mais il m'a paru opportun, avec l'accord du président de la FNAU, d'en différer la signature de quelques semaines afin de la faire valider par les autres ministères concernés.
Il faut parallèlement, pour aller plus loin sur la consolidation des agences, leur redonner le fondement législatif qu'elles ont perdu lors du débat sur les lois de décentralisation et de l'urbanisme. Un article de loi sera sans doute nécessaire.
Il faut également faire aboutir la réflexion sur le statut des agences et sa modification éventuelle compte tenu de l'évolution des textes sur les associations et en particulier des nouvelles directives européennes sur les services. Je sais, Monsieur le président, que vous êtes attaché à un statut associatif, mais je veux être sûr que cette voie est la plus appropriée pour les agences afin de les mettre à l'abri de toute difficulté d'ordre juridique. La solution recherchée doit notamment éviter aux agences d'urbanisme d'être prises en défaut sur des questions de « gestion de fait » et de mise en concurrence.
Nous aurons ainsi, avec la charte, un refondement des agences et une amélioration de leurs statuts, réuni les trois conditions indispensables au renforcement du rôle des agences d'urbanisme, dans la durée. Il conviendra par la suite que chaque agence adapte à sa situation particulière le cadre qui aura été ainsi défini.
Je voudrais vous annoncer que, pour préparer le cadre de ses nouvelles relations avec les agences d'urbanisme, l'État a proposé et le Parlement a accepté, d'augmenter la ligne budgétaire qui leur est réservée et qui s'élèvera à 58 M F pour 1999.
Cette disposition correspond à une progression des crédits de plus de 9 % par rapport à l'an dernier et à un retour vers le niveau des années les plus fastes.
Dans le contexte budgétaire actuel, je suis convaincu que vous ne sous-estimez pas l'importance de cette mesure qui vient interrompre un cycle de régression inquiétant.
C'est dans ce cadre renouvelé de partenariat entre l'État et les agences et avec des moyens accrus que nous approchons de l'an 2000. Les questions urbaines, dans leur ensemble, seront un enjeu majeur qu'il convient de maîtriser afin de laisser aux générations suivantes des villes qui seront des véritables lieux de vie et de cohésion sociale et qui correspondront aux attentes de leurs populations.
C'est à cette fin que s'engage la préparation du projet de loi relatif à la « diversité et à la qualité de l'habitat et à la maîtrise de l'évolution urbaine », dont je voudrais vous dire quelques mots avant de conclure.
Les premières pistes de réflexion sur lesquelles nous comptons développer ce projet consisteraient :
– à mettre en cohérence, à l'échelle de l'agglomération, les différentes politiques sectorielles et les démarches de planification ;
– à renforcer la mixité urbaine par une diversification de l'offre d'habitat et un développement urbain équilibré socialement et spatialement ;
– à limiter l'étalement urbain et la dispersion de l'habitat, en facilitant la reconstruction de la ville sur elle-même par des modes opératoires renouvelés d'urbanisme opérationnel permettant d'intervenir tant dans les quartiers d'habitat social que dans les quartiers anciens dégradés, ou même dans les zones d'activités, pour les préserver, elles aussi, de processus de dévalorisation ;
– et à développer, dans le domaine de l'habitat et dans celui de l'urbanisme, de nouvelles formes de partenariats entre l'État et les collectivités locales et une plus forte participation des citoyens à l'évolution de leur cadre de vie.
Nous avons en effet, me semble-t-il, à répondre à trois interrogations majeures :
• Pouvons-nous, plus de quinze ans après les textes qui ont décentralisé l'élaboration des documents d'urbanisme, envisager de franchir une nouvelle étape ?
• Pouvons-nous créer les conditions nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre de véritables projets d'agglomération, prenant appui sur les nouvelles formes d'intercommunalité prévue par le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale ?
• Pouvons-nous, et je crois que c'est là l'essentiel, mettre en place les mesures susceptibles de lutter efficacement contre toutes les formes de ségrégations urbaines ou sociales ?
J'ai demandé au président de la FNAU, qui m'a confirmé son accord, que le réseau des agences soit partie prenante à cette réflexion. Je suis en effet convaincu que l'expérience accumulée dans les agglomérations sera une source de pertinence et de réalisme pour mettre au point les dispositions qui constituent le futur cadre des évolutions urbaines. Autour de cette problématique de la ville en mouvement, je souhaite aux agences d'urbanisme et à leur fédération nationale un avenir consolidé, au service de tous ceux qui oeuvrent pour donner à nos concitoyens le cadre de vie auquel ils aspirent légitimement. Vous me savez attentif à ces questions.
Je vous remercie de votre attention.