Texte intégral
France Inter : Vous êtes ministre délégué à l’Emploi. De quelle manière ces zones vont-elles véritablement pouvoir répondre à un problème du chômage dans ces zones défavorisées ?
A.-M. Couderc : Je crois que l’approche qui a été menée par J.-C. Gaudin et É. Raoult est une approche très pragmatique. Ces zones franches sont des zones qui sont très repérées, très bien identifiées, et moyennant quoi, qui permettent d’avoir une analyse des besoins tout à fait précise. C’est en cela qu’on peut voir, d’une manière très concrète, très pragmatique, comment résoudre le problème du chômage, du manque d’emploi, du maintien de l’activité. C’est cela le principe d la zone franche. C’est, indépendamment de toutes les aides qui ont déjà pu être mises en œuvre au long de ces dernières années, d’essayer d’avoir une approche cohérente, globale, sur un quartier bien identifié et de faire en sorte d’axer notre action sur le maintien de l’activité. C’est cela le principe de la zone franche. C’est indépendamment de toutes les aides qui ont déjà pu être mises en œuvre au long de ces dernières années, d’essayer d’avoir une approche cohérente, globale, sur un quartier bien identifié et de faire en sorte d’axer notre action sur le maintien de l’activité et l’implantation d’activités nouvelles et de promouvoir de la création d’emplois que ce soit dans un secteur marchand ou dans un secteur non marchand.
France Inter : Les objectifs sont quand même modestes pour ce qui concerne la création d’emplois. Ce n’est pas un reproche mais 1 000 emplois par an pendant 5 ans c’est ce qui peut mobiliser vraiment les foules…
A.-M. Couderc : Je crois qu’il est très difficile d’estimer aujourd’hui les effets en termes d’emploi dans le cadre de l’activité économique. Autant nous pouvons être plus précis sur le secteur non marchand, par exemple les emplois-ville qui ont déjà été votés, qui sont du secteur non marchand, ce sont des actions souvent pilotées par les collectivités locales ou par les associations et on décide de leur nombre en fonction des besoins. L’activité économique bien sûr, est très dépendante du contexte et de la manière dont vont réagir les différents acteurs. Pour ma part, je suis convaincue qu’on doit, non seulement aboutir à ces objectifs, mais aller au-delà. C’est véritablement une question d’implication de tous.
France Inter : Ça me fait penser à un film : « Prends l’oseille et tire-toi ! » c’est-à-dire quel est l’engagement de ces entreprises, sur place, qui ont déjà beaucoup de mal à vivre, pour créer réellement de l’emploi ou en maintenir ? Et croyez-vous vraiment que la création d’entreprises va aller dans ces zones défavorisées ? On a l’impression qu’on rajoute de l’argent, mais pensez-vous qu’il soit réaliste de croire que cette nouvelle politique va apporter quelque chose ?
A.-M. Couderc : Je pense qu’il est tout à fait réaliste de croire que la démarche qui est employée va permettre de maintenir déjà des activités commerciales, artisanales de toute nature qui, aujourd’hui, sont en passe de disparaître dans ces quartiers. C’est un premier point. Deuxième point : c’est vrai qu’à partir du moment où l’ensemble du plan est respecté, qu’on réinstaure par exemple la paix publique qui est quand même un des objectifs de ce plan et qu’on améliore le cadre de vie, il est normal que l’activité économique y vienne. D’autant plus qu’elle est aidée. Ce qui fait aujourd’hui la déshérence de ces quartiers c’est la difficulté d’y vivre et les risques que ceux qui veulent créer à l’intérieur de ces quartiers rencontrent. Je pense donc qu’à partir du moment où nous avons cette approche globale et où nous traitons l’ensemble des problèmes posés par les quartiers, le maintien de l’activité économique et l’arrivée d’une nouvelle activité, aidées bien sûr dans un premier temps, me paraît assez normal.
France Inter : Y a-t-il un volet sécuritaire ? Il y a 25 % de chômeurs dans ces quartiers donc les entreprises ne vont pas venir dans des quartiers où il y a plus de chômeurs et plus de violence et inversement, car tant qu’il y aura de la violence il n’y aura pas d’entreprises qui viendront.
A.-M. Couderc : C’est bien pour ça que je viens de vous dire que, à l’intérieur de ce pacte de relance, il y a un volet pour assurer la paix publique. C’est vrai que ce que nous avons constaté c’est que tous les efforts qui ont été faits jusqu’à présent, ont été chassés par le fait qu’il n’y a pas d’emploi. Et c’est vrai que dès l’instant où il y a des jeunes et des moins jeunes qui n’ont pas les moyens de vivre et qui n’ont pas les moyens de s’insérer, alors la délinquance peut se développer. Donc, cette démarche est une démarche globale, et chacun des volets de cette démarche fonctionne ensemble.
France Inter : Une des inquiétudes supplémentaires c’est que vous avez abordé les choses sur 5 ans. Une des angoisses existentielles des chefs d’entreprises c’est que toutes ces mesures ont un temps très court. À chaque Gouvernement qui arrive soit on en rajoute une couche soit on en enlève. Qui dites-vous aujourd’hui à ces chefs d’entreprises et à tous les jeunes qui peuvent être créateurs d’entreprises alors que le budget a diminué de 50 % pour les aides et primes aux chômeurs qui créent des entreprises ?
A.-M. Couderc : Sur ce sujet, je peux vous dire que, d’une part nous nous appuyons sur des choses qui ont déjà été faites. On ne supprime pas. Par contre on essaye de leur donner une cohérence et de mieux articuler et d’avoir cette approche de 5 ans, c’est une durée pas négligeable. On sait par exemple que pour une jeune que l’on va assister dans les emplois de ville, 5 ans c’est un vrai parcours d’insertion. Ça doit permettre, aussi aux chefs d’entreprises qui s’inscrivent dans cette durée de 5 ans, d’avoir une vision de leur installation dans ces lieux et de leur développement potentiel. Cette démarche sur 5 ans me paraît de nature à rassurer les entreprises.
France Inter : La principale démarche c’est bien l’exonération fiscale ?
A.-M. Couderc : C’est vrai que les exonérations fiscales et sociales sont conditionnés par l’engagement dans les nouveaux effectifs de personnes qui résident dans les quartiers. Ceci, de façon à ce que les aides qui sont apportés profitent aux quartiers.
France Inter : On sait aussi que le CNPF dit que les aides à l’emploi qui sont accordées à l’entreprise, aux PME, on n’est pas sûr que ça sert à grand-chose.
A.-M. Couderc : On aborde là un débat d’actualité : l’efficacité des aides à l’emploi. C’est vrai que toutes les dispositions que nous prenons, nous souhaitons voir le rapport efficacité-coût. Il faut distinguer ce qu’on appelle aides à l’emploi. J. Barrot hier s’est exprimé clairement en disant « ne confondons pas ce qui entre dans la réforme de fond, réforme structurelle, baisse des prélèvements sur le travail des personnes peu qualifiées » qui est trop élevé actuellement. C’est la réforme qui a été mise en œuvre et dont nous ne verrons les effets en termes d’emplois qu’à moyen-terme. La plupart des entreprises qui ont des déficits ne peuvent que s’en féliciter. Et jusqu’à preuve du contraire c’est une disposition – réforme structurelle et allégement de charges – qui n’est pas contestée. Ensuite il y a d’autre types de mesures : des mesures qui sont nécessaires pour accompagner le chômage partiel par exemple. Il y a tout ce qui permet à l’entreprise de jouer un rôle de formateur : l’apprentissage, les contrats de qualification entre autres. Peuvent aussi s’ajouter des dispositifs de lutte contre l’exclusion. C’est le contrat initiative-emploi dans le secteur marchand et aussi les CES ou les contrats d’emploi consolidés qui existent dans le secteur non marchand dont font partie les emplois ville.
France Inter : Comme dans la fonction publique la grogne monte dans des entreprises publiques et privées. Exemple avec les syndicats d’Air-France-Europe qui se sont réunis en intersyndicale pour des suppressions d’emplois. Dans le privé c’est la même chose avec des manifestations qui commencent à pointer du côté notamment d’Alcatel-Alsthom, Peugeot et ses salariés qui vont avoir un plan de suppressions d’emplois. Ou encore la grande manifestation sur la réduction du temps de travail. J. Barrot dit que « les patrons manquent d’ambition. ».
A.-M. Couderc : Ce que pense, en accord avec J. Barrot, c’est, face au contexte que vous venez d’expliquer et qui correspond à des nécessités de concurrence, au plan international, qu’il faut de toute évidence que l’ensemble du patronat fasse un effort d’organisation différente pour prendre en compte la dimension humaine et la dimension sociale. C’est un changement de mentalité et c’est vrai que l’effort que nous demandons st un effort assez récent. Il n’est pas simple de modifier son organisation et ça suppose, pour que ça fonctionne, que ça passe par des accords internes d’entreprises. Je crois que tout le débat qui s’est instauré depuis ces derniers mois sur l’aménagement du temps de travail, la réduction du temps de travail, participe de cette évolution des mentalités c’est indispensable. On n’a pas assez raisonné en termes de richesse humaine, et d’impératif social, dans les années qui viennent de s’écouler. Je suis convaincue que même si c’est difficile aujourd’hui nous allons y arriver. Ça demande de la part de tout le monde, qu’on soit dirigeant d’entreprise ou salarié, dans l’encadrement, qu’on soit un personnel à son poste, il faut faire un effort d’imagination, accepter de changer de comportement, changer ses habitudes. C’est ainsi que nous arriverons à éviter des difficultés sociales.