Texte intégral
Date : 9 octobre 1996
Source : « Propos sur la Défense »
Assemblée nationale
Discours du ministre de la Défense lors de l’examen du projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées
En votant, en juin dernier, la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002, l’Assemblée nationale a permis à notre défense d’entrer dans une ère nouvelle.
Réforme des armées (accompagnements financier et social - trois objectifs)
Aujourd’hui, la réforme qui a été engagée par le président de la République est en marche, comme l’illustrent les deux projets de loi qui viennent d’être déposés sur les bureaux des assemblées : le projet de loi de finances pour 1997, qui prévoit las crédits nécessaires à l’exécution de la première annuité de la loi de programmation militaire, et le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées, que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
En sollicitant votre approbation le gouvernement vous demande, dans les deux cas, de lui accorder les moyens financiers et humains nécessaires pour mener à bien la réforme des armées entreprise sous l’impulsion du président de la République. En engageant une réforme sans précédent de notre défense, le gouvernement a choisi de poursuivre simultanément trois objectifs : un objectif stratégique, un objectif opérationnel et un objectif industriel au plan stratégique, le cadre international de nos engagements doit évoluer pour prendre en compte le nouvel environnement mondial et européen dans le domaine opérationnel, l’organisation de nos armées et les modalités de leur coopération vont connaître – et connaissent déjà – des évolutions sensibles. Enfin, en matière industrielle, les restructurations de nos entreprises sont en cours et la réorganisation de la délégation générale pour l’armement est engagée.
À ces trois grands objectifs, correspond naturellement un grand défi humain, Il convient de se donner les moyens pour le relever : professionnalisation des armées, réduction de leur format, accroissement du taux d’encadrement au sein des unités des forces, évolution du rôle respectif de chacune des composantes de l’armée professionnelle, militaires d’active, civils, appelés, ou volontaires et réservistes.
Gestion des ressources humaines (premiers projets de loi)
Cette réforme exige une véritable révolution dans la gestion des ressources humaines de la défense. Il s’agit d’une œuvre de longue haleine, menée sur six ans qui sera jalonnée de rendez-vous législatifs le projet de loi portant réforme du service national puis celui ayant trait aux réserves déjà soumis à concertation. Le texte qui vous est soumis aujourd’hui a, lui, pour vocation (d’accompagner la professionnalisation et la réduction du format des armées, et ce conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire.
Mener à bien la professionnalisation des armées et la diminution de leur format nécessite une adaptation tant quantitative que qualitative, de la ressource humaine des armées. En effet, n’ayons pas peur des mots c’est bien une armée nouvelle pour une défense nouvelle qu’il s’agit de construire, une armée plus compacte, mina entrain., plus disponible, et mieux adaptée aux missions que lui assigne le pouvoir politique en fonction des nouvelles conditions géostratégiques.
Défense nouvelle (quatre exigences)
Atteindre cet objectif suppose quatre exigences qui portent sur l’encadrement des armées, on rajeunissement, le recrutement des engagés et, enfin, l’attractivité du métier militaire :
- la première exigence consiste à investir dans la qualité des hommes. En effet, les armées doivent disposer d’un encadrement adapté aux nouvelles conditions d’emploi des forces et à la professionnalisation. La réduction globale du format des armées entraîne une diminution du nombre total des officiers – 1 400 pour l’armée de terre, 300 pour l’armée de l’air notamment — et des sous-officiers – 6 300 pour l’armée de terre, 2 400 pour la marine et 4 400 pour l’armée de l’air, pour ne citer que les trois armées. Mais le taux d’encadrement des unités des forces doit parallèlement être renforcé fonction de l’évolution propre à chacune des armées ;
- la deuxième exigence concerne le maintien d’une armée jeune. Il est impératif de veiller au respect de l’équilibre de la pyramide des âges. Pour ce faire, nous devons parvenir à un volume annuel suffisant de départs. Or, on a pu le constater ces dernières armées, le nombre de départs a été ralenti sous le double effet de la conjoncture économique et sociale et de dispositions statutaires ou financières qui ont plutôt encouragé les militaires à différer leur décision de quitter l’uniforme. De ce fait, les recrutements et les renouvellements de contrats ont été sensiblement réduits, en particulier dans les armées de terre et de l’air. Naturellement, cela a provoqué un relatif vieillissement de l’encadrement de ces armées ;
- la troisième exigence est relative au recrutement des engagés, dont le nombre doit être doublé d’ici à 2002. C’est ainsi que 48 000 postes nouveaux devront être créés en six ans, à cet égard, seront déterminantes les conditions statutaires faites aux engagés et les rémunérations qui leur seront versées.
- la quatrième exigence est de rendre attractif le métier militaire. Les officiers, les sous-officiers ou les engagés doivent avoir une vision claire de leurs perspectives d’avancement et de carrière et bénéficier, à la fin d’un séjour passé sous l’uniforme, de conditions favorables pour commencer une deuxième carrière civile.
Pour satisfaire ces quatre exigences, il est nécessaire d’agir de manière résolue dans deux domaines essentiels : l’incitation au départ et l’aide à la reconversion professionnelle.
Incitation au départ
Inciter au départ une partie des officiers et sous-officiers, cela permettra également de retrouver un rythme de renouvellement du personnel propre à rajeunir l’encadrement des armées, puisque cet encadrement est destiné aux activités opérationnelles. Soucieux de ne pas ajouter aux difficultés auxquelles les armées vont être confrontées le traumatisme de mesures de départ autoritaires, le président de la République a, vous le savez, écarté le recours à une loi de dégagement. Nous avons opté pour l’incitation plutôt que pour la coercition, les mesures facilitant les départs seront mises en mure sur la seule base du volontariat.
Reconversion des militaires
Mais au-delà de l’incitation au départ, il convient aussi de consentir un effort important de formation et de reconversion. C’est une mesure qui facilitera l’insertion des militaires dans le monde du travail, et je sais quelle importance y attachent certains d’entre vous, en particulier Charles Cova. Mais c’est aussi une mesure qui rendra le temps passé sous les drapeaux, plus attractif, je l’espère.
Engagés
En effet, il n’est pas exagéré de penser que les jeunes gens seront d’autant plus enclins à s’engager qu’ils auront des certitudes sur les conditions de leur future insertion professionnelle. L’engagement dans les armées doit devenir le plus solide bagage et la meilleure des recommandations pour une nouvelle carrière civile. Le ticket de sortie garantit ainsi le ticket d’entrée.
Professionnalisation des armées
Les dispositions de ce projet de loi donneront au ministère de la Défense les moyens de relever le défi de cette grande réforme. Elles font explicitement référence aux objectifs de la loi de programmation militaire. C’est dire qu’elles doivent faciliter le déroulement de la phase de transition de six ans qui s’ouvre devant nous et permettre la réussite de la professionnalisation des armées.
Concertation sociale
Ces dispositions, j’y insiste, répondent aux attentes de la communauté militaire. Elles résultent de la profonde concertation engagée depuis plusieurs mois au sein des organismes consultatifs tels que le Conseil supérieur de la fonction militaire. Elles sont également le fruit des échanges qui ont eu lieu lors des visites que les responsables des armées et moi-même avons entreprises au printemps dernier. Faut-il rappeler que plus de 8 000 cadres des ansées ont alors été rencontrés ?
Projet de loi de finances 1997 (crédits défense)
Enfin, ces dispositions s’intègrent dans un ensemble plus vaste de mesures en faveur des personnels civils et militaires, que le ministère de la Défense mettra en œuvre tout au long de la phase de transition couverte par loi de programmation. Leur financement est prévu a détaillé dans le projet de budget pour 1997. Nous y reviendrons à l’occasion de cette discussion. L’une des mesures les plus significatives est celle qui permettra, à compter du 1er juin 1997, d’élever au niveau du SMIC, la rémunération initiale des engagés.
Projet de loi d’accompagnement de la professionnalisation - trois types de disposition
Le projet de loi comporte trois types de dispositions que je ne présenterai que rapidement car elles sont décrites et expliquées de façon remarquable dans l’excellent rapport de Michel Voisin :
Pécules
Les premières sont des mesures d’adaptation à caractère transitoire qui ne s’appliqueront que pendant la durée de la loi de programmation. Il s’agit d’abord du pécule, dont le montant sera d’autant plus attractif qu’il sera sollicité longtemps avant la limite d’âge du grade détenu et en début de période de transition. II s’agit également de la prorogation jusqu’en 2002 des dispositifs législatifs favorisant le départ des militaires : c’est la loi dite 70-2 permettant l’accès aux corps de la fonction publique ; ce sont les articles 5 et 6 de la loi 75-1000 permettant le départ avec le bénéfice de la pension du grade supérieur.
Congés de reconversion
La deuxième catégorie de dispositions concerne les mesures à caractère permanent, liées à l’année professionnelle. Tel est le cas du congé de reconversion, qui deviendra un élément à part entière du statut militaire.
Statut général des militaires (modifications législatives)
La troisième catégorie de mesures contribue à enrichir le statut général des militaires, et cela de plusieurs façons tout d’abord en assurant une meilleure égalité de traitement entre les différentes catégories de personnel, grâce à l’extension au personnel sous contrat des dispositions applicables au personnel d’active ; ensuite, en améliorant la protection pénale des militaires qui pourront jouir de garanties équivalentes à celles dont bénéficient les autres fonctionnaires de l’État enfin, en ouvrant des possibilités d’option en manière de solde de réforme.
Vous l’aurez constaté, Mesdames et Messieurs les députés, toutes ces mesures, provisoires, le temps de la programmation, ou permanentes ou touchant au statut militaire, sont essentielles et je remercie la commission d’y avoir porté tant d’attention.
Équipement militaire
La sécurité et l’indépendance de notre pays reposent sur des équipements exceptionnels, et je ne citerai pas les prouesses technologiques que représente notre dissuasion, nos satellites, notre armement ; La loi de programmation permettra à notre pays de rester à la hauteur de ses ambitions et de poursuivre dans les traces du général de Gaulle afin que la France soit à même d’avoir toujours ces équipements exceptionnels.
Personnel de la défense (esprit de défense)
Mais notre sécurité repose aussi et surtout sur les hommes et les femmes de défense, sur la somme niable de leurs compétences, de leurs qualités personnelles et de leurs valeurs morales. On a pour habitude de distinguer outil de défense et esprit de défense : les hommes et les femmes de la défense doivent avoir cet esprit de défense et disposer dm outil de défense. Ces compétences, ces qualités, ces valeurs morales, les personnels en offrent aujourd’hui un éclatant exemple.
Au moment où s’engage une réforme sans précédent, la communauté militaire joue, pour l’ensemble de la société française, un rôle d’éclaireur. D’abord, elle sait renoncer à des habitudes pour faire prévaloir l’intérêt national. Ensuite, elle assume avec courage le changement, elle donne l’exemple de ce dont notre pays a besoin : se remettre en cause, lutter contre la sclérose pour se porter à la rencontre de siècle à venir. Enfin, elle ne vit pas cette immense transformation comme une contrainte subie, mais comme une évolution nécessaire, d’autant mieux admise qu’elle est comprise, d’autant plus acceptée qu’elle répond à une vision de notre pays celle d’une France forte, respectée, confiante dans son talent, sa mission, son avenir.
Statut général des militaires
La loi de 1972 portant statut générai des militaires commence en ces termes : « L’armée de le République est au service de la nation. L’état militaire exige en toutes circonstances discipline, loyalisme et de sacrifice. Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la nation ». Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en votant ce projet de loi, ce ne sont pas seulement les moyens d’une meilleure gestion des ressources humaines de la défense que vous donnerez au gouvernement ; c’est de ce respect et de cette considération dont vous témoignerez à la communauté militaire.
Date : 9 octobre 1996
Source : Propos sur la défense
Assemblée nationale
Intervention des députés (extraits) et réponses du ministre de la Défense lors de la discussion du projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire
M. Michel Voisin, (député, rapporteur de la commission de la défense et des forces armées) : Le projet de loi relatif aux mesures en faveur de personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation, que nous examinons aujourd’hui, constitue un temps fort de la réforme de notre appareil de défense. II se situe dans le prolongement de la loi de programmation militaire que nous avons votée au mois de juin dernier. Il marque l’attachement du gouvernement à tout mettre en œuvre pour réaliser l’adaptation de notre outil militaire aux contingences futures, conformément aux orientations tracées par le président de la République le 22 février dernier. L’année 1997 constituera l’an 1 de la professionnalisation de nos forces armées. Celle-ci doit permettre à notre pays de disposer, l’aube du siècle prochain, d’une armée professionnalisée, adaptée à ses besoins de sécurité et à ses responsabilités internationales.
Le président de la République – et vous avez relayé régulièrement ses propos, Monsieur le ministre – a donné l’assurance qu’aucune loi de dégagement autoritaire ne serait prise. Toutefois le monde militaire appréhendait les mesures qui allaient intervenir. L’inquiétude était grande, due à l’ignorance du contenu du projet de loi. Elle n’a fait que croître lorsque la communauté militaire a appris avec stupéfaction le mauvais sort que l’article 87 du projet de loi de finances entend leur réserver, en s’attaquant qui plus est aux plus touchés d’entre eux puisqu’il est envisagé de réduire le montant de certaines pensions attribuées à des militaires victimes d’invalidité !
Volontariat
Les dispositions du projet de loi paraissent de nature b lever les appréhensions de celles et ceux qui ont choisi le métier des armes. La caractéristique essentielle de votre projet, Monsieur le ministre – Il convient de la mettre en valeur sans tarder – tient sans nul doute au fait que les mesures qu’il contient feront avant tout appel au volontariat.
Vous avez exclu toute forme officielle ou déguisée de dégagement autoritaire des cadres. Il est vrai que les précédents n’étaient pas bons. Je rappelle simplement pour mémoire celui effectué à la fin du Premier Empire qui avait donné naissance aux « demi-soldes ».
Il est vrai que le mouvement de professionnalisation, tel qu’il est fixé par l’article 3 de la loi de programmation militaire, prévoit une réduction des effectifs des armées d’ici à l’année 2002 La nécessité d’inciter certains militaires à quitter l’armée, pour atteindre les objectifs retenus, ne paraissait pas facile à mettre en œuvre. Je me souviens des inquiétudes formulées, il n’y a pas si longtemps par certains chefs d’état-major face l’hémorragie qui touchait les cadres de leurs armées !
Vous vous êtes attelé à la tâche avec la détermination que l’on vous connaît Monsieur le ministre, et vous avez relevé avec courage le défi qui vous était présenté. Les mesures proposées étaient nécessaires ; votre rapporteur pense qu’elles seront efficaces et qu’elles permettront d’atteindre à terme le modèle d’armée qui correspond à la place et ou rôle de la France.
Armée mixte - armée professionnelle (passage de l’une à l’autre)
Le passage de l’armée mixte à l’armée professionnalisée nécessite une réduction du format de nos forces armées, de même qu’il implique le recrutement de près de 48 000 militaires du rang engagés. Le projet de loi répond à cette double exigence. Il comporte, en effet, à la fois des mesures d’incitation au départ, des mesures d’aide à la reconversion et il améliore la protection juridique des militaires ainsi que les droits pension vieillesse des militaires non officiers. La deuxième caractéristique du projet de loi réside dans son originalité. Le texte qui nous est soumis regroupe une diversité de dispositions. Elles ont pour ambition de permettre une meilleure régulation de la gestion des personnels de la défense, non seulement pendant la période de transition, mais au-delà, grâce à l’instauration de mesures permanentes.
Titre 1er de projet de loi (pécules conditions, montant, champ d’application, critères et information)
À côté de ces mesures permanentes sur lesquelles Je reviendrai, vous instituer, une mesure temporaire Innovante : le pécule qui fait l’objet du titre 1er du projet de loi. De quoi s’agit-il ?
Il constitue une mesure temporaire d’Incitation au départ, mais pas de n’importe quel départ : un départ anticipé à la retraite ouvert aux seuls militaires de carrière remplissant les conditions pour bénéficier d’une pension à jouissance immédiate. Pour y avoir droit, les officiers devront justifier de vingt-cinq années de services et les sous-officiers de quinze années. Ce ne seront pas les seules conditions. Ils devront par ailleurs être à plus de trois ans de la limite d’âge. Le pécule sera exonéré de l’impôt le revenu.
J’ai indiqué dans mon rapport écrit le montant des pécules susceptibles d’être versés. À première vue, les sommes paraissent élevées. À y regarder de plus près, il convient, j’en suis sûr, de relativiser les choses. En effet, le pécule susceptible d’être versé à un militaire qui en sollicite l’attribution aux taux le plus élevé sera attribué d’un militaire qui accepte de quitter un emploi stable où il peut espérer faire carrière. Pour que le pécule soit incitatif il était impératif que son montant soit élevé.
Le montant du pécule sera dégressif sur la période couverte, pendant la loi de programmation militaire : le projet de loi apporte certaines précisions et restrictions sur les conditions dans lesquelles il s’appliquera à quelques situations particulières. Votre commission de la défense a sur ce point, mes chers collègues, quelques divergences de vues avec le ministre, – mais nous y reviendrons tout à l’heure lors de l’examen des articles. Toutefois en seront exclus les militaires qui bénéficieront d’un reclassement dans un emploi de l’administration ou d’un organisme public.
Le pécule sera-t-il attribué à tous les militaires qui en feront la demande ? Je souhaite, que vous nous apportiez une réponse claire et dénuée de toute ambiguïté, car le volume de l’enveloppe budgétaire qui y sera consacrée, en application de la loi de programmation militaire, est forcément limité. Il faut donc, dans ces conditions, que soit mieux précisé son champ d’application, à l’instar de la législation du travail Je pense notamment à l’article L.321-1-1 du code du travail et à la jurisprudence qui en découle. La commission de la défense a d’ailleurs adopté un amendement en ce sens.
De même, afin d’éviter tout arbitraire, il convient, non seulement d’apporter les précisions nécessaires sur les critères d’attribution, mais aussi d’en assurer une large information auprès de l’ensemble des militaires. J’aimerais, sur ce dernier point, Monsieur le ministre, que vous donniez à l’Assemblée et, au-delà aux militaires, des assurances, car il convient de ne pas faire naître de vains espoirs.
D’autres mesures ont également une portée temporaire :
Départs anticipés - congé spécial (article 12 et loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 modifiée)
Les premières, qu’il nous est proposé de reconduire concernent le départ anticipé à la retraite et le congé spécial des militaires. L’article 12 du projet de loi entend proroger Jusqu’au 31 décembre 2002 les dispositions des articles 5, 6 et 7 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975, en application desquelles les officiers de carrière peuvent prétendre, sous certaines conditions, au bénéfice d’une retraite au taux du grade supérieur ou au bénéfice du congé spécial. Votre commission s’est d’ailleurs interrogée sur une extension possible de cette mesure à certains sous-officiers, comme l’ont proposé Guy Tessier et plusieurs de nos collègues dans une proposition de loi, n° 2601. Bien qu’il y soit favorable sur le plan du principe, votre rapporteur avoue ne pas disposer aujourd’hui de l’ensemble des éléments lui permettant d’apprécier exactement la portée, notamment financière, d’une telle extension.
Reconversion des militaires (loi 70-1 du 2 janvier 1970)
Les secondes mesures temporaires touchent à la reconversion des militaires de carrière dans l’une des fonctions publiques de l’État, des collectivités territoriales ou du secteur hospitalier. De telles dispositions existent déjà. Plus connue des militaires sous la dénomination de « loi 70-2 », il s’agit en fait de l’application des dispositions de l’article 3 de la loi 70-2 du 2 janvier 1970, qui organisent l’accès des militaires à des emplois publics. Ces dispositions, à l’origine temporaire, ont, depuis lors, subi une sorte de « détemporalisation » puisqu’elles devaient demeurer en vigueur jusqu’au 31 décembre 1998.
Vous nous proposez, Monsieur le ministre, de les proroger jusqu’au 31 décembre 2002 – soit le terme de la période couverte par la loi de programmation –, date à laquelle la professionnalisation de nos forces sera achevée. Cette mesure est parfaitement justifiée. Actuellement, une centaine de militaires bénéficient de ces dispositions chaque année, nombre qui ne paraît pas incompatible avec les capacités d’absorption des différentes administrations. Celles-ci recrutent ainsi un personnel de qualité, ayant généralement une formation adaptée au poste à pourvoir.
Le projet de loi que nous examinons comporte également des mesures permanentes, qui, à ce titre, trouvent logiquement leur place dans le statut général des militaires :
Droit aux congés de reconversion et congés complémentaires (dispositions législatives)
En instituant des congés de reconversion, le gouvernement souhaite offrir aux militaires qui opteraient pour des carrières courtes des garanties pour faciliter leur retour à la vie civile. Il ne faudrait pas croire que les armées étaient indifférentes jusqu’à présent au devenir de leurs anciens serviteurs. Loin de là le ministère de la Défense dispose déjà d’un outil performant et passe des conventions avec l’Agence nationale pour l’emploi pour aider ses cadres à s’insérer dans le monde civil du travail. Toutefois, les actions de reconversion étaient conduites dans une espèce de flou, voire de vide juridique. Le mérite du projet est de donner une existence législative à la reconversion. À cet effet, il institue deux périodes le congé de reconversion et le congé complémentaire de reconversion.
Chacune de ces périodes ne pourra excéder six mois, temps pendant lesquels le militaire sera moins disponible pour son unité et qu’il pourra consacrer à l’acquisition d’une formation qualifiante tout en bénéficiant, selon le cas, de l’intégralité de sa solde ou d’une solde réduite, à l’expiration, du congé de reconversion, le militaire qui est encore considéré comme tant en position de d’activité, peut être placé en congé complémentaire de reconversion, position de non-activité. En tout état de cause, à l’issue de sa période de reconversion, qui ne pourra être supérieure à six moi, le militaire sera rayé des cadres (…)
Le projet de loi améliore sensiblement le statut des officiers de réserve servant en situation d’activité et celui des militaires du rang. Ces mesures paraissent indispensables au regard des objectifs de la professionnalisation.
Protection juridique des militaires
Il propose d’étendre aux militaires la protection juridique intimée par la loi n° 96-393 de 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale, pour des faits d’imprudence ou de négligence dont bénéficient les élus locaux et les fonctionnaires civils. Il s’agit là d’une mesure d’équité.
Enfin, le projet de loi ouvre la possibilité et militaires non officiers de renoncer à la solde de réforme à laquelle ils pourraient prétendre en cas d’Invalidité et d’opter pour une rétroactive à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, l’option étant définitive et irrévocable.
Vote commission de la défense, mes chers collègues, a émis fermement le vœu de pouvoir suivre l’application des mesures proposées ; il en va, selon elle, de l’information naturelle du parlement sur l’exécution des lois. Celle-ci revêt une importance particulière car il s’agit de permettre à notre défense de se doter d’une armée professionnalisée, apte à remplir les missions qui lui sont confiées.
En conclusion, mes chers collègues, la commission de la Défense, sous réserve de quelques modifications, vous propose d’adopter le projet de loi d’accompagnement de la professionnalisation (…)
Questions posées par l’opposition parlementaire
(M. Michel Grandpierre, député) : (…) Votre loi de programmation militaire et vos projets de loi pour la structurer désorganisent et sèment le doute dans l’armée, dans nos industries et dans l’opinion. Il en est ainsi de ce projet de loi de « dégagement des cadres » qui n’ose pas dire son nom, le dernier qui date des lendemains de la guerre d’Algérie ayant laissé un très mauvais souvenir dans les armées. Pourtant, comment appeler une loi qui a pour objectif de faire partir 17 500 officiers et sous-officiers en plus des 52 000 départs naturels d’ici à 2002 ? Comment ne pas s’étonner de cette contradiction entre vos déclarations sur le rajeunissement de nos armées et vos propositions pécuniaires qui incitent prioritairement au départ les cadres les plus jeunes ? Comment ne pas s’étonner aussi d’une proposition de loi pour les personnels militaires et le recours au droit commun pour les autres personnels dépendant de votre ministère ? (…)
Professionnalisation des armées
(M. Charles Cova, député) : Au mois de juin dernier, le Parlement a adopté le texte relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui vise à accompagner, comme l’ont rappelé les orateurs précédents, cette réforme engagée par le chef de l’État et annoncée aux armées le 23 février 1996.
En effet, lors de son allocution à l’École milliaire, le chef des armées précisait que l’évolution de notre outil de défense conduirait à une réduction des effectifs d’officiers et de sous-officiers. Il affirmait solennellement qu’il n’y aurait pas de loi de dégagement des cadres. Par le projet de loi que vous soumettez l’appréciation de la représentation nationale, vous respectez, l’engagement solennel du président de la République. La loi de programmation militaire a fixé les principes de la restructuration. Commence alors la période la plus délicate, celle de la mise en œuvre qui doit tenir compte d’exigences Impératives. La période est délicate parce que cette transformation, inscrite dans la durée, ne doit pas être préjudiciable à la capacité opérationnelle de nos armées. Elle ne doit pas davantage porter atteinte à la crédibilité de la France en matière de défense.
Le passage à une armée professionnelle nécessite la fin du service national obligatoire dans sa forme actuelle. Il impose en outre une réduction des effectifs et le recrutement étalé sur six ans de près de 47 000 engagés. Pour mener à bien cette phase de transition, il convenait de mettre en œuvre un dispositif de nature à inciter les militaires à quitter le service actif. Pour encourager les départs, il était indispensable de faciliter l’accès à une seconde carrière dans le civil.
Titre II du projet de loi (droit au congé de reconversion)
Le titre II de votre projet de loi prévoit – il s’agit Incontestablement d’une bonne mesure – un congé de reconversion pouvant aller jusqu’à six mois en position statutaire d’activité et un congé complémentaire pouvant aller jusqu’à six mois en position de non-activité. Une telle disposition est nécessaire pour faciliter les départs, pour développer les carrières courtes, mais aussi pour assurer aux militaires du rang sous contrat les conditions d’un retour réussi à la vie civile. En outre, la possibilité pour les militaires de quitter les armées doit s’accompagner de mesures d’incitation au départ suffisamment attractives. Attirer, inciter, encourager, accompagner les milliaires au départ ou vers le départ, telles sont les idées qui devaient vous guider dans la rédaction de ce projet de loi. Parce que tel était votre souci majeur, le dispositif que vous proposez va dans le bon sens, c’est-à-dire dans celui des militaires. (...)
Pécules
Le débat que nous mènerons sur ce texte ainsi que les éventuels amendements défendus par les parlementaires, vous donneront probablement l’occasion de définir avec plus de précision le contenu de la notion de pécule. Quoi qu’il en soit, ce pécule encouragera les militaires à quitter les armées.
La commission de la défense a estimé le nombre de militaires intéressés par cette mesure à environ 1 600 officiers et 15 300 sous-officiers. Non soumis à l’impôt sur le revenu, le pécule est destiné à atteindre les objectifs de la loi de programmation militaire tout en facilitant le rajeunissement des cadres. Toutefois, Monsieur le ministre, paraît-il équitable d’en restreindre l’attribution aux militaires qui bénéficieront d’un congé de reconversion ? Personnellement, je ne le pense pas ; cela mérite une réponse. Il est, à juste titre, dégressif en fonction de l’ancienneté de service ; je n’y reviendrai pas, mon collègue rapporteur a suffisamment développé le sujet.
Le texte qui nous est soumis aborde deux autres points qui peuvent sembler accessoires, allant au-delà de la professionnalisation, mais qui méritent notre attention. Il s’agit de la protection juridique des milliaires et du droit à pension des personnels non officiers (...)
Articles 9, 10, 11 du projet de loi (réformes pour infirmités)
Enfin, les dispositions prévues aux articles 9, 10 et 11 de votre projet offrent la possibilité aux militaires non officiers, réformés pour infirmité, de choisir entre une solde de réforme et la prise en compte des années d’activité militaire et civile pour le calcul d’une pension de vieillesse du régime général de la sécurité sociale.
Collaboration ministère du Travail - ministère de la Défense
De nombreux militaires vont quitter les armées. Certains vont profiter d’une retraite méritée. D’autres, parce qu’encore jeunes, rechercheront un emploi dans le civil. Les dispositions législatives, l’expérience professionnelle des intéressés, leurs qualités humaines leur permettront, vraisemblablement, de se reconvertir, mais certains rencontreront quelques difficultés, les mêmes d’ailleurs qu’appréhenderont les militaires pour quitter le service actif. Je pense en particulier au problème que constitue le cumul d’une pension et d’une allocation chômage et au contenu de la reconversion qui leur sera proposée. Il me semble que, sur ces points, une collaboration étroite doit exister entre votre ministère et celui du travail et des affaires sociales.
UNEDIC
Pour que les départs soient aussi nombreux qu’on est en droit de l’espérer à la lecture de votre projet de loi, les mesures incitatives doivent être motivantes. Or la nécessité de réformer notre outil de défense, la situation nouvelle de l’UNEDIC, ainsi que le nouvel état d’esprit de sa présidente devraient permettre d’obtenir des résultats satisfaisants auprès des organismes concernés. Nous connaissons votre action et vos initiatives menées dans ce domaine, Monsieur le ministre, mais je suis persuadé qu’une étape Importante ne pourra être franchie qu’à la seule condition d’un travail interministériel entrepris dans les plus brefs délais. Ainsi, vous pourriez prendre l’initiative de constituer un groupe de travail regroupant des conseillers des deux ministères de la Défense et du Travail, pour qu’enfin les militaires puissent être raisonnablement accompagnés sur le chemin de la reconversion. Cette suggestion est pleinement conforme à l’esprit de votre texte.
M. Paul Quilès (député) : Avec le texte que vous nous présentez aujourd’hui, la confusion continue. Pour mener à bien la réforme de notre système de défense annoncée au début de l’année, il aurait fallu organiser plusieurs débats sur le service national d’abord, sur le type d’armée que nous voulons, ensuite, sur le statut des personnels, enfin sur les moyens financiers consacrer à la défense de la France donc, au moins quatre grands débats, de vrais débats, notamment, mais pas uniquement, avec le Parlement, des débats s’enchaînant dans un ordre cohérent : service national, type d’armée, statut des personnels, moyens financiers (...)
Questions posées par l’opposition parlementaire
Les questions ne manquent pas Je vais vous en poser quelques-unes, prises au hasard. Quel est le volume d’engagés à atteindre chaque année ? Quelle sera leur rémunération ? Comment évoluera-t-elle dans le temps ? à quel niveau compte-t-on opérer les recrutements ? Quelle sera la durée du contrat de ces engagés ? Pourront-ils renouveler leur contrat ? Comment sera logée cette armée de professionnels ? De quel matériel disposera-t-elle ? Comment seront formés les engagés ? Pourront-ils devenir sous-officiers, avec ou sans statut dans quel délai et dans quelle proportion ? Bénéficieront-ils d’un droit à pension en quittant l’armée, et à quelles conditions ? Que prévoit-on pour la reconversion des personnels ? Dans un domaine tout autre, et non négligeable : veut-on faire évoluer le droit d’expression des militaires ? Autant de questions sur lesquelles il aurait été utile de connaître votre opinion et de débattre (…)
Loi de dégagement des cadres (1906)
(M. Daniel Colin, député) : Coïncidence des dates : il y a cinquante ans, le gouvernement de Félix Gouin décidait d’une loi que l’on peut qualifier de scélérate, la loi de dégagement des cadres. L’État, à l’époque, renia sa parole et disposa arbitrairement non seulement de la vie de ces cadres, mais également de leur carrière. Bien sûr, l’époque était exceptionnelle et les esprits troublés. Ce fut grave pour des officiers attachés à leur vocation ; ce fut beaucoup plus grave pour des sous-officiers que rien n’avait préparé à un retour à la vie civile. Certes, 1996 ne sera pas 1946. Aussi, Monsieur le ministre, nous vous savons gré de ne pas avoir cédé à la tentation d’avoir réédité pareille épreuve pour nos armées.
Année professionnelle
Première conséquence de la loi de programmation militaire, ce projet de loi vise à gagner le pari puisque c’en est un – de la professionnalisation de notre armée. Cette opération, pour être menée à bien, imposera de réussir cinq étapes la disparition du service national sous sa forme actuelle, la réussite du rendez-vous citoyen, la création de 27 000 postes de volontaires, celle de 48 000 engagés volontaires et de 10 000 postes de civils, et la réduction des effectifs des cadres à hauteur de près de 16 000 postes. C’est ce dernier objectif qui nous occupe aujourd’hui.
Pour les 1 636 officiers et 15 305 sous-officiers que ce projet de loi devrait toucher, c’est l’heure de ce qu’il est convenu d’appeler l’adieu aux armes. C’est aussi une page de leur vie qu’il faut tourner et une nouvelle vie qui s’annonce dans un climat économique morose.
Pour gagner le pari de la professionnalisation, je vois trois conditions majeures : l’équité, la transparence et l’audace. C’est à travers le prisme non déformant de ces trois critères que j’examinerai, le projet de loi que vous nous soumettez (…)
Il sera d’abord attractif par son montant et son exonération de l’impôt sur le revenu. On doit ici rendre hommage au gouvernement d’avoir consenti un tel effort financier : 4,3 milliards de francs, dont 653 millions seront engagés pour 1997. Croyez bien que cette générosité n’est pas un luxe superflu, mais au contraire une des conditions du succès.
Son barème est doublement dégressif tenant compte, d’une part, de l’ancienneté de service et, d’autre part, de la date de demande du bénéfice du pécule par rapport aux six annuités de la loi de programmation. Cela devrait inciter les cadres dont l’avenir dans nos armées est incertain, à saisir, disons, l’occasion.
Néanmoins, si l’institution d’un pécule est une mesure juste et attractive dont le dispositif peut décider du succès de la réforme, deux questions se posent à nous :
Dégagement des cadres
Tout d’abord, si tes départs doivent rester volontaires, il y aura cependant des incitations. Or qui incitera-t-on à partir ? Les opérationnels d’opérations extérieures en opérations extérieures, n’ont guère eu le temps de s’appesantir sur leur profil de carrière et sur leurs qualifications professionnelles ? Ou se bornera-t-on à inciter certains cadres à quitter l’armée en s’appuyant sur le critère de l’âge et de la valeur professionnelle ? En 1946, ce fut un moment dramatique pour le commandement qui dut lui-même assurer l’opération de dégagement. Nous savons, comme je l’ai dit tout à l’heure, que 1996 ne sera pas une réédition de 1946, mais iI serait bon, afin de prévenir un éventuel malaise de l’armée, pour reprendre le titre connu d’un ouvrage de Jean Planchais, que vous nous précisiez le modus operandi de l’opération.
Article 3 du projet de loi (congé de reconversion - équité)
Deuxièmement comme le rapporteur de ce projet de loi, je tiens à dire mon étonnement devant les dispositions de l’article 3 du projet de loi qui me paraissent aller dans un sens contraire à l’économie générale du texte. Ne seraient en effet concernées par le congé de reconversion que les armes dites « de choc », celles qui n’ont pas acquis, car telles n’étaient pas leur vocation, leur formation et leurs missions, de qualifications professionnelles transportables et utilisables dans le secteur privé. Pénaliser financièrement, n’est-ce pas aller contre l’esprit et les dispositions mêmes de la loi ? Six mois pour des militaires qui totalisent une dizaine d’années au service de l’État, ce n’est sans doute pas assez pour réorienter une vie, s’adapter à un monde à un système de valeurs qui n’est pas le leur, à un milieu marchand, individualiste qui n’est pas leur milieu habituel. Et pourtant, un militaire désirant bénéficier d’un congé de reconversion de six mois verra le montant de son pécule de base réduit de trois mois de solde !
Comme nous l’indique également le rapporteur, la disparition de l’article 3 du projet n’induirait pas de conséquences financières aggravant la charge publique, mais nous aurons l’occasion de reparler de cela dans un instant.
L’équité, ensuite, se traduit par l’institution d’un congé de reconversion en position d’activité d’une durée maximale de six mois. Celui-ci pourra être prolongé par un congé supplémentaire de reconversion d’une durée équivalente, plaçant le militaire en situation de non-activité. Il est heureux que la France se comporte convenablement, comme Rome se conduisit naguère envers les vétérans de ses légions : Il ne s’agit pas simplement en effet, de récompenser par un pécule de « citoyen-soldat vétéran » mais également de l’accompagner dans sa nouvelle vie. Cette mesure renforçant le lien entre l’armée et sa nation s’imposait dès lors que la professionnalisation avait été décidée. Nos militaires effectuant de plus en plus de carrières courtes, cela requiert, bien entendu, un dispositif d’aide à la reconversion rodé et efficace, dont le caractère permanent et l’inscription dans le statut général des militaires étaient nécessaires.
L’équité enfin se mesurera dans le rééquilibrage, opéré à l’article 8 du présent projet de loi, du régime de la preuve de la faute d’imprudence ou de négligence. Toutes ces dispositions, je le dis et le répète, sont des mesures d’équité envers les cadres de nos armées. Ces trois mesures, pécule, congé de reconversion et protection juridique rééquilibrée, sont de nature à faciliter l’objectif de la professionnalisation.
Transparence et Information des mesures
L’arsenal que vous proposez devra se compléter, afin d’être assuré de sa pleine efficacité, d’une bonne information dispensée dans la plus grande transparence. L’information devra être double à l’usage des intéressés en premier lieu, à l’usage des futurs engagés ensuite. La diffusion des dispositions du présent projet de loi doit se faire de manière déconcentrée, au niveau des régiments, par exemple. Trop souvent en effet, de bonnes réformes échouent parce qu’elles ont été mal expliquées et mal traduites dans les esprits. Il est indispensable que la communauté militaire connaisse ces propositions, afin qu’elle puisse en saisir toutes les opportunités comme tous les risques. Il semble nécessaire également de faire connaître ces dispositions à l’ensemble de la jeunesse française. Nul doute qu’une information concise mais complète fera disparaître les hésitations de jeunes gens qui souhaiteraient s’engager, mais se posent de légitimes questions quant à leur avenir professionnel après leur engagement.
Recrutement (revalorisation de la solde et de l’aide au déménagement)
Tout cela nous amène logiquement à évoquer le recrutement, véritable clé de voûte de l’armée professionnelle. Nous connaissons mieux désormais les dispositions prises par votre ministère sur ce point : revalorisation de la solde des engagés, durée d’affectation doublée, revalorisation de l’aide au déménagement.
ORSA
L’amélioration notable de la situation des officiers de réserve en situation d’activité est une excellente mesure trop souvent, dans le passé, l’armée a usé et parfois abusé de cette ressource formidable pour les armées que sont les ORSA. Nombre d’entre eux, on le sait, intègrent chaque année l’École militaire interarmes de Coëtquidan alimentant ainsi le corps des officiers en cadres éprouvés et de valeur.
Recrutement de personnels motivés (régiments)
Mais ces dispositions, pour aussi bonnes et justes qu’elles soient, doivent nécessairement se coupler avec d’autres mesures qui ont fait leurs preuves dans les autres armées de métier ; le recrutement déconcentré, au niveau des régiments, la responsabilité des chefs de corps dans cette opération, les campagnes dynamiques et régulières de recrutement, sont quelques-unes des pistes que votre ministère devra mettre en œuvre. Il faudra, par le départ des plus anciens, créer un mouvement qui permettra en contrepartie d’assurer le recrutement de personnels motivés, en quantité suffisante et de bonne qualité. Sinon, un cercle vicieux pourrait s’enclencher : un faible courant d’engagés Inciterait les armées à les conserver plus longtemps que nécessaire et déclencherait à terme un processus qui alourdirait les charges et augmenterait l’âge moyen de nos engagés.
Votre objectif, devenu nôtre depuis le vote de la loi de programmation, doit se réaliser avec discernement et perspicacité. L’affaire est délicate, car elle met en œuvre des masses financières, bien sûr, mais elle met aussi en jeu la vie et l’avenir des hommes. Et pendant toute la durée de la transition, il faudra conserver les capacités opérationnelles à nos armées et pour l’avenir, garantir une alimentation régulière en cadres qui maintiendra une pyramide des âges satisfaisante (…)
M. Thierry Mariani, (député) : En l’espace d’une décennie, notre monde a été le théâtre de vastes chambardements politiques. Sous la pression d’une accélération des événements qui fit dire à certains que la fin de l’Histoire était proche, nous avons assisté à la fin de l’affrontement Idéologique d’un monde bipolaire qui, depuis un demi-siècle, pesait sur nous comme une épée de Damoclès.
Contexte géostratégique
Les stratégies militaires ont été profondément modifiées par cette nouvelle donne politique. Pour autant, si la menace a évolué vers d’autres formes d’agressions moins circonscrites, elle est toujours présente, et le territoire national ne doit pas être découvert. Le bras armé de la nation doit donc évoluer pour se caler sur une nouvelle situation géopolitique du monde et anticiper l’avenir. L’adaptation de nos armées est un impératif sur lequel il nous appartient de légiférer à travers le passage à l’armée professionnelle. La réussite de cette professionnalisation passe par la mise en œuvre de mesures d’accompagnement en faveur du personnel militaire, mesures nécessairement ambitieuses en juste contrepartie des sacrifices et des risques encourus par les hommes et les femmes qui décident de mettre leur vie au service de la nation. Les choix doivent être responsables et mesurés. Il s’agit de notre patrie, de notre avenir et de celui de nos enfants.
Le plus grand mérite d’un dirigeant est d’être visionnaire sachant analyser les situations pour mieux anticiper le futur par l’adaptation des instruments politiques et militaires. La nation qu’il a en charge doit être la seule référence et le seul repère des décisions qu’il prend.
L’histoire du XXe siècle et plus précisément de l’expérience de ceux qui croyaient être à l’abri derrière une ligne Maginot immuable, nous rappellent sans cesse combien l’adaptation de nos forces armées est la garantie de l’intégrité de notre territoire. Et à ce titre, je souhaiterais rappeler la nécessité qu’il y avait à poursuivre les essais nucléaires afin de garantir la sécurité de nos intérêts vitaux (…)
Menaces
Les affrontements ethniques et religieux qui se nourrissent en de multiples points du globe de la pauvreté et du sous-développement les risques de menaces subversives comme le terrorisme sont mitant de facteurs d’instabilité qui fragilisent l’Europe occidentale et notamment notre pays. En quelques années, face à la multiplication des crises el des conflits – de la guerre chirurgicale et technologique du Golfe au conflit rwandais ou algérien, en passant par la guerre en Yougoslavie – les fondements de notre politique de défense et nos références militaires ont été balayés.
Ce nouveau théâtre d’instabilités, de menaces et d’affrontements qui a engagé à de nombreuses reprises nos militaires français – et en tant que député du Vaucluse, je pense plus particulièrement à ceux de la base aérienne 115 en Bosnie-Herzégovine ou du 1er régiment étranger de cavalerie d’Orange qui était présent aussi en Yougoslavie à qui je souhaiterais ici rendre hommage comme à l’ensemble de leurs collègues de l’armée française – rend indispensable l’adaptation de notre armée à travers la professionnalisation de ses effectifs. Avec cette réforme, c’est un nouvel arsenal humain et logistique qui est instauré :
Professionnalisation des armées
D’une part, l’évolution de la nature des risques appelle la mise en place d’une armée professionnelle. Celle-ci doit ainsi se caractériser par une forte mobilité et une capacité de réaction et de frappe rapides, indispensables à l’affrontement de risques de conflits diversifiés, diffus, violents et soudains, à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire.
D’autre part, l’évolution des techniques de combat fait de plus en plus souvent appel ses technologies de pointe et à l’ingénierie informatique. La France doit donc se donner les moyens d’une armée professionnelle hautement qualifiée.
Tels sont les enjeux de la professionnalisation de nos armées dont la réussite passe par une juste reconnaissance des hommes et des femmes militaires de carrière, sans oublier bien entendu les réservistes ; mais, sur ce dernier point, une loi spécifique nous sera présentée prochainement.
Si cette professionnalisation est nécessaire, il est indispensable de prévoir les mesures d’accompagnement (…) Votre projet de loi contient cinq grandes mesures permettez-moi d’insister sur trois d’entre elles :
Pécules
Le pécule, tout d’abord, est une mesure provisoire, insinuée pour la durée de la loi de programmation. À ce titre, Il constitue une forte incitation au départ anticipé pour un grand nombre de cadres (...) Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, un lieutenant percevant une solde brute mensuelle de 12 600 francs pourra se voir attribuer une somme allant de 176 000 francs à 567 000 francs selon le nombre d’années le séparant de son droit à la retraite. Ce pécule n’est que justice pour nombre de militaires qui ont servi et représenté la France, pour certains d’entre eux au péril de leur vie ; il témoigne de la reconnaissance de la nation à leur égard. Même si les conditions d’attribution de ce pécule doivent être précisées – Je pense notamment à l’article 3 – afin de lever tout risque d’arbitraire, cette mesure va incontestablement dans la bonne direction.
Reconversion (droit à un congé)
La seconde disposition que je souhaiterais aborder est l’inscription dans le statut des militaires du droit au congé de reconversion. En effet, si le pécule est une mesure ponctuelle ; la possibilité pour les militaires de pouvoir, après leurs années passées au service de la France, se reconvertir dans la société civile est primordiale et constitue une nécessité qui s’inscrit dans la durée.
Il convenait par conséquent d’Introduire dans la loi du 13 juillet 1972 des dispositions propres à offrir aux militaires en fin de carrière ou de contrat certaines garanties concernant l’accès à un dispositif de conversion. Les militaires en fin de carrière doivent pouvoir trouver leur place dans notre société. Ce dispositif, outre son caractère social apparaît comme un élément attractif vers les carrières militaires, et donc susceptible de fournir à l’armée des personnels hautement mobiles dont elle a besoin.
Protection juridique
Enfin, je dirai un mot sur cette mesure de justice qu’est l’alignement de la protection juridique des militaires sur les fonctionnaires civils. En effet, les militaires qui effectuent des tâches à risques doivent être protégés de la même manière que les fonctionnaires civils. Leur appliquer le principe général d’appréciation de la faute d’imprudence ou de négligence en fonction des circonstances de fait était donc indispensable.
En conclusion, votre texte est de nature à rassurer les militaires sur leur devenir. Il est aussi de nature à montrer aux sceptiques, et à tous ceux qui pensent que nous ne pouvons mener dans notre pays aucune réforme audacieuse d’ampleur, que la volonté en politique permet de surmonter bien des obstacles.
À tous ceux qui se déclarent contre l’armée et pour qui l’effort de défense est un gaspillage d’argent public, je répondrai que l’on ne se prépare pas au combat, par plaisir mais par lucidité et par sens de la responsabilité. À ceux-là qui pensent qu’il y a d’autres priorités que la Défense, je répondrai qu’il ne faut pas se tromper de débat, car lorsqu’il est en face de l’agresseur, un peuple comprend que son besoin le plus Immédiat est de disposer d’un outil de défense, en mesure de le protéger efficacement. Il était temps que nous débattions de ce sujet. Il était temps que nous prenions nos responsabilités tant à l’égard de nos concitoyens qu’à l’égard de ceux qui ont la lourde charge de nous protéger. Aussi, je voterai votre texte, car la nation remplit ainsi ses obligations vis-à-vis de ceux qui ont fait le choix de la servir, fût-ce au péril de leur vie.
(Le ministre de la défense en réponse aux députés) : Madame le président, mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de dire ma gratitude et ma reconnaissance à la commission tout entière pour le travail qu’elle a effectué sous la présidence sade M. Boyon. Je voudrais aussi féliciter Michel Voisin pour la qualité de son rapport et remercier M. Cova, M. Colin et M. Mariani pour leurs analyses et pour le soutien qu’ils ont apporté à l’action du gouvernement. Ainsi que Daniel Colin l’a souligné, au-delà du gouvernement, c’est à la communauté militaire tout entière qu’ils ont apporté ce soutien.
Mais permettez-moi de vous faire part de ma surprise: en écoutant M. Grandpierre et M. Quilès, je suis tombé des nues. Soit ils sont sourds, soit ils veulent nous le faire taire !
Je voudrais revenir sur votre raisonnement. Vous voudriez qu’on commence par débattre du service national, pour ne décider qu’ensuite du type d’armée, puis parler de la professionnalisation, et enfin du financement ce qui revient à dire que vous souhaiteriez que le type d’armée soit déterminé en fonction de l’organisation du service national, elle-même décidée en tenant compte de critères qui n’auraient rien à voir avec la défense !
Réflexions stratégiques (comité stratégique et Conseil, de défense). Proposition d’une armée professionnelle 22 février 1996) - Débat local et manant (loi de programmation 1997-2002 du 2 juillet 1996)
Je vous rappelle que tout le débat de la loi de programmation nous a amenés à la conclusion suivante la France a besoin d’une armée professionnelle. Et cette conclusion est le résultat de l’analyse des conditions géostratégiques. Et c’est parce que nous avons fait ce constat que se pose — et à ce moment-là seulement — le problème du service national.
Service national actuel ? Service civil ? Volontariat ? L
Le garde-t-on tel qu’il est, avec 80 % des jeunes allant sous les drapeaux ? Ou, au contraire, s’oriente-t-on vers un service civil ou vers le volontariat ? Cette question-là n’est pas tranchée. Elle le sera lors du débat sur le service national.
Armée professionnelle
Il est évident que la France, sur la proposition du Président et du gouvernement, par le vote de l’Assemblée nationale et du Sénat, a choisi l’armée professionnelle. Et c’est pour cette raison qu’il est nécessaire, aujourd’hui, d’étudier le présent texte. Je ne peux que vous inviter à lire scrupuleusement et à étudier à fond le rapport de M. Voisin qui explique cela d’une manière très claire a très pertinente, et que je ne fais que répéter.
Amalgame politique
Je n’ai qu’une chose à ajouter la politique, la grande, ne s’enrichit jamais de l’amalgame. Mêler dans un même débat la professionnalisation, les menaces qui pèsent sur la démocratie et les problèmes de l’industrie d’armement me paraît relever d’une technique politique que je ne peux approuver.
Je serais d’accord pour retenir des argumentations sur le problème de la professionnalisation. Et quand on débattra de l’industrie d’armement, comme on le fera sans doute lors du projet de budget pour 1997 ou lors d’autres débats, j’accepterai les critiques et les jugements. Mais ne faites pas d’amalgame. Sinon, ni vous, ni nous, ni surtout les Français ne comprendraient quelque chose à la réforme qui est engagée.
A travers les travaux préparatoires de votre commission, vous avez montré tout l’intérêt que le Parlement porte à cette réforme, et la professionnalisation de nos armées et à ses personnels. Vous avez pu également recevoir une information précise sur les conditions dans lesquelles le ministère de la défense mettra en œuvre, dès le 1er janvier prochain, et sous réserve du vote de son projet de budget, la loi de programmation. Je me propose maintenant de répondre aux questions que vous avez soulevées.
Pécules (directive ministérielle)
Les conditions d’octroi du pécule ont fait l’objet de plusieurs remarques qui, toutes, traduisaient le souci de votre assemblée que soit garantis la transparence des décisions d’agrément et le respect du principe d’égalité entre les candidats.
Dans ce souci, et comme le suggère d’ailleurs M. le rapporteur Michel Voisin, je crois en effet indispensable d’inscrire dans une directive les critères d’examen des candidatures. Ces critères sont d’ores et déjà connus : perspectives individuelles de carrière et d’emploi, appartenance à un corps concerné par les déflations ou connaissant de graves difficultés de gestion, appartenance à une unité dissoute ou transférée. Ils seront portés à la connaissance de l’ensemble des personnels et une information spécifique sera mise en place.
Je voudrais cependant vous rassurer en rappelant que le régime de l’agrément est déjà pratiqué dans beaucoup d’autres domaines statutaires et que le ministère s’attache, sans contestation notable, à les mettre en œuvre dans le respect des principes qui s’imposent à toute administration. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur ce problème au cours de la discussion des amendements.
Reconversion (droit à un congé)
S’agissant de la reconversion, créer un congé de conversion à caractère statutaire, c’est, ni plus ni moins, Monsieur Grandpierre, réaffirmer un droit à la reconversion, et faire de la reconversion professionnelle une exigence qui devient un élément à part entière de l’état militaire, en lui conférant le cadre juridique qui lui manquait. Mais, et ce n’est pas M. Cova qui me contredira, le cadre juridique ne suffit pas. Il convient d’entreprendre toutes les actions susceptibles de faciliter l’accès à l’emploi des militaires. C’est là l’objectif de l’intervention et des amendements de Charles Cova. Là encore, je voudrais assurer votre assemblée de ma volonté de mobiliser tous les organismes compétents, qu’ils appartiennent ou non au ministère de la Défense. Certains d’entre vous ont suggéré une commission mixte avec le ministère du travail.
Mais au-delà même de cette commission mixte, il est possible de mobiliser certains organismes prêts à s’engager pour faciliter cette reconversion, comme l’Association pour la formation professionnelle des adultes, ou l’Office national des anciens combattants. Ce dernier, par exemple, a envisagé d’ouvrir des stages de formation destinés plus particulièrement aux engagés.
Par ailleurs, j’ai bien pris en compte les observations de certains d’entre vous sur la nécessité de consacrer un effort significatif au profit des militaires à vocation combattante, qui ne disposent pas de compétences techniques transposables dans le secteur civil. C’est dans cet esprit qu’est conçu le congé complémentaire de conversion, dont je vous confirme qu’il sera accordé en priorité à cette catégorie de personnel.
Pour terminer sur cette question de la reconversion, je voudrais répondre précisément à la question posée par le rapporteur sur l’accès à l’indemnisation chômage des militaires se trouvant à la recherche un emploi après avoir bénéficié ou des congés de reconversion. Il faut distinguer deux situations : celle des engagés, qui ont accès de plein droit à cette indemnisation ; celle des officiers et des sous-officiers, qui ne peuvent percevoir une telle indemnité que s’ils ont exercé préalablement une activité privée.
Engagés volontaires (recrutement et nombre)
J’arrive au troisième point, le recrutement des engagés volontaires. Daniel Colin a raison d’indiquer que le recrutement est la clé de voûte de l’édifice que nous allons construire. Il fallut, en effet, définir une véritable politique du recrutement, qui sache allier l’exigence nécessaire à la sélection d’un personnel de qualité et la souplesse qui permette de répondre, là où ils se trouvent – dans les établissements scolaires et universitaires, dans les associations – à la demande des jeunes. Tout au long des prochains mois, l’existence de volontaires service long au sein des unités continuera de garantir un niveau de recrutement suffisant. Il faut profiter de ce laps de temps pour préparer l’avenir et mettre en œuvre les actions d’information que vous avez justement appelées de vos vœux.
Je voudrais répondre aux interrogations de M. Quilès qui m’a semblé avoir oublié le débat que nous avons eu sur la loi de programmation. Je reviens donc sur un certain nombre de points qui ont déjà été analysés à cette tribune. Je répète que l’augmentation annuelle du nombre d’engagés sera de 7 500 environ. La première tranche est prévue dans le projet de budget pour 1997. La durée moyenne de l’engagement sera de quatre.
Logement
Pour ce qui est du logement des engagés, oui, les infrastructures doivent être mises aux normes mais le choix des casernements conservés ou abandonnés sera fait dans le cadre des mesures d’adaptation des armées. Pour ce qui est de la rémunération des engagés, je croyais avoir indiqué dans mon propos introductif que la rémunération, actuellement de 1900 francs sera portée, à partir du 1er juin 1997, à 5 800 francs. J’affirme que la politique engagée est cohérente et non pas pointilliste comme vous avez pu le prétendre.
Projet de loi sur la professionnalisation
Certains observateurs se sont interrogés et si cette professionnalisation ne marchait pas ? À ceux qui douteraient du succès de notre entreprise et de l’efficacité des moyens que le gouvernement entend mettre en œuvre, j’oppose ma confiance et celle de la nation. Comme M. Mariani, je pense que le projet de loi est de nature à rassurer les militaires. Je confirme qu’il ne s’agit pas d’une loi de dégagement des cadres même si certains ont l’air de regretter que le gouvernement ait pris l’initiative de mettre en place un système ayant recours au volontariat.
Concertation – Information
II ne s’agit pas d’une loi coercitive. Comme je le rappelais tout à l’heure, un effort de concertation et d’information Mut particulier a été conduit depuis de nombreux mois au sein du ministère pour présenter au personnel la nature des mesures d’accompagnement que le gouvernement comptait mettre en œuvre et pour percevoir, par la même occasion, quelles étaient ses attentes.
La qualité de cette concertation justifie que je sois aujourd’hui confiant dans l’efficacité du dispositif engagé. Le projet de loi a été examiné de manière détaillée par le conseil supérieur de la fonction militaire en mai dernier, Le dossier d’information publié lors du dépôt du projet de lui a été diffusé dans toutes les unités. Enfin, J’ai souhaité que les organes de communication écrite de chaque armée poursuivent leur action d’explication tout au long du mois d’octobre,
Lien armée-nation
Mesdames et Messieurs les députés, le lien qui unit la nation à son armée est essentiel, vous le savez mieux que quiconque, vous l’avez rappelé sans exception dans vos propos. Sans ce lien, l’armée constituerait, comme elle l’a été trop longtemps dans un certain nombre de pays, un monde à part. C’est ainsi qu’on a pu parler au XIXe siècle d’une société militaire. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, où se vérifie plus que jamais l’analyse du général de Gaulle « le corps militaire est bien l’expression la plus complète de l’esprit d’une société ».
Monsieur Grandpierre, je ne crains absolument pas la fermeture de Pennée sur elle-même et, au contraire, grave à toutes les modalités qui sont dans ce projet de loi, je suis bien convaincu que l’armée continuera à vivre au rythme de la nation tout entière.
Projet de loi portent réforme du service national (prochaine discussion parlementaire)
Certains, c’est vrai, ont pu redouter que la professionnalisation, en entraînant la disparition du service national dans sa forme actuelle, n’affaiblisse la force du lien. Je suis persuadé, au contraire, et on aura l’occasion d’aborder une nouvelle fois une question dans les mois qui viennent, lors de la discussion du projet de loi sur le service national, que la réforme renouvelle ce lien en profondeur.
Esprit de défense (carrières souries, réserve, lien armée-nation - échange entre monde militaire et société civile)
L’exigence d’une armée jeune, l’accroissement du nombre de nos concitoyens pour qui se succéderont, au cours d’une même vie professionnelle, carrière militaire et carrière civile, l’importance sans précédent accordée à la réserve sont autant de signes d’échanges riches, permanents entre le monde militaire et la société civile.
Ces échanges concerneront les hommes, mais aussi et surtout les valeurs qui sont la base même de l’engagement de la communauté : le service du pays, le sens du devoir, l’esprit de défense.
Renforcer et diffuser largement ces valeurs, exprimer la reconnaissance et la solidarité de la nation à une communauté militaire engagée dans un effort sans précédent, c’est tout le sens du projet de loi que je vous ai soumis. C’est pourquoi j’ai l’honneur de solliciter votre approbation.
Date : 19 novembre 1996
Source : « Propos sur la Défense »
Sénat
Discours du ministre de la Défense lors de l’examen du projet de loi relatif aux normes en faveur du personnel militaires dans le cadre de la professionnalisation des armées
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 23 octobre dernier, lors du débat d'orientation budgétaire, j'ai fait le point de l'état d'avancement de la réforme de notre défense annoncée et engagée par le président de la République, depuis le vote de la loi de programmation militaire.
Aujourd'hui, j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées. Ce texte tend, tout comme le projet de loi de finances pour 1997, à accorder au Gouvernement les moyens nécessaires pour réussir cette réforme.
L'objectif est double : il s'agit, d'abord, d'assurer le passage le plus harmonieux possible de l'armée de conscription à l'armée professionnelle. Il faudra donc programmer la diminution des effectifs, organiser le doublement du nombre des engagés et inciter à la diminution du nombre d'officiers et de sous-officiers. Il s'agit, ensuite, de garantir le caractère attractif du métier militaire.
La nouvelle politique qui est conduite se traduit, en premier lieu, par la révolution du nombre, puisque la professionnalisation va de pair avec la réduction du format des forces. Comme vous le savez, le nouveau modèle d'armée se caractérise par une diminution de l'effectif global et par le resserrement général des formats, à l'exception de celui de la gendarmerie. D'ici à 2002, les effectifs du ministère de la défense seront réduits de près du quart. Ce n'est ni le jour ni l'heure de rappeler les raisons stratégiques de cette réforme, que vous avez approuvée en adoptant la loi de programmation ; je n'y reviendrai donc pas.
Personnel militaire : engagés (augmentation) - officiers et sous-officiers (diminution)
Cette réduction du format s'accompagne de deux mouvements contraires : l'augmentation du nombre des engagés, d'une part, la diminution du nombre total des officiers et des sous-officiers, d'autre part.
Le premier mouvement, à savoir le doublement du nombre des engagés sur six ans, répond à la décrue des effectifs d'appelés. Pour atteindre un nombre total de 92 000 engagés en 2002, 48 000 postes nouveaux devront être créés en six ans, avec un rythme d'accroissement annuel d'environ 7 500. Ce mouvement commencera dès l'année prochaine avec 7 700 postes ouverts par le projet de loi de finances pour 1997.
Le second mouvement concerne la diminution du nombre total des officiers et des sous-officiers : ainsi, l'armée de terre connaîtra une diminution de 1400 officiers et de 6 300 sous-officiers, l'armée de l'air une réduction de 300 officiers et de 4 400 sous-officiers et la marine une diminution de 2 400 sous-officiers.
Soucieux de ne pas ajouter aux difficultés auxquelles les années pourraient être confrontées, le président de la République a pris l'engagement de recourir non pas à des mesures de départ autoritaires, mais, au contraire, à une méthode fondée sur l'incitation : les dispositions facilitant les départs seront mises en œuvre sur la seule base du volontariat.
Format des armées
Toutefois, la nouvelle armée ne se résume pas à un simple ajustement des effectifs, fût-il de cette importance. C'est véritablement un modèle militaire nouveau qui se construit autour de l'ambition de cohérence, de disponibilité et d'interopérabilité. La révolution du nombre s'accompagne donc d'un profond changement qualitatif qui s'exprime, en particulier, par le renforcement du taux d'encadrement des forces et par le rajeunissement des cadres
Encadrement (renforcement du taux)
Première évolution : le renforcement du taux d'encadrement des unités des forces en fonction de l'évolution propre à chacune des armées ; ce point a été parfaitement décrit par M. le rapporteur. Comme vous le savez, le besoin de renforcer le taux d'encadrement a été vérifié à l'occasion des opérations extérieures dans lesquelles la France s'est engagée ces dernières années.
Du fait de la réduction du format des armées et de la disparition des appelés, le rapport du nombre d'officiers et. de sous-officiers avec l'effectif global s'accroît de façon arithmétique, ce malgré la baisse du nombre total d'officiers et de sous-officiers.
Cependant - et je remercie M. le rapporteur de l'avoir souligné - un effort particulier sera accompli en matière d'encadrement pour la marine et la Gendarmerie ; c'est ce qui justifie une augmentation de plus de 100 officiers dans la marine et de près de 1400 officiers dans la gendarmerie.
Cadres (rajeunissement)
Seconde évolution : le rajeunissement des cadres. Il s'agit là d'une évolution indispensable dans une armée qui sera consacrée, plus encore que par le passé, à des activités opérationnelles. Ces dernières années, les années ont, en effet, connu un relatif vieillissement qui est dû d'une part, au ralentissement du nombre des départs et, d'autre part, aux dispositions statutaires ou financières qui ont plutôt encouragé les militaires à différer leur décision de quitter l'uniforme, voire tout simplement, à y renoncer.
De ce fait, les recrutements et les renouvellements de contrats ont été sensiblement réduits, en particulier dans les années de terre et de l'air. Pour restaurer l'équilibre de la pyramide des âges et maintenir une armée jeune nous devons parvenir à un volume annuel suffisant de départs.
Naturellement, pour réussir le grand pari humain que représente l'armée professionnelle, il est indispensable d'accentuer et de développer le caractère attractif du métier militaire.
Engagés (rémunération au niveau du Smic)
Cela implique, d'abord, l'amélioration des conditions matérielles. C'est dans cette perspective que le projet de loi de finances pour 1997 prévoit de porter la rémunération initiale des engagés au niveau du SMIC à partir du 1er juin I 997. Cette mesure sera tout à fait décisive. J'espère, bien évidemment, qu'elle sera votée par votre Haute Assemblée.
Militaire (caractère attractif de la profession)
Renforcer le caractère attractif de la profession de militaire, c'est, ensuite, restaurer, pour les officiers, les sous-officiers ou les engagés, une vision plus claire des perspectives d'avancement et de carrière.
Il est en effet nécessaire que, lors de son engagement et en cours de carrière, chaque militaire puisse être informé des perspectives qui sont les siennes : la motivation individuelle, l'anticipation de la reconversion et, par voie de conséquence, la réussite dépendent de cette vision claire de l'avenir.
Là encore, l'augmentation du nombre des départs permettra le rééquilibrage de la pyramide des âges et de la pyramide des grades, ainsi que le rétablissement d'une meilleure gestion des parcours individuels au sein de chaque corps, de chaque spécialité.
Droit à la reconversion
Enfin, si l'on veut participer à l'amélioration de l'attractivité du métier militaire, il convient d'instaurer un véritable droit à la reconversion. Sur ce sujet, M. About, rapporteur, a parfaitement recensé la palette des dispositions en vigueur et a analysé la portée du projet de loi; je n'y reviendrai donc pas. Chacun devra pouvoir bénéficier, à la fin d'un séjour passé sous l'uniforme, de conditions favorables pour commencer une deuxième carrière civile. Cela suppose un effort important de formation et de reconversion. C'est une mesure tout à fait centrale, qui encouragera sans aucun doute les jeunes à s'engager. Quoi de plus naturel, si l'armée leur offre une certitude sur les conditions de leur future insertion professionnelle et si elle devient la meilleure des formations et des recommandations pour une nouvelle carrière civile ?
Lien armée-nation (carrières courtes)
Tout cela correspondra à la multiplication des carrières militaires courtes, dont le principal avantage est un échange beaucoup plus intense qu'aujourd'hui entre la vie militaire et la vie civile. C'est là un atout pour le renforcement du lien entre l'armée et la nation, et la diffusion de l'esprit et de la culture de défense dans la société.
Pour mettre en œuvre cette révolution du nombre que je viens d'analyser, pour construire ce nouveau modèle militaire que je viens d'esquisser, il importe de décider de mesures transitoires et de mesures définitives. Les mesures d'adaptation à caractère transitoire s'appliqueront durant toute la durée de la loi de programmation. Elles doivent faciliter le déroulement de la phase de transition qui s'ouvre devant nous et permettre ainsi la réussite de la professionnalisation des armées.
Pécule - statut général des militaires (reconductions législatives)
Il s'agit tout d'abord du pécule, dont le montant sera d'autant plus attractif qu'il sera sollicité longtemps avant la limite d'âge du grade détenu et en début de période de transition.
Il s'agit également de la programmation jusqu'en 2002 des dispositifs législatifs favorisant le départ des militaires : d'une part, la loi dite « 70-2 » permettant l'accès aux corps de la fonction publique et, d'autre part, les articles 5 et 6 de la loi n° 75-1000 autorisant le départ avec le bénéfice de la pension du grade supérieur.
Reconversion - protection pénale
La seconde catégorie de dispositions est liée à l'armée professionnelle. Dotées d'un caractère permanent, ces mesures contribueront à renouveler et à améliorer l'image et les conditions d'exercice du métier militaire. Tel est la cas du congé de reconversion, qui deviendra un élément à part entière du statut militaire.
Tel est le cas également des mesures visant à enrichir le statut général des militaires l'assurance d'une meilleure égalité de traitement entre les différentes catégories de personnel. grâce à l'extension au personnel sous contrat des dispositions applicables au personnel d'active, l'amélioration de la protection pénale des militaires, qui pourront jouir de garanties équivalentes à celles dont bénéficient les autres fonctionnaires de l'Etat, et, enfin, l'ouverture des possibilités d'option en matière de solde de réforme.
Concertation (CSFM)
Ces dispositions sont le fruit du dialogue permanent qui a été entretenu depuis plusieurs mois avec la communauté militaire, plus particulièrement grâce à la concertation au sein des organismes consultatifs, tel le Conseil supérieur de la fonction militaire. Elles répondent largement aux attentes qui s'étaient exprimées et que j'avais pu moi-même noter lors des visites que j'avais entreprises au printemps dernier au sein des unités.
Nouvelle politique de défense depuis 1995 (Bosnie-Herzégovine - essais nucléaires - professionnalisation des armées)
Mesdames, messieurs les sénateurs, en engageant une réforme de cette ampleur, le président de la République a demandé beaucoup à la communauté militaire. En s'adressant à elle, le 22 février dernier, il soulignait qu'« il y a du courage et de l'abnégation à renoncer à des habitudes, à des modes de pensée et des traditions et à s'attacher sans parti pris, sinon sans regret, à la mise en place d'un modèle d'armée conforme aux exigences actuelles de la défense nationale ».
Si le chef de l'Etat a pu demander autant à la communauté militaire, c'est qu'il a fait la preuve, de Verbanja à Mururoa, qu'il sait faire prévaloir, en toutes circonstances et au milieu des pressions les plus fortes, des principes intangibles : priorité à la défense et à la sécurité du pays. détermination à faire respecter l'honneur des soldats français, souci constant de mettre notre outil de défense au service d'une volonté politique claire.
Si le président de la République a pu lui demander autant, c'est que « l'année de la République est au service de la nation». « L'état militaire exige en toute circonstance discipline, loyalisme et esprit de sacrifice. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la nation». J'ai cité là les premiers mots de la loi de 1972 portant statut général des militaires.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez bien compris que vous pourrez témoigner de ce respect des citoyens et de cette considération de la nation en votant le projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre.
Date : 19 novembre 1996
Source : Sénat
Réponse du ministre de la défense lors de la discussion du projet de loi
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pour le travail qu’elle a accompli sur ce texte sous la présidence de M. de Villepin et qui a abouti, je l’ai déjà dit, au rapport de grande qualité de M. About. Je voudrais également exprimer ma reconnaissance à MM. Carle, Goulet, Habert et Bimbenet pour le soutien qu’ils ont apporté, dans leurs interventions, non seulement au gouvernement, mais surtout à la communauté militaire, qui se prépare à vivre une évolution profonde, et remercier l’ensemble des sénateurs qui ont bien voulu prendre part à ce débat, car leur participation témoigne de l’intérêt qu’ils panent à l’avenir de la communauté militaire.
Comme l’ont rappelé à l’instant MM. Daniel Goulet et Jean-Claude Carre, le gouvernement s’est attaché à associer étroitement le Sénat à toutes les étapes de la mise en place de la réforme ambitieuse voulue par le président de la République, et il n’est pas une semaine où je ne m’entretienne avec le président de la commission, M. de Villepin, pour étudier comment il est possible d’associer le Sénat à la préparation des textes qui vous ont été ou qui vous seront soumis. Cette association du Parlement se poursuivra dans les semaines à venir avec le vote du projet de loi de finances, avec le débat sur le projet de loi portant réforme du service national et, enfin, avec la discussion du projet de loi relatif aux réserves.
Méthode ministérielle
Permettez-moi de répondre à MM. Rouvière et Bécart qui ont contesté la méthode utilisée. Je ne sais pas jusqu’à quand il faudra que je redémontre, réexpose, réapplique la méthode du gouvernement, laquelle est pourtant claire et simple ! Si je retenais la méthode suggérée par M. Rouvière, c’est-à-dire de faire voter d’abord sur le service national ou plutôt sur le service militaire - lequel vous intéresse plus que le service national -, en réalité, ce choix déterminerait la politique de la défense, le format et la nature des armées. Ce serait marcher sur la tête !
Réflexions stratégiques - armée professionnelle
Il est bien évident que le choix opéré pour la politique de la défense et le format des armées est subordonné aux analyses des conditions géostratégiques et de la nature des menaces. Il est en effet demandé au ministère de la Défense de mettre en œuvre les moyens pour défendre le pays et le président de la République lui-même a fait un choix, annonçant qu’il optait pour l’armée professionnelle.
Le service militaire, tel qu’il existe, ne se justifie plus, puisque toute la ressource apportée par le service militaire à l’armée n’est plus nécessaire. En conséquence, le premier choix, opéré en fonction des conditions géostratégiques et de l’analyse de la défense, et décidé par un vote du Parlement, le vote de la loi de programmation militaire, a consisté à renoncer à l’armée de conscription pour l’armée professionnelle.
Départ des années (incitation)
En conséquence encore, le format des armées est remis en cause et la deuxième étape consiste donc à examiner les moyens d’inciter un certain nombre d’officiers et de sous-officiers à quitter les années, et cela dans les meilleures conditions.
Quant à la troisième étape, elle consistera effectivement 3 se déterminer entre le maintien du service national obligatoire - dont la vocation ne pourra qu’être civile, puisque la vocation militaire ne correspondrait pas à la situation future - sa suppression totale ou, enfin, la troisième solution que j’aurai l’honneur de vous présenter dans quelques semaines.
De grâce, Monsieur Rouvière, de grâce, monsieur Bécan, ne dites pas que le Parlement est une chambre d’enregistrement ! Il a été consulté et la commission de Villepin a débattu durant plusieurs semaines, au cours de séances très passionnantes, de l’avenir du service national, sur lequel vous aurez l’occasion de vous exprimer à nouveau lors de l’examen du projet de loi que j’aurai l’honneur de vous présenter. Voilà la première observation que je voulais faire à la suite des propos que vous avez tenus.
Défense - ressources humaines
Ma deuxième réflexion concerne votre analyse sur le fait que nous allons faire primer l’intérêt général sur l’intérêt particulier. Je dois reconnaître que j’ai été étonné d’une telle analyse. Il est évident que nous allons faire primer l’intérêt de la défense nationale sur l’intérêt individuel et que toute notre démarche consiste à mettre œuvre une défense nationale ! Toutefois, comme nous ne voulons pas que les officiers, les sous-officiers et les soldats qui ont dévoué leur vie à la cause de la France en supportent les conséquences dans leur famille, dans leur vie personnelle, nous vous présentons aujourd’hui ce projet de loi que nous vous demandons d’adopter.
J’ai entendu M. Bécan dire que s’il n’était pas d’accord sur le service militaire, il estimait que certaines mesures n’étaient pas trop mauvaises et que, dans un certain nombre de cas, elles étaient même tout à fait adaptées. Je relève que vous, Monsieur Rouvière, n’avez pas parlé de ces mesures. Qui ne dit mot consent !
C’est la raison pour laquelle je compte bien sur votre soutien tout à l’heure quand j’aurai donné les explications que vous attendez sur le pécule. Je ne reviendrai pas en détail sur ce projet de loi, qui a été décrit et commenté avec talent et précision par votre rapporteur.
Le premier point que je vaudrais évoquer, et qui a été souligné par un certain nombre de sénateurs, c’est que ce texte est la traduction solennelle de l’engagement pris par le président de la République quant aux conditions de la mise en œuvre de la professionnalisation. Chose promise, chose due ! Le président de la République avait, lors de la mise en place de cette réforme, annoncé un certain nombre de mesures ; elles vous sont aujourd’hui soumises. M. Nicolas About l’a rappelé dans son rapport, ce projet de loi a pour objectif de garantir la capacité opérationnelle de nos forces pendant la période de professionnalisation.
Ainsi en rendant le métier de militaire attractif, en rajeunissant l’encadrement, en recrutant les engagés dont les armées ont besoin, il s’agit bien de contribuer à la disponibilité et à la capacité opérationnelle des unités. À cet égard, je voudrais rassurer M. Jean-Claude Carle en rappelant que l’armée de terre a, depuis cinq ans, procédé à des réorganisations qui lui ont déjà permis de tirer les conséquences du conflit du Golfe, par exemple en affectant des engagés dans les unités équipées de matériels lourds, ce qui n’était pas le cas en 1990. Les postes d’engagés créées année après année tout au long de la période couverte par la loi de programmation viendront renforcer encore l’aptitude opérationnelle des unités. Pour apaiser les inquiétudes manifestées par Jacques Habert sur le recrutement des engagés, je voudrais préciser que le maintien du service militaire pendant toute la durée de la phase de transition va permettre aux armées de continuer à recruter, pendant de nombreux mois, un nombre significatif d’engagés parmi les volontaires service long – VSL. Au-delà, il sera évidemment nécessaire de recourir à des méthodes originales de recrutement pour lesquelles les armées ont déjà formulé des propositions, telles que la décentralisation au niveau des unités.
Reconversion
Vous avez tous insisté sur l’importance de l’enjeu de la reconversion, certains ont parlé de défi, ce qui n’est pas excessif. Comme vous l’avez constaté, le ministère de la Défense possède déjà une certaine expérience dans ce domaine. Cependant - je le dis à l’attention des sénateurs qui douteraient de noire volonté en la matière - l’affirmation plus claire d’un droit statutaire à la reconversion, d’une part, l’amélioration sensible des moyens de le mettre en œuvre, d’autre part, constituent toute l’originalité et toute la portée du projet de loi. Je sais que votre commission a souhaité, par voie d’amendements, aller encore plus loin dans ce sens. Nous y reviendrons à l’occasion de la discussion des articles.
Pécule
S’agissant du pécule sur lequel MM. Rouvière et Bécart m’ont interpellé, la procédure d’agrément existe, comme dans bien d’autres domaines. Elle est toujours fondée sur des candidatures qui sont examinées par l’administration selon des critères connus. Le pécule donnera donc lieu à une procédure garantissant la transparence et le droit de recours. Ce sont des obligations qui s’imposent à toutes les administrations. Sont décrits dans le rapport les critères qui donneront lieu à directives.
Reconversion
Je précise encore, pour ce qui est de la reconversion dont on débattra parallèlement aux dispositions sur le pécule, que les propos tenus par certains comportent une contradiction. Selon eux, du fait de ce droit statutaire à la reconversion, de cette offre de possibilité de reconversion, ce seront les meilleurs qui partiront et on se retrouvera avec une armée que les cadres les plus brillants auront quittée. Mais, parallèlement, les mêmes expliquent, à celte tribune, qu’il faut laisser la possibilité à chacun de décider s’il veut rester ou non dans l’armée et qu’aucun critère ne doit en réalité s’appliquer.
On ne peut pas avoir le tout et l’inverse de tout ! Il y aura des critères, des acceptations et des refus seront prononcés en fonction des nécessités du service et de la défense nationale. Ces critères seront objectifs ; ils seront expliqués. Je rassure donc MM. Rouvière et Bécart : notre approche n’est pas totalement obscure. Elle est transparente et permettra, j’en suis sûr, à chacun des officiers et des sous-officiers qui voudront opter pour la reconversion de le faire en toute clarté.
Lien armée-nation
Je crois maintenant indispensable de réaffirmer, comme certains orateurs l’ont fait, que les conditions de la professionnalisation des armées garantiront le maintien du lien entre l’année et la nation. Que ce soit grâce à l’affirmation du rôle et de la place des réserves ou grâce à la présence de jeunes Français volontaires pour le nouveau service national, que j’aurai l’honneur de vous présenter au cours des semaines à venir, le gouvernement est en effet attentif au maintien de ce lien auquel nos armées sont elles-mêmes profondément attachées. Ce lien sera également entretenu par les échanges permanents entre société civile et société militaire, par les échanges permanents que multipliera le développement des carrières courtes suivies d’une reconversion dans le civil.
Ce projet de loi, comme vous avez pu le constater, traduit l'attention très soutenue que porte le gouvernement aux personnels de la défense et à la façon dont ils vont vivre cette transformation sans équivalent.
Personnel civil
Je tiens maintenant à apporter à la Haute Assemblée des informations relatives aux conditions faites au personnel civil suite à la concertation qui a abouti à un accord avec les organisations Syndicales. Hier, la séance solennelle de l'instance de concertation sur les restructurations a été l'occasion de conclure avec six organisations syndicales sur sept un accord qui, après plusieurs mois de négociations, traduit le respect des engagements pris par le gouvernement à l'égard des personnels civils : garantie de non-licenciement – je m'adresse là en particulier M. Rouvière – garantie du respect du statut, du maintien de la rémunération et des perspectives de carrière ; garantie quant aux conditions de recours au dégagement des cadres ou à la cessation anticipée d'activité ; amélioration substantielle des indemnités de mobilité géographique, laquelle sera fondée sur le volontariat.
A l'évidence, c'est un même esprit de responsabilité, un même sens de l'intérêt national qui s'expriment aujourd'hui chez les personnels militaires comme chez les personnels civils de la défense. C'est ce que le ministère a voulu acter en prenant ces mesures – j'allais dire parallèlement.
En votant ce projet de loi, Mesdames, Messieurs les sénateurs, vous donnerez au gouvernement les moyens de mener à bien la professionnalisation des armées, mais vous permettrez aussi à la communauté de la défense tout entière, civile et militaire, de prendre pleinement sa part dans cette réforme essentielle pour l'avenir du pays.
Reconversion (droit inséré dans le texte de base de la loi)
Q (M. Nicolas About, rapporteur) : L'amendement qui suit tend à insérer au titre Ier du statut général des militaires, partant dispositions générales, un chapitre V nouveau intitulé « Reconversion ».
« Art. 30 ter. - Le militaire de carrière ou sous contrat, quittant définitivement les années, peut bénéficier, pendant une durée maximum de douze mois, de congés de reconversion lui permettant de suivre les actions de formation adaptées à sort projet professionnel. Les articles 53, 57 et 65-2 de la présente loi précisent les conditions d'application des congés de reconversion ».
Il importe, en effet, de traduire clairement et de façon visible, dans le texte de base concernant la vie militaire l'importance de la reconversion dans le déroulement du métier militaire, que celui-ci relève de la carrière ou du contrat. En l'insérant, dans le cadre du titre Ier du statut, au sein du chapitre, la notion de reconversion est placée, en quelque sorte, à égalité avec les autres dispositions que sont, notamment, les droits civils et politiques chapitre Ier - ou les obligations et responsabilités du militaire chapitre II.
Ce chapitre nouveau comporte deux articles r le premier tend à consacrer, dans le projet de loi, les actions d'évaluation et d'orientations professionnelles dont les militaires peuvent bénéficier pendant leur service dans les années. Ces actions sont nombreuses, diversifiées, et ne relèvent jusqu'à présent que de dispositifs réglementaires ou conventionnels. L'amendement permet d'en consacrer l'existence et la pérennité dans la loi.
Le second article vise la période de reconversion qui, à la fin du métier militaire sous la forme de deux types de congés – reconversion et complémentaire de reconversion – peut atteindre un maximum de douze mois. Il importe de mentionner explicitement cette durée globale à laquelle le milliaire peut prétendre, qui correspond d'ailleurs à la durée du congé de formation prévu par le code du travail. L’article nouveau précise par ailleurs le contenu de ces congés. La formation retenue est la plus large possible afin de n'exclure aucun outil de nature à répondre au projet professionnel du militaire qui souhaite se reconvertir.
R Le gouvernement est très favorable à cet amendement. En effet, dans le texte qu'il a présenté, le droit à la reconversion gagera l'attractivité de l'engagement les jeunes s'engageront d'autant plus dans les armées - et je réponds là à des questions qui ont été posées - qu'ils sauront que, au terme de leur engagement, ils pourront bénéficier d'une vraie reconversion. Pour reprendre une expression habituelle, le « ticket de sortie », conditionnera le « ticket d'entrée ». C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit reconnu ce droit à la reconversion. La rédaction proposée par la commission permet de souligner de manière plus forte encore l'importance de la reconversion, conçue comme un élément à part entière du statut général des militaires.
Sous-officiers (pension de retraite au grade supérieur)
Q (M. Nicolas About, rapporteur): Cet amendement est destiné à ouvrir, sous certaines conditions, le bénéfice de la pension de retraite au grade supérieur à certains sous-officiers.
Certes, l'amendement proposé ne permet pas, dans la situation budgétaire actuelle, qui est extrêmement contraignante, d'associer au bénéfice de cette retraite au grade supérieur celui du cinquième du pécule que l'article 4 du présent projet accorde aux officiers. Également pour la même raison, il n'aurait pas été réaliste de poser comme ancienneté minimale requise pour prétendre à celle mesure la durée nécessaire au bénéfice de la pension de retraite à jouissance immédiate pour les sous-officiers, à savoir quinze ans de service à la population éligible aurait dépassé dans cette hypothèse les 100 000 personnes.
C'est pourquoi le dispositif proposé s'articule de la façon suivante. Les sous-officiers ou assimilés de carrière, de grade de major, d'adjudant-chef ou de gendarme peuvent prétendre à une pension de retraite calculée sur la base de l'échelon le plus élevé de leur grade s'ils ont vingt-cinq ans de service et s'ils sont à plus de quatre ans de la limite d'âge de leur grade.
De même, les sous-officiers d'un grade au plus égal à celui d'adjudant ou assimilé, sous réserve qu'ils réunissent la double condition ci-dessus, pourront bénéficier d'une pension de retraite calculée sur la base de l'échelon du grade supérieur.
Dans tous les cas, le bénéfice de ces mesures résultera d'une demande agréée par le ministre de la défense, sur la base d'un quota fixé annuellement par grade et par corps.
Cette disposition s'inscrit donc dans une démarche d'équité pour les sous-officiers et permettra aux armées, au-delà même de la période couverte par la programmation, de bénéficier d'un bon outil de gestion.
Peut-être l'article 40 de la Constitution pourrait-il être opposé à cette proposition. Mais, au fond, je ne le crois pas puisque la fixation d'un quota permet d'encadrer tes dispositions proposées. J'espère donc qu'il sera possible d'insérer cet article additionnel dans le projet de loi pour servir les intérêts des sous-officiers.
R : Monsieur le rapporteur, je sais que l'amendement dont vous proposez l'adoption a été rédigé dans le seul souci d'améliorer le dispositif que prévoit le projet gouvernemental au profit des militaires. C'est pourquoi je souhaiterais vous indiquer que les informations communiquées par les états-majors confirment que les dispositions prévues dans le texte qui a été soumis à votre assemblée permettront d'atteindre les objectifs fixés par la loi de programmation. Cela me conduit, à considérer que, si attractive soit-elle, la mesure que vous souhaitez voir mettre en œuvre au profit des sous-officiers n'est pas indispensable.
Je voudrais aussi et surtout appeler votre attention sur le fait que l'adoption de cet amendement introduirait une mesure nouvelle, laquelle engendrerait deux types de dépenses qui n'ont été prévues ni dans la loi de programmation militaire, ni dans le projet de loi de finances pour 1997 qui vous sera bientôt soumis : il s'agit, d'une part, d'une dépense liée à l'attribution de la retraite au grade ou à l'échelon supérieur et, d'autre part, d'une dépense induite, en termes de pension, par le départ anticipé à la retraite des bénéficiaires. C'est la raison pour laquelle je vous demande, Monsieur le rapporteur, sans soulever la question de la recevabilité de l'amendement ni celle de sa compatibilité budgétaire avec la loi de programmation, de bien vouloir retirer votre amendement.
Je répondrai brièvement à certaines interrogations qui viennent d'être exprimées.
Je précise, en particulier, à M. Rouvière que nous avons proposé non pas des mesures catégorielles, mais des moyens de gestion. Dès lors, et c'est vrai, son approche ne correspond pas à la nôtre. Toutefois, il ne s'agit pas de justice ou d'injustice. En effet, la situation sera inchangée pour ceux qui resteront au sein de l'armée. En revanche, ceux qui pourront ou voudront quitter celle-ci et qui répondront aux critères requis bénéficieront des dispositions que vous venez de voter.
Enfin, je tiens à dire à M. Hamel que je lui ai déjà répandu, lors de l'examen de la loi de programmation. Ceci est devenue la loi de la République puisqu'elle a été votée par le Parlement et il convient maintenant de définir, dans le cadre de celle loi de programmation, un certain nombre de mesures. C'est la raison pour laquelle j'aurais préféré que M. Hamel vote ce texte. En effet, même s'il était hostile à la loi de programmation, il convient de mettre en place les mesures qui permettront la professionnalisation des armes, puisqu'elle a été adoptée par le Parlement français et est devenue une référence.
Je vous remercie d’avoir souligné l’enjeu humain de ce projet de loi. Vous connaissez le souci de ministère de la Défense à l’égard des personnels militaires – vous venez de le constater – et des personnels civils. Nous l’avons démontré en concluant un accord avec les organisations syndicales. Je remercie donc le Sénat qui , dans sa majorité m’a apporté son soutien. La communauté militaire, Monsieur Rouvière, sera reconnaissante, non seulement à celles et à ceux qui ont voté ce texte, mais aussi à celles et à ceux qui ont bien voulu participer à son examen et s’intéresser à l’avenir de la communauté militaire.